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LE CREPUSCULE DES AIGLES

 

LE CREPUSCULE DES AIGLES   

Vo. THE BLUE MAX

 

Année : 1966
Pays : Etats-Unis
Durée ; 2 h 36 min.
Genre : guerre
Couleur

Réalisateur : John GUILLERMIN (1966)
Scénario : Ben BARZMAN, Basilio FRANCHINA, David PURSALL, Jack SEDDON, Gerald HANLEY, d’après le roman de Jack HUNTER

Acteurs principaux :
George PEPPARD (Bruno Stachel), James MASON (général von Klugermann), Ursula ANDRESS (comtesse Kaeti von Klugermann), Jeremy KEMP (Willi von Klugermann), Karl Michael VOGLER (commandant Otto Heidemann), Anton DIFFRING (Holbach), Harry TOWB (Kettering), Peter WOODTHORPE (Rupp), Derek NEWARK (Ziegel), Derren NESBITT (Fabian)

Photographie : Douglas SLOCOMBE
Prise de vues aériennes : Skeets Kelly
Musique : Jerry GOLDSMITH
Producteur : Christian FERRY
Compagnie productrice : 20th Century-Fox

Avions :

  • Fokker Dr1, G-ATIY, G-ATLM, répliques
  • Fokker D.VII, F-BNDF, F-BNDG, F-BNDH, Répliques
  • Pfalz D-III, EI-ARC, N906AC, EI-ARD, G-ATIJ, répliques
  • RAF SE5, G-ATGV, G-ATGW, répliques

 

 Notre avis :

« The blue Max » nous replonge dans la guerre aérienne lors de la première guerre mondiale, après « Lafayette escadrille » de Wellmann sorti en 1954. Mais cette fois ci, il s’agit de la guerre vue du coté allemand. Ce fut aussi le premier film sur la Grande Guerre tourné en Cinémascope et en couleur. Basé sur le roman à succès du même nom signé par Jack Hunter, le film tire son titre de la décoration prussienne «Pour le mérite », la plus haute distinction militaire de l’Allemagne impériale, appelée en anglais « blue max » (de l’allemand « blauer Max ») à cause de sa croix de malte bleue, et aussi parce que ce fut l’as Max Immelmann qui en fut le premier récipiendaire. Elle était décernée après huit victoires aériennes, puis seize, plus tard, mais Ernst Udet ne la reçut qu’après vingt trois victoires. Rappelons qu’en 1938, était sorti le film allemand «Pour le Mérite », une oeuvre de pure propagande glorifiant l’arrivée au pouvoir des nazis.

Ancien pilote de la Royal Air Force, John Guillermin, auteur de plusieurs films de guerre, réunit des interprètes, pour la plupart, familiers du genre, notamment George Peppard. Ce dernier avait appris à piloter peu de temps avant le tournage. Il aurait ainsi volé sur plusieurs répliques de chasseurs de la première guerre, y compris sur un Pfalz, un avion assez délicat à piloter. Peppard suivit également les cours de l’école Learjet à Wichita (Kansas), et put ainsi piloter le Learjet de la Fox, lors de la tournée de promotion du film aux USA.

Ce film apparut à une époque où l’anti héros devenait populaire à l’écran. Ainsi, les scénaristes firent-ils du personnage principal, Bruno Stachel, un arriviste peu sympathique sans toutefois en faire la brute décrite dans le roman. Le scénario est également ambigu. La lutte des classes entre le héros prolétaire, le caporal Stachel, et la « caste » des pilotes de chasse issus pour la plupart de la noblesse ou de la haute bourgeoisie, semble être le thème principal, mais le culte du héros en temps de guerre tient une place tout aussi importante dans l’histoire. En dehors de cette double thématique, on ne peut s’empêcher de penser à un autre caporal obscur, un certain Adolf Hitler, qui s’appuiera sur l’armée pour prendre le pouvoir, avant de régler ses comptes avec le corps des officiers de carrière qu’il détestait, surtout après qu’il ait échappé à un attentat perpétré par ces mêmes officiers !

