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MERMOZ

MERMOZ

 

Année : 1943
Pays : France
Durée : 1 h 40 min.
Genre : biographie
Noir et blanc

Réalisateur : Louis CUNY
Scénario : Louis CUNY, Henry DUPUIS-MAZUEL

Robert HUGUES-LAMBERT (Jean Mermoz), Lucien NAT (Julien Pranville), Camille BERT (Bouilloux-Laffont), André NICOLLE (Didier Daurat), Max FONTAL (Collenot), Héléna MANSON (Madame Mermoz)

Musique : Arthur HONEGGER
Photographie : Jean LEHERISSEY
Producteur : André TRANCHE
Compagnie productrice : Les Productions Françaises Cinématographiques

Avions :

  • -Couzinet 70, F-AMBV, images d'archives
  • -Latécoère 26-2R, F-AILA,  idem
  • -Latécoère 28.3, F-AJNQ,  idem
  • -Latécoère 300, F-AKGF, idem
  • -Nieuport Nie-21, idem
  • -Nieuport Delage Ni-D42 C-1, idem
  • -Potez 25, idem
  • -Potez 25A.2 maquette éch.1/1, "F-AJDY"

 

Notre avis :

 Ce film est à la gloire d'un des héros de l'aviation française, Jean Mermoz. Il sortit en pleine guerre, le 3 novembre 1943. A cette époque, L'"état français" était devenu un état fantôme, gouverné par un fantoche, le maréchal Pétain, entièrement dans les mains des nazis. Depuis le 11 novembre 1942 et l'invasion de la zone "nono" par la Wehrmacht, l'Allemagne pillait les ressources agricoles et industrielles de la France, à un rythme accéléré.

 Quant à l'aviation française dont il est question ici, elle n'existait pratiquement plus. C'est la Lufthansa qui passait des "contrats de location" avec Air France pour que la compagnie lui livre ses avions, contrats qui finiront par se transformer en réquisitions en juin 1943. Les Allemands désiraient utiliser toute la flotte d'Air France pour leur propre compte. Le siège social de la compagnie à Marseille fut accaparé en janvier 1943 par les Allemands ainsi que ses ateliers. Les Allemands allèrent même jusqu'à demander à Air France de constituer un groupe de transport militaire au service de l'armée allemande ! Cette demande ne fut quand même pas honorée. La France était alors totalement isolée, l'Afrique, le Moyen Orient étant passés du côté des Allés, et le réseau d'Air France n'existait plus.

 C'est alors qu'apparaît "Mermoz" qui rappelle le "beau passé" de l'aviation française, lors des années 30. Il n'est pas sûr qu'il ait remonté le moral du spectateur français. Ce film était pourtant important aux yeux de Pétain. Dès les premiers mois, Pétain manifesta son intérêt pour le projet. Une fois le film terminé, une projection privée eut lieu le 11 octobre 1943 à Vichy. Y assistèrent, entre autres spectateurs, Pétain lui-même, la mère de Mermoz et le producteur André Tranché. 

Le tournage commença avant l'occupation de la zone libre par les Allemands, occupation qui causa de longs retards et entraîna des dépenses supplémentaires. Le film reçut plus d'un million de francs sous forme de subventions.

 Le principal acteur, Robert Hugues-Lambert, se distingue surtout par une étonnante ressemblance avec le héros de l'Aéropostale : même regard, même sourire, même profil. Il fut arrêté le 3 mars 1943, avant l'achèvement de certaines scènes. La police militaire allemande l'interpella, selon Tranché, dans un bar homosexuel, le "Sans-Souci". Pour terminer les dernières scènes du film, une doublure va devoir le remplacer (de dos) en la personne d'Henri Vidal qui n'a pas le même timbre de voix que Hughes-Lambert, toutes les tentatives de Tranché pour le faire libérer n'ayant pas abouti. Louis Cuny dépêcha alors une équipe jusqu'à son lieu de détention, le camp de Royallieu, près de Compiègne. Avec la complicité d'un gardien du camp, il réussit à enregistrer la voix d'Hugues-Lambert à l'aide d'une perche passée par-dessus l'enceinte du camp !

 Le film ne s'intéresse qu'à la vie professionnelle de Mermoz, même si quelques allusions sont faites aux relations étroites qu'il entretenait avec sa mère et à l'attraction qu'il exerçait sur le sexe féminin. On ne parle pas de son épouse, une Française née en Argentine, qu'il épousa en 1930 et dont il ne divorça pas, même s'il s'en sépara, incapable de résister à d'innombrables tentations qui se traduisirent par de multiples aventures amoureuses, plus ou mois passagères. Mermoz n'était pas un mari facile...

 Cette biographie s'articule autour de dates clés :

° 30 juin 1924 : démobilisation de Mermoz et recours à de petits boulots; un épisode longuement évoqué dans le film.

