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Frank TALLMAN

 « The Great Frank TALLMAN »    

(1919-1978)   

 

 

Quand on parle de pilotes cascadeurs, les deux noms qui viennent aussitôt à l’esprit sont, Paul Mantz et Frank Tallman. Ces pilotes d’Hollywood, devenus des légendes, ont sans doute cassé plus d’avions, volontairement, que beaucoup d’hommes en ont jamais pilotés. Frank Tallman, le successeur de Mantz, fut pilote agricole et pilote d’essai pour le gouvernement ; il vola sous les ponts et traversa le détroit de Santa Catalina en montgolfière (le trajet se finissant toutefois à la nage..); il fut « wing walker » et pilote de la Navy. En définitive, il pilota plus de cinq cents aéronefs différents, avions à hélice, jets, hélicoptères, planeurs, ballons et dirigeables; bref, il pilota tous les engins inventés par l’homme pour conquérir les airs, à l’exception d’un vaisseau spatial !

 Frank Gifford Tallman naquit le 17 avril 1919 à Orange (NJ). C’était le fils d’un aviateur qui participa à la première guerre mondiale. Très tôt, il attrapa le virus de l’aviation avec un père et un oncle, tous deux pilotes militaires. Il reçut son baptême de l’air à dix ans et fut breveté à seize ans. Quand la seconde guerre mondiale éclata, c’était déjà un pilote accompli. Il servit d’abord comme instructeur civil pour les cadets de l’Armée, puis, quand la Marine abaissa le niveau scolaire des recrutements, il put être incorporé. Il suivit l’entraînement de pilote de l’aéronavale, et finit la guerre comme instructeur.

 Dans les années d’après-guerre, Tallman développa son goût pour les vieux avions. Capitaine de frégate de réserve, il s’installa à Glenview (Il), et commença sa collection d’avions en 1951, en achetant quatre chasseurs de la première guerre mondiale, appartenant au musée du colonel J.B. Jarrett d’Atlantic City (NJ). Tallman acquit ainsi un Sopwith Camel F1, un Spad VII, un Garland Lincoln, (c’est à dire une réplique de Nieuport 28), et un Pfalz D.XII. Le Camel, relativement complet, fut restauré le premier en 1955, mais ayant des difficultés à remettre en état les trois autres, il dut se séparer du Spad pour pouvoir restaurer le Pfalz qui vola en 1958. Tallman ajouta d’autres avions à sa collection. A la fin des années cinquante, il acquit un biplan Farman MF-11, acheté en Australie, une réplique de Blériot IX, un Curtiss Gulfhawk, un Grumman FM-2 Wildcat et un Vought FG-1D Corsair. En 1956, il abandonna une courte carrière de gestionnaire d‘un réseau de télévision, pour se concentrer sur ses vieux avions qui attiraient de plus en plus de public. Il basa sa compagnie « Tallman Aviation » sur l’aéroport de Flabob, un petit terrain situé au milieu des collines, entre Riverside et Ontario, à l’est de Los Angeles. Tallman était disponible pour toute exhibition demandée par le cinéma ou la télévision, sa collection d’avions étant unique, et en état de vol. C’était également un familier des meetings. Apparaissant déguisé en barnstormer ou en « Hun » (surnom des pilotes allemands, chez les Anglo-saxons), son apparition enchantait les foules partout où il passait. A la fin des années cinquante, il participa à un premier tournage, « Escadrille Lafayette » de William Wellman, avec le Blériot, le Camel, et un Thomas Morse S4B, emprunté à un ami.

 Au delà des montagnes de Santa Ana, il y avait sur l’aéroport d’Orange County, « Paul Mantz Air Services ». Mantz était alors « le » pilote d’Hollywood qui prenait la part du lion sur toutes les grandes productions cinématographiques. Tallman parvenait néanmoins à obtenir des contrats, mais surtout pour la télévision. Mantz cherchait un partenaire, car accaparé par d’autres projets, il désirait abandonner progressivement son travail de pilote cascadeur. Il s’entendit donc avec Tallman pour former, en 1961, la société « Tallmantz Aviation », basée sur l’aérodrome d’Orange County (actuellement l’ aéroport John Wayne), ce qui avait aussi l’avantage d’éliminer un concurrent potentiel…Tallman devint le président de la nouvelle compagnie qui disposait de pilotes, d’avions-caméras, et d’une petite flotte d’avions anciens, de même que de diverses maquettes d’avions et de bateaux. La collaboration entre les deux pilotes marcha bien, car ils étaient complémentaires. Mantz avait des relations à Hollywood que Tallman n’avait pas, et Tallman avait la jeunesse et l’enthousiasme nécessaires pour faire avancer la compagnie. La création de cette entreprise s’accompagna de la fondation d’un musée, le « Movieland of the Air » où était exposée la vaste collection des deux hommes. Dès le début, il fut compris que ce musée ne serait pas une accumulation d’avions poussiéreux, mais que les avions voleraient au gré des contrats, des meetings, ou simplement, du désir de Paul ou de Frank de les piloter. Ce musée, dont la première pierre fut posée par Chuck Yaeger, ouvrit ses portes en décembre 1963.

