WHISKY ROMEO ZULU
Année : 2004
Pays : Argentine
Durée : 1 h 45 min.
Genre : Drame
Couleur
Réalisateur : Enrique PIÑEYRO
Scénario : Enrique PIÑEYRO, Emiliano Torres
Principaux acteurs :
Enrique PIÑEYRO (T), Mercedes MORAN (Marcela), Alejandro
AWADA (Gonzalo), Adolfo YANELLI (L’enquêteur), Carlos PORTALUPPI (Gordo),
Martin SLIPAK (T enfant), Sergio BORIS (Adrian).
Musique : Edouardo CRISCUOLO
Production : Enrique PIÑEYRO, AquaFilms
>Distribution : Aquafilms
Avions :
- -Boeing 737-7Q8 c/n 2824, LV-ZRM
Notre avis :
WHISKY ROMEO ZULU est inspiré d’une histoire vraie, qu’Enrique PIÑEYRO, un ancien pilote de la compagnie argentine LAPA (Lineas Aéreas Privadas Argentinas) a vécue. Il décida d’en faire un film qu’il interprète, scénarise, produit et met en scène et avec un talent certain. Ce film se voit un peu comme un reportage, ou plutôt comme un film policier. Pineyro raconte comment il fut forcé de voler sur des avions mal entretenus, par une compagnie plus soucieuse du rendement financier que de la sécurité de ses passagers. Le film réussit à captiver le spectateur malgré un rythme lent et un ton intimiste. Il faut dire que le scénario est plutôt bien écrit et que le montage qui mélange différentes temporalités et ne fait pas du crash une surprise, parvient habilement à faire monter la tension.
Enrique Pineyro joue le rôle d’un pilote (appelé sobrement "T") d’une compagnie argentine low cost qui vole sur les lignes intérieures. Les avions ne sont pas très bien entretenus et doivent souvent décoller avec des problèmes «mineurs» non résolus : fuite hydraulique, voyant incendie de l’APU allumé, extincteurs vides, absence de gilets de sauvetage, voire fissures dans le bord d’attaque de la dérive... Mais au sol ce n’est guère mieux; en approche de Mendoza, une coupure d’électricité à l’aéroport entraîne une panne du VOR et du DME, installations gérées par les toutes puissantes Forces aériennes. Un jour, après avoir décollé avec un voyant rouge allumé, il décide de faire demi-tour et demande l’assistance des pompiers; il se fait sévèrement réprimander par sa direction qui a dû rembourser les billets. Lors de la visite médicale, la psychologue le trouve bizarrement dépressif et agressif. Le jour où il doit voler de nuit avec deux horizons artificiels en panne, il refuse de décoller. La compagnie remplace le pilote par un de ses collègues qui avait raté son test sur simulateur, à Rio de Janeiro (l’Argentine n’avait pas de simulateur de vol pour 737). Le personnel navigant a peur, mais n’ose rien dire. Certains pilotes n’ont pas eu de vacances depuis six ans ! Entre temps, T a retrouvé, par hasard, un ancien amour d’enfance, Marcela, qui est chargée des relations publiques de la compagnie. T mis à pied, rédige un rapport qu’il envoie à tous les membres de la direction et à la presse, révélant les dysfonctionnements de la LAPA qui, selon lui, vont conduire inévitablement à un accident. Il est alors suspendu pour six mois ; il passe pour un employé déloyal et un danger pour l’emploi de ses camarades qui ont, contrairement à lui, charge de famille. Suite à ce rapport, la direction est limogée, mais le chef pilote reste en place. La nouvelle direction et son amie lui demandent de revoir sa copie, ce qu’il refuse. T démissionne alors et l’accident prédit se produit ! Une enquête est diligentée. Elle est menée par un homme intègre qui n’enquête pas uniquement sur la compagnie, mais aussi sur la gestion calamiteuse des Forces aériennes chargées de la sécurité aérienne. Il est menacé de mort et craint pour sa famille. Néanmoins, il décide d’entendre T comme témoin privilégié. Le film s’achève sur un document d’actualité montrant le "WRZ" en flamme, les voitures broyées par l’avion et l’interview des différents responsables. Pour eux, pas de problème, T est un traître à sa compagnie, voire un psychopathe qui ose persécuter le directeur général, un ancien militaire, un pionnier de l’aviation argentine ! La LAPA finira par être mise en accusation et un procès eut lieu en 2000. Des dirigeants des Forces aériennes furent également impliqués. La LAPA, créée en 1977, cessa ses activités en avril 2003, suite à une banqueroute.
