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COASTAL COMMAND

 

COASTAL COMMAND

 

Année : 1942
Pays : Grande -Bretagne
Durée : 1 h 12 min.
Genre : documentaire
Noir et blanc

Réalisateur : J.B. HOLMES

Acteurs principaux :
Flight Lieutnant Roger Hunter, Charles Nomran Lewis…

Musique : R. Vaugham WILLIAMS
Photographie : Jonah JONES, Teddy Catford, Fred Gamage
Compagnie productrice : Crown Film Unit.

 Avions:

  • Bristol Beaufort Mk.1
  • Consolidated Catalina I
  • Junkers Ju.88
  • Lockheed Hudson Mk.III
  • Short Sunderland Mk.1

 

 Notre avis :

 Alors que la machine de propagande du Dr Goebbels était dès le début de la guerre, parfaitement rodée, en Angleterre, le Ministère de l‘Information n’avait pas de politique bien définie. En août 1940, il créa enfin, la Crown Film Unit. Cette unité réunissait de nombreuses équipes de tournage recrutées dans les trois Armes, et en 1943, l’Army Film and Photographic Service, basé à Pinewood (Buckinghamshire), pouvait mobiliser quatre vingt cameramen et huit réalisateurs sur les théâtres d’opérations européens ou extrême-orientaux. Pour assurer une large diffusion parmi le public, des films ainsi produits, le Ministère de l’Information mit en oeuvre cent cinquante équipes mobiles, organisant des séances de projection dans les écoles et les villages, partout en Angleterre.

Bien qu’Aeromovies ne traite pas des documentaires d’aviation (qui mériteraient un site particulier), nous faisons ici une exception parce que ce documentaire de long métrage est construit un peu comme un film de fiction, avec un réalisateur qui met en scène les (vrais) équipages du Coastal Command, à commencer par leur chef, l’Air Chief Marshall Sir Philip Joubert de la Ferté, qui échange quelques lignes de dialogue avec les officiers de son état-major. On y voit aussi un pilote, le lieutenant Roger Hunter, un observateur, le sergent chef Charles Norman Lewis, qui furent tous deux tués pendant la guerre. Le scénario, basé sur la recherche et la destruction d’un corsaire allemand fictif, le «Düsseldorf », fait intervenir toutes les composantes du Coastal Command : escorte de convoi avec les Sunderland, lutte anti sous-marine avec les Catalina, lutte anti navires avec les torpilleurs Beaufort, les bombardiers Hudson, et les chasseurs torpilleurs Beaufighter. Tous sont mis en scène ici. Le tournage commença en mars 1941, sur les bases de la RAF de Port Ellen et Bowmore, sur l'île d'Islay (Ecosse), et s’acheva en octobre 1942. Pendant ce temps, son budget passa de 8.738 livres à 16.486 livres. Il fut distribué aux Etats-Unis par RKO, en février 1943.

Ce film est souvent comparé à «Target for tonight », paru quinze mois plus tôt. Le thème est le même, l’histoire de l’équipage d’un avion particulier, F pour Freddie, mais il s’agissait d’un bombardier. A l’intérieur de la RAF, il est indéniable que la chasse avait recueilli toute la gloire, et polarisé l’attention du public, surtout après la bataille d’Angleterre. Les bombardiers venaient juste après, car c’était la seule arme capable de toucher le territoire du Reich. Le Coastal Command se devait d’obtenir la troisième place, car son action visant à protéger les convois de ravitaillement entre les USA et le Royaume Uni était absolument vitale. Mais le rôle de ses aviateurs était sans gloire et ils étaient inconnus du public. L’action du Coastal Command s’inscrivait plus dans la durée que dans les coups d’éclats, suivant sa devise «  Constant Endeavour » (effort constant)..

