PASSAGE POUR MARSEILLE
Vo. Passage to Marseille
Année : 1944
Pays : Etats-Unis
Genre : drame
Durée :1 h 49 min.
Noir et blanc
Réalisateur : Michael Curtiz
Scénaristes : Charles Nordhoff
et James Norman Hall
Acteurs principaux :
Humphrey Bogart (Jean Matrac), Claude Rains (Capitaine Freycinet), Michèle Morgan (Paula Matrac), Philip Dorn (Renault), Sydney Greenstreet
(Commandant Duval), Peter Lorre
(Marius), George Tobias (Petit),
Helmut Dantine (Garou), John Loder (Manning), Victor Francen (Capitaine Patain Malo),
Vladimir Sokoloff (Grand père).
Photographie : James Wong Howe
Producteurs : Hal B. Wallis
Compagnie productrice : Warner Bros.
Avions :
- Boeing B-17D / E / F
Notre avis :
Ce film passe pour une sorte de remake de "Casablanca" avec lequel la Warner espérait rééditer le même succès. On prit le même réalisateur, le même producteur et presque les même comédiens (Bogart, Rains, Lorre, Greenstreet..), Ingrid Bergman étant remplacée toutefois par Michèle Morgan. Ce film ne parut en France qu'en 1977, à la télé, la Warner se méfiant de la susceptibilité de la censure en ce qui concernait la politique française, avant et durant l'Occupation…
Le film commence avec cet avertissement : "Ceci est l'histoire des l'escadrille des Forces Aériennes Françaises Libres. C'est aussi l'histoire de la France. Car une nation n'existe pas seulement sur la carte et par ses frontières, mais aussi dans le cœur des hommes. Pour des millions de Français, la France n'a pas capitulé. Et Aujourd'hui, elle vit, immortelle et provocante, dans l'esprit des Forces Aériennes Françaises Libres, car elles portent la guerre au-delà du Rhin". Le conseiller technique du film Sylvain Robert était le vice–président de l'association des Français Libres de Californie.
Quelque part en Angleterre, le correspondant de presse Manning arrive sur une base occupée par une escadrille des Forces Aériennes Françaises Libres, commandée par le capitaine Freycinet. Impressionné par un mitrailleur, Matrac, il demande à Freycinet de lui raconter l'histoire de cette homme. A la déclaration de la guerre, Freycinet en poste à Nouméa, reçoit l'ordre de rejoindre la France sur le cargo "Ville de Nancy". A bord se trouve également un commandant des troupes coloniales, Duval, un partisan de Pétain. Peu après avoir franchi le canal de Panama, le cargo rencontre une pirogue avec cinq hommes à bord, plus morts que vifs. Ils déclarent être des orpailleurs vénézuéliens d'origine française, désirant rejoindre la France pour prendre part aux combats ! Mais Duval les suspectent d'être des bagnards échappés de l'Ile du Diable. Freycinet avertit les hommes des soupçons de Duval. L'un d'eux, Renault, admet qu'ils sont des fugitifs. Ils se sont échappés de Cayenne avec l'aide de "grand père", un vieux bagnard libéré sur place. Leur chef, Matrac, a été condamné à cause de ses opinions politiques. En 1938, il était journaliste et un fervent opposant aux nazisme. Son petit journal fut saccagé, après qu'il ait dénoncé les accords de Munich entre Daladier et Hitler. Matrac et son amie Paula se réfugient à la campagne, à Romilly, où ils se marient. Mais Matrac est arrêté et accusé de meurtre sur la personne d'un journaliste tué lors de l'attaque de ses locaux. Il est condamné et envoyé au bagne de Cayenne. Quand Freycinet entend leur histoire, il décide de les aider. Après l'annonce de la signature de l'armistice par Pétain, le capitaine du navire craint que sa cargaison de nickel ne finisse dans les mains allemandes, après son arrivée à Marseille, aussi décide-t'il de mettre le cap sur l'Angleterre. Quand Duval s'en aperçoit, il prend le commandement du navire, aidé par une poignée de partisans restés fidèles à Pétain, mais Matrac et les matelots reprennent la situation en main. Un des hommes de Duval ayant réussi à avertir l'aviation allemande, le cargo est attaqué. Après avoir tué plusieurs marins dont le mousse, l'avion est abattu par Matrac. A son arrivée en Angleterre, Matrac apprend qu'il a un fils. De temps à autre, Renault, le pilote, accepte de passer au dessus de la maison de Paula à Romilly, pour qu'il puisse jeter un message à sa femme. Mais cette nuit, l'avion de Matrac est touché; il n'a pu survoler la maison de Paula. Matrac est mort avec dans sa main une lettre pour son fils que Freycinet lit sur sa tombe…
