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INCIDENT DANS LE CARRE 36-80

 

 
INCIDENT DANS LE CARRE 36-80

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Année : 1982
Pays : URSS
Genre : drame
Durée : 1 h 33 min.
Couleur

Réalisation : Mikhaïl TOUMANICHVILI
Scénario :
Evgueni MESSIATSEV

Acteurs principaux :
Boris SHCHERBAKOV (Volk), Mihai VOLONTIR (Skiba), Anatoliy KUZNETSOV (General Pavlov), Vladimir SEDOV (Amiral Spirin), Omar VOLMER (Amiral Rink), Paul BUTKEVICH (Terner).

Musique : Viktor BABUSHKIN
Photographie :
Boris BONDARENKO
Producteur : Dmitriy ZAYTSEV
Compagnie productrice : Mosfilm

Aéronefs :

  • Ilyushin Il-38 "May"
  • Kamov Ka 25PL Hormone A
  • Mil Mi-14 Haze  
  • Sukhoi Su-9, document.
  • Tupolev Tu-16A Badger 
  • Tupolev Tu-16K
  • Tupolev Tu-16S
  • Tupolev Tu-16Z 
  • Tupolev Tu-95
  • Yak-38 Forger A 

 

Notre avis :

La guerre froide fut plus une bataille d'idées qu'une série de confrontations diplomatiques ou militaires, et le cinéma fut un terrain favorable à ce combat culturel. Hollywood cherchait à exporter ses idéaux américains avec des films comme la série des "Rambo", l'industrie du film soviétique répliquant en valorisant les idéaux communistes, présentés de façon positive, dans des productions destinées d'abord à leur propre population. Les deux camps s'affrontèrent ainsi pendant, près de quarante ans…Dans ce film, l'attitude positive des Soviétiques comparée à celle des Américains, plutôt désinvolte, est un bon exemple des méthodes destinées à formater les perceptions culturelles, vers la fin de la guerre froide.

Le tournage reçut l'appui de la Flotte soviétique de la Baltique, de la Mer du Nord, de la Mer Noire et de onze de leurs pilotes, cités dans le générique. Le film fut tourné, apparemment, sur une ou deux bases de l’aviation navale russe (AV-MF ou « Aviatsiya Voyenno-Morskoyo Flota »), dont la base d'Ostrov, dans l'oblast de Pskov (proche de la Lettonie), dépendant de la Flotte de la Baltique. En 1982, cette base accueillait plus de soixante Tupolev Tu-16, appartenant, entre autres, au 12° Régiment aéronaval indépendant lanceur de missiles (OMRAP : Otdelnyi Morskoy Raketonosnyi Aviatsionnyi Polk), et au 342° Régiment aérien de guerre électronique, constitué en 1978 à Ostrov, à partir du 3° Escadron des 170° et 240° Régiments aéronavals lanceurs de missiles de la Garde. Mais le tournage eut lieu aussi sur la base de Kacha, située en Crimée.

