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CEUX DU CIEL


CEUX DU CIEL


 
 
Pays : France
Année : 1941
Genre : comédie dramatique
Durée : 1 h 26 min.
Noir et blanc

Rélisateur : Yvan NOE
Scénario :  , Yvan NOE, Charles POIDLOUE

Acteurs principaux :

Marie BELL (Hélène), Pierre RENOIR (Pierron), Jean GALLAND (Bournier), Jean SERVAIS (Monval), Raymond AIMOS (Potel), Pierrette CAILLOL (La romancière), Ginette CURTET (Simone).

Musique : C.P. SIMON
Photographie : Nikolai TOPORKOFF
Compagnie productrice : Fana Films

 Avions :

  • - Caudron C.660 Rafale, F-ANAK, F-ANAL

 

 Notre avis :

 Yvan Noé, alias Jean Noetinger, avait écrit une pièce de théâtre, "L'as", mettant en scène un pilote de record, sur le déclin. Elle fut créée, en septembre-octobre 1930, par Abel Tarride (dont le fils, Jean, réalisera "Ademaï aviateur", en 1933), au théâtre Apollo, à Paris. Passionné d'aviation, Noé avait obtenu du Musée de l'Air, le train d'atterrissage de l'"Oiseau blanc", l'avion de Nungesser et Coli, tragiquement disparus en 1927, et l'avait exposé dans le foyer du théâtre. En 1931, il avait réalisé, à Berlin, la version française de "Gloria" de Hans Berhendt, avec Jean Gabin, dont l'histoire était assez proche de celle de "L'as". En 1940, il décide d'adapter "L'as" au cinéma, sous le titre de "Ceux du ciel", une fiction romantique qui fait la part belle aux scènes aériennes. Rappelons qu'Yvan Noé était le père du pilote, journaliste et écrivain, Jacques Noetinger (décédé le 21 avril 2012) qui, pendant plusieurs années, a assuré les commentaires du salon du Bourget, entre autres.

 Le film est dédié à la mémoire de nombreux pilotes et constructeurs décédés au moment du tournage : Arrachart, Hélène Boucher, Caudron, Casalle, Coli, Drouhin, Ferber, Fronval, Garros, Guilbaud, Guynemer, LeBris, La Cierva, Lemaire, Guy Lemoine, René Lemoine, De Lesseps, De Malherbe, Massote, Mermoz, Navarre, Charles Nieuport, Edouard Nieuport, Nungesser, Paillard, Paulhan (Paul), Pegoud, Védrines,

 Ce film parut sous l'Occupation, le 5 mars 1941, mais son tournage (sur lequel on ne dispose d'aucune information), eut lieu vraisemblablement pendant la guerre, fin 1939 ou début 1940.

 Après nous avoir fait visiter des chaînes de montage d'avions de chasse Morane Saulnier et Bloch, le film nous présente l'aviateur Pierre Bournier, âgé de 38 ans. Il a épousé Hélène Pierron, la fille d'un constructeur d'avions, pour lequel il travaille. Il a remporté de nombreuses compétitions et a beaucoup fait pour la célébrité de la firme Pierron. La coupe "Internationale de vitesse" doit avoir lieu dans deux mois et Pierron pense que Bournier a des chances de la gagner. Entretemps, ce dernier bat le record du monde de vitesse, mais en atterrissant, il commet une faute, et casse son appareil. Pierron comprend que Bournier, après dix huit ans de travail, est fatigué, et qu'il va lui falloir le remplacer. C'est alors qu'apparait le jeune Monval, une ancienne connaissance, qui arrive des Etats-Unis où il pilotait des avions de ligne. Pierron pense avoir trouvé le remplaçant de Bournier en sa personne. Il s'en ouvre à sa fille qui approuve ce choix, car elle serait soulagée que son mari ne mette plus sa vie en danger. C'est lors d'une petite fête en son honneur, que Bournier apprend, par hasard, qu'il est mis sur la touche ! Cette décision le révolte. Il se sent abandonné par ses amis et soupçonne même sa femme de le trahir avec son jeune successeur, Monval, qui est, en outre, un de ses anciens flirts… Le jour de la compétition, Monval fait une piètre prestation et casse son train d'atterrissage, en se posant en campagne. Quand Pierron demande à Bournier de le remplacer, il refuse catégoriquement. C'est en discutant avec Monval, qui déclare avoir beaucoup appris de ses erreurs, que Bournier décide finalement de passer la main. Monval pourra concourir avec son avion et il remportera la coupe. Le geste de son mari provoque l'admiration d'Hélène; il s'est sacrifié pour donner sa chance à Monval, mais, plus encore, pour favoriser le succès des ailes françaises !

