Rechercher dans ce blog

ORANGE EST VERT


   
ORANGE EST VERT               

                                                                                                                                     

 

Année: 1980
Pays : France
Durée : 1 h 04 min.
Genre : documentaire
Couleur

 Réalisateur: François MOREUIL
Scénario : François MOREUIL

Acteurs :

Commandant JANTET (lui-même), Capitaine DUCOS, (lui-même), Capitaine ANDRIEU (lui-même), Lieutenant CONTESSE (lui-même).

Photographie: Lichel BEUNE, René FRONTEAU
Compagnies productrices: TF1, SIRPA

Avions :

  • - Boeing C-135F Stratotanker
  • - Dassault Mirage F.1C-200
  • - Dassault Mirage IIIC 
  • - Fouga Magister

 

Notre avis:

Dans les années soixante dix, l’Armée, la « grande muette », sort de son silence. Les responsables militaires et politiques de la Défense se décident à promouvoir une nouvelle image de l’armée et du militaire, à démontrer la crédibilité du système de défense français. Avec la création du SIRPA (Service d'Informations et de Relations Publiques des Armées), l’Armée se dote d’un service de communication qui couvre les trois armes ; le SIRPA-Air est d’ailleurs coproducteur de ce film documentaire. L’accent est mis sur l’efficacité, le professionnalisme, tout le reste, la vocation, l’esprit de corps, ne sont plus que littérature... Le militaire n’a pas à se défendre, ou à expliquer sa position, face à la société civile, il explique ses activités et se livre à des démonstrations les plus probantes possible. Le commandant de la base d’Orange, le colonel Lanata, explique à un journaliste de FR3 qu’une « défense efficace c’est d’abord du matériel perfectionné et c’est surtout un personnel parfaitement entraîné, connaissant son matériel ». Le documentaire est fait pour en fournir la preuve.

Ce film a été tourné sur la base d’Orange-Caritat (BA115) où était basé l’escadron de chasse 1/5 « Vendée » dont les pilotes jouent leur propre rôle. Le titre un peu énigmatique, « Orange est vert », est une phrase codée signifiant simplement que, sur la base d’Orange, ce jour là, tout est OK, la météo est bonne, la piste ouverte sans restriction particulière; on apprend ainsi que Nîmes et Salon sont « bleu » (ça doit être moins bon..).

Le réalisateur propose de montrer au téléspectateur une journée comme une autre, sur la base d’Orange-Caritat. On voit, tôt le matin, les pilotes quitter leur petite famille et se rendre à la base, comme n’importe quel employé, en écoutant les nouvelles à la radio (on s’aperçoit, au passage, que les nouvelles de l’étranger tournent toujours, hier comme aujourd’hui, sur les mêmes pays « fatigants » : Libye, Iran et déjà, l’Afghanistan…). La journée commence à la base par l’exposé de la situation météo et de la disponibilité des diverses bases de l’Armée de l’Air de la région. Puis, on projette un petit film sur le siège éjectable 0/0 (Martin-Baker Mark 4), en réponse à une question, suivi par un exercice de reconnaissance visuelle des avions étrangers (MiG-19, MiG-21, Drakken..). Les pilotes vont ensuite faire un peu de sport, pendant que les rampants sortent les avions, les arment et font le plein de carburant. La Patrouille de France, ce matin là, s’entraîne au dessus de la base en prévision de la journée Portes Ouvertes du dimanche suivant. Le capitaine Ducos doit passer son brevet de chef de patrouille lors d’un exercice d’interception de deux « hostiles », venant du sud, entre la Corse et Marseille, au niveau 350. La mission se poursuivra en basse altitude pour descendre, avec un vrai missile, un engin cible, lancé à partir du Centre d’Essai de l’île du Levant. Les avions seront guidés par la station radar Rhodia Mont-Agel, située entre Nice et Menton. La mission nécessitera en outre un  ravitaillement en plein vol. Ducos décolle à la tête d’une patrouille de quatre Mirages (code Charco Alpha). Tout se déroule normalement, quand le commandant Jantet heurte un oiseau qui brise une partie de sa verrière; il est blessé au visage et n’y voit plus grand chose. Un de ses coéquipiers quitte la formation pour l’accompagner jusqu’à Bastia et l’aider à atterrir. Ne pouvant voir ses instruments, il atterrit trop vite, le parachute de freinage est arraché, mais le chasseur sera stoppé par la barrière d‘arrêt. Il y a eu plus de peur que de mal, et le commandant Jantet, après quelques points de suture au front, est ramené à Orange où ses camarades l’accueillent chaleureusement. Ce soir là, il sera un peu en retard à la maison..