L'histoire commence quand la Marine soviétique procède à des exercices, dans l'océan Atlantique. Ils sont observés discrètement par un sous-marin nucléaire américain. Il est équipé d'un système de mise à feu automatique de ses missiles, contrôlé par un ordinateur et le commandant Terner, qui a la possibilité d'arrêter le système, n'hésite pas à l'enclencher en visant les bateaux soviétiques. L'amirauté russe envoie deux avions pour surveiller les bateaux américains. Le major Gennady Volk est un officier expérimenté qui commande un avion ravitailleur depuis des années et il reçoit la mission d'aller ravitailler les deux patrouilleurs. Il embarque à son bord le général Pavlov qui doit sélectionner ceux qui vont piloter des avions plus récents. Volk ne semble pas intéressé par cette promotion et préfère continuer à faire équipe avec son vieux navigateur, Sergei Skiba. En vol, ils rencontrent un patrouilleur américain qui est en liaison avec le sous-marin US. Son commandant de bord, le major Arsmstrong, est une vieille connaissance de Volk et ils échangent des nouvelles personnelles. Pendant ce temps, dans le sous-marin américain, une fuite dans le circuit de refroidissement du réacteur se déclare. Le commandant refuse de faire surface et charge un technicien de régler le problème, par tous les moyens, mais celui-ci n'y parvient pas. Comprenant que la seule aide possible ne pourra venir que des Soviétiques, la flotte américaine étant trop éloignée pour intervenir rapidement, il déclenche l'émission des signaux de détresse. Le commandant Terner est obligé de faire surface. Le sous-marin est aussitôt repéré par les Soviétiques qui enregistrent également une forte dose de radioactivité. L'amiral commandant la Flotte nord, Spirin, décide d'envoyer aux Américains une équipe de secours, par avion. Mais ce dernier doit être ravitaillé en vol, par le major Volk, à cause d'un fort vent de face. L'amiral commandant la flotte américaine est mis au courant de la mission de secours envoyée par le Soviétiques. Ne voulant permettre à des militaires soviétiques de pénétrer sur un bâtiment américain, il ordonne à Armstrong d'empêcher le ravitaillement de l'avion de secours. Malgré l'intervention de l'avion américain qui essaie de perturber le ravitaillement, en plaçant les avions russes dans les turbulences de ses hélices, l'avion de secours soviétique peut néanmoins être ravitaillé, puis larguer l'équipe de secours. Mais le commandant américain lui interdit d'aborder. Volk, ayant déjà ravitaillé deux autres patrouilleurs, n'a plus beaucoup de carburant pour rentrer à la base. A bord du sous-marin, la situation s'aggrave; l'ordinateur contrôlant l'armement est endommagé et le tir automatique s'enclenche. Le commandant n'arrive pas à l'annuler et deux missiles sont lancés sur la flotte soviétique qui détecte leur départ. Ceux-ci sont néanmoins détruits par les tirs des Soviétiques qui s'apprêtaient à couler le bâtiment américain ! L'amiral américain convainc son homologue d'attendre un peu. Puis, il ordonne au commandant Terner de saborder son navire. Pendant ce temps, le major Volk commence à avoir un sérieux problème de carburant. Skiba se rappelle d'un petit terrain, utilisé pendant la guerre par la Luftwaffe, qui serait à leur portée. L'atterrissage ne se passe pas trop mal, l'avion étant légèrement endommagé. Un peu plus tard, lors d'une soirée chez le général Pavlov, la femme du général explique à celle de Volk pourquoi celui-ci refuse de piloter de nouveaux avions. Quand il était un jeune lieutenant, Volk avait failli périr dans un accident au décollage. C'est Skiba qui l'avait sorti du brasier, mais, blessé à la jambe il avait dû subir une longue convalescence et ne pouvait plus être affecté que sur des ravitailleurs. Depuis, Volk se sentait obligé envers lui. Mais Skiba remet au général sa demande de départ en retraite, ce qui délie Volk de son obligation morale. Le film se termine sur Volk décollant aux commandes d'un nouvel appareil de lutte anti sous-marine.

Ce film patriotique suggérant que les Soviétiques doivent être fiers de leur armée et de leur état, oppose le professionnalisme des marins soviétiques à l'irresponsabilité des Américains, une bande de cowboys, comme les aviateurs qui jouent au poker dans leurs cockpits, ou le commandant du sous-marin, un vrai fauteur de guerre, qui joue avec des missiles.

Le film est bien réalisé sur le plan technique, sauf que les nécessités du tournage ont conduit à certains tours de passe-passe, habituels dans tous les films d'aviation. La Flotte soviétique a prêté à la production quelques uns de ses avions et étale sa force avec le porte-aéronefs "Kiev", le croiseur nucléaire "Kirov", lancé en 1977, plus quelques autres destroyers type Kashin et type Kotlin. Le sous-marin américain est un bâtiment soviétique de la classe Victor I.

