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LA KERMESSE DES AIGLES

 

LA KERMESSE DES AIGLES

Vo. The great Waldo Pepper

 

Année : 1975
Pays : Etats-Unis
Genre : Drame
Durée : 1 h 47 min.
Couleur

Réalisateur : George Roy Hill
Scénario : George Roy Hill , William Goldman

Acteurs principaux :
Robert Redford (Waldo Pepper) Bo Svenson, (Axel Olsson), Bo Brundin (Ernst Kessler), Susan Sarandon (Mary Beth), Geoffrey Lewis (Newt) Edward Herrmann, (Ezra Stiles), Philip Bruns (Dillhoefer), Roderick Cook (Werfe)l, Kelly Jean Peters  (Patsy), Margot Kidder (Maude), Scott Newman (Duke), James S. Appleby (Ace) 

Musique : Henry Mancini
Photo :Robert Surtees
Directeur des scènes aériennes : Frank Tallman
Producteurs : Robert Crawford, George Roy Hill
Compagnie productrice : Universal pictures

Avions :

  • Bücker Bü.131 Jungmann, N87P
  • Curtiss JN-4D Jenny, N6898 et N2062
  • D.H.C. 1 Chipmunk  
  • Fokker Dr1.N5523V, réplique
  • Sopwith Camel, N6254
  • Standard J-1, N2825D et N62505
  • Thomas Morse, N38923, réplique

 

Notre avis :

Le réalisateur du film, George Roy Hill se passionna très jeune pour l’aviation. Enfant, il assista aux démonstrations des « barnstormers » et à seize ans, il obtenait son brevet de pilote. En 1943, il servit dans les Marines comme pilote de Corsair, dans le Pacifique sud. Il était propriétaire d’un Waco UPF-7 qu’il pilotait encore vers la fin de sa vie. Hill mit beaucoup de sa passion dans ce film où transparaît sa sympathie pour ces pilotes qui, pour une poignée de dollars, risquaient leur vie au quotidien dans des cirques aériens, ou offraient des baptêmes de l’air à des paysans ébahis. C’est sans doute le film le plus personnel de Hill. Deux ans auparavant, la Fox avait produit un film à petit budget sur le même sujet, d’après un scénario de Steven Spielberg : « Ace Eli and Rogers of the sky ». Le film de Hill est beaucoup plus ambitieux non seulement par les moyens employés, mais aussi parce qu’à travers l’histoire d’un homme, il retrace en fait celle de l’aviation civile après la fin de la première guerre mondiale.

Le film commence par une évocation des grands « wings walkers » (marcheurs sur les ailes ), et autres « barnstormers» (un mot intraduisible qui désignait les comédiens itinérants qui se produisaient dans les campagnes à la fin du XIX° siècle, en utilisant les granges en guise de théâtre). On cite les noms d’Ormer Locklear, un pilote cascadeur à la carrière fulgurante (seize mois seulement) qui se tua le 2/08/1920 en tournant « The skywayman » ; Earl Daugherty, un pilote, directeur d’un terrain d’aviation à Long Beach, au début des années 1920 ; Speed Holmann, un spécialiste de la voltige, recordman du nombre de looping enchaînés, qu’il effectuait parfois avec un Ford Trimoteur ! Ernst Udet, le second as allemand après von Richthofen, constructeur d’avions, pilote de voltige, acteur, puis général de la Luftwaffe. On aurait pu en citer bien d’autres : Frank Clarke, Al Wilson, Frank Tomick, Gladys Ingle, sans parler de Charles Lindbergh et de Charles Nungesser qui tous les deux se donnèrent en spectacle après la première guerre mondiale, avant de s’attaquer à la traversée de l’Atlantique.

L’histoire commence dans le Nebraska en 1926, où Waldo Pepper gagne sa vie en faisant des acrobaties aériennes et en proposant des baptêmes de l'air. Il a comme rival le capitaine Axel Olsson qui lui ravit sa petite amie, Mary Beth. Alors qu’Axel a été pilote de chasse pendant la Grande Guerre, Waldo était instructeur et il s’est inventé un passé guerrier en racontant partout qu’il a affronté le grand as allemand Kessler. Réconcilié avec Olson, Waldo monte avec lui un périlleux numéro d'acrobatie, mais il est grièvement blessé. Une fois guéri, Waldo et Axel sont embauchés par Dillhoefer, un entrepreneur de spectacles aériens. Pour attirer encore plus de spectateurs, ce dernier décide d’introduire un élément féminin dans les cascades. Mary, séduite par une carrière dans le spectacle, accepte, mais se tue en chutant d’une aile.. Après cet accident, ce genre d’exhibition est désormais prohibé. Waldo et Axel sont interdits de vol par un agent fédéral de la nouvelle agence de l’aviation civile qui n’est autre que Newt, l’ancien chef d’escadrille de Waldo dans l’Armée. Diellhofer se reconvertit en montant des spectacles de voltige où se produit l’allemand Kessler et aussi Ezra Stiles qui a construit un monoplan dûment inspecté par Newt. Mais en tentant de faire le premier looping inversé, Ezra se crashe et est brûlé vif par la faute d'un spectateur imprudent. C’est Kessler qui réussira cette figure délicate. Waldo décide alors d’aller à Hollywood ou Axel est devenu un pilote cascadeur travaillant pour la Paramount. Sous un faux nom, George Brown, Waldo est embauché pour le tournage d’un film auquel participe Ernst Kessler. Les deux hommes s'envolent pour tourner une scène de combat. Mais pris au jeu, l'un et l'autre, ils se battent vraiment, sans mitrailleuses. Après avoir triomphé de son adversaire, Waldo le salue et s’envole vers le grand ciel bleu, le seul espace encore libre. Mais au sol, l’inspecteur de l’aviation civile l’attend de pied ferme..

