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LE PORTE-AVIONS X

LE PORTE-AVIONS X

Vo. Wing and a Prayer
The Story of Carrier X

 

Année : 1944
Pays : Etats-Unis
Genre : guerre
Durée : 1 h 38 min.
Noir et blanc

Réalisateur : Henry HATHAWAY
Scénario : Jerome CADY

Acteurs principaux :
Don AMECHE (Capitaine Bingo Harper), Dana ANDREWS (Capitaine de corvette Edward Moulton), William EYTHE (Enseigne Hallam 'Oscar' Scott), Charles BICKFORD, (Capitaine Waddell), Cedric HARDWICKE (l’Amiral), Kevin O'SHEA (Enseigne Charles 'Cookie' Cunningham), Richard JAECKE (Beezy Bessemer)

Musique : Hugo FRIEDHOFER
Photographie : Glen Mac WILLIAMS
Producteur : Walter MOROSCO, William BACHER
Compagnie productrice : 20th Century Fox

 Avions :

  • -Curtiss SB2C-1 Helldiver
  • -Curtiss SNC-1
  • -Grumman F3F Wildcat
  • -Grumman F6F-3 Hellcat 
  • -Grumman TBF-1 Avenger

 

Notre avis :

 Influencées par les nombreux documentaires tournés pendant les combats, comme « The battle of Midway » (1942), filmé par les cameramen de la Navy sous la direction de John Ford, les productions d’Hollywood commencèrent à s’éloigner des habituels films patriotiques, et à traiter de thèmes plus réalistes. « Le porte-avions X » de la 20th Century Fox, sorti en août 1944, donna au public américain le premier aperçu convaincant de l’engagement des porte-avions dans le Pacifique.

 Bien que filmé en grande partie en studio, le film reproduit avec un degré d’authenticité inconnu jusqu’alors, l’ambiance à bord, ainsi que les opérations aéronavales. Le scénariste Jerome Ady put consulter les rapports de combat des unités qui participèrent à la bataille de Midway (juin 1942). Le film peut être qualifié de semi officiel, car la Navy contrôla toute la production. Début 1943, elle accepta d’aider la Fox à produire un grand film, et le lieutenant de vaisseau Roberts Middleton, un vétéran du Pacifique, agit en tant que conseiller technique. La Navy fournit également des documents filmés et des bandes son de la bataille de Midway. Comme il était hors de question de tourner à bord d’un porte-avions en opération, il fut décidé de tourner dans les studios de la Fox, en utilisant comme arrière-plan, les films tournés à bord d’un vrai porte-avions. Un arrangement avec l’US Navy, permit au directeur, Henry Hathaway, de filmer ces séquences sur le nouveau USS « Yorktown » II (CV-10), lors de sa croisière d’essais opérationnels, dans le golfe de Paria, entre Trinidad et le Venezuela. Lancé en janvier 1943, ce «porte-avions X» remplaçait le premier USS «Yorktown» (CV-5), coulé lors de la bataille de Midway. Il ne put emmener avec lui que quatre personnes, dont trois cameramen. Pendant sept semaines (mai-juin 1943), il fut autorisé à tout filmer ; appontages, décollages, les pilotes, et même les crashs… Le script fut d’ailleurs réécrit plusieurs fois pour intégrer certains accidents filmés à bord. Ce fut le début d’une longue association entre la Fox et le « Yorktown », qui sera la vedette du documentaire « The fighting lady » (1944), et un quart de siècle plus tard, tiendra un dernier rôle, très controversé, celui du porte-avions japonais « Akagi » dans « Tora, Tora, Tora » (1969).

 Les décorateurs reconstituèrent en studio trente six décors différents incluant une reproduction de la salle de veille des pilotes, le quartier des équipages, la salle des opérations, la passerelle du capitaine, et même un morceau du pont, long de plus de cent mètres, construit en ciment et en bois, avec canons anti aériens, brins d’arrêts, îlot, etc..

 Le titre anglais du film vient de l’expression « He’s comin’ in, on a wing and a prayer » (il approche, sur une aile et une prière), une expression populaire qui signifie que vous êtes dans une situation désespérée et que vous n’avez plus qu’à prier, pour vous en sortir...Cette phrase est extraite des paroles d’une chanson patriotique à succès, parue à la fin de 1942, «Coming in on a Wing and a Prayer» de Harold Adamson et Jimmie McHugh, qui parle d’un avion endommagé qui a du mal à regagner sa base. Le scénario quant à lui est sans doute inspiré du livre «Queen of the flat tops» (1942) de Stanley Johnson, traitant de l’engagement du «Lexington» lors de la bataille de la mer de Corail. La Fox lui avait offert 20 000 dollars pour les droits, mais avait finalement renoncé, quand l’auteur et l’éditeur, refusèrent que l’on utilise des éléments de l’histoire. Ils firent néanmoins un procès à la Fox, en 1946, et le gagnèrent….

