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GUERRE et PASSION / HANOVER STREET Les B-25 du film

GUERRE et PASSION / HANOVER STREET

 - Les B-25 du film -

 

En 1978 cinq bombardiers bimoteurs Mitchell traversèrent l'Atlantique. Il s'agissait pour la plupart de B-25J transformé en TB-25N. Tous avaient connu de longues années de service sous l'uniforme ou pour le compte d'opérateurs civils. L'un d'entre eux avait même participé une décennie plus tôt à l'aventure "Catch 22".

Ces avions avaient été remis aux standards approximatif des "mediums" de la 8th AAF (qui n'employa jamais, dans ce rôle, que des B-26). On les avait recouvert de peintures de guerre et leur nez s'ornèrent bientôt de pin-up aux appâts "sur-dimensionnés".

 Ils devaient servir le cinéma. Opérant depuis d'anciennes bases de la RAF, ils brillèrent particulièrement (à défaut d'autre qualité marquante du film) dans les quelques scènes aériennes de "Hanover Street" sorti en France en 1979, sous le titre quelque peu stupide de "Guerre et passion". Les Sunlights disparurent et on les oublia...

 Que sont devenus ces cinq Warbirds ? Tel est l'objet de la présente enquête qui va nous conduire "aux quatre coins" de l'ancien et du nouveau monde.

 

Les cinq B-25 du film sur le terrain de Little Rissington (GB), le 1er juin 1978. Ce spectacle, des B-25 sur une base anglaise, n'avait plus eu lieu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et ne se reproduisit plus jamais après.© Michael Freer
 

Nous verrons dans les épisodes suivants le destin ibérique du 44-29121, la retraite britannique du 44-29366, la résurrection en Belgique du 44-30925 et enfin, le retour aux Amériques du vieux 42-30210.

 

1ère partie : la destruction du 44-86701

 Rapidement affecté à l'entraînement des équipages de bombardiers lourds de la 8th AAF, le terrain de Bovingdon, situé au nord de Londres, ne connut pas de véritable utilisation opérationnelle au cours de la Deuxième Guerre mondiale, si ce n'est à l'arrivée de la Mighty 8, qui y basa le 92nd Bombardment Group avant que ce dernier déménage sur Alconbury.

  Ce fut le cinéma qui lui donna l'opportunité de tenir ce rôle que l'histoire lui avait refusé. C'est en effet a partir de cette plateforme que furent tournées certaines des scènes de "The war lover" (1962), "Squadron 633" (1964) et de son copier / coller "Mosquito Squadron" (1968). C'est également à partir de Bovington que le B-25 s/n 44-86701 allait connaître pour sa prestation dans "Hanover Street" une éphémère gloire cinématographique

  Le B-25J s/n 44-86701 était connu dans le registre de l'aviation civile américaine (FAA pour Federal Aviation Agency) comme un TB-25N immatriculé N7681C. 

Le B-25 à Blackbushe Airport lors de l'été 1978 © Peter Nicholson.

On perd sa trace après la fin des prises de vue de "Hanover Street", pour la retrouver quelques années plus tard sur l'aérodrome de Dinard où l'appareil se trouvait immobilisé. Selon certaines sources non vérifiées, il aurait fait l'objet d'une mesure de saisie de la part des Douanes françaises après avoir servi à quelque trafic... En tout état de cause, le propriétaire de l'appareil ne se manifestant point, le Musée de l'Air et de l'Espace fit valoir à la fin des années 1980 son droit de préemption sur cette pièce de choix. 

 

L'avion photographié à Dinard, tel qu'il est resté stationné avant son reversement au MAE.
 

Une fois l'avion dirigé vers les réserves du MAE à Dugny, on pouvait espérer une restauration au standard de celle qui sera pratiquée quelques années plus tard, sur le B-26 Marauder du même MAE. Hélas, un terrible incendie détruisit le 17 mai 1990 le hangar de stockage de Dugny entraînant la destruction de plusieurs pièces uniques. Dans le désastre, la perte d'un B-25, qui n'était pas à proprement parler une rareté, passa quasiment inaperçue. Ainsi disparut le "Amazing Andrea", affecté dans "Guerre et Passion" au Lt Halloran, interprété par Harrisson FORD.

 Un autre B-25, volant celui-là, atterrit à Dijon deux ans plus tard. Il a depuis été revendu a une association helvétique mettant un terme (provisoire ?) à l'histoire des Mitchell français.

 Or, si le MAE n'a pu conserver de B-25, il n'en va pas de même de son homologue espagnol qui présente un vétéran de "Hanover Street"...

 

 2ème partie : La retraite madrilène du 44-29121

 Après une quinzaine d'années passée sous l'uniforme, le B-25J (s/n 44-29121) prit sa retraite militaire en 1958. Stocké à Davis-Monthan, il fut racheté en 1959, par un opérateur privé qui le fit immatriculer dans le registre de l'aviation civile américaine. Le N86427 fut revendu deux ans plus tard. Revêtu d'une livrée ad hoc (celle du B-25B s/n 40-234) il participa aux commémorations célébrant le 25ème anniversaire du raid de Doolittle sur le Japon.

