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UN HOMME DE FER

UN HOMME DE FER
Vo.Twelve o’clock high
 
 
Année: 1949
Pays : Etats-Unis
Durée : 2 h 12 min.
Genre : guerre
Noir et blanc

Réalisateur : Henry KING
Scénario : Sy BARTLETT, Beirne LAY Jr 

Principaux acteurs :
Gregory PECK (Le général Frank Savage) Hugh MARLOWE (Le lieutenant colonel Ben Gately) Gary MERRILL (Le colonel Keith Davenport) Millard MITCHELL (Le général Pritchard) Dean JAGGER (Le major Harvey Stovall) Robert ARTHUR (Le sergent McIllhenny) Paul STEWART (Le capitaine “Doc” Kaiser) John KELLOG (Le major Cobb) Robert PATTEN (Le lieutenant Bishop) Lee MacGREGOR (Le lieutenant Zimmerman) Sam EDWARDS (Birdwell)

 

Photographie : Leon SHAMROY
Musique : Alfred NEWMAN
Producteur : Darryl F ZANUCK
Compagnie distributrice : 20th Century-Fox

Avions :

  • Boeing B-17G


Notre avis :

 L’année 1949 vit la sortie d’un film qui fut sans doute la meilleure étude sur la guerre aérienne jamais réalisée par Hollywood. «Un homme de fer » réussit à saisir la dure réalité de la guerre dans le ciel de l’Europe occupée, comme aucun autre film depuis. La guerre terminée, et les soldats rentrés au pays, les langues, ou les plumes, commencèrent à se délier. Des officiers ayant participé activement au conflit écrivirent des livres qui décrivaient avec précision leur expérience. C’est ainsi qu’on se rendit compte que, comme dans le Pacifique, les débuts de la guerre en Europe avait été catastrophiques pour les USA, et notamment pour les aviateurs qui étaient, à l’époque, les seuls Américains à combattre sur ce théâtre d’opération, comme il est rappelé au début du film. D. Zanuck acheta les droits de « Twelve O’clock high » (1948) écrit par le lieutenant colonel Sy Bartlett et le colonel Bernie Lay Jr, anciens membres de la 8° Air Force en Angleterre pendant la guerre. Lay avait commandé le 487th Bomb Group, et avait été abattu au dessus de la France en 1944, alors qu’il dirigeait un raid de B-24. Il échappa aux Allemands avec l’aide de la Résistance. « Twelve o’clock high » est une expression du jargon parlé par les pilotes américains ; elle signifie « droit devant et au dessus » ou  « à la verticale » (de l’objectif).

 Le personnage central du général Savage ressemble fortement à celui du colonel Frank Armstrong Jr., qui conduisit (avec le major Paul Tibbets. Cf. « Enola Gay ») le premier raid de bombardement de la 8° Air Force sur la gare de Sotteville-lès-Rouen (17 août 1942). Au début de 1943, il reçut la charge de prendre le commandement du 306th Bomb Group basé à Thurleigh et de le remettre à niveau. En trois mois d‘opérations, cette unité était celle qui avait subi les plus lourdes pertes. Armstrong conduisit néanmoins avec elle le premier raid américain au dessus de l’Allemagne (Wilhemshaven). Le 306th BG devint le modèle du « 918th Bomb Group » fictif (918=306 x 3) du film.

