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LE VOL DU GOÉLAND

LE VOL DU GOÉLAND



Année : 1969 
Pays : France
Durée : 1 h 30 min.
Genre : drame
Noir et blanc

Acteurs principaux : 

Gilles SEGAL (André Colin), Pascal TERSOU (Robert Huguet), Mireille ABADIE (Mme Huguet), Jacques ANDRIOT (Le commandant français), Daniel BREMONT (Le lieutenant du centre d'entraide), René BERIARD (Revillon), Robert CHEVRIGNY (Le 3° pilote).


Photographie : Jean-Marie MAILLOLS     
Producteur : Jean KERCHBRON
Compagnie productrice : Office de Radiodiffusion Télévision Française (ORTF)

Avions :

  • -De Havilland DH.89 Dragon Rapide/Dominie
  • -SNAC NC-702 Martinet
  • -SNAC NC-853, en arrière plan
  • -SNCAN Nord N 1101 Noralpha / Ramier II
  • -SNCAN Stampe SV 4C, F-BEKI

Notre avis :

André Colin

Ce téléfilm fait partie d'une série produite par Jean Kerchbron et intitulée "les Hommes de caractère", parmi lesquels des hommes de la seconde guerre mondiale. Ici, il s'agit d'un pilote des FAFL (Forces Aériennes Françaises Libres), André Colin.

Ce docufiction commence par rappeler le jour où Colin est abattu par un Bf.109, en Libye, le 27 juin 1942. Mais, peu après, on revient en arrière, le 2 juillet 1939, quand il est moniteur de la Compagnie Française d'Aviation, à l'école d'Aulnat. Le 16 septembre 1939, il est mobilisé sur la Base Aérienne 108 de Marignane et sert comme instructeur à l'EP 101 (Ecole de Pilotage de l'Armée de l'Air de de Saint-Cyr-l'Ecole, près de Versailles). Il suit son unité pendant la retraite des troupes françaises devant l'avance de l'armée allemande et se trouve démobilisé le 18 août 1940, à Toulouse-Francazal. N'acceptant pas l'Armistice et ses conséquences, Colin cherche à regagner l'Angleterre par n'importe quel moyen, en traversant la Manche ou en passant par le Portugal. Il s'engage en attendant dans les Groupes de Protection créés par le colonel Groussard, un Vichyste anti nazi. Il assure ainsi périodiquement la garde du terrain de Vichy. Cependant, il doit démissionner, car son supérieur trouve qu'il a un "état d'esprit déplorable", il "critique la politique du gouvernement", il tient des "propos anti-allemand", il se "fait l'écho de la propagande ennemie" en colportant des mensonges, des bobards de la radio de Londres"... Lui et ses amis, Foucaud et Huguet, sont surveillés de près. Un mécanicien de l'aérodrome de Vichy lui signale alors que la commission d'Armistice utilise un Caudron Goéland du Service civil des liaisons aériennes (SCLA), pour des liaisons entre la France et l'Allemagne. C'est ainsi que le ler février 1941, l'avion, après avoir embarqué les bagages des officiers de la commission et ayant fait le plein de carburant, est stationné sur le tarmac de Vichy, en attente du départ. Les amis de Colin avec lesquels il avait préparé son envol, ne sont pas prêts à partir, pour des raisons professionnelles ou familiales et c'est donc seul, à 11h 30, que Colin se précipite vers le Goéland et décolle aussitôt. Le personnel du terrain est interpellé par les boches qui sont scandalisés par cette évasion. Un chasseur allemand est envoyé à sa poursuite, mais en vain. En l'air, après plus d'une heure de vol, la météo se dégrade au-dessus de la zone occupée, et, navigant à vue, Colin perd ses repères; il lui faut atterrir pour mieux se situer. Ce qu'il fait dans un champ. Après s'être localisé avec précision, il redécolle, à la barbe de deux gendarmes, alertés par des paysans. Arrivé en Angleterre, Colin, qui a oublié que les Anglais considèrent désormais les Français comme des ennemis, est accueilli par des soldats qui le mettent en joue ! Le lendemain, la BBC relate son arrivée, avec un avion chargé de documents dont l'exploitation doit être très intéressante. Puis, Colin est invité à faire un speech à la BBC pour encourager d'autres pilotes français à rallier les Forces Françaises Libres. Le film se termine par l'interview de proches d'André Colin : sa sœur aînée, Robert Huguet, les colonels Laffont et Pouliguen.
 

