LES HOMMES SANS AILES
Vo. Muzi bez krídel
Année : 1946
Pays : Tchécoslovaquie
Genre : drame
Durée : 1 h 19 min.
Noir et blanc
Réalisateur : Frantisek CAP
Scénario : Bohumil STEPANEK
Acteurs
principaux :
Gustav NEZVAL
(Petr Lom), Ladislav H. STRUNA (Bures), Jaroslav ZROTAL (Pavlík), Vladimír
HLAVATÝ (Karas), Jan W. SPEERGER (Vondra), Jaroslav SENIK (Zeman), Ladislav
HAJEK (Jirka)
Musique : Julius KALAS
Photographie : Jan STALLICH
Compagnie productrice : Filmová Spolecnost Praha
Les avions :
Notre avis :
L'histoire de ce film se déroule dans la Tchécoslovaquie occupée par les nazis, après l'assassinat, à Prague, le 27 mai 1942 de l'Obergruppenführer et General de la police, Reinhard Heydrich, qui était le Reichsprotektor du protectorat de Bohème-Moravie.
Jirka est un jeune garçon dont la famille a été assassinée dans le village de Lidice, suite au meurtre d'Heydrich. Il vit avec son oncle, l'ingénieur Petr Lom. Marta, une jeune femme, leur voiine travaillant à la poste, aide à prendre soin du garçon. Lom vient de commencer à travailler sur la base aérienne de Prague, sous la direction d'un Sudète pro nazi, appelé Ullman. La résistance est très active sur l'aéroport, dérobant des armes et des grenades, menant des opérations de sabotage, en contact radio avec les alliés. Ils doivent beaucoup à Jana Tomsesowa, la secrétaire du directeur de l'aéroport, qui a accès à beaucoup d'informations secrètes. Jirka travaille également à l'aéroport, mais il a soif de vengeance. Il est attrapé par Ullman alors qu'il récupérait des grenades cachées dans une épave. Il est arrêté par la Gestapo et abattu alors qu'il tentait de s'échapper. Jana assiste à sa mort et s'évanouît. C'est alors qu'Ullman découvre sur elle un message confidentiel qu'elle avait dissimulé. Il avertit ses amis de la police et se rend à l'atelier pour mener son enquête. C'est alors qu'il est tué par les ouvriers qui le précipitent dans un transformateur électrique ! La Gestapo arrête le ouvriers et fouillent leur maisons. Lors de ces perquisitions, Marta apparait comme une complice des Allemands. Ses voisins informent Lom de ce fait. Il se rend alors à l'aéroport et la tue, tout en aidant Jana à s'échapper. Les Allemands menacent de fusiller tous les ouvriers si l'assassin d'Ullman ne se dénonce pas. C'est à ce moment que Lom apparait en s'accusant lui-même et en tirant sur les officiers de la Gestapo. Dans la dernière scène du film, Lom, agonisant, a une vision du futur. Il voit une femme armée, symbolisant la Tchécoslovaquie, marchant vaillamment, entourée par les atrocités de la guerre. Elle marche jusqu'à ce que la guerre se termine et apparaisse le drapeau tchécoslovaque.
Le personnage d'Ullman, le Slovaque, un pronazi caricatural (moustache et mèche de cheveux, façon Hitler, chapeau tyrolien) rappelle que la Slovaquie, indépendante depuis le 14 mars 1939, était devenue un petit état satellite de l'Allemagne hitlérienne, ce qui n'améliora pas les relations, déjà difficiles, entre Tchèques et Slovaques, après la guerre.
Ce film fut produit en 1946, alors que la troisième république tchécoslovaque avait été créée le 4 avril 1945, après que le pays ait été "libéré" par l'armée rouge, avec l'aide d'un maquis majoritairement communiste. Le "Coup de Prague", du 25 février 1948, amena au pouvoir les communistes, déjà présents dans le gouvernement. La Tchécoslovaquie, après six ans d'occupation nazie, et un bref épisode démocratique, allait devenir un satellite de Moscou et connaitre quarante et un an de "dictature du peuple", jusqu'en 1989, date de la "Révolution de velours", quand le parti communiste abandonna enfin les commandes de l'état.
Le tournage eut lieu en partie sur l'aéroport civil de Prague-Ruzyne dont on peut voir la tour de contrôle, construite en 1937, et un grand hangar de la même époque, qui existent toujours aujourd'hui.