 L’histoire tourne autour des hommes d’une escadrille d’avions torpilleurs, la VT-5. Le commandant Ed Moulton et son unité, arrivent à bord du porte-avions "X", peu de temps après l’attaque de Pearl Harbor. Le commandant du navire, Bing Harper, un homme rigide et froid, ordonne aux hommes pressés d’en découdre, d’éviter le combat à tout prix. ! Ils ne savent pas que leur porte-avions est utilisé comme un appât destiné à attirer la flotte impériale dans un piège, au large de Midway. Frustrés par ces ordres, les pilotes sont obligés de se dérober même si l’ennemi ouvre le feu, et même quand un des leurs est descendu ! Finalement, au début de juin 1942, la flotte impériale est en position. Les unités reçoivent l’ordre d’attaquer, alors que les pilotes de la VT-5 décollent pour ce qui deviendra la bataille historique de Midway.

 Ce film sur le «porte-avions X » (une note dans le générique précise que le porte-avions, comme les autres bateaux du film, ne peuvent être nommés, pour des raisons de secret militaire) raconte l’histoire de l’US Navy, après Pearl Harbor. Mais les faits tels qu’ils sont présentés sont sujet à caution. La supériorité de la marine japonaise en juin 1942, ne faisait aucun doute. La chance a joué un grand rôle dans la victoire américaine, de même que les plans tactiques japonais mal préparés, et mal exécutés. Présenter la bataille et la victoire consécutive, comme une action bien planifiée et bien coordonnée, est tout à fait excessif. En outre, le rôle des avions torpilleurs (des Devastator, en majorité) est exagéré, alors qu’ils ne remportèrent aucun succès, étant pour la plupart abattus par la chasse et la DCA, ou lançant des torpilles qui fonctionnaient mal ! Ce furent les bombardiers en piqué (Dauntless) qui sauvèrent la mise. Le fait que les Américains aient réussi à percer le code de la Marine impériale joua aussi beaucoup dans l’affaire.

 Le film donne l’impression qu’entre Pearl Harbor et Midway, il ne se passa pratiquement rien, au point que les Américains se demandaient où était passée leur Marine, question posée dès le début du film. Elle ne resta pas inactive et fit de son mieux, avec les bateaux dont elle disposait. Le film mentionne très rapidement des attaques dans les îles Gilbert et Marshall, tenues par les Japonais, mais pas de la bataille de la mer de Corail, la première bataille de porte-avions où le "Lexington" (CV-5) fut endommagé. Bien que l’engagement se terminât sans victoire bien définie, il prépara les Américains à la bataille de Midway, un mois plus tard.

 Pour reproduire la grande bataille de Midway, à laquelle un film sera consacré en 1976 («La bataille de Midway» d’Universal), le réalisateur utilisa un procédé original. On ne voit pas la bataille, on l’entend; le système de haut parleurs du bateau a été branché sur la longueur d’onde des avions, pour que l’équipage puisse suivre en direct les combats des aviateurs. Les voix excitées des pilotes, leur cris, le crépitement des mitrailleuses, créent une « image » auditive qui permet à l’auditeur d’imaginer les détails. Ce procédé extrêmement heureux, sera utilisé dans nombre de productions d’après guerre, comme «Best years of our lives»(1946), «Command decision»(1948). Ce procédé rappelle aussi que les combats avaient lieu au delà de l'horizon, les flottes ennemies n'entrant jamais en contact visuel.

 Dès sa sortie, le film fut acclamé par la critique, unanime à saluer son réalisme saisissant qui exploitait avec art des documents filmés sur le vif. L’aérocinéphile remarquera que ce film utilise très peu de maquettes d’avions, et fournit de belles vues rapprochées d’Avenger et de Helldiver, dans leur premières versions.

 

Les avions du film :

 Quand le conseiller technique du film, le lieutenant de vaisseau Robert Middleton, se présenta à la base de San Diego pour demander des avions, on lui déclara qu’on n’en avait aucun à lui prêter ! Quelques jours, et quelques coups de téléphones, plus tard, un ordre de Washington permit néanmoins de dégager une douzaine d’avions embarqués, des F6F, TBF et SB2C. Ces appareils furent envoyés à Clover Field (Santa Monica), puis acheminés par la route aux studios. Le tournage commença en février 1944 sur trois plateaux différents. La plupart des scènes furent tournées dans le studio 9, un des plus grands, qui contenait une réplique du pont du « Yorktown ».

 Même à l’époque du film, il n’y avait déjà plus de Douglas TBD Devastator, les vrais héros malheureux de Midway, au nom bien mal choisi... La Navy s’en était séparé sans regret. Le Grumman TBF-1 Avenger (Vengeur) qui le remplace dans le film, ne fut mis en service que le 4 juin 1942, juste à temps pour participer à la bataille de Midway, mais les six exemplaires de la VT-8 engagés étaient basés à terre. Ils reçurent un baptême du feu sanglant. Un seul revint, en très piteux état, avec trois blessés à bord ! Les TBF du film appartiennent à la VT-5 présente à bord du USS « Yorktown » au moment du tournage (mais pas lors de la bataille de Midway). On remarquera les détails de la tourelle de mitrailleuse avec la procédure d’évacuation du mitrailleur, par le hublot latéral largable. Le mitrailleur ne devait pas être très grand et plutôt mince, pour se glisser entre la plaque de blindage et le pivot de la tourelle, puis sortir la tête la première. Lors de l’attaque des porte-avions japonais, on remarque que les pilotes lancent leurs torpilles (la calamiteuse Bliss-Leavitt Mk.13, dont aucune ne toucha sa cible à Midway ! ) au moyen de la commande de secours située sur le tableau de bord. Cela fait sans doute allusion au problème des Dauntless de la VB-3 (USS « Yorktown ») en pleine bataille de Midway. Suite à une erreur de branchement, lorsque les pilotes, arrivés à leur altitude de croisière, voulurent armer leur bombes, celles-ci tombèrent dans la mer ! Ceux qui en avaient encore, durent les larguer avec la commande manuelle. Comme le montre le film, l’Avenger n’était pas uniquement un torpilleur, mais pouvait également bombarder en léger piqué.