° octobre 1924 : arrivée à Toulouse-Montaudran

° 1926 : affectation au tronçon Casablanca-Dakar

° 11 avril 1927 : création de la Compagnie Générale Aéropostale.

° 6 novembre 1927 : affectation à Rio de Janeiro

° 16 avril 1928 : Mermoz effectue le premier vol de nuit sur le tronçon Buenos Aires-Rio.

° 9 mars 1929 : une panne oblige Mermoz et Collenot à se poser au milieu des Andes. Une autre très longue séquence du film.

°12 mai 1930 : traversée de l'Atlantique avec Dabry et Gimié, dans l'hydravion Laté 28.3 "Comte-de-la Vaulx".

° Mars 1931 : liquidation judiciaire de l'Aéropostale.

° 16 janvier 1933 : traversée de l'Atlantique sud avec le Couzinet 70 "Arc en Ciel".

° 4 août 1934 : Mermoz est fait commandeur de la Légion d'Honneur.

° 10 février 1936 : disparition de Collenot à bord du Laté 301 "Ville de Buenos Aires".

° 7 décembre 1936 : dernier vol à bord du Laté 301 "Croix du Sud", disparu entre Dakar et Natal.

 Ce docufiction qui a une mise en scène lourde et maladroite, est réalisé dans un parfait esprit vichyssois. Mermoz est représenté comme un passionné solitaire qui doit vaincre le matérialisme, la bureaucratie, l'inertie officielle, l'inculture des chefs d'entreprises et l'immobilisme des forces de l'argent, qui lèsent les intérêts du citoyen comme ceux de la nation entière. Son personnage est conforme à l'idéologie de l'état français. Rappelons qu'avant la guerre, Mermoz avait été le vice-président d'un mouvement d'extrême droite, le Parti social français, dirigée par le colonel de La Rocque.

 Il était impossible en 1943 de trouver des avions d'époque pour le tournage, d'autant que les Allemands avaient fait le "ménage" en ferraillant tout ce qui ne les intéressait pas. Pour la scène de l'accident dans la cordillère des Andes, il n'était pas question, en outre, de transporter un avion dans les Alpes. Une partie des scènes fut donc filmée en studio, rue François-Ier, à Paris, où un immense décor de cimes et de plateaux neigeux fut édifié. On eut également recours à une maquette d'avion grandeur réelle pour cette scène. Tous les autres avions sont vus sur des extraits de documentaires collés bout à bout (dont la plupart sont visibles sur YouTube). Encore était-il difficile de montrer tous les avions pilotés par Mermoz et il en manque beaucoup, comme les Breguet-Latécoère 14.A2, CAMS 53/1, De Havilland D.H.88 Comet, Potez 36/14 (son avion personnel en 1930), Blériot 5190, Farman 220, entre autres…

 

 Les avions du film :

 Le premier avion aperçu dans le film est un Nieuport Delage Ni-D 42 C-1 qui, vu sa décoration, pourrait être l'avion de Fernand Lasne avec lequel ce dernier battit douze records de vitesse en 1925. C'est aussi avec lui que Mermoz fait des cabrioles dans le ciel devant un Didier Daurat qui n'apprécie guère. Quand il demande à Mermoz de refaire un vol plus calme, Mermoz se dirige d'abord vers ce qui ressemble à un Caudron Luciole, avant de décoller dans un Nieuport 21, que l'on va revoir plusieurs fois par la suite, de dos, en train de décoller. Le Nieuport 21, était un chasseur et un avion d'entraînement construit en grand nombre qui n'a jamais transporté de courrier et ni appartenu à la flotte de l'Aéropostale.

 L'avion suivant est un Potez 25, en train de décoller, suivi par le Ni-D 42 vu précédemment.

 Apparaît enfin, dans le "Sahara", le seul avion employé par le tournage, une réplique grandeur réelle d'un Potez 25. Cette reproduction est à peu près correcte, si on oublie certains détails.

 Au Brésil, alors que Mermoz inaugure les vols de nuit, on revoit le Nieuport 21 dont la présence ici est plutôt insolite. Lors d'une scène où Mermoz part, de nuit, avec le Potez 25, l'avion porte le faux matricule "F-AOEI" ayant appartenu à un Potez 600, en 1936.

 Puis, on voit le vrai Potez 25 "F-AJDY" filmé au dessus des Andes, un extrait de documentaire maintes fois utilisé. L'avion porte le matricule "F-AJDY" du Potez 25A.2 (n/c 1521) de la Compagnie Générale Aéropostale. Il fut d'abord basé à Toulouse avant de l'être à Buenos-Aires. Il arriva en Argentine en juin 1929, où il fut transformé en Potez 25.55, avec un réservoir plus grand et un coffre à courrier installé dans le cockpit arrière. Il finira immatriculé en Argentine "LV-JFA", en 1938, au nom de Molina H. Y. Germinatti. Il était encore inscrit sur les registres en 1967 !