"Passage to Marseille" fut critiqué pour sa structure extrêmement complexe, à base de flash-back qui contiennent d'autres flash-back. Ce film patriotique est fortement anti-pétainiste, sans que le nom de De Gaulle ne soit une seule fois prononcé. Il juge sommairement la situation en France en 1938. Il dénonce les accords de Munich et fait de Daladier un allié des Nazis, en oubliant un certain Chamberlain qui pensait à l'époque que le chancelier Hiter était un "gentleman" respectueux des traités ! La scène du saccage du journal de Matrac est digne d'une action des SA en Allemagne et les policiers qui assistent passivement à la scène sont traités de fascistes ! La complexité de la situation politique en France juste avant la guerre, dépassait largement l'entendement des cinéastes américains…Représenter des Français Libres par une bande de repris de justice rejetés par leur pays, était aussi un peu osé, et correspondait exactement à la propagande de Vichy. Le film dénonce également le bagne de Cayenne assimilé à un véritable camp de concentration, qui avait déjà fait l'objet d'un film de la Warner en 1939, "Devil's Island". Mais depuis 1938, la justice française n'envoyait plus de condamnés dans ce bagne qui ne sera fermé, il est vrai, que huit ans plus tard…
Ce film n'eut pas le succès de "Casablanca", car au cinéma, "bis repetita" ne "placent" pas toujours. Il lui manquait peut-être un ingrédient indispensable, le célèbre leitmotiv chanté par Sam, "As time goes by"…
Les six minutes des scènes aériennes, reconstituées en studios avec des effets spéciaux de faible qualité (les avions décollent en piquant du nez..), font néanmoins appel à quelques B-17 filmés au sol, et de nuit.
Les avions du film :
Au début du film des extraits de documentaires montrent des Boeing B-17D/Fortress I alternant avec des maquettes de B-17E Fortress II, à large dérive, et tourelles de mitrailleuses. Au sol, on voit un alignement de six B-17F recouverts de marques anglaises avec un code inapproprié "SO", qui était celui porté par le squadron 145, une unité de chasseurs de la RAF. L'avion de Matrac (SO-V, V pour Victory) est un B-17F-85-BO (s/n 42-30077).
On imagine mal un B-17 quitter sa formation pour aller faire du rase-motte au-dessus de la campagne française, juste à l'est de Paris, un endroit plutôt malsain pour un bombardier en 1944…Le film sous estime fortement l'importance de la Flak allemande qu'il montre équipée de canons Bofors de 40 mm et d'appareils de repérage par le son qui n'étaient plus utilisés, même pour diriger les projecteurs ! D'autre part, on ne comprend pas bien pourquoi, le réalisateur a jugé utile d'installer les FAFL sur une base au camouflage poussé, même si elle se situe à proximité de la Manche : la tour de contrôle est en forme de meule de foin, les hangars et les ateliers sont des hangars ou des étables où circulent les vaches (!), des barrières et des haies amovibles sont installées en travers de la piste…Croyait-il qu'à Vichy ou à Berlin, on ignorait l'engagement de ces Français aux cotés des Britanniques ? On déclare dans le film que les Français apprécient particulièrement ce cadre champêtre...Il est vrai qu'en 1939, le tiers de la population française vivait, et travaillait, encore à la campagne, dans des bourgs, des villages (Romilly..), des hameaux, des fermes…La guerre allait changer tout çela, définitivement !
Les FAFL avaient deux groupes de bombardement lourd au sein de la RAF, le Groupe de Bombardement II/23 "Guyenne" (squadron 346, code H7) et le I/25 "Tunisie" (squadron 347, code L8). Ils ne volaient pas sur B-17, mais sur Handley Page Halifax III/V/VI, un avion introuvable en Californie.
Matrac abat une maquette de Focke Wulf Fw. 200 "Condor". Qaund l'avion commence son attaque sur la cargo, son avant vitré vu de l'intérieur, ressemble à celui d'un Hudson. Rappelons que le Fw. 200 n'avait pas de nez vitré, le bombardier étant installé dans une gondole ventrale.
Christian Santoir
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