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LES BLEUS DU CIEL

 

LES BLEUS DU CIEL

                                                    

Année :1933
Pays : France
Durée : 1 h 11 min.
Genre : comédie
Noir et blanc

Réalisateur : Henri DECOIN
Scénario : Henri DECOIN

Acteurs principaux :
Albert PREJEAN (Jean-Pierre), Blanche MONTEL (Jeannette Rémy), Marcel DELAITRE (Antonin Rémy), Raymond CORDY (Achille), Lulu WATIER (Antoinette), Pierre PALAU (Williams), Robert OZANNE (Charlot), Georges PECLET (Alex), Eddy GHILAIN (Servet).

Musique : Georges Van PARYS
Photographie : Jean BACHELET, Louis NEE, Gérard PERRIN     
Producteurs : Pierre MARECHAL, Didier DECOIN
Compagnie productrice : D.E.C. Films

Avions :

  • - Bleriot-Spad 92 F-AJHK, n° 15/4432
  • - Breguet 270 en arrière plan
  • - Caudron C.270 Luciole, F-ALUL, n° 21/6589
  • - Caudron C.232
  • - Farman F-41 F-AHMF, n°6828
  • - Farman F-200 F-AJSC, n° 19/7206 
  • - Farman F-231 F-ALLU, n° 43/7313
  • - Farman F-230 F-ALCM, n° 5/7231, au sol
  • - Farman F-291 F-ALUI, n° 4/7335
  • - Farman F-356  F-AMCX, n° 1/7347
  • - Morane Saulnier MS 136
  • - Morane Saulnier MS 340
  • - Potez 390 en arrière plan
  • - Potez 25/41, en arrière plan
  • - Schreck FBA.17HT4, F-AJVL, n° 193

   

Notre avis :
 

Au début des années 30, l'aviation se "démocratise". Elle n'est plus exclusivement du domaine de l'armée ou des compagnies aériennes. De nombreux meetings aériens attirent les foules, les records de durée, de distance, d'altitude, de vitesse, font la une des journaux. Des particuliers achètent des avions pour voyager, faire de la voltige et accéder ainsi au plaisir de voler. Certes, il ne s'agit pas encore de l'aviation "populaire" et seules les classes supérieures de la société peuvent s'offrir ce qui reste, encore de nos jours, un luxe. Mais "si on veut, on peut", ce qui semble être la devise de ce film.

"Les bleus du ciel" est un vrai film d'aviation, réalisé par Henri Decoin, un ancien pilote de chasse de la grande guerre, commandant de l'escadrille SPA 77. En 1949, il réalisera un second film d'aviation, "Au grand balcon", sur l'épopée de l'Aéropostale.

L'histoire commence par un rallye aérien dont Jeannette Rémy remporte la coupe, à la grande joie de Jean Pierre. Ce dernier est employé par le père de Jeannette, Antonin Rémy, qui dirige un aérodrome privé. Son travail consiste à faire les pleins d'essence et d'huile. C'est un homme timide, dont les gens se moquent, et dont le seul confident est son chien, Christophe Colomb. Il aime Jeannette en secret et ne sait comment lui avouer sa flamme. Un jour, il a l'idée de consulter un psychologue, Williams, qui va l'aider, par ses conseils, à devenir "quelqu'un". C'est ainsi qu'il demande à Jeannette de lui faire passer son baptême de l'air, malgré toutes ses appréhensions. Il va même jusqu'à lui écrire une lettre d'amour. Il a décidé de devenir aviateur pour la séduire. Un ami qui a un hydravion, lui propose des leçons de pilotage. Peu à peu, sa personnalité évolue, mais au détriment de son travail. Antonin Rémy finit par le mettre à la porte. Jean-Pierre décide donc, un matin, de se rendre au terrain et d'emprunter l'avion de Jeannette. Son décollage suscite l'émoi général sur l'aérodrome, mais tout se passe bien, si ce n'est qu'à l'atterrissage, il bascule dans un fossé. Mais il est sain et sauf et Jeannette vient à son secours. Elle est très touchée par son geste et sait qu'il a fait cela pour elle. Son père félicite Jean Pierre, malgré son irritation. Il est enfin devenu "quelqu'un" aux yeux de tout le monde, mais surtout dans le cœur de Jeannette...

Comme souvent dans les films de cette époque, les acteurs poussent parfois la chansonnette ("Quand on est tout là-haut", "Je suis quelqu'un"). Ce petit film qui comporte tous les ingrédients habituels de ce genre d'intrigue conventionnelle, n'aura pas laissé de trace dans l'histoire du cinéma. Par contre, l'aérocinéphile le considérera comme une œuvre très intéressante qui nous ouvre les portes d'un aérodrome privé, au début des années 30, et en nous montrant tous ses avions.