Après deux ans passés comme caporal dans l’infanterie, le lieutenant Bruno Stachel a été affecté dans l’aviation en 1918. Son rêve est d’obtenir la glorieuse décoration « Pour le Mérite » et aucun scrupule ne l’arrêtera dans cette quête, même s’il doit déplaire à ses camarades de combat, tous issus de l’aristocratie, et dont il ne partage ni la naissance, ni les valeurs. Ainsi, après qu’on lui ait refusé de lui créditer une victoire, il abat au dessus de son terrain un avion anglais censé se rendre. Ce geste est considéré comme déloyal par le commandant Heinemann car heurtant son sens de la chevalerie. Le meilleur pilote de l’escadrille, Willi, est décoré de l’ordre « Pour le Mérite » par son oncle le général von Klugermann. A cette occasion, Stachel fait la connaissance de Kaeti, son épouse, dont il devient rapidement l’amant. Le général laisse faire car il voit dans ce jeune officier une occasion de propagande auprès du peuple dont il fait partie. La guerre tourne à la franche boucherie et le temps des héros chevaleresques est révolu. Lorsqu’il est blessé, Stachel est envoyé à Berlin où il est soigné par la femme de son commandant, qui est infirmière, à grand renfort de publicité. De retour à son escadrille, Stachel et Willi sont volontaires pour escorter une mission de reconnaissance dans la région d’Amiens (en fait, Abbeville !).Ils sont attaqués par des avions anglais, mais les mitrailleuses de Stachel s’enrayent, et c’est Willi qui les abat. En rentrant à leur base, les deux pilotes se défient dans une joute aérienne, mais Willi heurte une tour en volant trop bas et se tue. Stachel s’attribue les deux victoires de Willi. Heidemann le soupçonne de mentir et veut le faire traduire en court martiale, cependant, le général voulant éviter un scandale, fait décerner à Stachel la médaille tant attendue. Plus tard, Stachel avoue à Kaeti son imposture tout en refusant de la suivre en Suisse où elle veut se réfugier. Furieuse elle avoue tout au supérieur de son mari. Après la cérémonie de remise de la médaille, à Berlin, Heidemann essaie un nouveau chasseur qu’il juge dangereux. C’est alors que le général von Klugermann est informé par l’état major de l’imposture de Stachel qui sera finalement traduit en court martiale. Le général décide alors de faire voler Stachel sur le nouveau prototype sans l’avertir de la dangerosité de l’appareil. Après quelques figures de voltige, l’avion se brise en l’air. L’honneur de l’armée est sauf. Un héros est mort en essayant un nouveau matériel.

Ce film est très intéressant et constitue un « must » pour tout amateur de film d’aviation. Il est bourré de scènes et de situations inspirées des grands classiques (Wings, Hell’Angels , etc.) et de la vie du baron von Richthofen (comme la scène avec l’infirmière). Notons toutefois que le baron n’avait pas besoin d’un général pour faire sa publicité ; il s’en chargeait très bien lui même, avec un sens inné de la communication. Ce film est le premier aussi à attribuer au célèbre as, la bonne monture, à savoir un Fokker triplan, et non pas, comme tous les autres films, un Fokker D.VII, qui n‘était pas en service au moment de sa mort.

La dernière scène du film retient l’attention car elle semble s’inspirer d’un fait bien réel, la mort de « Willi » Reinhardt, le successeur de Richthofen à la tête du Jagdgeschwader 1. Le 3 juillet 1918, à Berlin Adlersdorf, Goering essaie un Zeppelin Lindau D1. Reinhardt veut l’essayer également aussitôt après lui, mais il perd l’aile supérieure !