 La coupe "internationale de vitesse" (sur circuit fermé) fait sans doute référence à la coupe Deutsch de la Meurthe, créée en 1906, sur le terrain d'Etampes-Mondésir. Les avions de Caudron, dessinés par Marcel Riffard, s'y illustrèrent souvent. Cette coupe fut remportée en 1934, par Maurice Arnoux (389 km/h) et en 1935, par Raymond Delmotte (444 km/h). La dernière eut lieu en 1936. Les vitesses enregistrées dans le film sont totalement fantaisistes : 780, 790, 802 km/h…En octobre 1934, l'italien Francesco Agello avait atteint 702 km/h sur un monstrueux hydravion Macchi MC.72, disposant de 3.000 chevaux. Dans le film, le pilote que bat Monval, est (comme par hasard) un Italien, Martelli, qui a volé à 761 km/h…Agello avait été détrôné en mars 1939, par l'Allemand Hans Dieterle, sur Heinkel 100 V8 (dans le film, on voit le He.100 V5, décoller en 1938, suivi par un long panache de vapeur d'eau, généré par son système de refroidissement en circuit semi ouvert), avec 746 km/h, et le mois suivant, par Fritz Wendel, sur Messerschmitt Me.209 V1, avec 755 km/h, record qui tiendra jusqu'en 1969. Le dernier record français de vitesse absolu, était celui de Joseph Sadi-Lecointe, le "Roi de la vitesse", en février 1923. Il faudra attendre 1979, pour que le North American P-51 "Red baron" atteigne les 803 km/h (record homologué).

 Le personnage de la jeune fille qui demande à Bournier de lui apprendre à piloter, rappelle, bien sûr, Hélène Boucher, qui fut encadrée par Raymond Delmotte, pilote d'essai chez Caudron. Ce dernier, surnommé le "Prince de la vitesse", servit sans doute de modèle au personnage de Bournier. Quant à Pierron, il est copié sur les grands patrons de l'époque, comme Henri Potez, René Caudron, des gens qui ne se contentaient pas de présider les conseils d'administration, mais qui participaient activement à la conception de leurs avions. Un des derniers patrons de ce genre fut Marcel Dassault, disparu en 1986.

 Le colonel Stanalesco, d'un pays "étranger", a toutes les chances d'être roumain. La France vendit à la Roumanie, dix Potez 543, en 1936, cinq Potez 65 et cinq Bloch MB.210, en 1938.

 Avec des scènes aériennes assez longues, montrant de très nombreux vieux avions, aujourd'hui disparus, "Ceux du ciel", ravira sans doute les aérocinéphiles. Son  charme désuet,  marque la fin d'une époque, avec l'apparition de Suzy Solidor qui chante "Nous sommes les marins du ciel..", un refrain plus adapté à l'Aéronavale. Cette femme moderne, totalement libérée, fut une grande figure du Paris de l'avant guerre; elle ne cachait pas son saphisme, ce qui ne l'empêcha pas d'avoir une aventure avec le grand Jean Mermoz, en 1935. Le film présente, parfois, quelques scènes comiques dues aux interventions de Pierrette Caillol, une actrice méridionale, au fort tempérament, que l’on retrouve dans la quasi-totalité des films d’Yvan Noé.

 En regardant le film, on constate que les scènes aériennes furent tournées, en grande partie sur le terrain d'Orly, dont on reconnait les hangars, dont les deux grands, destinés aux dirigeables. Dans une scène, Monval et Pierron passent devant le club Rolland Garros et l'école de pilotage "Maryse Bastié Aviation", fondée en 1935. La dernière scène du film, celle de la Coupe, aurait plutôt été tournée à Etampes-Mondésir.

