LE BOUSILLEUR
Vo. Devil dogs of the air
Année : 1935
Pays : USA
Durée : 1 h 36
Genre : Comédie
Noir et blanc
Réalisateur : Lloyd BACON
Scénaristes : Malcolm Stuart BOYLAN et Earl BALDWIN
Histoire originale : "Air devils" de John Monk SAUNDERS
Acteurs principaux :
James CAGNEY (Tommy O’Toole,)
Pat O’BRIEN (Lt. Bill Brannigan) Margaret LINDSAY (Betty Roberts), Frank McHUGH
("Crash" Kelly), Ward BOND (Chef instructeur)
Photos ; Arthur EDESON
Musique : Bernard KAUN
Conseiller technique : Major Ralph J. MITCHELL, USMC
Producteur : Lou EDELMAN
Distribution : Warner Bros
Avions :
- Boeing F4B-3
- Curtiss RC1
- Curtiss 0C-2 Falcon
- Curtiss F8C-4
- Curtiss F9C-2
Sparrowhawk, document.
- Great Lakes TG-2
- Loening OL-9
- Travel Air D4000, NC406N
- Stearman C3, NR4099
- Vought 02U-1 Corsair
- Vought 03U-6
Notre avis :
Cette grande production d’environ 350.000 $, fut tournée en deux mois et nécessita un long séjour sur la base de l’US Navy de North Island, à San Diego (CA), pour les principales prises de vue. D’autres scènes furent tournées par la Warner pendant les manœuvres de la flotte au large de la côte du Pacifique, mais aussi à l'Alhambra airport (Los Angeles). A l’origine, le film devait s’appeler "The flying leathernecks", un titre que Howard Hughes utilisera plus tard pour un film à grand succès de l’après-guerre, avec John Wayne : "Les diables de Guadalcanal " (1951).
Tommy O’Toole, un barnstormer qui s’intitule : "le plus grand aviateur du monde" s’enrôle dans le corps des Marines pour rejoindre l’idole de son enfance, le lieutenant Brannigan qui est instructeur. Prenant rapidement la tète de sa classe, James CAGNEY indispose tout le monde par son attitude suffisante. Quand Tommy poursuit de ses assiduités la petite amie de Brannigan, Betty, leur amitié se refroidit. Pendant des manœuvres, les deux aviateurs doivent faire face ensemble à un accident et se réconcilient. O’Toole comprendra le sens du travail en équipe et de la discipline militaire : il deviendra un vrai Marine. Brannigan décide de demander son transfert, prévu depuis longtemps, permettant ainsi à l’idylle entre O’Toole et Betty de se développer.
Cette histoire basée sur l’éternel trio : deux hommes et une femme, démarre sur les chapeaux de roues quand O’Toole, encore civil, perturbe une revue militaire. Il est expulsé du terrain par le général en inspection, courtise l’amie de Brannigan et vend à sa mère, pour 50 $, son avion, après qu’il se soit crashé à la porte de son café qui s'appellera désormais l'"Happy landing Café" !. Tout ceci en douze minutes de film. En suivant O’Toole lors de l’examen médical, les cours au sol, l’instruction en vol, nous voyons le nouveau cadet résoudre son problème triangulaire et professionnel avec Brannigan pendant les manœuvres de la flotte. Ce thème existait déjà dans "Hell divers" (1931) et se retrouvera dans "Flight Command" (1940).
Cette comédie animée par James CAGNEY, qui en fait un peu trop, et le pitre McHUGH, n’est pas qu’un simple hommage à la Navy et aux Marines. Le film montre le porte-avions Saratoga (CV3) lors des manœuvres annuelles de 1935, au large des côtes californiennes; il appuie une opération de débarquement au nord de San Diego, sur la plage de La Jolla. Cet exercice préfigure les nombreux débarquements que les Marines allaient devoir effectuer quelques années plus tard pour récupérer une à une, les îles du Pacifique occupées et fortifiées par les Japonais.
