Année : 2008
Pays : Cuba
Genre : guerre
Durée : 1 h 37 min.
Couleur
Réalisateur : Rogelio PARIS
Scénario : Rogelio PARIS, Jorge FUENTES
Acteurs principaux :
Linnett Hernandez VALDES (Maria), Armando TOMEY, Renny AROZARENA, Samuel
CLAXTON, Alexis Díaz de VILLEGAS, Herón Vega GRANADOS, Julio QUESADA,
Rubén PEREZ.
Photographie : Adriano MORENO
Musique : Edesio ALEJANDRO
Compagnies productrices : Instituto Cubano de Arte e Industria Cinematográficos
(ICAIC), Ministerio de las Fuerzas Armadas
Aéronefs:
- -Antonov An-26
- -Mil Mi17
- -Ilyushin Il-62M, CU-T1283, au sol
- -MiG-21MF
Notre avis :
Ce film, à la limite d'un docufiction, reproduit la bataille de Cangamba (la vraie orthographe) qui eut lieu en 1983, en Angola, dans la province de Moxico. Pendant neuf jours, quatre vingt dix combattants cubains et soldats de la FAPLA (Forças Armadas Populares de Libertação de Angola) durent résister à des milliers d'hommes de l'UNITA (União Nacional para a Independência Total de Angola) qui les encerclaient. Dix huit Cubains y furent tués. Cette bataille fait partie de la guerre civile qui sévit en Angola de 1975 à 1992, les troupes cubaines y participant de 1975 à 1989, aux côtés du MPLA (Movimento Popular de Libertação de Angola), au pouvoir, à Luanda.
Le projet de ce film a duré quatorze ans et il a été réalisé en collaboration avec les Forces Armées Révolutionnaires Cubaines, et avec de nombreux experts, y compris des survivants de Cangamba, sous le commandement du brigadier général Enrique Acevedo. Ce film, fut suivi, en 2011, par un autre, centré sur une autre bataille à laquelle participèrent les Cubains en Angola, "Sumbe".
Le film suit de prés les événements. À partir de février 1983, l'UNITA a commencé à encercler la petite ville de Cangamba où étaient stationnés des soldats de la FAPLA. L'UNITA attaqua Cangamba, le 1et août, avec des milliers de soldats, appuyés par l'armée sud-africaine. Les troupes de la FAPLA demandèrent des renforts qui furent rassemblés à Huambo, Menongue et Lubango. Mais cela prendra une semaine pour atteindre la garnison, en traversant une région tenue par l'UNITA. Avec pour mission de forcer le siège et de rejoindre les assiégés, à l'aube du 3 août, des hélicoptères ont débarqué une compagnie de troupes spéciales sur l'ancienne route de Tempue (à seulement 6-8 kilomètres de Cangamba). Le 4 août, les hélicoptères ont livré à Cangamba des munitions et divers approvisionnements, sous le feu intense de l'ennemi. Afin de déborder les forces de l'UNITA, de nouveaux hélicoptères ont atterri au nord de Cangamba et, à cette occasion, une partie des forces du FAPLA a réussi à atteindre les positions des assiégés. Ils furent bombardés par l'artillerie de l'UNITA pendant trois jours, avant de lancer un assaut frontal. L'UNITA creusa alors des tranchées pour se rapprocher des positions angolaises. Le 7 août, la FAPLA et les troupes cubaines furent à court de munitions et d'eau potable. Les troupes de l'UNITA subissaient depuis quelques jours, des attaques aériennes, guidées par un contrôleur au sol, les positions des deux camps étant très proches l'une de l'autre. Le 10 août, les colonnes de secours parvinrent à Cangamba, appuyées par l'aviation. Les soldats cubains furent évacués par hélicoptères, alors que la garnison partit avec la colonne de renfort. Deux jours après, l'armée de l'air sud-africaine intervint et des bombardiers détruisirent toute la ville; le 14 août la bataille de Cangamba était terminée.
