Vo. 太平洋の翼
Année : 1963
Pays : Japon
Durée : 1 h 41 min.
Genre : guerre
Couleur
Réalisateur : Shûe MATSUBAYASHI
Scénario : Shinobu HASHIMOTO, Shin'ichi SEKIZAWA
Acteurs principaux :
Toshirô MIFUNE (Capitaine de Vaisseau Senda), Yûzô KAYAMA (Capitaine Shiro Taki), Takashi SHIMURA (l'Amiral), Yôsuke
NATSUKI (Capitaine Nobuo Ataka), Makoto SATO (Teppei Yano).
Musique : Ikûma DAN
Photographie : Takao SAITO, Takashi SUZUKI, Kazuo YAMADA
Producteurs : Yasuyoshi TAJITSU, Tomoyuki TANAKA
Compagnie productrice : Toho Company
Avions :
- Kawanishi N1K2-J Shiden-Kaï , maquette éch.1/1
- Mitsubishi A6M5 Zero, maquettes
- Nakajima L2D2
Notre avis :
Le scenario de ce film s'efforce de retracer les derniers mois du célèbre kokûtaï 343 (kokûtaï et son abréviation kû = groupe de chasse), un groupe de chasse d'élite de la Marine impériale japonaise. Cette unité appelée "Tsurugi-Taï" ("unité Sabre") fut créée en décembre 1944, ou plus exactement recréée, après sa dissolution six mois plus tôt, par le capitaine de vaisseau Minoru Genda (appelé Senda, dans le film),. Cet officier avait pris une part active dans l'élaboration des plans de l'attaque de Pearl Harbor. Il s'agissait, pour lui, de constituer une unité regroupant les meilleurs pilotes de la Marine, disposant du meilleur chasseur du moment, le N1K2-J Shiden-Kaï, afin des reprendre la maîtrise du ciel, au-dessus du territoire national. Elle fut surnommée familièrement le "cirque de Genda", par allusion à la patrouille acrobatique qu'il dirigeait avant la guerre. Le kokûtaï 343 était composé de trois hikotaï (et son abréviation hiko = escadron), le 301 (code 343A), le 407 (code 343B) et le 701 (code 343C). Il comptait dans ses rangs, une forte proportion de vétérans, tels Saburo Sakai, Iyozo Fujita…Le kokûtaï 343, réorganisé, mena à bien sa première mission, le 19 mars 1945.
Le film suit d'assez près la réalité historique, tout en se livrant à certains raccourcis. A la fin de 1944, le Japon sent que la victoire lui échappe, ses forces maritimes et aériennes étant fortement amoindries, après trois ans d'une guerre féroce. Les Américains sont maintenant aux portes du pays et le commandement japonais n'a pas trouvé d'autre solution que de mettre rapidement sur pied des groupes d'attaque suicide. Le capitaine de vaisseau Senda juge que c'est une décision hâtive et il n'est pas d'accord pour envoyer ses pilotes de chasse effectuer des missions sans retour, qui ne font qu'amoindrir le potentiel aérien du Japon. Il pense qu'il est plus urgent de reprendre la supériorité aérienne au dessus de l'archipel nippon, en formant une escadrille d'élite, menant des attaques ponctuelles sur les forces américaines. Le problème est que les meilleurs pilotes sont dispersés dans le Pacifique, à Iwo Jima, Rabaul et aux Philippines, et cela prend du temps pour les réunir. Certains sont tués en tentant de rompre l'encerclement américain. Le groupe est enfin réuni sur la base de Matsuyama, mais quand les bombardiers américains arrivent, ordre est donnée de disperser les avions, ce que ne comprennent pas les pilotes pressés d'en découdre. L'escadrille, doit aussi affronter le mépris des futurs kamikazes qui traitent ses pilotes de couards. Le 18 mars 1945, les forces américaines s'installent dans l'atoll d'Ulithi, d'où ils lancent des attaques sur Kyushu et Shikokû, en ravageant les bases aériennes. Le Kû 343 fait face et obtient de brillants résultats, avec soixante trois victoires contre quinze pertes. Mais le groupe est victime de son succès, et la hiérarchie militaire a tendance à trop lui demander. Avec les mêmes effectifs, elle lui demande de couvrir la moitié du territoire national. Senda est donc forcé d'engager ses avions par petits groupes, pour affronter les chasseurs américains de l'US Navy, mais aussi de l'USAAF. Début avril 1945, l'amirauté décide de faire effectuer une mission suicide au fleuron de la flotte nipponne, le cuirassé Yamato. Senda envoie le Kû 343 en protection, mais pour trois heures seulement et ses pilotes ont pour ordre de revenir à leur base, même si le bateau est attaqué ! Quatre pilotes décident de ne pas obéir et sont abattus. Plus tard, le groupe part à l'attaque des bombardiers américains, mais se fait décimer par les chasseurs d'escorte. Le capitaine Taki, le dernier chef d'escadrille encore vivant, préfère se jeter sur un B-29. Senda se retrouve donc bien seul, mais il est résolument tourné vers l'avenir…
Le capitaine de vaisseau Genda sera le premier chef d'état major de la nouvelle Force aérienne d'Autodéfense japonaise, après la guerre.