Les avions sont vus en vol et sur des documents filmés, mais surtout, au sol, sur le terrain de Toussus-le-Noble, notamment sur le terrain de la "maison" Farman, où eut lieu le tournage. L'histoire de l'aérodrome de Toussus-le-Noble est intiment liée à celle des frères Farman et ce, jusque dans la première moitié du XXème siècle.

Dans le générique, sont remerciés plusieurs aviateurs dont certains étaient très connus et qui participèrent au tournage : Bossoutrot, DeLamaze, Detroyat, Haegelen, Massote, avec des pilotes de chez Farman (Burtin, Gaubert, Salel) et même Maryse Hilsz, qui est la seule à apparaitre à l'écran et qui était la bien-aimée d'André Salel...

Ce film dédié à l'aviation civile commence et se termine curieusement sur un défilé aérien de chasseurs de l'Armée de l'Air qui venait d'être créée en avril 1933, mais qui ne sera une arme vraiment indépendante qu'en juillet 1934. Etait-ce aussi, une démonstration de force destinée à notre voisin allemand, où le parti nazi était entré au gouvernement en janvier 1933 et où le troisième Reich avait été proclamé en mars de la même année ?

 

Les avions du film :

Dès le générique, apparait une flotte de chasseurs Nieuport-Delage NiD 72, puis de nombreux avions, au sol, dont beaucoup de Farman, que l'on pousse, sur le terrain de Toussus-le-Noble. Puis, ils font place à des exercices de bombardement, extraits d'images d'archives (pour rappeler la première guerre mondiale ?). Mais les bombardiers y sont des appareils américains de l'USAAC, un Boeing P-12, des Keystone B-4A, et un Curtiss B-2 qui lancent des bombes sur des maisons entourées de palmiers...Peu après, on revient à des images plus pacifiques, avec un Morane-Saulnier 136 évoluant au milieu des nuages. Mais son ombre, au sol, est celle d'un Breguet 270 (un avion de ce type a apparemment participé au tournage, pour filmer des scènes aériennes, piloté par un militaire). Lui succèdent deux Farman 200.

On se rapproche du sol, en survolant dans un Morane-Saulnier MS.340 (n°20), un meeting aérien ayant lieu sur l'aérodrome de Buc (comme marqué sur le toit d'un hangar), tout proche de celui de Toussus. On aperçoit alors Amelia Earhart, son mari Putnam, et Dieudonné Costes, images prises en juin 1932, au meeting de Saint-Germain en Laye. Au sol, à Buc, qui était l'ancien "aéroparc" Louis Blériot, on entrevoit rapidement, au milieu d'autres avions, un Blériot XI garé à coté d'un Blériot 125, bipoutre.

Mais le principal avion du film qui participa réellement au tournage, est le Farman 231 avec lequel Jeannette Remy remporte une coupe. Cet avion F-ALLU (c/n 313.43) de couleur claire (le titre alternatif du film était "L'avion blanc"...) porte le nom de "Jeanette" (sic) sur le capot moteur, marqué "Farman Renault"; il fut construit en septembre 1931 et acquis par Roger Metayer de Clamart. En juillet 1933, il fut revendu à Raymond Firminhac de Paris, puis en décembre 1934, à Serge Lamenant d'Asnières. L'avion sera détruit en décembre 1935, sans autres précision. Firminhac, qui était le propriétaire de l'avion au moment du tournage, était un administrateur de société qui sera pilote de chasse en 1939 et sera abattu en mai 1940. Le F-ALLU apparait tout au long du film. On remarque que Jeannette pilote l'avion en place avant, le seul cockpit équipé d'un tableau de bord. Les Farman 230/232 se caractérisaient par un centrage arrière.

Quand Jeannette fait faire son baptême de l'air à Jean-Pierre, son Farman 231 alterne avec un Morane Saulnier MS 136 parasol, sans doute plus adapté pour la voltige...

Jeannette part faire de la voltige avec un Blériot-Spad 92 (F-AJHK, c/n 15/4432) qui appartenait à Blériot Aéronautique, basé à Buc. En avril 1936, cet avion conçu pour la voltige, sera transformé en SPAD 92/4 (roues carénées, capot NACA...). Il sera enregistré en février 1937, au nom de Louis Massote, pilote d'essais chez Blériot, avec le nom "Raymond Villechanoux" (chef pîlote des essais chez Blériot, mort par accident en 1931). Massote se tuera le 15 juin 1937, près de l'aérodrome du Buc.

Pour rattraper Jean-Pierre, qui a emprunté son avion, Jeannette prend le seul Farman F-356 (F-AMCX, n° 1/7347), muni d'un moteur Renault-Bengali, de la société Farman. En juillet 1934, il sera acheté par Jean Peraud, chef pilote de l’Aéro-Club de la Charente, et recevra le nom de "Cité d'Angoulème II". Avec cet avion, il remportera  la Coupe-Challenge Paris-Saïgon, en août 1934. Etant tombé en panne sur le chemin du retour, le Farman sera finalement vendu à un pilote de Saïgon. En février 1938, il aurait été revendu, non pas à Saïgon, mais à un partciulier de Lille...