Quand le film sort, le contexte politique dans le Pacifique est en train de prendre une mauvaise tournure, due notamment à l’expansionnisme japonais en Chine. En 1935, le Japon se retire de la SDN. En 1932, l’amiral Frank H. Schofield, estimait imminente une guerre dans le Pacifique; il prévoyait une attaque surprise sur les concentrations de la flotte US, notamment à Pearl Harbour, ce qu’avait prédit le général Billy Mitchell, dès 1925. En 1932, le même Saratoga avait lancé une attaque aérienne simulée sur Pearl Harbour, le dimanche 7 février, au matin. Il parait que les Japonais et leurs " honorables correspondants" d’Honolulu, avaient été très intéressés... L’amiral H.E. Yarnell avait conclu de cet exercice, qu’un ennemi utilisant six porte-avions pouvait porter de graves coups aux installations militaires de l’île. Neuf ans plus tard, la flotte impériale, utilisant six porte-avions, passait à l’attaque... un beau dimanche matin ! Le rapport de l’amiral Yarnell avait été enterré par les gratte-papiers de Washington. Il faut également préciser que même en 1940, des "experts" estimeront que le Japon n’était pas une puissance aérienne. Ce film léger est donc lourd de signification : l’Amérique est prête avec une force aéronavale importante et bien entraînée, à mener des opérations amphibies dans le Pacifique. A bon entendeur (nippon), salut !
Ce film joignant l’utile à l’agréable est un des meilleurs films d’aviation de l’époque. C’est en quelque sorte une réponse de la Warner au film " Hell Divers " (1932), de la MGM. Son succès est dû, dans une large mesure, aux remarquables séquences concernant les activités maritimes et aériennes de la Marine, et aux acrobaties de Franck Clarke. On peut en effet oublier l’histoire qui ne permet pas à James CAGNEY de développer tout son talent. Néanmoins, LE BOUSILLEUR est un titre incontournable pour les aérocinéphiles.
Les avions du film :
En une demi-heure de scènes aériennes on assiste à une véritable revue aéronavale. Bien que ce fut Paul MANTZ qui ait enlevé le contrat pour les cascades aériennes, la plupart furent effectuées par Frank CLARKE sur son propre Travel Air D4000 (NC406N) à North Island et à l'aéroport d'Alhambra. Le Stearman C3 de Paul MANTZ (NR4099) a été maquillé en Vought 02U-1 (A-7939) pour quelques séquences, et on entraperçoit même, très rapidement, en vol, le Curtiss-Wright 16K (NC446W) qu'il avait déjà utilisé dans des films, comme "Les têtes brûlées" (1932). Mais, le gros des troupes est fourni par l’US Marine Corps.
Le film montre les différents types d'appareils employés par les US Marines, sur la côte ouest :
-Trois avions de l’escadrille de transport et de liaison de la Navy, la VJ-7M, avec un amphibie Loening OL-9, avec lequel arrive le général, au début du film. On en aperçoit aussi toute une rangée. Vers la fin du film, Brannigan s'en va dans un Curtiss RC1 (A-8846), unique exemplaire acheté par la Navy. A la fin de 1933, il avait été transféré de Quantico à la VJ-7M de San Diego, où il resta jusqu’en 1936. Un Ford JR-2, apparait en arrière plan dans plusieurs scènes. C'était un Ford modèle 5-ATE, équipé de moteurs Wright J6 dont les pipes d'échappement ont la particularités d'être situées sur le devant du moteur; elles passent même par dessus les anneaux Townend, un montage inhabituel. Les Marines ne reçurent que cinq Ford Tri-motor et le seul qui correspond à cette description, mais aussi aux dates du tournage (octobre-novembre 1934), est le JR-2 "A-8273". Réceptionné en juin 1929, il sera affecté à base navale de San Diego, en mars 1931, et rayé des effectifs en janvier 1935.
-Des Vought 02U-1 Corsair de l'Utility squadron VJ-7M (dont les n°3 A-7938 et le n°8 A-7939 avec lequel Tommy fait toute sa formation), l'insigne de l'unité étant peint sur la dérive et également porté sur le blouson des pilotes. En dotation depuis 1927, cet avion d'observation vit l’action au Nicaragua et, en 1934, il était devenu un avion de servitude et d'entraînement.