 En 1969, notre bimoteur fut cédé à l'American Air Muserum d'Oakland. Cet intermède dura neuf ans.

 En 1978, il fut en effet acquis par John Hawke, pour le compte de la Visionair International Inc., afin de participer aux prises de vue de "Hanover Street". Arrivé à Lutton, au Royaume-Uni, l'avion fut débarrassé de ses marquages de 1941 pour revêtir ceux de 1943. Il devint dès lors le "Brenda's Boys" (s/n 41-51424). Vedette capricieuse, le "Brenda's Boys" perdit un de ses moteur et fut immobilisé le temps de faire venir des États-Unis, les pièces nécessaires à la réparation. C'est donc in extremis qu'il participa à un tournage qui devait décider de sa vocation à servir le 7ème art.

 

Le "Brenda's Boys" pendant le tournage du film. © Michael J. Freer

C'est ainsi qu'il devint, l'année suivante, le "Miami Clipper" (41-51451) dans "Yank", un film de John Schlessinger avec Richard Geere. Comme "Hanover Street", "Yank", dont l'action est située dans l'Angleterre des années 1943/44, s'appliquait à décrire une "war romance" entre de belles autochtones et des GI's "over paided, over sexed, and over here", comme les décrivaient alors leurs cousins britanniques.

 Pour l'anecdote, le "Miami Clipper" est utilisé dans le film par William Devane qui incarne un capitaine de l'US Army, comme vecteur d'un trafic de cigarettes entre l'Angleterre et l'Irlande. C'est pour un trafic de cette nature, mais s'inscrivant, lui, dans la réalité, que fut saisi au début des années 1980 le "Amazing Andrea"...

 Poursuivant en Espagne sa carrière cinématographique, notre Mitchell apparut encore en 1979 au générique de "Cuba" de Richard Lester avec Sean Connery. Ce film n'a semble-t-il laissé aucun souvenir. Il fit cependant une victime.

 Accidenté, le 44-29121 fut abandonné en lisière de l'aérodrome de Malaga. C'est là qu'il fut récupéré, en 1984, par le musée de l'Ejercito del Aire. Repeint aux couleurs du B-25D s/n 41-3038 (contraint en pleine guerre à faire un atterrissage forcé au Maroc espagnol, il servit par la suite pendant des années l'aviation du général Franco). Notre volatile, second rôle célèbre et champion du transformisme, coule désormais, en exposition statique, une retraite paisible au soleil, non de Mexico, mais plus prosaïquement, de la banlieue de Madrid, à Cuatro Vientos, où l'Ejertico Del Aire a implanté son musée.

 

Le 44-29121 en 2015 à Cuatro Vientos.

 Si, comme le dit le poète, les objets inanimés ont effectivement une âme; celle de notre vétéran l'entraîne peut-être à rêver parfois à sa gloire passée et à espérer toujours un improbable nouvel essor. "Old soldiers never died".

 

 3ème partie : La retraite pathétique du "Tanker 48" (s/n 44-29366)

 Le B-25J s/n 44-29366 effectua régulièrement son service militaire. Stocké en 1958 à Davis-Monthan, il fut racheté et remis en condition par la Sonora Flying Service. Immatriculé dans le registre civil américain, il devint par adjonction d'un réservoir spécial destiné à recevoir eau et retardant, le "Tanker 48". C'est ainsi que, pendant plusieurs années, il fut employé pour lutter contre les incendies de forêt dans le nord-ouest des États-Unis. Cette vie de pompier volant évoquée dans le "Always" de Stevens SPIELBERG, prit fin en 1968. Racheté pour le cinéma par Flying Hollywood Inc., il revêtit l'uniforme sale du "6M" dans "Catch 22" (1970). Repris par David Tallichet en 1972, notre vétéran fut prêté pendant six ans au Yesterday AF Museum de St Peterburg en Floride. Il prit là une nouvelle identité pour devenir "Toujours au danger" (devise d'un groupe de chasse de l'USAAF !). La pré-retraite au soleil prit fin en 1978, quand notre bimoteur traversa l'Atlantique pour devenir le "Marvelous Myriam" de "Hanover Street".

 

Marvellous Miriam", ex "Tanker 48" au retour d'un vol de tournage du film. Il a perdu la verrière de sa tourelle dorsale pendant ses évolutions. © Michael J. Freer

 Racheté par Doug Arnold à l'issue du tournage, il atterrit (au sens figuré) en 1982, dans les réserves du musée de la RAF, a Hendon. Plus ou moins reconditionné, il est aujourd'hui présenté dans le coin le plus reculé d'un hangar, à l'éclairage verdâtre. Il a été amputé ces dernières années, de sa tourelle supérieure. Son uniforme terne semble mal ajusté. À vrai dire, au contraire des autres appareils en exposition, il n'est pas du tout mis en valeur. Protégé des intempéries et du temps qui passe dans son sarcophage de verre et de métal, mais figé pour l'éternité, le Tanker 48 ne revolera plus.