Les très belles scènes aériennes furent supervisées par Frank Tallman qui fit la plupart des vols avec Frank Pine, James Appleby et Art Scholl. La scène le plus risquée fut celle du vol dans une rue, entre des immeubles. Hill sélectionna la ville de Elgin (TX) où les techniciens du studio enlevèrent les lignes électriques et modifièrent les façades pour leur donner un air d‘époque. C’est Tallman qui pilotait le Standard J-1 avec un cascadeur habillé en  femme, accroché aux haubans. Grâce à la préparation minutieuse de Tallman, le tournage n’eut à déplorer aucun mort, ni blessé. Par contre, il y eut des accidents lors des transferts d’un plateau à un autre. En janvier 1975, Frank Pine atterrissant trop tôt après une averse, en Californie, capota et brisa un Garland Lincoln LF-1 (N12237). Il sortit de l’épave indemne. Quelques jours plus tard, Tallman amena un nouveau « Nieuport 28 », une réplique (N2SR) construite en 1973, mais le palonnier cassa ; il partit en vrille et percuta des fils électriques qui heureusement (si l’on peut dire) amortirent le choc. Frank en fut quitte pour un mois d’hôpital, pendant lequel, le tournage fut suspendu. Les pilotes effacèrent aussi quelques trains d’atterrissages et tordirent plusieurs ailes…

Le personnage d’Ernst Kessler est copié sur l’as allemand Ernst Udet, auquel il ressemble (taille, embonpoint, calvitie). Son triplan s’appelle « Lola », celui d’Udet : « Lo ! »,  pour Lolo Zink, sa fiancée. La scène du combat entre Kessler/Udet et Waldo, alias George Brown, rappelle plutôt le dernier combat de Manfred von Richthofen quand, avec son Fokker Dr1, il fut attaqué par le Camel de Roy Brown; comme dans la réalité, ce combat commencé en altitude, se poursuit au ras du sol. Il est curieux de voir Kessler abandonner son parachute, alors qu’Udet en portait un en 1918 et qu’il sauta avec, le 28 juin, de son Fokker D.VII en feu ! L’histoire que raconte Waldo où il fut épargné par son adversaire alors que ses armes étaient enraillées, fait allusion à celle que rapporta Udet dans ses mémoires, en ajoutant que l’avion de son adversaire avait le mot « vieux » marqué sur le fuselage; il en avait conclu que ce devait être « Le vieux Charles » de George Guynemer. Ce duel du 6 juin 1916 ne sera pas mentionné par l’as français sur son carnet de vol, et il n’en parlera à personne. Quand on connaît la haine que vouait Guynemer aux « boches », on peut penser que ce jour là (si l’anecdote est vraie) il était à court de munitions ou avait, lui aussi, des problèmes de mitrailleuses…

Après la guerre, Udet se rendit effectivement aux Etats-Unis, en 1931, aux National Air Races de Cleveland où il effectua plusieurs séances de voltige avec son Udet Flamingo. Il y rencontra d’anciens pilotes américains de la première guerre : l’as Eddie Rickenbaker, le lieutenant Wanamaker qu’il descendit le 2/07/1918. Il revint en 1933 à Los Angeles, avec son Flamingo. Il séjourna trois semaines à Hollywood et y fut contacté pour tourner un film sur Manfred von Richthofen. Il déclina l’offre, craignant sans doute de voir maltraiter l’image du héros national allemand, encensé par les tout nouveaux dirigeants nazis …

Les cascades du film (passage d’une voiture à un avion, passage d’un avion à un autre, se tenir debout sur une aile en plein vol..) ont été réalisées pour la première fois par Ormer Locklear dont le film s’inspire beaucoup. Le personnage de Bo Svenson, rappelle le suédois Aaron Krantz, cascadeur qui se produisait dans le Gates Flying Circus. Le cirque volant d’Ivan Gates fut connu dans tous les Etats-Unis par un incident qui arriva à la parachutiste Rosalie Gordon dont les suspentes se prirent dans le train d’atterrissage de son appareil. Il fallut l’intervention d’une autre appareil avec transfert d’un cascadeur pour l’aider à se hisser sur le train d’atterrissage. Cet cascade imprévue rappelle un peu celle du film, mais elle finit bien. La scène de la tentative de looping inversé permet de dater la séquence. C’est en mai 1927 que Jim Doolittle réussit pour la première fois cette figure de voltige.