-Des Vought 03U-6 affectés à l’escadrille d’observation des Marines VO-8M, basée à San Diego en 1935. Cet avion était encore en service à la déclaration de guerre, mais pas dans les unités opérationnelles. D'autres Vought sont vus au décollage sur l’USS "Saratoga". Ce sont des SU-1 (03U-2) du Scouting Squadron VS-3B de l'US Navy, dont on remarque l'insigne à la tête d'indien, premier genre.
-Des Curtiss 0C-2 Falcon de la VO-8M (livrés en 1928), dont on aperçoit l'insigne à l'as de pique, peint sur le fuselage. Ce type d’avions et cette même escadrille V0-8M, avaient déjà été filmés pour le film "Flight" (1929), qui avait pour cadre l’intervention américaine au Nicaragua (1927).
-Des Curtiss F8C-4, de la VF-1B vus au début des manœuvres, qui servirent à bord du Saratoga en 1929. Reversés aux Marines en 1931, comme "02C-1", en 1935, ils appartenaient aux unités de réserve.
-Des Great Lakes TG-2, des bombardiers torpilleurs, sont alignés derrière les Curtiss O2C-1. On les voit, plus tard, répandre des écrans de fumée pour protéger les troupes qui débarquent.
-De nombreux Boeing F4B-3 de l’escadrille de chasseurs bombardiers des Marines VB-4M (dont le n°4, A-8894), basée à North Island. Ce type d' avion dont le premier vol remonte à 1928, resta en service à bord des porte-avions jusqu’en 1937, mais au milieu de 1938, ils furent remplacés par des biplans Grumman plus rapides. On remarquera le micro fixé au dessus du tableau de bord, une installation peu efficace, transitoire, avant l’utilisation des laryngophones.
On aperçoit le dirigeable porte-avions USS "Macon" (ZRS-5) en train de larguer l’un de ses quatre chasseurs (Curtiss F9C-2 Sparrowhawk). Construit par Goodyear en 1933, ce dirigeable fut affecté à la base de Moffett field, Sunnyvale (CA). Il fut perdu le 11 février 1935 au large de la Californie. Cet accident, survenu après de nombreux autres, marqua la fin des grands dirigeables de la Navy. Seuls furent utilisés de petits dirigeables ("blimps") chargés des patrouilles anti sous-marines. Ils sont les vedettes du film "This man’s Navy" (1945). On remarquera sur la base de North Island, un vœux hangar à dirigeable construit en 1919.
L’année 1935 est aussi pour l’aviation américaine un véritable tournant. En un peu plus d’une année, de nombreux prototypes d’avions modernes vont faire leur apparition, surtout dans l’aviation commerciale. En 1934, la course Londres-Melbourne est gagnée par un avion de course anglais (biplace), mais les 2° et 3° places sont prises par des avions de transport américains, le Douglas DC 2 et le Boeing 247. Ces avions allaient alors plus vite que les chasseurs de l’Armée ! L’Armée américaine, et surtout la Marine, faisaient preuve d’une grande inertie (Cf. le film " The court martial of Billy Mitchell ") face à l’avion et n’arrivaient pas à déterminer son rôle exact. En outre, les ponts des porte-avions de l’époque s’accommodaient mal d’avions à vitesse d’atterrissage élevée, d’où l’utilisation de biplans comme le Boeing F4B-3, qui fut remplacé en janvier 1935, par un autre biplan, le Grumman F2F (Cf. " Flight command " 1940), alors qu’un an plus tôt, l’US Army Air Corps avait reçu ses premiers monoplans, le Boeing P-26 Peashooter.
Enfin, un dernier mot sur l’USS "Saratoga" (CV-3). Lancé en 1925, il était apparu dès 1932, dans "Hell Divers", et après la guerre, on le verra encore dans "Task Force" (1949). Ce porte-avions eut une carrière exceptionnelle, puisqu’il traversa toute la guerre du Pacifique et ne fut coulé qu’en 1946 par une des premières bombes atomiques, lors des essais nucléaires sur l’atoll de Bikini…
Christian Santoir
*Film disponible sur amazon.com
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