La première moitié du film est consacrée à l'extraction des pilotes, recrutés par Senda, et encerclés par les Américains dans des îles lointaines. Comme on le voit dans le film, l'unité de Genda effectua des missions d'interception de bombardiers américains, comme le 18 avril 1945, mais ce n'était pas là sa mission initiale. En août 1945, le Kû 343 était un des trois groupes de la 5° Flotte aérienne, protégeant le sud de l'archipel nippon. Affaibli (il ne comptait plus que 20 avions, en juin), il s'était regroupé à Omura. Le CV Genda désobéit aux ordres de rester au sol, pour économiser le carburant dans l'attente de l'assaut final américain, et envoya ses avions par petits groupes. Ainsi, le 24 juillet, le Kû 343 effectua trente et une sorties et enregistra dix neuf victoires pour six tués, dont le commandant du hikotaï 701, Takashi Oshibushi. Le commandant du hikotaï 301, Naisohi Kanno, trouvera la mort le 1° août 1945. Contrairement à leurs collègues de l'Armée, les pilotes de la Marine n'acceptèrent jamais la reddition et certains continuèrent à combattre, même après le 15 août, jour de la reddition japonaise. Au total, le kokûtaï 343 perdit quatre vingt onze pilotes en tout, dont quatre vingt huit en combat aérien.
Pour la réalisation des scènes aériennes, les studios construisirent des maquettes grandeur réelle, plutôt bien réalisées, pour les vues au sol. Notons qu'en 1963, il n'y avait aucun Shiden-Kaï préservé au Japon, et que ces maquettes furent élaborées à partir des plans de l'avion. Les décorateurs japonais étaient passés maîtres dans ce genre d'exercice et leurs effets spéciaux, pour reconstituer les scènes de décollage en groupe, ou les combats aériens, étaient les meilleurs de leur l'époque. On avait déjà pu apprécier le travail de ces artistes, dans le "Les volontaires de la mort" en 1942, et on les retrouvera dans "Zero pilot", en 1976.
Par contre, les bateaux vus dans ce film sont des vrais et prouvent que la Marine japonaise collabora à la production. Des pilotes quittent les Philippines en empruntant une vedette lance-torpilles US, qui est, en fait, un bâtiment de construction japonaise, marqué " PT-10". Il manque de couler un navire ami, qui est le destroyer n° 102 "Yukikaze", mis en service en 1956. Enfin, ceux qui quittent Iwo Jima, sont embarqués à bord du sous-marin SS-501 "Kûroshio" (qui était le submersible américain, USS "Mingo", de la classe Gato, loué au Japon en 1955).