 Lors de la très longue séquence où Mermoz et Collenot réparent leur avion dans les Andes, on remarque que sur la dérive de la maquette est inscrit "Potez 27  n° 1520". Le Potez 27 était un avion militaire avec une dérive différente, plus grande, et le numéro constructeur "1520" correspondait à un autre Potez 25, "F-AJDX", de l'Aéropostale. Mais le problème n'est pas là.

 Le 9 mars 1929, au cours d'un vol de reconnaissance vers l'Argentine, Jean Mermoz dut poser son avion dans la Cordillère des Andes. Après des réparations de fortune effectuées par son mécanicien Alexandre Collenot, Mermoz réussit un décollage acrobatique afin de rejoindre Copiapo au Chili, son point de départ. 
 
L'avion de cet exploit, n'était pas un Potez 25, mais un monoplan, le Latécoère 25-3.R "F-AIEH" (un Laté 17 d'origine c/n 603), un avion qui fut  exploité par la CGA, et loué à la Cie Aeroposta Argentina (R-211). Enregistré au nom d'Air France en 1933, il fut retiré du service en novembre 1935, et  immatriculé en Argentine (LV-AEB) jusqu'en novembre 1951; il fut ensuite récupéré par le Musée de l'Air de Moron (Buenos-Aires) où il est toujours exposé avec son matricule français. On peut penser qu'il ne s'agit pas d'une erreur de la part de la production, mais d'un choix délibéré. Pourquoi ? La maquette du Potez 25 était-elle plus facile à construire que celle d'un Laté 25, un avion à cabine; les images du Potez "F-AJDY" étaient-elles plus nombreuses que celles du Latécoère ?

 Pour la traversée de l'Atlantique, Mermoz pilote l'hydravion Latécoère 28/3 "F-AJNQ" (n/c 919) de l'Aéropostale, baptisé "Comte de la Vaulx". Dans le cockpit, reconstitué en studio, la manette des gaz est identique à celle montrée pour le Potez 25 et ne correspond pas du tout à celle des deux véritables avions. Quand l'avion décolle, puis amerrit, on nous montre des flotteurs qui n'ont rien à voir avec ceux du Laté 28, mais qui appartiennent à des hydravions à coque dont un Lioré et Olivier LeO H-24, (qui décolle de Marseille-Marignane) et, peut-être, à un Loire 130. Quant le courrier est déchargé, il l'est à partir d'un quadrimoteur Laté 300 d'Air France…

 Sur un extrait de documentaire, on voit le Latécoère 26/2R (n/c 653) "F-AILA" de l'Aéropostale, basé à Rio de Janeiro. Il sera récupéré par Air France et réformé en novembre 1935.

 Une autre traversée de l'Atlantique sud est effectuée avec le Couzinet 70 (n/c 01) “Arc-en-Ciel” mis au nom de l'état français. Le Couzinet 70 fut ensuite modifié pour corriger une certaine instabilité latérale, le nez de l'appareil fut rallongé, les capots moteurs et les fenêtres modifiés, les hélices remplacées et des "oreilles de cochon" installées sur le plan fixe. Le chantier fut achevé en mai 1934; l'avion, rebaptisé Couzinet 71, avec la même immatriculation "F-AMBV", put reprendre ses vols avec Air France. L'Arc-en-Ciel fut vendu en mai 1937 et racheté par René Couzinet; il fut finalement détruit dans son hangar lors de la seconde guerre mondiale, en 1940.

 Lors de l'évocation des traversées de l'Atlantique entre Dakar et Natal, apparait un Latécoère 28/0 "F-AJOY" (n/c 923) de l'Aéropostale, basé à Rio de Janeiro. Il sera exploité par Air France avec le nom de "Ciclon". Le Laté 28, malgré son autonomie, ne fut jamais employé pour traverser l'Atlantique, l'état n'autorisant le survol des océans qu'aux multi moteurs ou aux hydravions.

Au Bourget, Mermoz est décoré devant une rangée d'avions d'Air France alignés, dont un Wibault 282 et un Farman 301.

 Le dernier avion du film est le Latécoère 300 (n/c 01) "Croix du Sud", immatriculé "F-AKGF", au nom de l'état français et basé à Dakar. Il fit son premier vol le 17 décembre 1931, immatriculé "F-AKCU", mais coula dans l'étang de Biscarosse ! Renfloué et modifié, il revola le 7 octobre 1932, avec le nouveau matricule "F-AKGF" et le nom "Croix du sud". L'hydravion montré dans le film est bien le "F-AKGF" mais dans sa première configuration, d'avant mai 1935, avec une aile sans dièdre, une dérive arrondie, contrairement à l'hydravion qui fut accidenté (aile avec dièdre de 5° et dérive agrandie).

 

 Christian Santoir

 * Film rare

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