Pour le réalisateur, Rogelio París, "Kangamba" n'était pas un film de guerre. L'accent a été mis sur les combattants, des êtres humains ordinaires, avant d'être des militaires. C'est ainsi que les faits ci-dessus évoqués, sont vus dans le film, à travers les yeux de Mayito, un officier du génie, qui ayant terminé son temps en Angola, décida d'y rester, comme son ami le lieutenant-colonel Lorenzo. Il sera tué juste avant l'évacuation, au grand désespoir se son amie angolaise, Maria. Le film est bien réalisé et les acteurs du film sont convaincants dans leurs rôles. "Kangamba" parvient à reproduire toute la violence et la misère de ces guerres civiles, qui continuent à ravager l'Afrique, au XXIème siècle.
Ce conflit est l'illustration de la période postcoloniale, où un pays, créée artificiellement par des colonisateurs européens, en l'occurrence les Portugais, regroupant des ethnies (une dizaine, en Angola) aux langues, cultures, religions différentes, est livré à lui-même. Ces pays "décolonisés" eurent à subir une nouvelle forme de colonisation, plus idéologique, plus insidieuse, mais toujours venue d'Europe, le Communisme... On le vit s'installer dans plusieurs pays africains, avec des effets plus ou moins graves, suivant leurs richesses en ressources naturelles. Ainsi, des pays séduits par le communisme, comme la Guinée, ou le Mali, ne connurent pas de conflits armés, comme l'Angola, riche en pétrole et en diamants...
Le tournage, qui se termina en 2017, eut lieu à Cuba, dans la province de Camagüey, notamment à El Paso de Lesca, dans une région dont les paysages se rapprochaient de ceux de la région de Cangamba. La production bénéficia de la coopération de la Defensa Anti-Aérea y Fiuerza Aérea Revolucionaria (DAAFAR). Le rôle de l'aviation fut déterminant dans la bataille de Cangamba. Les avions et les hélicoptères furent filmés au sol, sur la Base Aérea de Camaguey où était stationné le 31 Regimiento de Caza. Les pilotes cubains jouent le rôle de leurs homologues qui étaient incorporés, en 1983, dans la FAPA-DAA, la Força Aérea Popular de Angola-Defensa Anti-Aviones. Il y avait très peu de pilotes angolais formés sur jets et ils n'avaient aucune expérience. Ce sont donc les pilotes cubains qui firent le plus gros du travail. Il leur arriva même de devoir affronter les Mirage F1 sud-africains, aux mains de pilotes qui, eux, étaient très bien formés.
Les avions du film :
Au début du film, les troupes cubaines embarquent à bord d'un Antonov An-26, sans aucune marque apparente, à part le drapeau angolais sur la dérive. Il porte un camouflage trois tons (vert clair, vert foncé, avec peu de marron clair). Des scènes ont été tournées dans la cabine équipée pour le transport de troupes, mais aussi dans le cockpit. La planche de bord est particulièrement chargée, avec un écran radar placé au-dessus et au milieu. L'explosion de l'Antonov An-26, à "Kangamba", a été réalisée avec une vraie cellule d'avion, à l'évidence, sans doute celle d'un avion réformé (on note que le petit dôme vitré situé à l'avant gauche a été démonté).
On voit donc l'Antonov An-26 dans son rôle habituel de transport, mais aussi, vers la fin du film, dans son rôle, moins connu, de bombardier. On le voit ainsi larguer quatre bombes de 500 kg accrochées à quatre supports (que l'on aperçoit bien, au début du film), fixés au fuselage, au niveau du train d'atterrissage. Ce dispositif fut effectivement utilisé en Angola, mais aussi au Mozambique.
De la base de "Luena" s'envolent plusieurs Mil Mi-8MT/Mi-17 "angolais" (on en voit au moins quatre). Les cocardes angolaises ont été peintes à l'emplacement exact des cocardes cubaines. Mais les inscriptions en espagnol sur le fuselage n'ont pas été effacées, ni traduites (Salida, au lieu de Saida, pour Sortie; Peligro, au lieu de Perigo, pour Danger...). Ils portent tous les couleurs angolaises sur la dérive, contrairement aux hélicoptères angolais, et des codes tactiques noirs : "H-06, H-02..." ("H" pour Hélicoptéro).... Leur camouflage vert sombre uniforme, bleu clair en dessous, diffère du camouflage angolais qui était de trois couleurs (vert, marron, beige). On voit la cabine, mais aussi le cockpit (avec ventilateurs, naturellement). Ils sont tous armés de six pods (quatre de roquettes UB-16-57UMP, deux de canons UPK-23); une mitrailleuse PK de 7.62 mm est fixée à la porte.
