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2 DE L'ESCADRILLE

 

2 DE L'ESCADRILLE

 

Année :1953
Pays: France
Genre : comédie
Durée: 1 h 37 min.
Noir et blanc

Réalisateur : Maurice LABRO
Scénario : Claude BOISSOL, Jacques EMMANUEL, Pierre SALVA

Acteurs principaux :

Jean RICHARD (Pierre Dourdan, dit "Saucisse"), Roger PIERRE (Lieutenant Chardonneret), Magali NOËL, Noël ROQUEVERT, Jacques EMMANUEL, Claude BOISSOL.

Musique: Paul DURAND
Photographie : Jean LEHERISSEY
Producteurs: Hubert d'ACHON, Suzanne GOOSENS
Compagnies productrices : Jason Films, Latino Consortium Cinéma

Avions :

  • -Caudron C.445 Goéland
  • -Douglas A-24B-DT
  • -Lioré et Olivier LeO 453L
  • -Messerschmitt Bf.109E, document.
  • -Republic P-47D Thunderbolt 

 

Notre avis :

 Le scénario de ce film suit de très près le livre de Pierre Salva, un ancien pilote de chasse, "Les Cochons n'ont pas d'ailes" (Ed. du Scorpion, collection "Histoire de rire"...), paru en  1951. Ce titre n'a pas été conservé "par souci de respectabilité cinématographique", selon l'auteur…C'est une vision comique de l'Armée de l'Air, quand ses pilotes combattaient aux côtés des Américains, sur le front méditerranéen. L'action se passe en Sardaigne, en août 1944, peu avant le débarquement de Provence.

 L'aspirant Pierre Dourdan, dit "Saucisse", et le lieutenant Chardonneret sont deux pilotes de chasse basés en Sardaigne. Dourdan se caractérise par un manque de chance absolue et a été victime de nombreuses avaries, sur différents avions. Revenant de mission avec une bombe non décrochée sous une aile, son atterrissage est parfait, mais la bombe se décroche et vient rouler jusqu'aux pieds d'un général Sergeol, en visite... Récapitulant les « pépins » survenus à Dourdan, ses supérieurs, dont le général, décident qu'il a besoin de repos et l'envoient, sous la surveillance de Chardonneret, à Marrakech, avec un avion qui doit être révisé là-bas. Mais pendant le trajet, Dourdan prend un appareil américain pour un Allemand et l'abat ! Heureux de cette première victoire, il atterrit afin de récupérer un souvenir sur l'épave de l'avion ennemi...Dourdan et Chardonneret sont accueillis par un colon qui est le maire d'un petit village. Sa fille, Clémence, séduite par ce héros tombé du ciel, demande à Dourdan d'être sa marraine de guerre. Peu après, on amène chez le maire un pilote américain. Ce dernier finit par comprendre qu'il a été abattu par Dourdan, et, furieux, il lui enjoint de l'emmener de suite à Alger. Là, les deux compères sont obligés de raconter à leur hiérarchie, toute l'histoire qui remonte jusqu'au général Sergeol, en Sardaigne. Dourdan est à deux doigts de passer en conseil de guerre. Après avoir été retardé par des problèmes techniques sur l'avion de Chardonneret, Dourdan repart en Sardaigne dans un avion de transport, sans avoir oublié d'emmener un cochon, pour améliorer l'ordinaire de la popote. L'avion est escorté par Chardonneret. En route, ils sont attaqués par trois chasseurs allemands. Prenant la place du mitrailleur, Dourdan en abat un, mais le pilote du transport est touché et il doit prendre sa place. Chardonneret descend un autre chasseur ennemi. Malgré un moteur arrêté, Dourdan fait atterrir le bimoteur sans encombre. Le général Sergeol veut bien pardonner, à condition que, désormais, Dourdan casse du matériel ennemi ! Il va en avoir l'occasion, car les Alliés sont sur le point de débarquer en Provence.