Ce documentaire didactique nous montre toutes les étapes d’une mission : préparation des machines, visite pré-vol, étude des plans de vol, procédures d’interception, débriefing... Il fournit aussi un large aperçu des différents personnels de l’Armée de l’Air, en dehors des pilotes : escadron de protection des installations et des aéronefs (patrouilles avec chien, missiles sol-air Crotale R-440), radaristes, contrôleurs aériens, mécaniciens, armuriers... Il a du donner pas mal d’idées à de nombreux adolescents.

Le journaliste de FR3 pose au commandant de la base des questions qui fâchent : le bruit généré par l’activité aérienne et les chasseurs décollant PC allumée, le coût des opérations, alors que depuis 1973, on est toujours sous le coup du choc pétrolier... Il lui est répondu que les opérations se situent surtout au dessus de la mer et que les pilotes de combat ne font que quinze heures de vol par mois, ce qui est le minimum absolu, en dessous duquel la sécurité et le niveau des pilotes ne sont plus assurés…180 heures par an c’est la norme OTAN ; en 2009, on doit en être « autour » de ce chiffre. En 2001, les Allemands faisaient moins (145 h) , les Anglais plus (195 h).

Dans ce documentaire, les activités, la base et les hommes sont présentés en relation d’osmose avec le monde extérieur. Le pilote de chasse est un homme comme les autres, sauf que ses responsabilités sont plus lourdes, sa machine payée par le contribuable étant un matériel sophistiqué très coûteux. Le pilote de chasse est aussi une « assurance sécurité » de la nation, dans un monde dangereux, instable, comme le prouve l’actualité internationale. Il est notamment fait mention dans le film des événements de Gafsa (26 janvier 1980), une action armée menée contre le régime tunisien et organisée par ses deux voisins, la Libye et l'Algérie. L’ambassade de France à Tripoli avait été brûlée, et le centre culturel français de Benghazi, saccagé.

« Orange est vert » est d’une grande qualité esthétique, grâce à des scènes aériennes très bien filmées. Les amateurs du Mirage F.1, encore en service sous ses versions F.1B, F.1CT et F.1CR, apprécieront. L’escadron 1/5 Vendée sera également à l’honneur avec ses Mirage 2000, dans « Les chevaliers du ciel » en 2005.

 

Les avions du film 

Le 15 mars 1975, les " Mirage IIIC " du Vendée,  laissèrent la place au " Mirage F.1C ". A partir de juillet 1977, l’apparition des premiers Mirage F1C-200, ravitaillables en vol, permet à l’escadron d’effectuer des missions de plus en plus longues, et en janvier 1980, le premier raid de " Mirage F1 " sur Djibouti est réalisé. Le 1/5 sera aussi déployé au Tchad dans le cadre de l’opération « Manta ».

Les Dassault Mirage F.1C-200, en bleu DA, que l’on aperçoit à l’écran, sont les : 5-ND (n° 229), NH (n° 211, qui heurte un goéland au tout début du film), NJ (n° 239), NK (n°231), NL (n° 219), NO (n° 227). Ils portent l’insigne de l’escadrille SPA 124 « Jeanne d'Arc », peint sur la gauche de la dérive, et celle de la SPA 26 « Cigogne de St Galmier », dite « supersonique !», sur la droite (Cf. plus haut).