Le film fourmille de petites erreurs allant de l’armement des soldats allemands équipés de fusils Lee Enfield anglais, à l’équipement des pilotes allemands portant des lunettes RAF Mk VIII, modèle 1943 ! Stachel est membre de la Jasta 11 quand von Richthofen lui propose de rejoindre son « cirque volant ». En fait, la Jasta 11 faisait partie du « cirque de Richthofen » composée des autres Jasta 4, 6 et 10, et c’est von Richthofen qui la commandait en personne.

Le film fut tourné en Irlande dans les environs de Dublin, sur le terrain de Weston. Le paysage y ressemblait à celui de la Somme, bien qu’au printemps 1918, les paysages devaient être beaucoup moins verdoyants et ressemblant plutôt à une vaste étendue de boue parsemée de cratères de bombes et de troncs d’arbres décapités ! Le ciel environnant y était également peu encombré et exempt de brouillard et autre pollution. Le département de la Défense irlandais fournit une aide appréciable et plus de 1000 soldats passèrent deux semaines à refaire une des plus sanglantes batailles de la seconde guerre mondiale. Le tournage en Irlande fut endeuillé par la mort d’un cameraman, tué lors d’une collision entre deux hélicoptères. L’un des pilotes cascadeurs était Derek Piggott. Plusieurs pilotes reproduisirent les dog-fights animés du film, mais Piggot fut le seul qui accepta de tourner la scène où un Fokker Dr 1 doit passer entre les piles d’un pont, situé à Fermoy, (Co. Cork). Jouant le rôle de deux pilotes allemands, il vola quinze fois entre les piles les plus espacées, et dix sept fois entre les plus rapprochées que ses ailes frôlaient.La scène fut filmée sous divers angles et à partir d’un hélicoptère. Un troupeau de moutons placé à proximité du pont, se disperse au passage de l’avion, pour monter que la cascade est bien réelle

Enfin, last but not least, ce film est également remarquable par les quelques scènes d’amour entre le pilote roturier et la belle aristocrate qui nous permettent d’admirer la chute des reins de madame Ursula Andress, au mieux de sa (ses) forme(s).

 

Les avions du film :

La production insista pour que le tournage utilise des reproductions authentiques des avions originaux. Neuf avions furent ainsi construits pour 500.000 $, une somme peu importante selon les prix actuels. La tâche fut répartie entre plusieurs constructeurs. Douglas Bianchi et le Personal Plane Services Ltd fabriquèrent un des deux Pfalz D-III (EI-ARC, N906AC), Peter Hillwood du Hampshire Aeroplane Club, un pilote d’essai à la retraite, construisit l’autre (EI-ARD, G-ATIJ). Le premier a été exporté en Nouvelle Zélande en 2001. 

Deux SE5 furent construits per FG. Miles à Shoreham. John Bitz de Munich fut chargé des deux Fokker Dr1, et Claude Rousseau, des trois Fokker D.VII. Dernier a terminé son travail, Rousseau tint à livrer l’un de ses Fokker par la voie des airs de Dinard à Dublin, en trois escales, montrant ainsi la qualité de ses répliques. Ces avions sont d’ailleurs toujours en état de vol aux Etats-Unis (F-BNDF, EI-APV, N902AC / F-BNDG, EI-APT, N903AC / F-BNDH, EI-APV, N904AC). Mais ce dernier type d’avion est anachronique et ne correspond pas à l’époque de l’action que l’on peut situer un peu avant la mort de Richthofen, soit au printemps 1918. La Jasta 11 n’utilisa que très peu de Pfalz D III, aux cotés de ses Albatros, entre décembre 1917 et janvier 1918; ces appareils furent progressivement remplacés par des Fokker triplan, arrivés à la Jasta 11 en octobre 1917, alors que les Fokker D.VII. ne seront livrés qu’en mai 1918.

L’armée de l’air irlandaise prêta ses installations de l’aérodrome de Casement (Baldonnel) pour le tournage. Plusieurs répliques restèrent stockées après le film à Casement et Powerscourt House (County Wicklow ); jusque dans les années quatre vingt, on pouvait les voir voler à l’occasion.