L’accident n’est pas expliqué dans le film. Sur l’aéroport de Buenos Aires, le 31 août 1999, peu avant 21 h, le 737 LV-WRZ (vol 3142) à destination de Cordoba, s’alignait sur la piste, après avoir été retardé par une panne moteur. Alors qu’il avait atteint la vitesse de rotation, l’avion décolla de quelques centimètres et retomba ; il continua sa course à travers la barrière de l’aéroport, traversa une avenue en heurtant huit véhicules, avant de s’arrêter sur un terrain de golf où il s’enflamma. Soixante passagers et trois membres d’équipages, dont le commandant de bord, périront dans le brasier. L’enquête trouvera que l’avion avait essayé de décoller sans volet ! Malgré une alarme sonore dans le cockpit, l’équipage n’avait pas réagi (sans doute habitué à de telles fausses alarmes). En fait, lors de la check list de décollage, pilote, copilote et chef de cabine étaient engagés dans une vive discussion portant sur des questions personnelles. Cette discussion se poursuivit pendant le décollage avec le résultat que l'on sait. Le pilote avait une licence périmée depuis vingt-sept jours.
Ce film montre bien l’enchaînement inexorable des faits et le réseau des complicités tramé entre la compagnie et l’administration chargée de l’aviation commerciale argentine. La LAPA était dirigée par d’anciens militaires qui avaient des relations et leurs entrées au gouvernement; en outre, tous les services de l’aviation civile argentine, ainsi que les infrastructures au sol (radar, radiobalises, contrôle aérien) étaient gérés par l'armée ! Donc, la direction de la LAPA a pu prendre de grandes libertés avec la réglementation, afin d’accroître ses bénéfices. Ce film pose maintes questions dérangeantes que l’on se dépêche d’enfouir habituellement sous des tonnes de rapports, dans des procès qui n'en finissent pas, des commissions, des sous-commissions, des réunions de concertation, etc... Il y a aujourd’hui encore, dans certains pays, des compagnies gérées par des gens généralement proches du pouvoir local, dont les agissements sont couverts par les autorités civiles nationales qui nont pas d’autre choix. Tout se passe en « famille », au grand dam de la réglementation internationale, et au mépris de la vie des passagers. Même nos chères démocraties n’y peuvent pas grand chose, car interdire sur notre sol une de ces compagnies devient une affaire diplomatique; figurez vous que certains de ces pays ont du pétrole, du gaz, ou n’ont que le tourisme pour vivre, alors ?
L’aspect technique du film est sans reproche. Pas de maquette, ni d’images de synthèse, tout est vrai et filmé en extérieur. Les séances de simulateurs sont réelles (filmées chez Varig, au Brésil) et les scènes aériennes sont tournées en vol, dans de vrais cockpits, d’où on peut admirer quelques beaux paysages argentins (les Andes, les chutes d’Iguaçu). Il y a juste ce qu’il faut d’intrigue amoureuse pour détendre l’atmosphère. WHISKY ROMEO ZULU montre qu’on peut faire un bon film sans dépenser des centaines de millions. Il reçut le Soleil d’Or du meilleur long métrage, au Festival de Biarritz, en 2004.
Donc, vous, qui retenez vos séjours sur "Bronzerpascher.com", qui vous fera voyager sur "Senfoulamort Airways", ce film est à voir absolument. Mais, après un passage éclair au fond de la province, il n’est plus à l'écran depuis longtemps. Quant à le voir à la télé, on peut prédire que de nombreux crashs se produiront avant ...
Les avions du film :
Le film a été tourné (avec grandes difficultés, en se cachant, avec des téléobjectifs...) dans de vrais locaux, à Buenos Aires, sur l'Aeroparque Jorge Newbery (on reconnait les passerelles du terminal et les immeubles du centre ville, aperçus, au loin, au bout de la piste 13). On y aperçoit plusieurs 737 de différents types : 737-266, 737-204C, 737-7Q8... On y voit ainsi quelques 737 de la LAPA, dont le Boeing 737-7Q8 (c/n 2824, LV-ZRM). Cet avion avait été loué par la LAPA à la société américaine ILFC (International Leasing and Financing Corporation), en septembre 1999, puis à la compagnie Rio Sul (PR-SAG) au Brésil, en novembre 2002. Il retournera à ILFC, en 2006 (N161LF).
Quand T décide d'annuler son vol, suite à la panne de deux horizons artificiels, il descend du Boeing 737 baptisé "Anillaco", du nom de la ville de naissance du président argentin, Carlos Menem, entre 1989 à 1999, dont le président de la LAPA, Gustavo Andrés Deutsch (vu dans le générique de fin), était un proche partisan...Mais l' "Anillaco" était un Boeing 757, il s'agit donc d'un avion repeint. La compagnie brésilienne Varig fournit un Boeing 737, réformé, pour le tournage de certaines scènes, au sol.
Le tournage eut lieu, en partie, sur l'aéroport Salgado Filho de Porto Alegre, au Brésil. On reconnait les hangars de la société de maintenance VEM, filiale de Varig, ainsi qu'un bus de la compagnie de transport public Carris.
La compagnie brésilienne Varig fournit également un Boeing 737 réformé, pour le tournage de certaines scènes, au sol.
Le vrai "Whisky Roméo Zulu" était un Boeing 737-204C qui fit son premier vol 14 avril 1970 et qui, au moment de l’accident, comptabilisait 67 864 heures de vol.
Le "Whisky Romeo Zulu" |
Christian Santoir
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