Les avions du film :
L'avion du film est le Junkers Ju-52/3m dont on voit plusieurs exemplaires sur l'aéroport. La plupart sont recouvert d'une peinture sombre, sans doute un vert foncé, avec une bande de couleur claire le long du fuselage. Leurs marques de nationalité ont été camouflées et recouvertes parfois par des croix allemandes, avec des swastikas (peu conformes) sur le gouvernail. Ils appartiennent à l'escadron de transport (Letecky dopravni pluk) de l'armée de l'air tchécoslovaque (Ceskoslovenske Letectvo) qui employa au total, entre 1945 et 1954, douze Ju-52/3m (désignés D-52, depuis fin 1945) hérités de la Luftwaffe. L'un porte le numéro "3" sur la dérive (ce pourrait être le Ju-52 ayant le code "D-3"), un autre de couleur plus claire, le numéro "2", mais ce pourrait être un avion civil.
Immédiatement après la guerre, la compagnie aérienne tchécoslovaque CLS (Československá letecká společnost) mit en œuvre un Junkers, avant d'être liquidée en 1945. On voit dans le film l'avant d'un Ju-52 dont l'insigne de CLS, situé au bout de la bande de fuselage, a été masqué, de même que le nom de la nouvelle compagnie CSA (Cesoslovenske Aerolinie), situé en dessous. La CSA commença son service le 1er mars 1946, avec un Ju-52 cédé par l'armée (peut être celui du film ?). Elle en reçut quatre autres, tous réaménagés par LETOV, dont deux construits par Amiot en France, livrés entre 1946 et 1948.
On voit un autre Junkers de CSA, devant le terminal de l'aéroport. Les moteurs sont peints en noir, le reste de l'avion apparaissant de couleur claire (alu ?). Le drapeau tchécoslovaque sur le gouvernail a été remplacé par une svastika et son matricule en partie masqué, pour le transformer en pseudo matricule allemand "D-TDI" (qui normalement aurait comporté quatre lettres après le code du pays...). Il s'agit en fait, du "OK-TDI" (c/n 6428) enregistré au nom de CSA, le 14 mars 1946. C'était un ancien avion de l'Armée roumaine (code 31) réimmatriculé "YR-ALP"; il servit à transporter des prisonniers américains en Italie, en octobre 1944. Il fut réimmatriculé "OK-TCB", avant d'être réformé le 29 novembre 1951
Dans l'atelier de réparation de l'aéroport, on a de nombreuses images du moteur BMW 132T équipant les Junkers Ju-52.
Autre avion aperçu sur le tarmac, le Siebel Si-204D, un appareil construit en Tchécoslovaquie par Aero Vodochody, comme Aero-C-3, après la guerre. Il appartenait sans doute à l'armée où il servit de 1946 à 1954, en tant que D-44. Ses marques ont été visiblement recouvertes de peinture, de même que sa cocarde tchécoslovaque sur la dérive. Quelques-uns furent également employés par CSA.
Dans le parc à ferraille près de l'atelier de réparation, où les ouvriers cachent les armes dérobées, on remarque des panneaux de fuselage en tôle ondulée (de couleur claire) appartenant à un Junkers Ju-52, on peut même reconstituer son matricule : OK-ZDN. Il s'agit d'un avion qui s'écrasa le 5 mars 1946, sur l'aéroport de Prague-Ruzyne, après trois tentatives d'atterrissage; il y eut dix morts. Il s'agissait d'un avion de la CSA, un des deux Amiot AAC.1 Toucan (c/n 138), acquis en France le 28 février 1946. Il eut donc une très courte carrière...
Dans le même parc à ferraille, il y a de nombreux Junkers Ju-88, en plus ou moins bon état. Il y a même un Messerschmitt Bf-109K-4 (voir la trappe de train additionnelle). Sur deux fuselages (de quels avions ?), on remarque les codes d'usine "SA+JB" et "TN+YX"; le premier correspondait à celui d'un Focke Wulf Fw.58 Weihe, un avion d'entraînement, et le second pourrait appartenir à un autre avion d'école, un Siebel Si-204D. Prague-Ruzyne était fréquenté par plusieurs écoles de pilotage, dont les FFS (FlugzeugFührerSchule) C 12, B/C 14, B 33, Blindflugschule 3...mettant en œuvre de nombreux types d'avions (Ju-52, Ju-87, He-111, Ju-88, FW-58, Si 204D, Ju W-33/34...).
A la fin du film, dans l'atelier, derrière les ouvriers, on voit un Heinkel He-111H, sans aile et sans moteur, en cours de transformation; il n'a pas de tourelle supérieure, de gondole inférieure et un cinquième hublot a été ajouté sur le fuselage. L'armée de l'air tchécoslovaque hérita de trois Heinkel He-111H d'origines diverses (Slovaquie, Luftwaffe, Bulgarie...) désignés LB-77. L'un d'eux (code FV-07) servit d'avion de prises de vues aériennes, et vu sa configuration, il ressemble à celui du film.
Christian Santoir
*Film disponible sur YouTube
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