 

 Les avions du film :

 Comme indiqué dans le générique, le "matériel d'aviation" fut fourni par les firmes Renault-Caudron, Gnôme et Rhone, Ratier-Potez-Amiot et par l'association "Les Vieilles Tiges". Le film reçut également l'appui du Service Cinématographique de l'Air. Le tournage n'utilisa à l'évidence, qu'un seul avion, un ancien avion de record qui ne volait plus en 1939/1940. En période de guerre, les vols privés étaient de toutes façons interdits et les avions réquisitionnés. Ce n'est pas l'Armée de l'Air qui pouvait en fournir; elle en avait juste assez pour ses escadrilles, massées au nord et à l'est de la France. La production eut donc recours à de nombreux bouts de films documentaires, fournis par les constructeurs, les actualités ou l'Armée. Leur mise bout à bout, lors du montage, donne parfois des résultats étonnants…

 Pendant la dédicace du film à vingt huit héros de l'air, on voit défiler, en arrière plan, nombre d'aéroplanes; dans l'ordre : un planeur DFS Habicht (sans doute celui de Marcel Doret), une rangée de Voisin V (dont les c/n 1017, 1547...), le Gourdou Leseurre GL.B6 de Jérôme Cavalli, l'unique biplan Morane-Saulnier MS.350 (celui de Detroyat), le prototype du Potez 630 (vu au XV° Salon de l'Aéronautique de 1936), l'Amiot 341 (présenté au même salon), le Caudron C.660 Rafale, un chasseur Morane-Saulnier MS.406, un Caudron C.600 Aiglon, un Bloch MB.220, vu à Villacoublay, une formation d'Hawker Hurricane, le seul chasseur de nos alliés anglais stationné sur notre territoire, en 1939/40, et pour finir, un défilé de bombardiers survolant l'Arc de Triomphe, à Paris (14 juillet 1938/39 ?)..

 Puis, on passe aux usines Morane-Saulnier (Nantes-Bouguenais), sur la chaîne de  montage des MS.406, dont on peut apprécier la complexité, ce qui en faisait un avion difficile et long à construire; il s'agit d'une production de guerre et on voit plusieurs femmes en train de riveter un capot. On nous montre également le moteur du MS.406, l'Hispano Suiza 12Y-31, qui le propulse, avant de passer au moteur en étoile Gnome et Rhone 14N-25, en train d'être monté sur un Bloch MB.152. Puis, on fixe les ailes du MB.152 n° 527 (à l'usine Bloch de Châteauroux-Déols, bâtiment D); après, on voit les essais du train d'un MB.152 monté sur chandelles. On repasse ensuite à la chaîne de finition des MS.406, qui précède une vue du prototype Hanriot H.220, au salon de 1936, un chasseur bimoteur sans avenir. Après un tour sur le stand des hélices Ratier (salon de 1936 ?), on voit le Caudron C.660 poussé sur le tarmac d'Orly, avant de finir sur un gros plan du moteur en étoile Hispano-Suiza 9V (un moteur Wright, produit sous licence) qui trône dans le bureau de Pierron, où l'on aperçoit des maquettes du Potez 630, et du Potez 54.

 Quand Lagrange va faire les essais du prototype de Pierron, on voit d'abord deux Moranes MS.406, tout frais sortis d'usine. Puis, il monte dans le Caudron C.660 Rafale (F-ANAK), mais c'est un autre MS.406 qui décolle (de Villacoublay) ! Peu après, un avion descend en vrille et se transforme en  un biplan désentoilé et en flamme, qui percute un fleuve…L'image suivante montre l'avion en feu de De Pinédo, sur l'aéroport de Floyd Bennett Field (New-York), en septembre 1933, avec son corps carbonisé au premier plan ! Quand Bournier veut essayer, tout de suite après, l'"autre appareil du même type", on voit d'abord un Morane MS.406, puis il monte à bord du Caudron C.660 F-ANAK. Mais c'est un Caudron C.600 Aiglon (F-ANZL, c/n 70/7126) qui démarre. Cependant c'est le vrai F-ANAK qui décolle et qui atterrit, vu sur un documentaire (il vole avec la canopée ouverte); mais, en finale, il est remplacé par un Caudron Simoun et c'est du F-ANAK que Bournier descend…Ouf !

 Le Caudron C.660 Rafale (c/n 1/6931, F-ANAK) est le seul avion utilisé pour le tournage. Il est filmé au sol et on ne le voit jamais avec son moteur en marche. C'était un biplace Caudron C.530 (c/n 2/6931), transformé en monoplace. Il avait néanmoins conservé la place avant noyée dans le fuselage, ce qui lui permettait de participer aussi aux compétitions pour biplaces. On y accédait par une trappe, munie de deux petits hublots, s'ouvrant sur la gauche. Cet avion, construit en 1934, appartenait au pilote de course Maurice Arnoux, qui remporta avec lui de nombreuses coupes (coupe Zénith de 1935, 1937, 1938; classé second au Grand prix de l'Aéro-club de France, en 1935, et plusieurs records de vitesse, en 1937 et 1938, dans la catégorie des moteurs de 4 à 6,5 litres de cylindrée). Supposé détruit lors du bombardement d'Orly, en juin 1940, il sera en fait saisi par l'occupant allemand. Son sort ultérieur est malheureusement inconnu. A-t'il été expédié en Allemagne pour le musée de Berlin, ou détruit dans un hangar, suite aux bombardement alliés de 1944-1945 ?