 La production du film commença en janvier 1949, sous la direction d’Henri King qui dut d’abord trouver un site de tournage convenable ressemblant aux Midlands anglais. Aux commandes de son Beech Bonanza 35, il parcourut des centaines de kilomètres avant de choisir deux bases du sud-est des Etats-Unis. A Eglin Field (Floride), la production obtint un petit terrain satellite isolé. Les techniciens y érigèrent la copie d’une base de la 8° Air Force, avec ses huttes Quonset, ses salles de briefing et une tour de contrôle anglaise de l’époque. Mais comme les pistes en ciment ne ressemblaient pas aux pistes anglaises qui étaient noires (par soucis de camouflage), toutes les séquences d’atterrissages ou de décollage furent tournées à 150 kilomètres plus au nord, à Ozark Field (Alabama)(actuellement Fort Rucker Army Air Field). Pour les multiples détails de la production, le colonel de l’USAF John H. de Russy, un ancien officier du 305th Bomb Group pendant la guerre, assistait Henri King. Son rôle était de recruter les équipages pour les séquences au sol et en air. Tous les pilotes qui volèrent dans le film étaient des volontaires d’Eglin Field. Leur niveau était très variable, et il fallut leur faire subir des séances d’entraînement, notamment pour le vol en formation. De Russy commanda personnellement toutes les formations de B-17 du film.

 Londres, 1949. L’ancien major de l’USAAF, Harvey Stovall, trouve dans la vitrine d’un brocanteur une cruche qui trônait sur la cheminée du mess de son ancien groupe de bombardement, le 918th. Cette cruche représente une tête d‘homme masquée ; quand elle faisait face à la salle, cela signifiait qu’une mission était programmée pour le lendemain. Stovall prend le train et se rend à la base abandonnée d’Archbury où il était stationné pendant la guerre. Alors qu’il se tient au bord de la piste, fissurée et à moitié recouverte par les herbes, ses souvenirs l’envahissent ; on entend peu à peu les chants des pilotes, puis un moteur se met en marche, puis deux, l’herbe se couche sous le vent des hélices… On est en 1942, quand son unité, luttait pour sa survie dans le ciel de l’Europe. L’agressivité de la Luftwaffe a provoqué de lourdes pertes parmi les membres du 918th BG, et le moral est au plus bas. Les équipages sont épuisés et amers. La situation est envenimée par le fait que son commandant, le colonel Davenport, à une forte tendance à s’identifier à ses hommes. Le haut commandement donne donc l’ordre au général Savage, son ami, de remplacer Davenport et de reprendre en main le groupe pour en faire une unité plus efficace. Son but est de redonner aux hommes, épuisés physiquement et moralement, la volonté de combattre, et de préserver, pour leur sécurité, l’intégrité du groupe. L’officier de détail, le colonel Gately, qui s’est arrangé jusqu’ici pour éviter un maximum de missions, est assigné à un B-17 « The leper colony » (la colonie des lépreux..) dont l’équipage sera constitué par les plus mauvais éléments du groupe ! Le bar est fermé. La dureté et l’intransigeance de Savage le font haïr de tous les pilotes qui finissent tous par demander leur mutation. L’assistant de Savage, le major Stovall, qui a compris le but du général, fait traîner les demandes de transferts. Savage a ainsi plus de temps pour prendre en main ses hommes. Le 918th reprend le combat. Lors d’une mission conduite par Savage en personne, le groupe est le seul à bombarder l’objectif, sans aucune perte. Les hommes reprennent peu à peu confiance en eux et comprennent que Savage agit dans leur intérêt. Puis c’est la première mission sur l’Allemagne. Tout le monde veut y participer, l’aumônier, comme Stovall ! Les demandes de transfert sont retirées. Mais peu à peu, Savage, comme Davenport, s’implique moralement vis-à-vis de ses hommes dont beaucoup continuent à disparaître. Le général Pritchard voudrait ramener Savage à l’état-major, mais celui ci refuse, prétextant que son groupe n’est pas encore tout à fait au point. Trois missions importantes sur une usine de roulements à bille sont programmées. Les Allemands jettent dans la bataille tous leurs avions et opposent une défense acharnée. Au départ de la troisième mission, Savage est pris de tremblements et s’effondre. C’est Gately qui le remplacera. De retour dans sa chambre, prostré, c’est l’état de choc, le mutisme. L’ « effort maximum » a été accompli. C’est seulement au retour des avions qu’il reprendra conscience, puis s’endormira. Tout est redevenu calme à Archbury. Stovall quitte la base désaffectée, balayée par le vent...

