NEBESTI JEZDCI
(Les chevaliers du ciel)
Année : 1968
Pays : Tchécoslovaquie
Durée : 1 h 31 min.
Genre : guerre
Noir et blanc
Réalisateur : Jindrich POLAK
Scénario : Filip JANSKÝ, Vera KALABOVA, Zdenek MAHLER
Acteurs principaux :
Jirí BEDNAR
(Student), Jirí HRZAN (Prcek), Svatopluk MATYAS (Pavel), Elsie RANDOLPH
(l'infirmière Henderson), Joan SETON (Mme. Watkinson), Charles CAMERON
(Bradley), Jana NOVAKOVA (Patricia), Chryslock WINSTON (Tommy)
Musique : Evzen
ILLIN
Photographie : Jan NEMECEK
Compagnie productrice : Filmové Studio Barrandov
Avions :
- Hawker Hurricane Mk.IIC, document
- Lisunov Li-2PF transformé en Vickers Wellington
- Lisunov Li-2PF
- Messerschmitt
Bf-109E / G
- Vickers Wellington, document.
- Yak-11
Notre avis :
Ce film, adapté d'une nouvelle de Filip Jansky, est un des premiers à s'intéresser aux pilotes tchécoslovaques qui s'étaient enrôlés dans la RAF, lors de la dernière guerre mondiale. Ils étaient regroupés dans plusieurs escadrons de chasse et de bombardement, comme le 311 Bomber Squadron. L'originalité du film est que, dans les années cinquante et soixante, ces anciens combattants furent, à leur retour au pays, persécutés par le régime communiste, voire même jetés en prison comme dissidents…Le film peut donc être considéré comme une première tentative de réhabilitation de ces vétérans, en rappelant leur sacrifice et leur lutte contre le fascisme. Le contexte politique de la Tchécoslovaquie en 1968, avec le "printemps de Prague" qui laissait espérer une relative libéralisation du régime, n'est pas étranger à la sortie de ce film. Son tournage s'acheva en août 1968 avec l'invasion des tanks soviétiques venus remettre de l'ordre dans ce "pays frère". La première eut lieu en Allemagne de l'ouest, à Cologne, en octobre 1968…
Le film ouvre sur les tombes des soldats tchécoslovaques, au cimetière de Brookwood, près de Londres. Puis on passe, à l'automne 1942, sur une base britannique où l'équipage cosmopolite d'un bombardier du 276 Bomber Squadron s'apprête à partir en mission. Il est constitué du pilote et commandant de bord, le Tchécoslovaque Paul, du copilote, l'Anglais Frank, du navigateur anglais George, du radio canadien, Tommy, et des deux mitrailleurs tchécoslovaques, Student et Shorty. Ce premier raid nocturne sur Düsseldorf se passe bien et le retour à la base se fait sans encombre. Mais un autre équipage, moins heureux, a dû amerrir et est considéré comme perdu. Entre deux missions, Student fait la cour à une jeune WAAF, Patricia, sous l'œil amusé de ses coéquipiers. Parfois, l'équipage va se détendre en ville et fréquente les dancings, les soirées étant à peine perturbées par les bombardements allemands. Mais au cours d'un raid, Student est gravement blessé; quand le commandant de bord donne l'ordre d'évacuation, il ne peut sauter en parachute. Le pilote décide alors des rester avec lui et de tenter un atterrissage en rase campagne. A peine sorti de la carcasse de l'appareil, les réservoirs explosent et Student est brûlé au visage. Défiguré, il ne veut plus revoir Patricia. Un jour, son voisin de chambre se suicide après avoir vu dans un miroir son visage entièrement rongé par le feu. Quand il est remis de ses blessures, Student rejoint ses camarades qui effectuent des patrouilles maritimes. Après avoir attaqué un sous-marin, leur avion est touché par un chasseur que Student descend, mais l'amerrissage est inévitable. Student et Shorty sont les seuls survivants. Ils se retrouvent dans un canot pneumatique et prennent avec eux le pilote allemand qui a sauté en parachute. Peu après, Shorty meurt de ses blessures. Le film se termine sur Student et l'Allemand dérivant au milieu des vagues, les deux ennemis n'étant plus que deux hommes luttant côte à côte pour leur survie…
Le film décrit ainsi la réalité de la vie quotidienne d'une base de la RAF, la peur, la solitude et la tragédie des misons de bombardement nocturnes sur l'Allemagne, sans parler des blessures graves reçues au combat, mais aussi, les moments heureux, l'amitié et l'amour trouvés sur le sol anglais par ces jeunes gens arrachés à leur terre natale. Ce film sera suivi, vingt ans plus tard, par "Piloti" qui parle des pilotes de chasse tchécoslovaques ayant combattu en Angleterre comme en URSS, puis, viendra "Tmavomodrý svet" (Dark Blue World) en 2001 qui a bien des points communs avec "Nebesny jedczi", bien que leurs styles soient assez différents.