Le jour de sa mort, André Colin, était lieutenant et commandait la 2éme escadrille "Mulhouse" du groupe "Alsace". Il conduisait une section de trois Hurricane I, basés à Fuka (Egypte), confiés aux FAFL par la RAF et chargés de protéger la retraite des troupes alliées, après l'héroïque résistance des troupes françaises à Bir Hakeim (Libye). Alors qu'ils faisaient face à six Messerschmitt Bf.109F (armés d'un canon de 20 mm), le Hurricane I (serial Z4648) de Colin, fut un des premiers abattus. Malgré les éloges du général Valin, lors de l'attribution de la croix de guerre avec étoile de vermeil (8 juin 1942), puis avec palmes (17 août 1942, à titre posthume) : "excellent pilote,…pilote de grande classe", citées dans le film, Colin ne sera crédité d'aucune victoire aérienne; il a tout au plus, endommagé deux Junkers Ju.88, en quatre mois d'activité au sein du GC III/2.
 

Comme le signale le commentateur, il y eut d'autres "désertions" que celle de Colin, certains pilotes préférant reprendre le combat, pour essayer d'effacer l'ignominieuse défaite de la France, plutôt que d'attendre tranquillement, sous l'uniforme (avec solde, logement…), en France ou en Afrique du Nord, que les choses s'améliorent et que Vichy décide éventuellement de rependre les armes… Le 10 février 1941, un sous-lieutenant accompagné de quatre sergents décolla de la base de Rabat à bord d'un Glenn Martin 114; le 10 décembre 1941, Marcel Florein (interviewé dans le film) décolla avec un Goéland de l'usine Caudron d'Issy-les-Moulineaux pour l'Angleterre. Mais il y avait déjà eu d'autres départs, dès 1940. Le 2 septembre 1940, deux avions français atterrirent à Gibraltar et à Elisabethville; le 3 décembre 1940, trois officiers quittèrent l'Afrique du Nord avec le Goéland de la commission d'armistice italienne; le 24 décembre 1940, un bombardier LéO 451 de la base d'Oran rejoignit Gibraltar…
 

Comme pour la plupart des téléfilms, on ne dispose d'aucune information sur le tournage, qui eut lieu, apparemment, sur un petit terrain d'aviation, disposant d'un seul grand hangar, une ancienne base militaire, vu les emplacements de dispersion pour avions que l'on peut apercevoir.

La production employa trois avions, un biplan privé et deux avions appartenant vraisemblablement (sans preuve avérée) au Centre d'Essais en Vol basé à Toulouse-Blagnac, cité dans le générique.


Les avions du film :

 Les premiers avions du film sont aperçus sur des extraits de documents d'archives, maintes fois utilisés çà et là dans divers films. Ces avions seraient aperçus le 27 juin 1942, date de la mort d'André Colin, en Libye. Il y a d'abord un Potez 63.11 (n° 6), décoré comme un avion de l'Armée de l'Air après l'Armistice (bande blanche de fuselage, bandes jaunes et rouges sur les capots moteurs), mais après, on ne voit que des avions allemands, des Junkers Ju 87A/B Stukas, dont le Ju.87A1 portant le code "TK+H*" (un appareil expérimental), un Messerschmitt Bf-109 qui se fait descendre, des bimoteurs vus de très loin, par l'arrière (des Glenn Martin 167F ?). Aucun chasseur français n'est aperçu et l'avion de Colin est représenté par une maquette approximative d'un cockpit qui ressemble à rien de connu, surtout pas au cockpit d'un Hurricane I, l'avion piloté ce jour-là par Colin.

Au début de la guerre, en Europe, en 1939, apparaissent de nouveau des Stukas, suivis par des bombardiers Heinkel He-111H et 111B.

En 1939, le moniteur André Colin, fait de la voltige avec un SNCAN Stampe SV 4C (F-BEKI, c/n 248). Cet avion, construit après guerre, à d'abord  appartenu à la Marine Nationale avant d'être immatriculé "F-BEKI", en juillet 1957 au nom d'ABK NV, une société de conseil et de gestion d'entreprise située aux Pays-Bas. L'avion était néanmoins basé en Belgique, sur l'aéroport de Courtrai-Wevelgen... En 2003, il ne changea pas de propriétaire, mais fut réimmatriculé en Belgique (OO-VSV). Il est toujours en état de vol. Dans le film, il est piloté par un certain Charles Robbin, cité dans le générique.

Colin est moniteur, comme on peut le voir sur une pancarte, à l'école de pilotage "Gilbert Sardier" de la Compagnie Française de l'Aviation, une entreprise parisienne qui possédait plusieurs centres d'entraînement et usines aéronautiques. L'école "Gilbert Sardier", créée en 1925 à Aulnat, était destinée à former des pilotes militaires.

Avant de monter à bord du Stampe, Colin passe devant deux petits avions, un SNCAC NC.853 bi-dérive, sorti en 1948, et un monoplan parasol anglais, un Auster J1 Autocrat. 

