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ESPOIR Sierra de Teruel


ESPOIR 

Sierra de Teruel

      

Année : 1945  
Pays : France  
Durée : 1 h 17 
Noir et blanc 

Réalisateur : André Malraux
Assistant réalisateur : Denis Marion
Scénario et dialogue : André Malraux, Max AUB, Boris PESKINE

Acteurs principaux : José Sempere (commandant Pena), Andrés Méjuto (capitaine Muñoz) , Julio Péna (Attigniès), José Lado (un paysan), Nicolas Rodriguez (Marquez)

Photographie : Louis Page, André Thomas, Manuel Berenguer
Musique : Darius Milhaud
Production : Edouard Corniglion-Molinier

 Avions :

  • - Potez 540
  • - Havilland DH 87B Hornet Moth

 

 Notre avis :

 En 1938, le gouvernement républicain autorise André Malraux à réaliser un film sur la guerre civile. Malraux envisage de porter à l'écran un épisode de son livre "L'Espoir" paru l’année précédente, mais pour bien différencier les deux œuvres, le film s'appellera SIERRA DE TERUEL. Le tournage commence en juin 1938 dans les studios Monjuich de Barcelone, où le matériel manque. Le tournage dans un pays en guerre s'avère des plus difficiles : l’électricité  est coupée pendant les alertes, les extérieurs sont filmés sur les terrains d'aviation entre deux bombardements. Malraux fait appel à des acteurs catalans et à des figurants issus des villages ou à de jeunes recrues non encore équipées. Bien qu’il tourna jusqu'à l'avant-veille de l'entrée des troupes franquistes à Barcelone en janvier 1939, un peu plus de la moitié des plans prévus furent réalisés. Le gouvernement républicain n'étant plus en mesure de financer le film, son ami Corniglion-Molinier, producteur de cinéma et aussi aviateur, accepte de prendre le relais. La sortie en salle, prévue au début pour le 15 septembre 1938, est interdite par la censure. Le film est projeté clandestinement en 1939, mais en 1940 les Allemands.détruisent toutes les copies, sauf une, portant l'étiquette de DRÔLE DE DRAME, une autre production de Corniglion-Molinier. C'est d'après cette copie positive rescapée que de nouveaux négatifs purent être tirés. Le film fut présenté au public parisien le 13 juin 1945, sous le titre ESPOIR avec une introduction de Maurice Schumann ; il reçoit le prix Louis-Delluc.

 Ce film qui prend parfois l’allure d’un reportage de guerre est basé sur des faits réels dont Malraux a été le témoin et qui figurent dans son livre « L’espoir ». En 1937, un paysan, prévient le commandant Pena de l'installation d'un camp d'aviation franquiste alors que les combats font rage dans la petite ville de Linas. Les bombardiers républicains décollent de nuit, d’un terrain balisé par des phares des voitures. Le paysan a du mal à reconnaître, de l'avion, un paysage qui lui est pourtant familier. La mission est réussie, mais un des avions touché par la chasse nationaliste s'écrase dans la montagne. Les aviateurs sont secourus par les habitants d’un village qui les descendent dans la plaine, par un chemin de montagne tortueux.

 Pour ne s’en tenir qu’aux faits aéronautiques, ce film montre les conditions extrêmement difficiles de la mise en ouvre des avions républicains ; pas de photo aérienne, pas de carte, décollage sur des terrains non balisés, couverture de chasse aléatoire, bombardiers engagés en petites formations de deux ou trois vu leur faible nombre, équipages cosmopolites ne parlant pas toujours la même langue, pas de radio, avion non blindés revenant pleins de blessés,.

 Comme le livre, le film est le fruit de l’engagement de Malraux aux côtés des Républicains. Le 8 août 1936, Malraux forme une escadrille avec l’aide de ses amis pilotes, le député Bossoutrot et Corniglion-Molinier. La « bande à Malraux » devient l’ « escadrille  España » constituée de mercenaires français et étrangers grassement rétribués. Si, du coté français, ces pilotes passent pour des « héros défenseurs de la liberté », côté espagnol, ces mercenaires pratiquement indépendants sont mal vus, et considérés plus comme une gêne que comme une aide. Malraux n‘est pas aviateur et n’a aucune compétence pour encadrer une unité militaire. Ce qui ne met pas son courage personnel en doute ; il participe à certaines missions et il est légèrement blessé à plusieurs reprises. En décembre 1936, suite à des problèmes graves d’indiscipline, mais aussi à l’arrivée de conseillers et de pilotes russes bien entraînés, les mercenaires sont remerciés ; l’escadrille España devient l’« escadrille André Malraux », composée principalement d’une poignée de volontaires français ayant accepté les mêmes conditions et salaires que le reste de l´aviation républicaine. Le « coronel » Malraux, presque sans pilotes, essaie d’en trouver dans les Brigades Internationales. De cette aventure, il ressort que les Républicains auraient préféré que Malraux utilise sa stature d’écrivain connu pour défendre leur cause, plutôt que de s’improviser chef de guerre à la tête d’un groupe comptant, certes, quelques individualités de valeur, mais dont l’efficacité reste douteuse.