Sur la base aérienne de "Menongue" (reconstruite par les Cubains au milieu des années 80), on voit au moins sept MiG-21 au sol. Les MiG sont également filmés en vol (on en voit jusqu'à quatre) et en train de faire du rase motte quand il attaque les troupes de l'UNITA. Une caméra a également été fixée dans un cockpit pour filmer le pilote, en plein vol. Les scènes aériennes auraient été filmées à partir d'un MiG-29 biplace, vu sur une photo du tournage. Certaines scènes ont été complétées par des images de synthèse, qui firent ici leur première apparition dans un film cubain.
Les avions portent un camouflage trois tons (vert, marron, beige) plutôt conforme à l'original (avec un peu trop de marron, néanmoins). Mais les MiG-21 angolais avaient le plus souvent un camouflage plus simple, à deux tons, beige et vert. Ils n'ont aucune marque de nationalité, seuls, leurs gouvernails sont ornés du drapeau angolais, qui ne figurait que sur les avions pilotés par les Cubains. Les MiG portent les codes commençant par "C" (Caça ; chasse) : "C-47, C-55, C-310, C-312, C-314...". Ceux du film emportent tous un réservoir ventral de 490 litres et quatre paniers de roquettes UV-16-57KB.
Ces MiG-21 cubains sont des MiG-21MF, mais les Angolais n'en eurent qu'une dizaine (codes C-40 à C-49) livrés par l'URSS, en novembre 1975. Le MiG-21MF était la version export du MiG-21SM, disponible entre 1970 et 1974. Le vrai "C-55" était un MiG-21PFM (une version construite en 1964; une douzaine mis en œuvre par la FAPA-DAA avec les codes C-50 à C-64), le "C-310", détruit en août 1987, était un MiG-21bis, comme le "C-314". Le "C-312" était aussi un MiG-21bis, abattu le 21 novembre 1987. En 1983, la FAPA-DAA reçut des MiG-21PFM et beaucoup de MiG-21bis (codes C-118 à C-396), la version ultime du MiG-21 (construite entre 1972 et 1974, avec un moteur plus puissant, un canon de 23mm interne, une capacité d'emport améliorée).
Les pilotes cubains de la DAAFAR participèrent effectivement à la bataille de Cangamba, à partir des bases de Menongue et de Kuito; deux, puis sept, MiG-21MF furent engagés. Du 2 au 10 août 1983, les MiG-21 du colonel Henry Martinez effectuèrent près 400 missions de soutien aérien, en lançant 400 bombes (bombes à fragmentation, bombes thermobariques), 2741 roquettes S-5 et 2700 obus de 23 mm. A ce rythme, les stocks de munitions furent vite épuisés...Un MiG-21 fut déclarés abattus par l'UNITA, le 4 août 1983, dans la région de Cangamba.
Des bombes et des roquettes furent bien acheminées à "Luanda" par un Ilyushin Il-62M de la compagnie civile Cubana, comme vu dans le film. Des Antonov An-12 soviétiques participèrent également à ce ravitaillement. On aperçoit (difficilement) les quatre derniers chiffres de l'immatriculation de l'Il-62M, sur une petite trappe du train avant : "1283". Il s'agit donc du CU-T1283 (c/n 4053823), un avion construit en 1990 et livré à Cubana en mai 1991. Il fut endommagé en avril 2008 à Saint Domingue, suite à l'explosion d'un moteur. Il fut rapatrié à La Havane et stocké sur l'aéroport international José Marti, en 2009. Il a été ferraillé après 2011.
Pour finir, précisons que l'aviation angolaise employa dans les années 80, d'autres avions fournis par l'URSS, des MiG-15, des MiG-17, des MiG-23, des Sukhoi Su-20 et S-22.
Christian Santoir
*Film disponible sur YouTube
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