VALERY CHKALOV
Vo. Валерий Чкалов
Année : 1941
Pays : URSS
Durée : 1 h 37 min.
Genre : drame
Noir et blanc
Réalisateur : Mikhail KALATOZOV
Scénario : Georgi BAJDUKOV, Boris CHIRSKOV
Acteurs principaux :
Vladimir
BELOKUROV (Valeri Chkalov), Mikheil GELOVANI (Josef
Stalin), Semyon MEZHINSKY (Sergei Ordzhonikidze), Kseniya TARASOVA (Olga
Chkalov), Vasili VANIN (Pasha Palic), Pyotr BEREZOV (Goergi Baldukov), Boris
ZHUKOVSKY (Commandant Alyoshin)
Photographie : Aleksandr GINTSBURG
Musique : Venedikt PUSHKOV
Producteur : Semyon DEREVYANSKY
Compagnie productrice : Art Kino films
Avions :
- Ilyushin Il-4
- Polikarpov I-16 type 10
- Tupolev BOK-7, maquette
- Tupolev SB-2,
- Tupolev SB-3
Notre avis :
Ce film est la biographie très romancée du grand aviateur russe Valery Pavlovitch Chkalov, dont la renommée dépassa largement les frontières de l'URSS. Son nom fut donné à des villes, des rues, des stations de métro, des écoles et même à une usine d'aviation. Il fut pilote à l'institut d'essais en vol des Forces Aériennes soviétiques, puis chef pilote de l'OKB Polikarpov. C'était aussi un pilote de voltige célèbre. C'est Staline qui le choisit pour effectuer un vol à longue distance entre Moscou et l'île de Oudd, puis en 1937, entre Moscou et Vancouver (dans l'état de Washington, sur la côte ouest des États-Unis), en passant pour la première fois par le pôle. Chkalov et ses deux coéquipiers, Baïdoukov et Belyakov, reçurent le titre de "chevaliers bolcheviques de la Culture et du Progrès" et furent décorés le 24 juillet 1936 de la médaille des Héros du travail socialiste de l'URSS. La plupart des vols de record étaient souvent initiés par Staline lui même et servirent, peut être, à distraire l'attention du peuple des effets des "purges" qui avaient pris une vaste ampleur à la fin des années 30. Le film s'arrête juste avant sa mort, survenue le 15 décembre 1938, lors de l'essai d'un prototype. Ses cendres furent enfermées dans le mur du Kremlin, sur la Place Rouge à Moscou.
L'idée du film fut lancée par un des compagnons de raid de Chkalov, Georgi Baïdukov, et elle fut officiellement approuvée par Staline. "Valery Chkalov" fut la dernière œuvre d'un cycle de films commencé en 1934, glorifiant les exploits des aviateurs soviétiques dans la zone arctique. Le réalisateur Mikhail Kalatozov (qui réalisera, en 1969, "La tente rouge") avait été exclus, un temps, de l'industrie cinématographique, pour son attitude négative envers le bolchevisme. Avec ce film patriotique, il se refit une "virginité" et retrouva la droite ligne du Parti... Baïdukov écrivit une biographie de Chkalov parue à Moscou, en 1975, sous le titre de : "O Chkalove".
La copie du film fut modifiée en 1962, suite à la "déstalinisation". Toutes les scènes montrant Staline (joué par Mikhaeil Gelovani) furent supprimées et les photos des "chefs", apparaissant ici ou là, furent retouchées ou gommées. Le film disponible ne fait plus que quatre vingt neuf minutes, contre quatre vingt dix sept au départ. Une version intégrale a cependant été éditée en 2007.
