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LE GENERAL DU DIABLE

LE GENERAL DU DIABLE

Vo. Des Teufels General

 

 

Année : 1955
Pays : RFA
Durée : 1 h 52 min.
Genre : Drame
Noir et blanc

Réalisateur : Helmut KÄUTNER
Scénario : George HURDALEK, Helmut KÄUTNER, Gyula TREBITSCH, Carl ZUCKMAYER

Acteurs principaux :
Curd JÜRGENS (Général Harry Harras), Marianne KOCH (Dorothea 'Diddo' Geiss), Viktor de KOWA (SS-Gruppenführer Schmidt-Lausitz), Karl JOHN (ingénieur Karl Oderbruch), Eva Ingeborg SCHOLZ (Waltraut 'Pützchen' Mohrungen), Harry MEYEN (Lieutenant Hartmann), Bum KRÜGER (capitaine Lüttjohann), Paul WESTERMEIER (Otto Korrianke), Camilla SPIRA (Olivia Geiss).

Photographie : Albert BENITZ
Producteur : Walter KOPPEL
Compagnie productrice : Real-Film GmbH

 

Avions :

  • Junkers Ju.86 K-13 / Saab B-3B

 

Notre avis :

Le scénario de ce film est basé sur la pièce de théâtre "Des Teufels General" de Carl Zuckmayer, qui eut sa première à Zurich en 1946. Dramaturge et scénariste, Zuckmayer avait écrit le scénario de l'"Ange bleu", le célèbre film de Sternberg, avec Marlene Dietrich (1930). Le personnage central de la pièce comme du film, le général Harras, fait penser immanquablement au général Ernst Udet, bien que Zuckmayer se soit défendu d'avoir voulu faire une biographie du célèbre aviateur, la ressemblance étant une pure coïncidence. …Zuckmayer connaissait Udet qu'il avait rencontré plusieurs fois avant la guerre, mais il était aux Etats-Unis, depuis 1939, quand Udet se suicida le 17 novembre 1941.

L'histoire commence à Berlin, le 5 décembre 1941. Après une réunion politique, le général Harry Harras, as de l'aviation de la première guerre mondiale et responsable de services techniques du ministère de l'Air, se rend à une soirée organisée pour célébrer Fritz Eilers, le premier pilote décoré de la Croix de fer avec diamants. En raison de ses critiques à peine voilées du régime nazi, il est mis sous étroite surveillance par le général SS Schmidt-Lausitz, qui le soupçonne en plus, d'être à l'origine de sabotages dont ont été victimes les Mohrungen Mo.128, de nouveaux avions mis en service. Au cours de la soirée, Harras, un amateur de jolies femmes et un gros buveur, fait la connaissance d'une actrice, 'Diddo', la très jeune nièce de son amie Olivia; il s'en éprend aussitôt. Au petit matin, il est arrêté chez lui par la Gestapo qui essaie ainsi de l'intimider. Quelques jours plus tard, Schmidt-Lausitz le fait libérer en lui expliquant que c'est une regrettable erreur ! Les nouvelles sont mauvaises; les événements se précipitent. Les Américains viennent d'entrer en guerre et l'armée allemande s'enlise sur le front russe. Au cours des séances d'essais, les appareils présentent toujours des défaillances. Malgré l'interdiction de vol émise par Oderbruch, le chef des services techniques du constructeur, les avions sont expédiés au front. Eilers se tue dans l'un d'eux. Harras envoie alors Diddo à Vienne, et décide d'essayer lui même un des ces appareils qui présente les mêmes défauts que les autres. Il s'en tire sur les conseils d'Oderbruch qui l'accopagne et qui lui avoue être à l'origine des sabotages ! Quand Schmidt-Lausitz arrive à l'aéroport, Harras s'envole à nouveau, seul, et précipite son avion sur les SS venus l'arrêter.

Ce film se situe dans la veine de ceux qui, dans les années cinquante en Allemagne, tentèrent de réhabiliter l'armée. Harras est ainsi censé sauver l'honneur de la Luftwaffe. Cette arme ne comptait pas plus, mais pas moins, de nazis, que les autres armes. Hans Rudel ou le Flugkapitän Hanna Reitsch, étaient de fervents soutiens de Hitler et du régime nazi. Quant aux autres figures de l'aviation allemande (Galland, Marseille, Hartmann, etc...) ils firent leur devoir jusqu'au bout, sans trop se préoccuper des agissements des nazis ou du problème juif…. Ce dernier est évoqué dans le film, comme dans tous les films allemands de l'après guerre, avec le vieux couple qui se suicide dans un square.