Dans une base du Coastal Command, du nord de l’Angleterre, à Port Ferry Bay, tout le monde est réuni dans le mess pour assister à un spectacle. C’est alors que l’équipage du Sunderland « T » pour Tommy, est appelé au bureau des opérations. Il s’agit de décoller immédiatement pour aller à la rencontre du convoi AL37 menacé par des sous-marins allemands. Quand le Sunderland arrive à proximité, il repère un avion allemand qui surveille déjà le convoi. Un Catalina se joint bientôt au Sunderland. Il découvre un sous-marin en surface, et l’attaque. Bien que celui-ci plonge rapidement, il est coulé. Alors que le Catalina reste sur place, le Sunderland retourne à la base. Une nouvelle mission est bientôt donnée au T pour Tommy. Elle consiste à patrouiller entre les îles Féroé et l’Islande, où on a signalé un corsaire allemand, le « Düsseldorf ». L’Islande est une étape de ravitaillement indispensable pour les pilotes du Ferry Command qui acheminent les avions entre les Etats-Unis et l’Angleterre. C’est aussi une base du Coastal Command. Des bombardiers Hudson et des torpilleurs Beaufort décollent à la recherche du raider. C’est un Catalina qui finit par le trouver, et il guide vers lui trois Beaufort qui lancent leurs torpilles, dont une touche le navire. Après le départ du Catalina, c’est au tour du Sunderland de surveiller l’Allemand. Les Hudson passent à l’attaque en le bombardant à basse altitude. Le T pour Tommy reçoit l’ordre de descendre pour observer les résultats de près. Mais il est touché par la DCA du navire. Un réservoir d’aile est percé et un membre de l’équipage procède à une réparation de fortune. Le T pour Tommy est rejoint par un autre Sunderland. Mais quatre Junkers Ju.88 apparaissent et s’en prennent aux Sunderland qui piquent aussitôt vers la mer, pour éviter les attaques par en dessous. Un mitrailleur du T pour Tommy est blessé. Le combat se termine quand surgissent des Beaufighters qui repoussent les Ju.88, et en abattent un. Les deux Sunderland peuvent retourner à la base, qu’ils atteignent la nuit tombée. On apprend alors que le « Düsseldorf » a été finalement coulé par des Swordfish. L’équipage du T pour Tommy est au repos, avant de repartir au combat sous d’autres cieux.

Rien dans ce film n’est exagéré. Le combat du Sunderland et des Ju.88 est inspiré de faits réels. Le 3 avril 1940, un Sunderland fut attaqué par six Ju.88 ; il en abattit un et força un autre à atterrir en Norvège. Les quatre autres furent repoussés. Plus tard, en 1943, un autre Sunderland repoussera huit Ju.88, en en abattant trois, au-dessus du golfe de Gascogne ! Le Sunderland était un dur à cuire, mais on ne sait pas si le surnom que lui donnèrent les Allemands, "das fliegendes Stachelschwein" (le porc-épic volant) était dû à ses moyens défensifs, ou aux nombreuses antennes radar qui équipèrent les dernières versions…

L’accueil du film par la presse fut particulièrement élogieux. « Coastal command » et « Target for tonight » inspireront directement William Wyler pour son « Memphis Belle » (1944). Néanmoins, aujourd’hui, le Sunderland T pour Tommy, est moins connu que le Wellington F pour Freddie de « Target for tonight », arrivé plus tôt, et dont « Coastal command » passe pour un remake, version Navy. Comme pendant la guerre, le Coastal Command est, et restera définitivement, dans l’ombre des Fighter et Bomber Commands !

 

Les avions du film :

"T" pour Tommy est un Short Sunderland Mk.1 (P9606) portant le code DO-T, un code fictif que l’on retrouvera sur les Spitfire du film « La bataille d’Angleterre » (1969) de Christopher Plumer. Comme on peut le voir, le T pour Tommy porte la marque d’anciens codes sur son fuselage. Cet avion commença sa carrière opérationnelle le 21 janvier 1940, avec le squadron 10 de la RAAF, puis passa dans la RAF (squadron 201, code ZM-R), avant de rejoindre la British Overseas Airways Co. Il retrouva brièvement la RAAF, le 20 décembre 1941, pour être affecté, neuf jours plus tard, à la 4° (Coastal) Operational Training Unit, d’Invergordon, où il resta jusqu’à sa destruction dans un accident, le 11 mai 1944.

Un autre Sunderland a servi de doublure au précèdent. Ce Sunderland (L2160) fut pris en charge par le squadron 209, le 23 mai 1938. Puis il fut affecté au squadron 230 à Seletar (Singapour). Entre mai 1940 et avril 1942, il fit plusieurs allers et retours entre le Moyen Orient et Malte. Puis, il rejoignit la 4° OTU, pendant le tournage du film, comme avion d’instruction. Son sort ultérieur est inconnu.

Le troisième Sunderland du film est le RB-K (P9605 ?) du squadron 10 de la RAAF, qui joue son propre rôle quand il vient au secours du T pour Tommy.

Ce film est un régal pour les amateurs de Sunderland et fournit de multiples détails qui feront la joie des maquettistes. Le Sunderland Mk.1 T pour Tommy est équipé de deux sabords situés sur le dos de l’appareil, près du bord de fuite de l’aile. Les mitrailleurs qui disposent chacun d’une unique Vickers GO (Gas Operated) de 7.7 mm., sont juste protégés par un saute vent rétractable. La tourelle avant, qui se recule pour permettre les manœuvres d‘amarrage à une bouée, ne semble pas armée sur cet appareil d’instruction. Par contre, la tourelle arrière Nash & Thomson FN13 dispose de quatre mitrailleuses Browning de 7.7 mm. Au début du film on voit le Sunderland décoller avec quatre charges de profondeur sous les ailes. Elles étaient normalement stockées à l’intérieur du fuselage, et étaient sorties, grâce à un rail, juste avant l’attaque. Le film donne un aperçu détaillé de l‘intérieur du Sunderland avec ses deux ponts, la grande table de son carré (avec nappe à carreaux !), les postes du radio-navigateur et du mécanicien, l’accès aux réservoirs d’ailes, etc..C’était un avion confortable fait pour de longues patrouilles (jusqu’à 13 heures). Par contre, on remarquera qu’il n’y faisait pas chaud (l’air pénétrait par les sabords, les tourelles), et on voit l’haleine des pilotes dans le cockpit.