Le film commence par nous montrer un jeune Valery Chkalov, pilote dans l'Armée. C'est une forte tête, plutôt réfractaire à la discipline, mais c'est un pilote hors pair. Un jour, il passe sous un pont de Leningrad pour épater sa petite amie, Olga; suite à cet "exploit", il est envoyé en prison. Bien que son chef passe l'éponge, il est renvoyé et retourne sur les bord de la Volga où il est né. Cette épisode où il ne vole pas, lui permet d'épouser Olga. Quelques années plus tard, il devient pilote d'essai chargé de tester un prototype de chasseur. Mais il le casse aux premier essai, au grand désespoir du constructeur, et du responsable de l'Industrie lourde, Sergei Ordzhonikidze, car c'était un exemplaire unique ! Lors d'un grand meeting aérien, il affronte, dans un combat simulé, un biplan alors qu'il est aux commandes du second prototype du chasseur. Malgré la maniabilité du biplan, il emporte la compétition, mais au moment d'atterrir il se rend compte qu'une jambe du train ne veut pas sortir. En effectuant toutes une séries de manœuvres spectaculaires, il parvient à débloquer le train et ainsi à sauver l'avion. En 1936, il est pressenti pour un vol de record à longue distance passant par le pôle nord. Ce vol est effectué avec succès et il acquiert la renommée. L'année suivante, il récidive et atterrit sur la côte ouest des États-Unis. Il a droit, à son retour à Moscou, à un véritable triomphe aux cotés d'Olga. Couvert de gloire et de décorations, il continue néanmoins à essayer de nouveaux avions. Le film se termine sur Chkalov décollant dans un bombardier...
Le film s'étend sur plusieurs années de la vie de Chkalov, du début des années 20 à 1938. On ne sait pas si à la fin du film il s'envole vers la mort ou si c'est un autre vol de routine... Chkalov ne se tua pas en essayant un bombardier, mais un chasseur Polikarpov I-180 que, normalement, il n'aurait pas dû piloter... Il servit dans l'Armée de 1919 à 1928; renvoyé pour un accident qu'il provoqua, il fut réincorporé en 1930 et servit à l'Institut de Recherche et d'Essais des Forces Aériennes soviétiques, qu'il quitta en 1933. Chkalov fut alors pilote d'essai à l'usine d'aviation n° 39 (Moscou), puis chef pilote de l'OKB (bureau d'études) Polikarpov. De son passage sous l'uniforme, il acquit une mauvaise réputation, à cause de son arrogance et de sa témérité frisant parfois l'inconscience...Il fut effectivement mis aux arrêts et interdit de vol plusieurs fois, notamment pour cause d'accident, pour ivrognerie et pour avoir voler sous le pont de la Trinité à Leningrad, comme relaté dans le film. Cette dernière scène aurait été tournée six fois par le pilote Eugène Borisenko avec un petit hydravion Shavrov W-2, en 1940, pour quelques secondes d'images à l'écran.
Le film insiste, avec raison, sur les excellentes qualités de pilote de Chkalov qui inventa plusieurs figures de voltige. L'incident du train d'atterrissage est bien réel, cependant il n'eut pas lieu lors d'un meeting, comme dans le film, mais devant Staline, venu rendre visite, à la fin de 1934, au NII VVS (Institut d'essais en vol des Forces aériennes soviétiques) de Khodinka. C'est à l'issue d'une présentation du Polikarpov I-16, que Chkalov dut secouer fortement son appareil pour faire sortir le train. Il fut chaudement félicité par Staline, très impressionné par sa virtuosité. Chkalov testa environ soixante dix modèles d'avions différents, dont le I-15 et le I-16. Il coopéra étroitement à leur conception et à leur production, avec Nikolaï Nikolaïévitch Polikarpov dont il devint un ami intime.
Valery Chkalov, à part ses défauts, est décrit comme un homme sensible, cultivé (il emmène sa future épouse dans le Jardin d'Été de Leningrad, peuplé de statues de marbre), proche du peuple (il aide des pêcheurs de la Volga à tirer leurs filets), un vrai héros russe, tout en contrastes.
Le vol de 1937 vers les États-Unis, qui couronna sa carrière, devait normalement se terminer à San Francisco, mais à cause de mauvaises conditions météo et à une consommation de carburant supérieure aux prévisions, l'ANT-25 dut atterrir à Pearson Field, à Vancouver (WA). L'issue du vol étant bien connue, le cinéaste a dramatisé les problèmes du givrage qui obligèrent Chkalov à monter jusqu'à 5500 mètres et à voler en altitude plus longtemps que prévu, alors que les réserves d'oxygène n'étaient que pour neuf heures de vol (le raid dura, au total, soixante trois heures et vingt cinq minutes...).