Le choix de la date à laquelle s'ouvre le film n'est pas anodin, accordant, au passage, un sursis d'environ quinze jours au personnage principal par rapport à son inspirateur, Udet. Le 5 décembre est, en effet, la veille du début de la contre-offensive soviétique sur le front de l'Est et l'avant veille de l'attaque de Pearl Harbor qui entraîna la déclaration de guerre des Etats-Unis (11 décembre). La fin de 1941 est une date charnière dans la guerre, l'Allemagne allant maintenant connaître des déboires grandissants.

Le personnage de Harras, toujours un vers de cognac à la main, courtisant une actrice, habitant un appartement rempli de trophées africains, est calqué sur Ernst Udet, un bon vivant, à la vie sentimentale agitée. Par contre, Udet n'a jamais été harcelé par la Gestapo. Bénéficiant de la protection de Goering, le "paladin" du Führer, Udet était en outre un personnage trop médiatique pour que Himmler s'y attaque ouvertement. Il avait la carte du parti nazi, sans être nazi, comme il était directeur des services techniques du Ministère de l'Air, sans en avoir les compétences, notamment en matière de rigueur et d'organisation. Il était incapable d'assumer le rôle d'icône du régime que voulait lui faire jouer Goering. Udet ne s'est jamais opposé aux nazis, mais  les évitait autant que possible…Peu avant sa mort, il en voulait à Goering qui l'avait embarqué, un peu malgré lui, dans cette aventure, et qui, maintenant, lui faisait endosser ses propres erreurs (ce qui était facile..). Il en voulait aussi à Milch, le chef de la Luftwaffe par intérim, qui œuvrait en coulisse à sa perte, pour mieux prendre sa place. Il constatait avec amertume la trahison des ces "camarades" aviateurs. En 1936, lors d'une dernière rencontre avec Zuckmayer, Udet lui avait donné ce conseil: "Secoues la terre de ce pays, de tes chaussures, parcours le monde et ne reviens jamais". Zuckmayer avait, à l'évidence, suivi ce conseil…

Quant à l'histoire de sabotages effectués par un ingénieur anti nazi, il faut bien avouer que c'est une pure invention. Pendant la guerre en Allemagne, les seuls sabotages d'avions (punis de mort immédiate) eurent lieu sur les lignes de montage et furent l'œuvre de la main d'œuvre étrangère captive, mobilisée pour remplacer les ouvriers allemands partis au front, en 1944 et 1945.

Fritz Lang estimait que c'était le meilleur film allemand de l'après guerre, avec une très bonne prestation de Curd Jurgens. Ce film a conservé l'essentiel de son ambiance théâtrale originelle avec de longs dialogues en chambre. Il faut attendre la cent trente cinquième minute pour voir quelques scènes aériennes.

 

Les avions du film :

L'attente est récompensée par l'apparition d'un avion rarissime, au cinéma comme ailleurs, un Junkers Ju.86; on en voit même trois (n° 02, 21 et 28) au sol et un en vol. Ces avions étaient des Junkers Ju.86 K-13, la version du Ju 86 construite à seize exemplaires, sous licence, en Suède par Saab (avec le nom de Saab B3D), entre août 1939 et janvier 1941. Ils étaient équipés de moteur Mercury XIX de 905 chevaux construits en Pologne. La force aérienne suédoise utilisait encore cet ancien bombardier comme avion de transport (12 places) en 1955. Ils furent tous ferraillés entre 1955 et 1958, à l'exception d'un seul, visible au musée de la Flygvapnet à Linköping.

On a de brèves vues du vrai cockpit. L'avion avait normalement un seul pilote pour laisser libre accès, à droite, au poste du bombardier, installé dans le nez. Mais le deuxième pilote, en fait le commandant de bord, disposait d'un strapontin rabattable, d'un mini palonnier et d'un manche amovible, rangé habituellement dans le compartiment du radio. La décoration des avions du film est approximative avec des swastikas surdimensionnées. L'avion est doublé par une maquette lors des essais de piqué, mais ses ailes sont inexactes et ne reproduisent pas la forme très caractéristique de celles du Ju. 86.

Dans le film, ce Ju.86 est, en 1941, un nouvel avion, un "Mohrungen" Mo.128, qui n'est pas très au point, bien qu'il ait été envoyé en escadrille. Cela rappelle un peu le Heinkel He.177 ! Il va sans dire que faire endosser ce rôle à un vénérable Ju.86, qui fit son premier vol en 1934 et qui était obsolète au début de la guerre, est un peu forcé. Mais c'était, en 1955, le seul bimoteur allemand en service, à part le Siebel 204 (alias NC.700 Martinet).

 

Christian Santoir

 * Film disponible sur amazon.fr

 

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