Notons que le Squadron 267 (code AQ) existait bien, mais c'était une unité de secours chargée de localiser et secourir les équipages tombés en mer. La dernière scène du film semble d'ailleurs issue de "The sea shall not have them" (1954), avec Student manœuvrant frénétiquement la manivelle de l'émetteur de secours (type SCR 578-A, surnommée "Gibson girl", vu sa forme…). Le film se réfère plutôt au Squadron 311 qui était composé de Tchécoslovaques et équipé de Wellington (code KX), comme dans le film; il sera transféré en avril 1942, au Coastal Command et rééquipé de quadrimoteur Liberator (code PP).
Les avions du film :
Le principal avion du film est le Vickers Wellington, mais comme il n'y en avait pas en Tchécoslovaquie, la production transforma un Lisunov Li-2 (la version soviétique du DC-3) de l'Armée. Ce n'était pas la première fois que ce paisible transport se retrouvait dans la peau d'un bombardier et on se rappelle du Li-2 transformé en Ilyushin Il-4, dans le film soviétique "Mesta tut tichye" (1967). Il ne vole pas, mais peut rouler et il servit pour les prises de vue au sol. Ce Lisunov Li-2P (c/n 34 422 09) avait d'abord appartenu à la compagnie CSA (Československé Státní Aerolinie), immatriculé OK-GAD, entre 1952 et 1957, date de sa remise à l'Armée de l'air tchécoslovaque (s/n 2209). Il fut transformé en Li-2F pour effectuer de la photographie aériennes et basé à Hradcany. Il fut rayé des effectifs en août 1966.
Le fuselage est particulièrement bien reconstitué avec les deux tourelles Frazer-Nash, situées à ses deux extrémités, et une dérive conforme. On a reconstitué, en studio, l'intérieur avec sa structure "géodésique" caractéristique; le tout est sans doute un peu trop large et un peu vide, mais on n'a pas oublié les toilettes Elsan, dont on nous montre même le mode d'emploi ! La grande différence entre un vrai Wellington et sa réplique se voit au niveau de l'aile, implantée au milieu du fuselage sur le premier, alors que sur le Douglas, elle est disposée sous le fuselage. Son aile n'a pas non plus le même dessin, mais ça ne se voit pas. Le train d'atterrissage, sans trappes, du Douglas est aussi sensiblement différent.
Le Lisunov/Wellington porte des cocardes d'avant juillet 1942 et les codes "OJ-P" (serial E2169) et "OJ-F" (P2469), seul le second serial correspondant à un Wellington Mk.IA. Le code "OJ" était celui du Bomber Squadron 149 qui effectua les premiers bombardements sur l'Allemagne en 1940, conjointement avec le BS 9. Le BS 149 sera transformé sur Short Stirling dès novembre 1941.
Quand le bombardier, ou plus exactement sa maquette, amerrit à la fin du film, il se pose sur l'eau sans trop d'éclaboussures et flotte bien haut sur l'eau comme une maquette en bois, alors que sur le vrai Wellington, la peau en toile recouvrant le fuselage en treillis métallique se déchirait aussitôt et l'avion coulait rapidement.
Le tournage utilisa un autre Lisunov Li-2 qui joue, en arrière plan, les Douglas Dakota avec des cocardes anglaises pas très réglementaires et le faux serial "2894", puis, plus tard, avec le vrai faux serial "2804"... C'était également un ancien Li-2P (c/n 34 428 04) de la CSA (OK-GAG) de 1952 à 1954, date de son transfert aux forces aériennes et de sa transformation en Li-2F (s/n 2804). Il participa au tournage de deux films en 1964 et 1968, dont celui-ci. Au moment du tournage, il venait d'être retiré du service.
Le dernier véritable appareil, vu dans ce film, est un Yak-11 (C-11), un avion d'entraînement utilisé par l'armée de l'air tchécoslovaque jusqu'en 1991. On le voit sans ses ailes et muni de marques allemandes, sur la plateforme d'un camion.
Pour les séquences aériennes, on a eu recours à des maquettes, et plus encore, à des extraits de films d'actualité, de documentaires ou de ciné-mitrailleuses, montrant de vrais avions au combat. Le film ayant été tourné en noir et blanc, il était plus facile d'y inclure ces bouts de pellicule. Le décollage d'un Wellington, la nuit, est tiré de "Target for tonight" (1941).
Lors du générique, on voit deux Vickers Wellington (avec cocardes d'après juillet 1942 et code OT ou QT) avec un Bristol Beaufighter en arrière plan. Le Wellington des Tchécoslovaques est attaqué par des Messerschmitt Bf-109E et 109G. Mais quand l'un d'entre eux est abattu, c'est un Westland Lysander qui fait un amerrissage raté dans la Manche, un scène souvent utilisée dans les films de guerre.
Enfin, c'est un chasseur Hawker Hurricane Mk.IIC (Z3897) qui escorte le Wellington blessé qui rentre en Angleterre.
Christian Santoir
*Film disponible sur amazon.fr
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