"Valery Chkalov" fut un des rares films soviétiques projetés au États-Unis, en novembre 1941, sous le titre de "Wings of victory" et il y fut très bien accueilli.
Les avions du film :
Le film utilise un mélange de maquettes et de vrais avions filmés au sol ou en vol. Ainsi le vol de Chkalov sous le pont de Leningrad a été réalisé avec une maquette de Fokker D.XI dont étaient équipées les forces aériennes soviétiques au début des années 20. On en voit plusieurs exemplaires au sol, aux cotés de maquettes de Polikarpov R-1, une copie du De Havilland DH-9 en service dans l'armée, à la même époque. Mais ces avions factices sont remplacés devant la caméra par de plus prosaïques Polikarpov Po-2 disponibles en grand nombre en 1940.
Une photo envoyée à Olga, montre Chkalov devant un Junkers G-1 soviétique qui rappelle, avec le Fokker D.XI, que l'aviation allemande se reconstitua chez les Soviets, en violation flagrante du Traité de Versailles...
Chkalov casse un Polikarpov I-16 type 10 (n°2) peint comme un avion de démonstration, mais équipé d'un viseur PAK-1. Le premier prototype du I-16, référencé TsKb-12, étaient peint entièrement en rouge. Il fit son premier vol le 30 décembre 1933 aux mains de Chkalov. Il disposait d'une verrière coulissant vers l'avant, recouvrant entièrement le cockpit. Il affronte dans les airs un biplan Polikarpov I-15bis (n° 1) muni d'un viseur optique, plus encombrant. Cet avion était encore en service au moment de l'invasion allemande. Peu avant, on en voit deux autres, au sol , à coté d'un Polikarpov R-5.
Lors du meeting, de très nombreux bombardiers Tupolev SB-2, dont quelques uns équipés d'un tourelle dorsale (SB-2 IS), sont alignés sur le terrain. On voit aussi une rangée de quadrimoteurs Tupolev TB-3 avec leurs équipages. Le spectacle est fourni par des formations entières de Yak UT-1 (dont le CCCP-C-437) appartenant sans doute à des aéro-clubs.
Pour évoquer les deux vols de records de Chkalov et de ses coéquipiers, le film a recours à une maquette censée représenter leur avion, le Tupolev ANT-25 RD (URSS N025) baptisé "La route de Staline" ! Au moment du tournage, l'avion existait encore. Fin 1941, il fut acheminé dans le musée de sa ville natale de Vassilieva Sloboda (renommée Chkalovsk..) où il se trouve encore. Le problème est que la maquette du film ne représente pas un ANT-25 RD, mais un BOK-7 ! Le Tupolev BOK-7 (pour "Byuro Osobykh Konstruktzyi" - Bureau des constructions spéciales) était un avion stratosphérique conçu pour battre des records d'altitude. Il devait prendre la succession des ANT-25 pour effectuer notamment un tour du monde sans escale, au niveau du 53° parallèle nord, devant avoir lieu en 1939 ou 1940. Il était doté d'un habitacle pressurisé. Sur les maquettes, comme sur l'avion réel montré rapidement à la fin du film, on distingue nettement les deux coupoles vitrées des postes de pilotage. Le train d'atterrissage du BOK-7 ne comportait que deux roues, au lieu de quatre (deux par jambe) pour l'ANT-25. L'intérieur de l'avion, reconstitué en studio, est assez approximatif. On ne voit pas le deuxième poste de pilotage, situé à l'arrière, et la verrière du cockpit, genre He.111, est fantaisiste.
Le film se termine sur un bombardier bimoteur Ilyushin Il-4 qui fit son premier vol, deux ans après la mort de Chkalov, en janvier 1940.
Christian Santoir
* Film disponible sur YouTube
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