 Pour battre le record de vitesse, Bournier reprend le F-ANAK (sur l'aéroport d'Orly), mais c'est l'autre Caudron C.660 F-ANAL (c/n 3/6932) qui part, le pilote mettant du pied, à fond, à gauche. Il sera détruit en décembre 1938 quand son pilote, Boris, devra l'abandonner en plein vol, suite à une rupture de l'arbre d'hélice. Puis, il est remplacé par un Caudron Aiglon, mais à l'atterrissage, c'est le F-ANAK que Bournier met en pylône. Ce dernier est censé avoir fait du 790 km/h, une vitesse de jet ! Rappelons que le C.660 ne dépassa jamais les 330 km/h, ce qui n'était pas mal pour son moteur Renault 4 Pei de 140 chevaux seulement.

 Pendant la chanson de Suzy Solidor, ont voit divers avions : un Potez 620 d'Air France, un Percival Mew Gull (en silhouette), un Caudron Goéland, le Caudron C.635 Simoun (F-ANXM) de Marcel Doret, avec ses bandes décoratives (rouges) de voilure, le Dewoitine D.530 du même Doret (avec une caméra montée derrière le cockpit), un autre Simoun non identifiable, un Bücker Jungmeister, une formation de Morane-Saulnier MS.225 de la Patrouille d'Etampes, une formation de Hawker Hurricane (bis), un groupe de Farman 221, et enfin, une escadrille de Northrop A-17 de l'USAAC (peut être pour rappeler que la France en avait commandé, en urgence, 93 qui ne purent être livrés, pour cause d'Armistice…).

 Le jour de la compétition (sur le terrain d'Etampes-Mondésir), plusieurs avions sont présentés : un Potez 630, qui fait un virage sur l'aile à très basse altitude, au sol, un bombardier Breguet 462 Vultur, parqué à coté d'un Bloch MB.220, les deux survolés par un biplan Romano 82 (F-AKHY). Peu après, on voit un autogyre Léo C.302 (construit sous licence La Cierva), un Caudron Goéland, un Farman F.224 qui fait du radada (à Villacoublay en juillet 1937), Marcel Doret dans ses œuvres, sur son Dewoitine D.530 (F-AJTE). L'anglais Roberston s'équipe devant un Caudron Phalène/Frégate, avant de monter à bord d'un chasseur Nieuport LN.161! Il s'agit du troisième prototype; il passe, à Villacoublay, devant l'unique Bloch MB.300 Pacifique, alias la "Grosse Julie" (F-AQUI), ce qui situe la scène en mars-avril 1938. Au décollage, il devient un Heinkel He.100, avant de se crasher (et de nouveau, les images du crash de De Pinedo…). Monval redécolle sur un Caudron C.600 qui devient le Caudron C.461, à train rentrant et sans canopée, portant le numéro "2", comme lors de la coupe Deutsch de la Meurthe, de 1936. L'Américain Hopkins, part dans un Caudron C.600 qui devient un Curtiss H.75 A-1, couleur métal, avec juste les marques françaises, filmé sans doute pendant ses essais officiels, en France. On revoit ensuite le Dewoitine D.530 de Doret. Monval repart sur le Caudron C.461 n°2, remplacé en l'air par un Caudron C.640 bimoteur…qui cède la place à un Morane MS.406…

 Dans le salon où Pierron et Bournier assistent à la course, est exposé un moteur Gnôme et Rhone 14N. Ce moteur en double étoile, de 38 litres de cylindrée, dépassant les 1000 chevaux de puissance nominale, était un modèle récent; il arriva juste à temps pour équiper, en 1939, de nombreux avions français (MB.152, MB.175, Lioré et Olivier LeO 451..).

 

 Christian Santoir

 * Film, très rare, en vente sur : www.belfilm.be. Un grand merci à nos amis belges !

 

 

 

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