Ce film connut un grand succès en URSS avec plus de 33 millions de spectateurs. Sa popularité, malgré des personnages assez atones, tient sans doute, à ce qu'il fait une large place à la vie privée des militaires, sans tomber dans la pure propagande. Il est en outre servi par une bonne réalisation et des acteurs qui jouent correctement leur rôles.

 

Les avions du film :

Le premier aéronef, vu au début du film, lors du générique, est un Tupolev Tu-16 qui est l'avion principal du film. Puis, vraisemblablement sur la base d'Ostrov, plusieurs Tupolev Tu-16A Badger sont en cours de ravitaillement (dont le n° 19). Quand Skiba discute avec son jeune coéquipier, sur le fuselage, on peut voir la tourelle supérieure DT-V7 armée de deux canons AM-23, son capotage ayant été enlevé.

Le général Pavlov et Volk embarquent à bord du Tu-16A n°17. On voit ainsi l'équipage monter en deux groupes, les deux mitrailleurs dans le compartiment arrière et les quatre autres membres (pilote, copilote, navigateur, radio-mitrailleur) à l'avant. On remarquera le siège rehaussable de ce dernier lui permettant d'observer les alentours à travers le dôme transparent, situé au dessus de lui. Le numéro "17" devient le "21" au roulage, puis de nouveau le "17", juste avant de s'aligner sur la piste. Quand il atterrira en catastrophe, vers la fin du film, il sera devenu le "55" et le "86" à l'arrêt ! Quatre avions différents ont donc été filmés. On notera aussi que quand l'équipage embarque, il y a de la neige sur le tarmac, alors que quand il décolle, il y a des fleurs dans l'herbe qui borde la piste….

Le film fournit quelques bonnes vues du cockpit du Tu-16 ainsi que du poste du mitrailleur arrière, filmées au sol. En l'air, l'intérieur du Tu-16 est celui d'un avion de transport, Antonov An-12, dont on reconnait les vitres du cockpit, le poste avant du navigateur et même le poste de tir arrière. L'An-12A utilisé ( CCCP11936) appartenait au 917° Régiment Indépendant de Transport de la Flotte de la Mer Noire, basé à Katcha en Crimée, où fut réalisée la scène de l'atterrissage d'urgence. Lors de cette séquence, l'avion en approche n'est pas le Tu-16A de Volk, mais un Tu-16K-10 dont le nez était occupée par un vaste radôme contenant un radar YeN. Puis, on voit de nouveau le Tu-16A faire du "hors piste", que son robuste train d'atterrissage, muni de gros pneus, lui permettait (tous les avions soviétiques étaient capables d'atterrir ou de décoller sur des terrains peu préparés). Il percute des bidons avant de démolir une baraque faite, sans doute, en matériau léger.

L'équipage porte une combinaison de survie orange de type BMCK-4, à pression partielle, justifiée par le survol d'espaces océaniques.

L'équipe de secours embarque à bord du Tupolev Tu-16S (S pour Spasitelnyi, secours) n° "13", disposant sous son fuselage d'un bateau largable de type Fregat. Contrairement à ce que l'on voit dans le film, il n'était pas largué avec des hommes à bord; ils ne pouvaient non plus se parachuter de l'avion, le Tu-16 ne pouvant emporter des passagers en plus de l'équipage. Le bateau était radiocommandé par un émetteur Reya.