Ce film est un condensé historique de l’évolution de l’aviation aux USA, ou ailleurs, après la seconde guerre mondiale. Le conflit terminé, de nombreux pilotes militaires démobilisés gagnèrent leur vie en proposant des promenades aériennes, des baptêmes  de l’air, notamment dans les campagnes où l’avion était encore inconnu. Mais le public finit par se raréfier ; le prix d’un tour en avion tomba de quinze à un dollar. Ils commencèrent alors à faire des exhibitions de plus en plus risquées.. C’étaient les « années folles », sur fond de crise économique généralisée. La profession s’organisa avec des managers qui dirigeaient des cirques volants. En 1923, 179 accidents aériens firent 85 morts et 126 blessés. Vers 1925, les meilleurs pilotes étaient devenus des facteurs aériens ou des pilotes d’essais. En 1926, le Congrès signa l’Air Commerce Act qui instaura un brevet pour les pilotes et les mécaniciens, et une certification pour les appareils qui devaient être immatriculés. Les directeurs des petits cirques devinrent des organisateurs de spectacles aériens, comme Clifford Henderson, l’organisateur des National Air races qui virent se produire Ernst Udet en 1931 et 1933. Enfin, le cinéma et ses énormes capitaux attirèrent ces pilotes saltimbanques qui louèrent leurs services aux studios de cinéma, d’abord à des prix sacrifiés, puis tarifiés, selon les cascades demandées. Waldo est engagé par la Paramount qui produisit « Wings » en 1927.

Le film comporte nettement deux parties. La première, consacrée aux barnstormers et à la joie du vol, est plutôt gaie. Mais dans la seconde partie, après l’accident mortel de Mary, le ton du film change totalement et devient plus morose ; Redford cloué au sol, à moitié sorti de ses plâtres, traîne une mine triste jusqu’à la dernière scène. Le message semble clair : les barnstormers ont exagéré, et leurs excès ont forcé l’administration à intervenir. Trop de liberté, tue le liberté. Le transport aérien naissant représente un énorme marché, et il ne convient plus de faire rimer voler avec danger. Néanmoins, malgré son côté moralisateur, « La kermesse des aigles » est un grand film d’aviation avec des scènes terriblement spectaculaires et une histoire nostalgique sur une époque révolue, où l’expression « libre  comme l’air» pouvait être comprise dans toute son acception. Les amateurs d’avions à « ficelles » que l’on pilote en serre tête et lunettes dans le vent de l’hélice, seront ravis. Contact !

 

Les avions du film :

Les scènes aériennes durent plus d’un demi heure en tout. Les vedettes sont naturellement le Standard J-1 et le Curtiss JN-4D Jenny, dont deux exemplaires de chaque furent utilisés. Ces avions furent doublés par trois de Havilland Tiger Moth, notamment dans la scène où Svenson atterrit dans un lac. En réalité, après avoir perdu ses roues, le Jenny atterrit sur une piste d‘une base désaffectée de l’USAF, située dans les environs. Il avait été muni de minuscules roues, genre roulements à billes, qui lui permettaient de se poser sur un sol plat et dur, à condition de faire un « kiss landing », car il n’y avait plus d’amortisseurs ! Les Standard avaient été reconstruits à partir de plusieurs appareils.

L’avion qui tente le looping inversé est un D.H.C. 1 Chipmunk modifié par dépose de la verrière, rajout de roues à rayons et d’un haubanage factice. En fait, après 1918, on ne trouve nulle part ce type d’ailes haubanées (style Blériot ou Morane) qui date des débuts de l’aviation.

Pour la voltige, Kessler utilise un Bücker Jungmann équipé d’un moteur quatre cylindres à plat. Un Thomas Morse S4-B est vu au sol et en l’air, dans la dernière partie du film. On ne voit aucun Nieuport 28, ces derniers ayant été détruits dès le début du tournage. Par contre, on peut admirer un magnifique Sopwith Camel et un Fokker Dr1. Lors de son combat contre Kessler, Waldo endommage un mat d’aile du Fokker et on voit les ailes vibrer comme si elles allaient se détacher. En fait, les ailes du Fokker étaient très solides et pouvaient, à la rigueur, se passer des mats d’ailes lors d’évolutions normales. Le prototype du Dr1 n’en avait pas

Tous les avions du film venaient de la collection de Frank Tallman. Le Camel (N6254) était un avion authentique acheté au colonel Frank Jarrett, dans les années cinquante. Le Fokker (N5523V) est une réplique construite par Tony Bright et Dutch Durringer. Le Thomas Morse (N38923) est également une réplique équipée d’un moteur Le Rhone et construite en 1970. Précisons que ce dernier type d’avion ne connut jamais les combats.

Enfin, dans un hangar, Waldo, Axel et Kessler regardent une projection où l’on voit un  Engineering Division XB-1A (un Bristol Fighter construit aux USA) se crasher juste devant la caméra.

 

Christian Santoir

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