Les “hostiles” sont deux Mirage IIIC que l’on voit fort peu, et par l’arrière. L’exercice est assez classique et même s’il se déroule à haute altitude et à vitesse supersonique, ce dogfight  rappelle un peu ce qui se passait pendant la dernière guerre : repérage des hostiles par un radar au sol (celui du Mont Agel, situé à 1 148 m d’altitude, porte jusqu’au nord de la Sardaigne), guidage des intercepteurs vers la cible, accrochage par le radar de bord, tir au canon. Seule la cible volant à basse altitude est détruite avec un missile air-air. Le radar du F.1C, le Thomson-CSF Cyrano IV, avait une portée de trente nautiques et n’était vraiment utilisable qu’en vision vers le haut (vers le bas, la cible se confondait avec les échos du sol...) ; son scope cathodique, monochrome, peu lumineux, était issu de la technologie des années 60…

L’armement des F.1 du film se compose d’un missile air-air moyenne portée Matra R.530 (on voit le remplissage du réservoir d’azote liquide de l’autodirecteur infrarouge ; une opération pas toujours appréciée par les mécaniciens de piste...) fixé sous le fuselage (mais non emporté lors de la mission décrite), deux missiles air-air à autodirecteur infrarouge Matra R.550 Magic, fixés aux extrémités de la voilure, auxquels il faut ajouter les deux  canons DEFA-553 de 30 mm, dans le fuselage. La visite pré vol, telle qu’elle nous est montrée, pourrait servir à l’entraînement des cadets tant elle est détaillée ; le pilote fait le tour de l’avion dans le sens des aiguilles d’une montre, en vérifiant toutes les parties mobiles de l’appareil, les tubes de Pitot, le train d’atterrissage (amortisseurs et roues), sans oublier de déverrouiller lui-même la sécurité sol des aérofreins et des trappes de train (petites portes sous les paniers à munitions)…

Les F.1 sont ravitaillés en l’air par un Boeing C-135F Stratotanker (c/n 18695, US s/n 63-12735), le premier d’une commande de douze. Il fut d'abord immatriculé F-UKCG (code 93-CG) et affecté en 1971 au ERV 4/94 "Sologne", puis F-UKCL (code 93-CL) remotorisé avec des réacteurs CFM56 et affecté en 2005 au ERV 3/93 "Bretagne". Il décolle de la base 125 d’Istres-Le Tubé. En 2023, il est toujours en service. Lors du ravitaillement des F.1, on entrevoit furtivement un Mirage IVA.

Le commandant Jantet est ramené à Orange dans un Fouga CM-170R Magister de l’escadron (code 5-MD, c/n 206). Construit en 1959, cet avion, une fois réformé, fut acquis en 2011, avec le matricule F-AZZS, par un particulier et stocké depuis dans son état d'origine sur l'aérodrome de St Yan. Au début du film, on voit également les neuf Fouga de la Patrouille de France. 

A l'entrée de la base d'Orange, figure un Dassault Super Mystère B2, monté sur un socle.

Lors d'un exercice d'identification des avions potentiellement ennemis, on peut voir sur une film un MiG-23PF russe au sol, ainsi qu'un MIG-19 qui est en fait un avion fabriqué en Chine populaire et portant le code "3171" (rouge). Ce Shenyang JZ-6 (Jinajiji Zhenchaji 6) était un avion de reconnaissance que son pilote atterrit livra à Taïwan le 7 juillet 1977 !

Sur un bout de film, on voit un SEPECAT Jaguar tirer une salve de roquettes de 68 mm d’un panier Matra 155.

Sur la base de Solenzara, on aperçoit en arrière-plan un Lockheed F-104 Thunderjet, un appareil étranger, l'Armée de l'Air n'ayant jamais utilisé cet appareil.

Enfin, la cible abattue lors de l’exercice, est un petit drone Nord Aviation CT.20 IV, peint en rouge orangé afin d’améliorer sa visibilité (il n’avait que trois mètres soixante de long).

 

Christian Santoir

* Film disponible sur YouTube

P.S. Ce documentaire nous a été fourni à titre gracieux par le fils du général Jantet, Pierre Jantet, auquel nous adressons nos plus vifs remerciements.

Enregistrer un commentaire

Copyright © Aeromovies. Designed by OddThemes