 On ne voit pas trop ce que faisaient des chasseurs allemands entre l'Algérie et la Sardaigne, encore moins à l'est d'Alger, en août 1944. Dans le roman de P. Salva, on indique que les Allemands faisaient des missions reco à partir de l'Italie avec des Bf.109 munis de réservoirs extérieurs. La plupart des versions du Bf.109 furent effectivement équipées pour la reconnaissance à longue distance, comme les Bf.109 E-8, G2-R2, G4-R3, G6-U3… Les Allemands avaient quitté la Tunisie depuis mai 1943, la Corse avait été libérée en octobre de la même année, et, en 1944, les Allemands avaient été repoussés au nord de Florence, dans les Apennins. Mais le plus gros problème est que l'on ne connait pas de groupes de chasse français, équipés de P-47, en Sardaigne, en 1944…Ils étaient basés dans le nord de la Corse, sur la base d'Alto-Folelli (Cf. Thunderbolt-1947). Dans le livre, les héros volent sur Spitfire.

 Un North American P-51 Mustang pris pour un Messerschmitt Bf.109E, en 1944, au-dessus de l'Algérie, à cause de ses ailes carrées, c'est la trame du roman de Pierre Salva, "Les cochons n'ont pas d'ailes". Dourdan devait pourtant avoir été averti que les Messerschmitt n'avaient plus le bout des ailes carré, depuis au moins deux ans, les Bf.109E ayant été remplacé par des Bf.109G. Néanmoins, pendant la guerre, il y eut de nombreux pilotes abattus par des gens de leur camp. Force est de constater, aussi, que les pilotes étaient souvent de mauvais spotters et se trompaient souvent sur le type d'avions qu'ils avaient en face d'eux…

 Cette petite comédie qui n'a cure de l'exactitude historique, mais où Pierre Richard commence à affirmer son rôle de comique, a néanmoins bénéficié de la collaboration de l'Armée de l'Air et de ses unités basées en France, à Villacoublay et Cognac, mais aussi au Maroc, à Rabat-Salé et Meknès, en Algérie, à Oran-La Sénia. Il permet ainsi de voir le matériel de l'Armée de l'Air, au début des années 50, avant l'arrivée des jets, un matériel constitué d'avions américains, et secondairement, d'avions français, dont la conception remontait à l'avant-guerre.

 

 Les avions du film :

 Le film ouvre sur des séances de strafing effectuées par des Republic P-47D Thunderbolt, sur ce qui parait être des bases allemandes (on reconnait un Junkers Ju.52), mais aussi… japonaises. Ces extraits de films de cinémitrailleuses se retrouvent, çà et là, dans plusieurs films se déroulant lors de la dernière guerre.

 Dourdan et Chardonneret volent sur Republic P-47D Thunderbolt, dont on ne peut malheureusement, vu la mauvaise qualité de la copie du film que nous détenons, distinguer le serials. Les avions sont tous de couleur métallique avec panneau antireflet. On peut néanmoins reconnaitre l'insigne du CERA (Centre d'Entraînement de la Réserve Active) de Rabat. Ces avions portent une lettre unique sur le capot moteur ou à l'arrière du fuselage. On distingue aussi l'insigne du Groupe de Marche 1/21 "Artois", sur plusieurs P-47, notamment quand le général vérifie le bon fonctionnement du lance-bombe (auquel est accrochée une bombe d'exercice américaine M-38A2, remplie de 50 kg sable; Dourdan ne craignait rien…). Le GM 1/21 fut basé à Oran, entre décembre 1951 et juin 1952. Autre insigne, assez fréquente, celle du Cercle de chasse de Paris du CERAA (Centre d'Entrainement des Réserves de l'Armée de l'Air) de Villacoublay. Cette unité était également équipée de Morane Saulnier MS.472 Vanneau, depuis le début de 1950. Le Vanneau équipait également le CERO 309 (Centre d'Entrainement des Réserves Ordinaires) de Rabat et l'école de chasse de Meknès, en 1951-1952. On voit cet appareil, au sol (l'avion est de couleur métallique), quand Dourdan, embarque le pilote américain qu'il a descendu, puis, en vol, l'avion est alors de couleur sombre. Il a été repeint de la même couleur que le Douglas A-25 qu'il remplace. Les MS.472 était habituellement de couleur métallique avec un panneau anti reflet devant le pare-brise.