La décoration des avions allemands, tous recouverts systématiquement d’une peinture à losange de couleurs, laisse à désirer. Si ce genre de camouflage a bien existé et avec beaucoup de variantes, sa dominante n’était pas le marron et le gris comme dans le film, mais plutôt le vert ou le kaki, d’après les dernières recherches. Les Fokker D.VII sortaient d’usine avec ce camouflage à 4 ou 5 tons différents, d’aspect plutôt sombre, peint sur la toile, mais aucun Fokker Dr 1 n’a porté ce camouflage. Quant au Pfalz D.III dont le fuselage était en contreplaqué recouvert de toile, ses photos montre souvent un avion peint de couleur claire (la peinture d’usine était un gris métallique « silbergrau ») et revêtu de décorations personnelles. La Jasta 11 avait pour couleur d’identification le rouge, ce qui signifie que ses avions étaient peint en partie de cette couleur, généralement sur l’avant du fuselage.

Comme dans tout film sur la première guerre mondiale, les avions allemands portent systématiquement la croix de Malte ou de fer. En fait, seuls les Fokker D.VII, apparus postérieurement à la directive du 20 mars 1918 préconisant des croix à bords droits, n‘en portèrent jamais à l’exception de quelques exemplaires de présérie. Mais, au cinéma, il paraît qu’une croix de fer fait plus teuton que la croix latine…La décoration du Fokker Dr1 425/17 de Richthofen vu dans le film, est à peu près correcte : tout rouge avec les croix de fer, comme il était en mars 1918 ; mais d’après les photos d’époque, les fonds blancs des croix sont inexacts, de même que le gouvernail à moitié blanc .En avril 1918, Richthofen sera tué sur le même avion portant des croix latines (on ne badinait avec l’exécution des directives dans l’armée impériale..).

Autre hérésie chère au cinéma : les mitrailleuses. Elles ne s’actionnaient pas à la main, mais avec une commande placée sur le manche ; seul, le réarmement était manuel. Cela est valable pour les mitrailleuses anglaises également. Les maquettes de LMG 08/15 allemandes sont à peu près conformes, mais elles sont fixées beaucoup trop haut, sur des montants un peu légers. Les vraies étaient fixées au ras du capot moteur. Quand les mitrailleuses de Stachel s’enrayent, il aurait dû utiliser un petit marteau destiné à taper sur les culasses et fourni aux pilotes à cet effet. Signalons au passage, que les chasseurs allemands ne pouvaient pas emporter de bombes, contrairement à certains chasseurs anglais comme le Sopwith Camel.

A la fin du film, le Morane Saulnier 230 fait effectivement penser au Fokker E.V, monoplan parasol mis trop rapidement en service en août 1918, alors qu’il souffrait de problèmes de rupture d’ailes…Mais la couleur argent dont est revêtu le Morane dans le film suggère un revêtement métallique. Or, le biplan Zeppelin Lindau (Dornier) D1 qui tua « Willi » Reinhardt,  était presque entièrement construit en métal…Est-ce là une coïncidence ou le fruit d’une bonne recherche documentaire ?

Au milieu des De Havilland Tiger Moth/Fokker et des Stampe/SE.5 (dont le c/n 1060, EI-AVU, F-BAUR, N901AC), rajoutés là pour faire nombre, on remarque un Caudron 277 Luciole (c/n 7546/135, EI-ARF), apparaissant successivement comme un biplace d’observation anglais, puis allemand.

La plupart de ces avions furent achetés en 1986 par le Fighting Air Command d’Hartlee Field (Texas). Les quatre SE.5 furent exportés aux USA (N908, 9,10,12AC) mais ne sont plus en état de vol. Le Luciole fut gravement endommagé dans l’effondrement de son hangar en Irlande et dut être entièrement restauré. Il vole actuellement à Tucson (Arizona) immatriculé N909AC.

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Christian Santoir

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