 Néanmoins, l’escadrille de Malraux participa à de nombreuses missions de chasse, de reconnaissance, d’appui sol, mais aussi de bombardement, notamment au dessus des sierras de Teruel qui commandent l’accès à la mer et où les affrontements furent les plus acharnés. Le film reprend deux de ces missions. Ainsi, le 1° septembre 1936, deux Potez 540 bombardent à basse altitude un terrain ennemi dissimulé près d´Olmedo, détruisant plusieurs trimoteurs Fokker. La longue descente des aviateurs blessés sur laquelle le film se termine (on descendit également des pièces de l’avion à dos de mulet)  eut lieu en décembre 1936, quand un Potez fut abattu dans la montagne, près du village de Valdelinares, après avoir bombardé Teruel. Malraux devait faire partie de la même mission, mais son avion piloté par Dary, s’écrasa au décollage de Manises suite à une perte de puissance des moteurs ; il s’en sortit avec des blessures sans gravité.

 Ce film est sans doute plus un document sur la guerre civile espagnole telle qu’elle fut vécue par le peuple, qu’un film d’aviation, mais les scènes aériennes sont bien filmées et très intéressantes car reproduites avec exactitude. C’est aussi le seul film où le Potez 540 est en vedette et où on peut voir un DH Hornet Moth !

 

Les avions du film :

 Deux Potez 540 ont servi pour le tournage ; ce sont des 540 M5 à moteurs Hispano. Ils faisaient partie des derniers 540 survivants fournis aux Républicains, dont le nombre est estimé à 14, selon des sources autorisées. Pas de marquage à part une large bande de fuselage et le drapeau républicain sur le gouvernail (rouge, jaune, violet); cependant un Potez au moins, filmé en plein vol, montre sur son fuselage une insigne de l’Armée de l’Air, la Cocotte, fameuse depuis la « croisière noire » du général Vuillemin, en 1933. Mais, ce marquage ne fut que temporaire et destiné vraisemblablement à plaire aux militaires français peu favorables à l’armée républicaine, un peu trop « rouge » à leur goût. Dans le livre, les Potez portent des noms, celui qui est abattu s’appelle « Canard déchaîné ».

 Le film montre des vues de l’intérieur de l’appareil, mais la plupart on tété reconstituées en studio : poste de pilotage avec les deux pilotes en tandem sur la gauche, les tourelles équipées de Vickers K espagnoles, (les avions étaient livrés par la France sans leurs armes), le poste de tir inférieur mû par un moteur électrique, etc...

 Un De Havilland DH 87B Hornet Moth de couleur sombre et sans marquage, excepté le gouvernail portant les couleurs républicaines, est censé être utilisé par une nouvelle recrue : un pilote allemand, le capitaine Schreiner, ayant fait la guerre de 14-18 dans l’escadrille de Richthofen et crédité de 22victoires ! Il n’y eut aucun as allemand appelé Schreiner. Cet épisode est raconté dans « L’espoir » qui ne mentionne que « l’avion d’essai », un multimoteur. Ce Hornet Moth est un des deux possédés par l’école d’aviation de Barcelone en 1936. Quand il se crashe, on voit un Curtiss Jenny,  issu d’un bout de document filmé!

 Au sol et endommagé, apparaît caché sous les pins, un Bloch 210 sans ses moteurs et son aile droite. Il s’agit d’un des quatre ayant participé à la guerre d’Espagne comme bombardier nocturne, dont un avec l’escadrille « André Malraux ». Cet avion fut endommagé par un pilote tchèque lors d’un atterrissage un peu dur, après une mission sur Majorque. On peut voir également dans un hangar, des Polikarpov I-15 Chato flambant neufs, mais sans moteur ; 285 Chato furent effectivement construits à Alicante, Reus, et Sabadell, mais ils ne furent pas tous utilisés à cause d’un manque de moteur, ou d’armement.

 Des bandes d’actualité montrent des Morane Saulnier M.S. 225 d’une patrouille acrobatique (patrouille de l’école d’Etampes ?) ; on aperçoit même dans le viseur d’une mitrailleuse un Gourdou B6/7 (celui de Cavalli ?) faisant de la voltige avec un fumigène! Enfin, on observe une formation de Fiat CR-32, avions fournis en grand nombre par les Italiens aux Nationalistes.

 

 Christian Santoir

*Film disponible sur https://ok.ru/video/

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