 Les Douglas A-24B-DT, pilotés alternativement par Chardonneret et Dourdan, sont tous de couleur sombre (bleu ?) et n'ont pas de marques très apparentes. Ils équipaient l'école de chasse de Meknès.

 On remarque que Dourdan, comme Chardonneret, portent un équipement emprunté à la RAF : casque de type C, masque à oxygène de type G anglais, mais pas de lunettes...

 L'avion du général est un Caudron C.445 Goéland, sans marque apparente, à part un insigne illisible sur le nez. Le cockpit a été reconstitué en studio avec de vrais volants, et les deux commandes de pas bien en évidence.

 Dourdan retourne en Sardaigne dans un Lioré et Olivier LeO 453L (Liaison), un Leo 451 équipé de moteur Pratt et Whitney, reconditionné par l'AIA (Atelier Industriel de l'Air) d'Alger Maison-Blanche (voir l'insigne sur la dérive), avec le poste du mitrailleur supérieur fermé par un hublot, suppression de la cuve rétractable servant de poste de tir inférieur (elle a été reconstituée approximativement en studio, de même que le poste de tir supérieur, qui était normalement équipé d'un canon de 20 mm, encadré par deux mitrailleuses, et non par un simple couplage de mitrailleuses de 7.7 mm), fixation d'une main-courante sur le côté droit, pour accéder à l'unique porte de l'avion ouvrant sur l'aile, ouverture de nombreuses petits hublots pour éclairer la cabine. Ces avions de couleur métallique n'ont aucune marque, à part leurs cocardes. Quand l'avion roule au sol, il devient  un Leo 451, au camouflage tacheté, reconnaissable à ses anciens moteurs Gnome-Rhône 14N et ses capots Mercier, encore en service après la guerre.

 Dans son roman, Pierre Salva souligne le décollage délicat du LeO 45. Si le pilote levait la queue de l'appareil trop tôt, il était impossible de contrôler sa trajectoire, la dérive étant masquée par l'aile et les moteurs. Selon la "méthode Lecarme", il fallait d'abord maintenir au sol la roulette de queue (verrouillée) avec le manche au ventre, puis, quand le badin affichait 100 km/h, on le poussait franchement en avant pour que les dérives passent au-dessus du sillage de l'aile et puissent être alimentées. A partir de 120 km/h, on pouvait tirer le manche pour décoller…

 Le LeO 453 est attaqué par des Messerschmitt Bf.109E, dont on peut voir un exemplaire, issu d'un documentaire. Comme d'habitude, "Saucisse" croit tirer sur des 109, mais les autres (ou l'autre) attaquants sont des North American P-51D Mustang, ou plus exactement des F-6C/D déguisés en Teutons, avec un camouflage bicolore et de grandes croix noires de fuselage et d'ailes. Mais cette fois-ci, ce n'est pas de sa faute, mais celle de la production…On ne sait d'où viennent ces appareils, aperçus très furtivement. La France n'utilisa, après la guerre, que la version reco du Mustang qui équipa le GR II/33 "Savoie" et le GR I/33 "Belfort". Après 1950, ces avions furent basés à Cognac, jusqu'en 1952, date de leur remplacement par des Republic F-84G Thunderjet.

 

  Christian Santoir

 

  *Film rare. Visible au CNC (Centre National du Cinéma et de l’image animée) de Bois d'Arcy, sur rendez vous (payant)

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