Les Lockheed Hudson sont ceux du squadron 269 basé à Kaldarnes, en Islande. Un Hudson se distingue des autres, un Mk.III (T9465 c/n 41-42518, code N-UA) par l’inscription qu’il porte sur le fuselage : « Spirit of Lockheed and Vega employees ». Sur les 2941 Hudson construits, celui-ci avait été offert à l’Angleterre. Lockheed fournit gratuitement les matériaux, et les ouvriers de la grande usine Vega de Burbank (Los Angeles), la main d‘oeuvre. Cet avion fut accidenté en Islande lors de son transfert et dut retourner aux USA pour réparations. C’est en mai 1941, qu’il rejoignit le squadron 269. Il fut détruit dans un crash le 27 juillet 1943, alors qu’il appartenait au squadron 161, à Tempsford.

L’autre avion pouvant être identifié avec certitude est le Bristol Beaufort Mk.1 (AW234 code TU-Z). C’est sans doute dans le film, qu’il vit pour la seule et unique fois, le combat. Il fut affecté le 11 juillet 1941 à une unité de remorquage de cible. Après une panne moteur, il fut détruit lors d’un vol d’essai le 27 août 1943. Son marquage change au cours de l'engagement. Le AW234 décolle avec ses cocardes d’avant mai 1942 (type A1), mais quand il commence son attaque, il porte avec les deux autres, des cocardes révisées de type C1. Ce changement de marques placerait le tournage de la séquence entre juillet 1941 et juin 1942.

Deux Consolidated Catalina I de deux squadrons différents, dont on n’aperçoit pas bien les numéros de série, participèrent au film. Le premier (WQ-N), du squadron 209, est celui qui repère le « Düsseldorf », ce qui était normal, dans la mesure où c’était un « Cat » de cette unité qui avait retrouvé le cuirassé allemand « Bismarck » le 26 mai 1941. L’autre est le QL-A du squadron 413 de la RCAF, formé à Stanraer en juillet 1941. Les Catalina sont équipés dans chaque « blister » d’un jumelage de Vickers GO. Comme on peut le constater, la faible vitesse de croisière de cet hydravion (environ 180 km/h) permet à l’observateur de sortir le buste de la tourelle avant, pour prendre des photos, comme en 14 !

Les Bristol Beaufighters apparaissent rarement de près, et on ne peut les identifier. Ils jouent leur propre rôle, ainsi que celui de trois des quatre Junkers Ju.88. Mais durant l’attaque du T pour Tommy, le Ju.88 vu du Sunderland, est en réalité un Beaufort. Les vues d’un vrai Ju.88A sont mélangées avec celles de Beaufighters pour plus d’authenticité. Mais ses manoeuvres ont sans doute été filmées du sol, et à Duxford, où le « Enemy Aircraft Flight » (n°1426) était basé, ou à Fowlmere, son terrain satellite. Sur une vue, on aperçoit très brièvement des cocardes peintes sur l’extrados des ailes. Cet appareil pourrait être le Ju.88 A5 (EE205) essayé à Farnborough entre août 1941 et août 1942, ou le Ju.88 A6 (HM509) exhibé par le squadron 1426, entre décembre 1941 et mai 1945. Tous les deux avaient atterri en Angleterre suite à une erreur de navigation…

Le film salue aussi l’aide américaine qui fournit les Hudson et les Catalina, quand on voit atterrir en Islande, un Curtiss Tomahawk I aux couleurs américaines (avec le chiffre "36" sur la dérive), piloté par un Yankee. Normalement, en vol de convoyage, cet avion aurait dû porter les cocardes britanniques. De toutes façons, ces chasseurs n'avaient pas les "jambes" assez longues pour être acheminés en vol, en Angleterre. Ils étaient transportés par cargos.

On estime à deux cent, le nombre d’heures de vol passées à filmer les scènes aériennes, et l’intérieur de l’avion. La script-girl fut de tous les vols, se casant comme elle pouvait avec sa machine à écrire portative, pour enregistrer les dialogues et les emplacements.

 

 Christian Santoir

 *Film disponible sur amazon.com.

 

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