Les avions du film :
Le principal avion du film est le Kawanishi N1K2-J Shiden-Kaï (Eclair violet-modifié) modèle 21, code "George", un avion de la Marine basé à terre. Il se distinguait, entre autres, du modèle précédent (N1K1-J) par son aile basse et une dérive redessinée. C'était un avion équipé de réservoirs auto obturant et de blindage pour le pilote, contrairement à la plupart des avions japonais, ainsi que de volets automatiques, bien pratiques, lors des évolution serrées. Après la fin des hostilités, les Shiden-Kaï du kokûtaï 343, revêtus des étoiles américaines, furent convoyés par leurs pilotes, d'Omura à Yokosuka, sur l'ordre des Américains. Quatre furent envoyés aux USA, à la Technical Air Intelligence Unit, pour essais. Aujourd'hui, trois Shiden-Kaï sont préservés dans des musées américains, un au National Museum of Naval Aviation, de Pensacola (FL), un autre au musée national de l'USAF de Wright–Paterson près de Dayton (OH), et un dernier, au Champlin Fighter Museum de Falcon Field (AZ). Dans les années 70, un Shiden-Kaï fut découvert au fond du détroit de Bungo. Identifié comme un appareil du kokûtaï 343, sans qu'on puisse déterminer le nom de son pilote, il est exposé depuis, partiellement restauré, au musée de Shikokû.
Le N1K2-J était, certes, un excellent appareil, bien armé, capable de se mesurer aux meilleurs chasseurs américains du moment. Cependant, il avait une vitesse ascensionnelle un peu faible pour aller chercher les B-29 volant très haut, à une altitude où son moteur Homare 21 perdait de sa puissance. En outre, il ne suffit pas d'avoir d'excellents appareils avec des pilotes experts à leurs commandes, encore faut-il qu'ils soient en nombre suffisant (environ 400 Shiden-Kaï, seulement, produits entre 1944 et 1945) et que la défense aérienne dispose d'un réseau de surveillance radar, dense et performant, pour les guider et les faire intervenir à bon escient. La bataille d'Angleterre n'avait visiblement pas inspiré l'état-major japonais, imbu, alors, de la supériorité de son pays.
Les maquettes du film sont assez précises, à part quelques petits défauts : parties vitrées de la canopée pas assez bombées, absence de pare brise blindé, vérins du train d'atterrissage, beaucoup trop longs (une configuration sans doute nécessitée par la structure de la maquette).
Tous les avions aperçus appartiennent naturellement au kokûtaï 343 (dont les codes : "343-92", "343-72"; "343-36", ce dernier appareil portant sur le fuselage, deux bandes blanches d'un chef d'escadron…). Leur décoration est uniforme, de type "S1" (dessus vert foncé, dessous gris clair), alors qu'elle aurait dû être du type "S3" (vert foncé dessus et alu naturel dessous). Dans la réalité, les avions des chefs d'hikotaï portaient une ou deux bandes de fuselage (selon le rang), de couleurs différentes (jaune pour le hiko 301, rouge pour le hiko 701 et blanche pour le hiko 407). Mais vers la fin de la guerre, ces bandes n'étaient pas toujours portées. Chaque hiko était également désigné par une lettre inscrite au sommet du gouvernail ou intégrée dans le code (A pour le hiko 301, B pour le hiko 407 et C pour le hiko 701), lettre absente sur les avions du film.
L'équipement des pilotes (écharpe de soie blanche, gilet de sauvetage en kapok, casque à visière modèle 1942, doublé de fourrure, lunettes avec verres en forme de "yeux de chat"…) est conforme à l'équipement des pilotes de la Marine, mais les combinaisons avec col en peau de lapin, n'étaient sans doute portées que l'hiver. On notera le drapeau japonais cousu l'épaule gauche et porté depuis le 17 février 1945, quand un pilote japonais qui s'était parachuté, fut lynché par des paysans qui l'avaient pris pour un Américain…
En dehors des Kawanishi, on peut apercevoir des Mitsubishi A6M5 Zero. Le cockpit de l'un d'entre eux a été reconstitué, pour une vue rapprochée, mais avec un pare-brise et un mât d'antenne non conformes. En dehors de ces chasseurs, le seul autre avion japonais aperçu est un L2D2 (Marine type 0, Modèle 11), vu le faible nombre de fenêtres de son cockpit, autrement dit un Douglas DC-3, construit sous licence par Nakajima; il porte le numéro "2705".
Côté américain, on aperçoit des maquettes (à petite échelle) d'un Consolidated PBY-5 Catalina, de Chance-Vought F4U Corsair, de Grumman F6F Hellcat, de Douglas SBD Dauntless, de North American P-51 Mustang et des images de Boeing B-29. Ces B-29 portent une marque d'unité fantaisiste, un "C" blanc dans un carré rouge.
Christian Santoir
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