Le 44-29366 en 2019, au musée de la RAF à Hendon

 

 4ème partie : La résurrection du "Gorgeous George-Ann" (s/n 44-30925)

 Le B-25J s/n 44-30925 revient de loin. Retiré du service actif au sein de l'USAF en 1958, il est stocké pendant deux ans à Davis-Monthan AFB avant d'être racheté par des opérateurs privés et immatriculé dans le registre civil américain, comme le N9494Z. Durant les années 60, il change à de nombreuses reprises de propriétaires. Sélectionné en 1968 par Filmway Inc. il reprend dès lors une apparence militaire pour devenir le "Laden Maiden" de "Catch 22". C'est sous cette livrée, affublé du s/n 43-0925, qu'il opérera un temps au sein de la CAF. Par la suite, il devait voler pour le compte de riches Texans, jusqu'en 1978. Acquis par la Visionair International Inc. de Miami, il est, en effet, cette année-là, envoyé au Royaume-Uni afin de prendre part aux prises de vues de "Hanover Street".

 

"Gorgeous George Ann" pendant le tournage du film. © Michael J. Freer

Il se fera alors connaître sous les couleurs du "Gorgeous George-Ann" (s/n fictif 151632) puis du "Thar she Blows". L'avion, toujours propriété de Visionair, devait à l'issue du tournage être laissé pourrissant à divers endroits de Grande-Bretagne.

 Chaque changement de lieu de stockage se faisait par camion après démontage (parfois sauvage). En 1994, alors plus ou moins abandonnée à Coventry, l'épave est rachetée par World Wide Aircraft Ldt. Immatriculée désormais dans le registre britannique, comme G-BWGR, elle est revendue à Aces High Ltd. en 1995 qui, ne pouvant rien en tirer, la cède trois ans plus tard à Imperial Aviation Group en vue d'une éventuelle restauration.

 

Le 44-30925 en 1995, à Coventry © Chris England

En 2004, dans un état pitoyable, le s/n 44-30925 est découvert au détour d'une petite annonce passée dans Flypast, par un représentant du Brussel Air Museum Foundation Cette organisation devait deux ans plus tard, racheter la carcasse à son propriétaire pour la coquette somme de 10 000 Livres Sterling. Démonté avec soin, l'avion renvoyé en Belgique par convoi routier spécial, est désormais en restauration. Celle-ci s'annonce longue, mais progresse bien. Dans quelques années, un B-25J aux couleurs de la RAF (pendant la 2ème GM, les Squadrons 98, 180 et 320 comptèrent dans leurs rangs des équipages belges), ornera le grand hall du musée de l'aviation militaire de Bruxelles.


Le 44-30925 en 2019 à Bruxelles

  5ème partie :La survie de "Big Bad Bonnie" (s/n 44-30210)

Livré à l'USAAF en 1944, ce North American B-25J (c/n 108-33485) fut stocké à Davis-Monthan, en décembre 1959, après avoir été transformé en TB-25J, puis en TB-25N, un avion d'entraînement. Echapant aux ferrailleurs, il fut rapidement acquis par Paul Mantz Air Service, alors qu'il avait déjà été immatriculé "N9455Z", non pas pour le tournage de films, mais pour être transformé en bombardier d'eau. L'avion fut alors basé à Caracas. Il fut utilisé par d'autres entreprises américaines de lutte contre les incendies, jusqu'en 1975, date de son rachat par David Tallichet et sa Military Aircraft Restoration Corporation, sise à Chino (CA). Après avoir participé au tournage d'"Hanover Street" en mai 1978, il fut parqué à Blackbushe, puis à Dublin. Il vola alors au sein du Mitchell Flight de Jeff Hawke, entre 1978 et 1981.

 

Big Bad Bonnie" dans Hanover Street © Michael J. Freer

En juillet 1982, suite à une panne moteur, il fit un atterrissage d'urgence sur le terrain d'Avignon-Caumont où il resta à l'abandon. Il fut alors récupéré, en 1983, par le Warplane Flying Group de Wellsbourne Mountford. En août 1986, il retourna à Chino (CA), prêté à l'United States Air Force Museum, sur la base de March (CA), qui l'exposa à l'extérieur. Il fut repris en charge en 1991, par la Military Aircraft Restoration Corporation de Chino, pour être restauré en état de vol, avec le numéro "02344", débarrassé de ses couleurs militaires. Le TB-25N fut vendu en février 2014 à une compagnie de forage pétrolier, la Latshaw Drilling and Exploration Co. de Tulsa (OK).

 

Le 44-30210 en 2013 à Tulsa © Brandon Kunicki

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Crédits photos : Michael J. Freer, Chris England, Brandon Kunicki, aerialvisuals.com, airliners.net, aerovintage.co.

 

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