 Comme dans « Command decision », le scénario est centré sur les premières missions de bombardement diurnes de la 8° Air Force, dont celle, très coûteuse, sur l’usine de roulements à bille de Schweinfurth (17 août 1943). Les B-17, quoique bien armés, n’avaient de « Forteresses » que le nom. Quant au fameux viseur Norden permettant le « bombardement de précision », il n’empêcha pas que l’altitude de bombardement dusse être fortement diminuée (on parle de 3 000 m dans le film) pour augmenter les chances de toucher les cibles, tout en accroissant le taux de pertes des avions exposés à la DCA. Les missions diurnes, sans escorte de chasseurs, qui était la doctrine de l’USAAF au début de son intervention en Europe, étaient une erreur stratégique. Le bombardement de jour ne devint viable que quand arrivèrent des chasseurs à grand rayon d’action, comme le P-51 Mustang, capables d’accompagner les  bombardiers à l’aller comme au retour.

 Le film surpasse par bien des côtés «Command Decision ». Une des meilleures séquences aériennes se situe à la fin du film. Des centaines d’avions semblent être en l’air. Les vues des 12 B-17 loués par les studios furent savamment mélangées avec des films de guerre, certains pris chez les Allemands. Peu d’erreurs peuvent être trouvées, même si des P-47 font office parfois de chasseurs allemands... Mais la scène la plus spectaculaire fut tournée par Paul Mantz. Il devait atterrir sur le ventre, et laisser glisser l’appareil jusqu’à un groupe de tentes, juste devant les caméras. Aucun pilote de l’USAF ne fut autorisé à tourner cette scène. Mantz décolla seul à bord (le B-17 pouvait être piloté par un seul homme, avec un peu d’organisation) et fit son approche. Quand il fut posé, l’avion continua à rouler sur ses roues rentrées, Mantz le dirigeant aux freins. Il glissa en plein sur les tentes comme prévu, mais un mat en acier s’envola en l’air et manqua de peu le cockpit.

 « Twelve O’Cloch High » fut le plus grand film d’aviation de la fin des années quarante et fit 3.225.000 $ de recettes la première année. La situation et les thèmes abordés étaient si universels qu’on en tira une série télévisée qui passa aux USA entre 1964 et 1967, sur ABC. Bernie Lay Jr en écrivit l’épisode pilote. Sorti à la veille de la guerre de Corée, le film est devenu un grand classique américain. Le scénario est servi par d’excellents acteurs au premier rang desquels, Gregory Peck. On a ici un aperçu dramatique des « coulisses » de la guerre, sans l’héroïsme de pacotille, le patriotisme de commande, devenus si souvent l’apanage du genre. Une intrigue sentimentale figurant dans le livre, fut supprimée par les studios qui voulaient que le scénario se concentre totalement sur les affres du commandement. A part une infirmière et deux WAAFs servant du café, il n’y a aucune femme dans le film.

 Le tournage se termina le 1° juillet 1949 et le film fit sa première le 21 décembre 1949 à Los Angeles. La critique le loua pour son honnêteté et son réalisme. Il remporta de nombreux prix et nominations. La bibliothèque du Congrès des Etats-Unis le classa comme « culturally significant » et il fut choisi pour être préservé dans les archives nationales cinématographiques. Ce fut, sans conteste, le meilleur film sur la _8th Air Force.

 

Les avions du film :

 Le 17 avril 1949, King et son équipe débarquèrent en Floride pour commencer à tourner les extérieurs. King loua un DC-4 de Delta Airlines pour faire la navette entre les bases d’Eglin et d’Ozark. Une des premières scènes filmées à Ozark Field fut le retour nostalgique du major Stovall sur le terrain abandonné d’Archbury. Ozark avait été abandonné juste après la fin de la guerre, et était tout indiqué pour cette scène. Avec seulement une vingtaine d’acteurs amenés d’Hollywood, le réalisateur dépendait du personnel de la base d’Eglin pour étoffer le scènes. C’est aussi d’un terrain auxiliaire (Duke Field) d’Eglin que les formations de B-17 décollaient. Le tournage des séquences aériennes eut lieu à partir du North American B-25 (NX1203) de Paul Mantz. Ces séquences furent utilisées plus tard pour être projetées en arrière plan lors du tournage des scènes en studio.