Le film montre deux séquences de ravitaillement effectuées avec un Tu-16Z (Zaprahvshchik), muni d'un tuyau dans l'aile droite. La seconde séquence, où le major Volk ravitaille l'avion de secours, est la plus détaillée; elle est tirée d'un film réalisé lors des essais de validation du système. Un parachute extracteur déroule le tuyau, puis l'avion ravitaillé fait glisser son aile gauche dessus, jusqu'à ce que son extrémité atteigne l'orifice de remplissage, muni d'un dispositif de verrouillage. Il s'agit d'un exercice délicat, d'autant que le pilote ne voir rien et qu'il doit être guidé par le mitrailleur arrière, qui seul, a une bonne vue du bout de l'aile, et fait office d'officier ravitailleur. Ce système a été abandonné depuis. On remarque que le carburant s'écoule encore pendant plusieurs secondes après que le tuyau ait été déconnecté. Quand le Tu-16 ravitaillé s'éloigne, on constate qu'il s'agit, sans doute, d'un Tu-16Y (Yolka)/Badger H, un avion de brouillage radar, et non du Tu-16S.

On remarquera qu'à aucun moment du film on ne voit ces Tu-16 équipés de missiles sous les ailes...

Le "Lockheed P-3 Orion" est en réalité un Ilyushin Il-38 "May" de lutte ASM, auquel il ressemble avec ses quatre turbopropulseurs sur les ailes et sa perche de détection magnétique (mais le Lockheed est plus court de quatre mètres). C'était un Il-38 (n° 33) du 14° Régiment indépendant de lutte ASM basé à Skulte (Riga), à l'époque. Mais le cockpit de l'avion "américain" est celui d'un Tupolev Tu-134 civil. L'Il-38 porte des marquages américains approximatifs avec "Navy" sur le fuselage et un "F" sur la dérive. Mais sur les ailes, on voit encore l'étoile rouge, mal camouflée, à cote de l'étoile américaine…

Quand le branle bas de combat est sonné sur le "Kiev", on fait décoller des Yak-38 Forger A (n° 04, 54, 61, 62, 67) équipés de quatre paniers de roquettes (UV-16-57). On aperçoit, rapidement, sa version biplace Yak-38U, parqué à coté du "04".  Plus tard, on voit un Sukhoi Su-9, lançant des missiles air-air, une image tirée d'un film d'archive. En fait, il semblerait que les missiles américains (en réalité, des missiles de croisière SS-N-3 russes, un type de missiles pouvant être lancé à partir d'un sous-marin) soient détruits par les fusées des navires, parmi lesquelles on reconnait des missiles mer-air M-11 Sjtorm (SA-N-3), mais aussi M-1 Volna (SA-N-1).

Un hélicoptère de lutte anti sous-marine, Kamov Ka 25PL Hormone A (n° 91) décolle du pont du porte-aéronefs "Kiev", au début du film. On voit un autre Hormone, avec le numéro "61", censé décoller du "Kirov" (mais en fait du Kiev…) pour aller repêcher les marins de l'équipe de secours..

Quand Volk s'apprête à atterrir sur un petit terrain désaffecté, on envoie deux hélicoptères Mil Mi-14 Haze à son secours. L'approche du terrain est également filmée à partir du cockpit de ce type d'aéronef. Le paysage chaotique, parsemé de petits lacs, correspond à la région de Teriberka, dans la presqu'île de Cola. On voit effectivement, en approche, un ancien terrain, gagné par les herbes, situé le long d'une route menant à Teriberka. La présence d'un terrain de la Luftwaffe dans cette partie fort peu peuplée de la Russie, n'est pas invraisemblable. On a découvert en 1989, un terrain inconnu, bien plus à l'est, de l'autre coté de la Mer Blanche, dans un endroit désert, près du lac Okulovo, à 200 km au NE d'Archangelsk, qui aurait été utilisé pendant la guerre par des avions allemands…

Quand Volk s'envole, à la fin du film, il pilote un Tupolev Tu-95, filmé uniquement trois quart arrière, ce qui rend difficile son identification précise. Volk porte une combinaison pressurisée de type ВКК-6М pour vol à haute altitude, qui n'était pas portée dans ce type d'avion pressurisé. Mais le cockpit (fenêtre, manche, planche de bord..) est celui d'un pacifique quadriréacteur de transport Ilyushin Il-86…

 

Christian Santoir

* Film disponible sur amazon.com

 

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