 Un des principaux intérêt du film est de montrer les premiers Curtiss SB2C-1 Helldiver livrés en décembre 1942, mais pas encore opérationnels (ils ne le seront qu’un an plus tard). Ceux du film, appartenant à la VB-4, ne purent se qualifier. Leurs performances furent si désastreuses que le capitaine du « Yorktown » (CV-10), J. J. « Jocko » Clark, menaça de les faire passer par dessus bord, et recommanda que le programme SB2C soit annulé ! La seule scène de (vrai) crash, en dehors d’atterrissages assez acrobatiques d’ Hellcat et d’Avenger, concerne justement un Helldiver (n° 31) qui décroche juste après avoir quitté le pont, et tombe dans la mer, devant la proue du navire. Les Helldiver furent débarqués et remplacés par des Douglas SBD, à la fin des essais. On peut voir, lors d’un décollage de nuit, plusieurs Dauntless mêlés à des TBF. Les vues de ces Dauntless datent de juin 1943, ou sont postérieures, comme le prouvent leurs étoiles avec des pattes latérales.

 A la fin du film, l'enseigne Holloway quitte le porte-avions sur son Avenger lancé par une catapulte, située au niveau des hangars. Les porte-avions de la classe "Essex" comportaient effectivement deux catapultes hydrauliques sous le pont, orientées perpendiculairement à l'axe du navire. Elles seront ultèrieurement retirées et installées  sur le pont.

 Les « Zéros » japonais sont joués par trois Grumman F3F Wildcat, peints de couleur sombres avec trois bandes horizontales claires sur la dérive. Il s’agit là de l’habituel marquage hollywoodien. Ces trois bandes horizontales désignaient un commandant de groupe embarqué (Hikotaïcho), et il ne saurait y en avoir plusieurs...Il y a également un Curtiss SNC-1 décoré de la même façon, pour le même rôle. Cet avion, comme les trois Wildcat, était apparu l’année précédente dans « We’ve never been licked ». Sur un document filmé à bord du « Yorktown » (CV-10) au large de Kwajalein, le 4 décembre 1943, on voit un torpilleur Nakajima B6N1 Tenzan, abattu par la DCA. Après avoir perdu la moitié de son aile gauche, l’avion en feu s’abat juste derrière le porte-avions. Ce document se retrouvera plus tard dans plusieurs autres films.

 Les Wildcat de la vraie bataille de Midway sont devenus ici des Grumman F6F-3 Hellcat de la VF-5, sans marques distinctives. Le système d’identification des avions embarqués à base de signes géométriques sur la dérive, ne fut mis en service qu’à partir d’août 1943. Ce n’est que sur un document postérieur, que l’on voit la dérive d’un Hellcat marquée d’une barre blanche inclinée vers l’arrière, marque du USS « Yorktown ». Cette barre n’est pas à confondre avec les deux traits blancs (inclinés dans l’autre sens) qui figurent sur la dérive de certains Helldiver. Ces traits aidaient le LSO (Landing Signal Officer) à estimer l’angle d’approche de l’avion, lors de l’appontage.

 Ce film est aussi un excellent reportage sur la vie à bord de cette petite ville que constituait un grand porte-avions de la classe Essex, avec 2600 hommes à bord. Sur le pont, on assiste en direct, au travail du LSO et de son adjoint, à celui des équipes de pont, placeurs, armuriers, hommes du service incendie... En studio, furent reconstituer avec minutie, la passerelle, la salle de veille, l’infirmerie, la boutique du bord, les hangars, et même la boulangerie.

A plusieurs reprises dans le film, on voit l’USS « Yorktown » marcher en « arrière toute » ! Il pouvait ainsi récupérer des avions, au cas où l’arrière du pont aurait été endommagé. Il était équipé de brins d’arrêt à l’avant qui furent rarement utilisés, et supprimés par la suite.

 

 Christian Santoir

 N.B. Pour tout savoir sur la vraie bataille de Midway, on consultera avec profit :

  • -LEDET Michel (2002) "Midway, la revanche". Lela Press, coll. Batailles aériennes n° 22, 84 p.
  • -MILLOT Bernard (1979) "La bataille aéronavale de Midway". Ed. Larivière, Coll. DOCAVIA vol.11, 357 p.

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