Le véritable "Goéland" était un Caudron C-445 (F-BAAX, c/n 8729-174). Enregistré en décembre 1940, au nom de l'Etat français il était basé à Clermont-Ferrand. En 1941, il appartenait au SCLA (Service Civil des Liaisons Aériennes) dont il portait les bandes tricolores; il était utilisé par les officiers allemands et français de la Commission d'Armistice de Wiesbaden pour leurs liaisons avec le gouvernement de Vichy. Après avoir atterri en Angleterre, à Long Sands Beach, près de Tregantle, en Cornouailles, André Colin fut retenu temporairement au poste de police de Liskeard, son avion étant gardé par des hommes du 11ème Bataillon du Devonshire Regiment. Il fut confié au mois de mai 1941 à Herts and Essex Aviation Ltd. de Broxbourne qui le révisa entièrement; il reçut ensuite le code de la RAF "AX775", mais il fut rapidement récupéré par les FAFL qui l'auraient utilisé en Afrique du Nord. Son sort ultérieur est inconnu.

 Le F-BAAX gardé par deux Tommies, à Long Sands Beach, Tregantle,le 7 février 1941. L'arrière du fuselage était jaune comme la dérive et le plan horizontal.© Joss Leclercq
 
Mais l'avion du film est différent, ce n'est pas le même "oiseau", ce n'est pas un "Goéland", mais un "Martinet" ! C'est un SNCAC (Société Nationale des Constructions Aéronautiques du Centre) NC-702, la version française du Siebel Si-204A, muni d'un "nez de goéland", c'est-à-dire, sans le nez arrondi, entièrement vitré du NC-701 (Siebel Si 204D). Cent dix NC-702 furent produits par la SNCAC, après la guerre, entre 1946 et 1949. Celui du film ne possède aucune marque sur son fuselage à part ses cocardes françaises. On ne voit presque jamais son empennage où était inscrit son numéro de série permettant de l'identifier; on ne distingue que les numéros de ses moteurs (n° 2622, le gauche, n° 3010 R5, le droit). Plusieurs exemplaires volaient encore en 1969, après que ce modèle ait été réformé par l'Armée de l'Air, en 1964. Le tout dernier NC-702, qui servit de laboratoire volant, a volé jusqu'en septembre 1971.

 On  a quelques vues de son cockpit, en vol, ("Colin" est alors assis à droite, en place copilote) et aussi de sa cabine. L'avion atterrit près de Beaumont s/Sarthe, comme indiqué sur une borne kilométrique, il est parfaitement sur son axe, presqu'à mi-distance entre Vichy et Tregantle. 

Dans le générique de fin, on signale que le tournage eut lieu avec le "concours d'une équipe du CEV, détachement de Toulouse". Or le CEV (Centre d'Essais en Vol), compta dans sa flotte jusqu'à 33 NC-701/2 dans les années 60. D'autre part, des NC-702 figurent au sol, dans le film "Triple cross", tourné en 1966, qui fut réalisé avec la collaboration de l'annexe du Centre d'Essais en Vol des Mureaux. Il se pourrait donc que l'avion du film appartienne lui aussi au CEV...  

Quand il décolle, Colin manque de percuter un De Havilland DH.89 Dragon Rapide/Dominie de la Luftwaffe (n° 6, avec une énorme croix gammée sur l'empennage vertical) qui est en finale. Seuls trois DH.89 furent effectivement capturés par les Allemands dans les états baltes  et utilisés par la Luftwaffe jusqu'à ce qu'on ne puisse plus les réparer, faute de pièces de rechange. La présence d'un DH.89 allemand à "Vichy" est donc peu probable…On n'a aucune information sur l'avion du film. 

C'est un "chasseur" allemand qui part à la poursuite de Colin. Ce chasseur devrait être un Messerschmitt Bf.109, le premier Fw.190A n'ayant été livré à la Luftwaffe qu'en novembre 1941. Dans le film, c'est un Messerschmitt Me 208 Taifun, ou plus exactement sa version francisée, construite par la SNCAN à partir de 1946, un N.1102 Noralpha, Ramier II pour les militaires, propulsé par un moteur Renault 6Q-11. On en voit un second dans un hangar portant le code fictif "M+K" et, plus tard, le même parqué sur le tarmac. Le CEV posséda jusqu'à quarante cinq N.1101/2, en 1960. Ces deux avions pourraient avoir appartenu au CEV, comme le "Goéland". 

Le N.1102 a un camouflage fantaisiste et des marques de nationalité non conformes (croix gammée trop grande s'étendant sur la dérive et le gouvernail). Les glaces du cockpit quadriplace on tété en partie maquillées pour le rapprocher de la verrière restreinte du Bf.109.

 

Christian Santoir

 * Film rare, édité par l'INA et plus en vente.        



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