 Bien que les scènes aériennes ne durent que douze minutes environ (sur plus de deux heures de film..), le tournage loua douze à l’USAF 12 B-17. Au moins six provenaient du 3205th Drone Group d’Eglin qui se servait des vieux bombardiers pour des tests d’amerrissage, et comme cibles pour les nouveaux missiles. Quatre autres B-17 furent acquis au Mobile Air Depot de Brookley en Alabama. Un certain nombre de ces avions avaient été utilisés comme avions radioguidés lors des essais nucléaires en juillet 1946, dans l’atoll de Bikini. Ils ne pouvaient être utilisés que pendant de courtes périodes. Les appareils étaient en effet, plus ou moins radioactifs, et régulièrement ils étaient contrôlés au compteur Geiger par mesure de sécurité ! Les deux derniers B-17 venaient de la base de Roswell au Nouveau Mexique.

 Pour ressembler aux avions apparaissant sur les films de guerre qui furent insérés dans les séquences aériennes, les B-17 furent repeints en vert olive et gris comme ceux du 91st Bomb Group vers 1943. Dans le film, les B-17 du 918th Bomb Group portent sur la dérive un grand triangle blanc avec un A noir à l’intérieur. A l’époque où se situe l’action, les B-17 ne portaient que leur numéro de série dessus. Le A noir sera l’insigne du 91st Bomb Group, plus tard. La plupart des B-17G loués avaient été reconfigurés après guerre, en drone (QB-17L/N) ou en avion de radioguidage (DB-17P). Il fallut réinstaller des tourelles de mitrailleuses. Mais celles ci correspondent pas à celles équipant les B-17F de 1943 ; les tourelles de queue sont du modèle « Cheyenne » plus courtes, les tourelles supérieures sont aussi d’un modèle récent, avec un dôme plus élevé.

Les B-17G que l’on voit à l’écran sont :

 -« Piccadilly Lily » HB-T (avec le faux serial 23815) l’avion du général Savage. Ce nom issu d’une chanson populaire anglaise fut donné à plusieurs bombardiers dont un B-17F qui participa au raid malheureux sur Regensburg le 17 août 1943 avec Berne Lay comme copilote. Cet appareil fut abattu le 8/10/1944 par la Luftwaffe au dessus de Brême.

-« The leper colony » l’avion du colonel Gately

Fluzzy Fuzz » le second appareil de Gately

-« The eager beaver » GK-R (23613) posé sur le ventre par Paul Mantz au début du film. Il s’agirait du DB-17G s/n 44-83592. Au dessus de la porte arrière  est inscrit : « Where angels and generals fear to tread » (par où les anges et les généraux ont peur de passer...), une inscription qui fut remarquée par B. Lay sur une vraie Forteresse en Angleterre. Il y eut un vrai « Eager beaver » au 306th BG, un B-17F (s/n 41-24487).

The reluctant Dragon » l’avion du major Cobb.Un B-17F du 96th porta ce nom.

 D’autres B-17 portent les codes HB-V (23814), HB-S (23914). Un B-17G (s/n 44-83387) fut utilisé pour les prises de vues en studio.

 Dans l’introduction, il est précisé que de vrais films de combat furent utilisés. Ils réapparaîtront dans de nombreux autres films. En plus des B-17, ils montrent plusieurs types d’appareils. On remarque surtout des chasseurs allemands, un Messerschmitt Bf-109E en gros plan, des Messerschmitt Bf-109G faisant des passes sur les Forteresses, et des Focke Wulf 190 filmés par des ciné-mitrailleuses. Les avions allemands sont parfois remplacés par un République P-47 faisant feu de ses huit mitrailleuses, et même par un Spitfire !

 

 Christian Santoir

  * film disponible sur amazon.fr

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