Maryse Hilsz fait une courte apparition dans son Farman F-291 (F-ALUI, n°4/7335) "Joe II", avec deux bandes tricolores sur le fuselage, en rapport avec ses raids vers Madagascar (janvier 1932) et vers Tokyo (avril 1933). Elle le revendra en septembre 1936, à un particulier de Paris qui le cèdera aussitôt aux Républicains espagnols. En octobre 1937, il se réfugia en France, à Toulouse. En juillet 1939, il sera rendu à l'Espagne et intégré dans l'Ejercito del Aire (code 30 X 112), basé à Sabadell. En 1945, l'avion est stocké et ne vole plus. Il est retiré du  service en septembre 1947.

Jean Pierre veut apprendre à piloter avec un hydravion Schreck FBA.17HT4 (F-AJVL, n° 193) basé sur la Seine, à Villennes, près du camp des nudistes (installé sur l'ile du Platais) ! Il appartenait (comme marqué sur une pancarte) à la Cie Aérienne Française de Suresnes, qui le cédera en avril 1937, à la Société des moteurs Gnome et Rhone.

Quand Jean Pierre s'envole, le matin, aux commandes du Farman de Jeannette, c'est tout une meute d'avions qui part à sa recherche, parmi lesquels, on note :

-un Farman F-390 (F-AMEQ, n°1/7348) de la Société des Avions HMD Farman, qui, en 1933-1934, volait régulièrement, piloté notamment par Andrée Farman, la fille de Maurice Farman, pour des promenades et voyages limités, semble-t-il, au territoire français. Il sera transformé en novembre 1934, en F-392 (n°1), prototype de l'évolution ultime de la cellule du F-390, avec voilure et dérive arrondies. Il fut vendu en octobre 1935, aux Etablissements Ulysse Gros et basé à Ivato (Madagascar). En 1936, il sera exploité par la compagnie privée Madagascar Air Service.

 - plusieurs Farman F-200 non identifiables.

-un Caudron C.270 Luciole (F-ALUL, n° 21/6589) appartenant à deux pilotes parisiens. 

- un Farman F-200 piloté par Alex, dans lequel embarque le directeur de l'aéroclub. 

- un Potez 431 (F-AMLA, n° 3378) de la Société des Aéroplanes H. Potez. 

- un De Havilland Morane Moth

- un Farman F-231 (F-ALHE, n° 23/7281)

- un Farman F-352 (F-ALHF, n° 1/7282) de la Société des Avions HMD Farman

- un Farman F-194, à moteur en ligne Hispano Suiza

Jean Pierre est même rattrapé par toute une escadrille de Nieuport Delage NiD.72, déjà vus au tout début du film  et que l'on verra tout à la fin, survolant Paris.

Tous les autres avions sont vus en arrière plan. On aperçoit ainsi, par une fenêtre, le SPCA 80 (F-AKFH, n°1), une construction méridionale, qui était le seul exemplaire d'un monomoteur de police coloniale. On voit également dans d'autres scènes, un Potez 36/13 (F-AMEJ, n° 3204), un Farman F-204 (F-ALBZ, n° 4/7226) de la Société Générale Aéronautique, de Paris, un Morane Saulnier MS.137, un Farman F-230 (F-ALCM, n° 5/7231), décoré bizarrement avec des pois noirs. Jean Pierre fait le coup de poing, pour se valoriser, devant un Farman F-200, le même type avec lequel le moniteur Alex décolle (F-AJSC, n° 19/7206). Ce dernier avion appartenait à la société Farman et servait à l'écolage. Il fut détruit par accident le 22 juillet 1935, près de Villiers-le-Bâcle (91).

Quand Jean Pierre a atterri dans un fossé (on n'est pas sur que ce soit le F-ALLU), à proximité de l'étang du Trou salé (asséché par les Allemands pendant la guerre), à l'est du terrain de Toussus, il est survolé par un Caudron C.232, puis par un vieux Farman F-41 (F-AHMF = Avions Henry-Maurice Farman, n° 6828), basé à Toussus et appartenant à Louis Gaubert, cité dans le générique. Il le pilotait lors de présentations "rétro", dans les meetings des années 30.

Bien que Toussus-le-Noble, comme Buc, soient en 1933, des terrains privés, consacrés à l'aviation légère, on peut y voir quelques avions militaires de passage, comme un Potez 390, tout métal, un Potez 25/41, appartenant sans doute à une école militaire, et un Breguet 270 qui effraie Williams, quand il lance son moteur. Il s'agit peut-être de l'avion caméra utilisé pour le tournage (sur une photo de plateau, on voit que la caméra était montée sur la tourelle de mitrailleuse).

 

Christian Santoir

*Film disponible sur YouTube

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