Tallman passa rapidement en tête des tournages. On le retrouva aux commandes du B-25 caméra dans « La conquête de l’ouest » (1963), ou dans un Beech 18 traversant un panneau publicitaire, dans « Un monde fou, fou, fou » (1963). La compagnie Tallmantz fut très active jusqu’à la mi 1965, quand une série de tragédies la toucha. Mantz se tua en 1965 lors du tournage du film « Le vol du Phénix » d’Aldrich. C’est Tallman qui aurait dû tourner à sa place, mais il s’était blessé au genou en tombant du kart de son fils, et il était hospitalisé. L’infection se mit dans la plaie et on dut amputer sa jambe gauche, au-dessus du genou.. Alors que son avenir en tant que pilote paraissait fortement compromis, il réapprit à piloter avec sa seule jambe droite, préférant même voler sur certains appareils, sans sa prothèse. Il réussit malgré son handicap à maîtriser les vieux biplans qu’il affectionnait particulièrement, malgré leur instabilité qui demande une utilisation très prècise du palonnier. Il dut également repasser toutes ses qualifications. Il possédait non seulement un brevet de pilote privé IFR sur mono ou multi moteur, mais aussi une licence de pilote professionnel. Il avait aussi ses brevets de pilote d’hydravion, d’hélicoptère et de montgolfière. Contrairement à Mantz, Tallman était aussi qualifié sur jet. Il faisait partie des rares personnes au monde habilitée à voler sur tous les types d’aéronefs possibles, et il était le seul handicapé parmi eux !

Mais ce n’était pas tout. La compagnie Tallmantz dut faire face à plusieurs procès intentés par la veuve de Mantz et par le cascadeur Bobby Rose, blessé dans l’accident du Phénix. Il restait aussi à régler la succession de Paul Mantz. Tallman fut ainsi obligé de vendre quarante cinq avions de la collection Tallmantz à deux investisseurs du Nebraska, en février 1966. Avec cet argent frais, il put régler la succession et régler les indemnités demandées. Au début de 1967, Tallmantz fournit un B-25 camera et un B-17 pour « 1000 Plane Raid ». Quelques mois plus tard, Tallman signa avec la Paramount, pour lui fournir dix huit B-25 avec leurs équipages, et tout le matériel nécessaire pour les prises de vues aériennes, pour le tournage de « Catch-22 ». Avec ce contrat, la survie de Tallmantz était assurée. Tallman fut choisi pour construire une réplique exacte du Spirit of St Louis de Lindbergh, destinée à la célébration du 50° anniversaire de sa traversée qui devait se tenir à Paris en mai 1967. L’avion (N7212) vola en avril de la même année ; il fut ensuite démonté et acheminé en France dans un C-141 de l’USAF. Tallman fit voler l’avion lors du meeting du Bourget.

Au début de 1970, Tallman signa avec Universal un autre gros contrat visant à fournir les avions et le support adéquat, pour le film de George Roy Hill, «La kermesse des aigles» (1975) qui devait devenir le film emblème de la société. C’était d’abord une histoire d’amour, car Tallman put utiliser plusieurs de ses avions favoris, dont le Standard J-1, le Sopwith Camel, le Fokker Triplan, et le Curtiss Jenny. Plusieurs pilotes comme Jim Appleby, Frank Pine et Art Scholl, rejoignirent Tallman pour effectuer les vols. Tallman tourna aussi d’autres films, comme « Capricorn One » (1975), « La guerre de Murphy » (1971) et participa à la série TV « Les têtes brûlées », entre 1976 et 1978. Il continuait à se produire dans les meetings, et ses acrobaties avec son Grumman J2F Duck, lors des courses de Reno en 1970, et en 1976, furent mémorables.

 Ces succès reçurent un arrêt brutal lors d’un après midi orageux d’avril 1978, quand Tallman, aux commandes de son Piper Aztec, percuta une montagne, à 30 km au nord de l’Orange County Airport. Volant à vue, il avait essayé de se frayer un chemin à travers les nuages recouvrant les montagnes de Santa Ana, alors qu’il se dirigeait vers Phoenix (AZ).

 Frank Tallman, comme Paul Mantz, était mort en pilote. Il l’avait ainsi rejoint au paradis des pilotes de spectacle, aux cotés des Frank Clarke, Leo Nomis, Dick Grace... Ils reposent tous les deux dans le même cimetière dominant Newport Beach (CA).

 

Après la mort de Tallman, la société Tallmantz fut reprise par Frank Pine. Mais le marché du film se réduisait avec l’augmentation des coûts, et de plus, Pine n’avait pas le cercle de relations de Mantz, ni de Tallman. Dans les années 1980, Tallmantz participa néanmoins au tournage de quelques grands films comme « Nimitz, retour vers l’enfer » (1980), « L’étoffe des héros » (1983), et le film TV « Enola Gay » (1980). La mort de Frank Pine foudroyé par une crise cardiaque en 1984, marqua la fin de l’entreprise. Une grande partie de la collection d’avions fut revendue à Kermit Weks en 1985, qui les exposa dans son « Fantasy of Flight Museum » à Polk City, (FL). Après avoir survécu un moment comme entreprise de services pour l’aviation privée, Tallmantz ferma définitivement ses portes en 1991.

 

Filmographie de Frank Tallman (hors téléfilms et série TV) :

  •  -(1958) Escadrille Lafayette (pilote)
  • -(1963) Un monde fou, fou, fou (directeur des vues aériennes et pilote)
  • -(1964) Les ambitieux (pilote d’un Fairchild KR-21)
  • -(1966) F Troop. Série TV, épisode « Bye, Bye, Balloon » (conseiller technique)
  • -(1969 The Wrecking Crew (pilote pour la séquence hélicoptère)
  • -(1969) The Thousand Plane Raid (pilote de B-25)
  • -(1970) Catch-22 (chef pilote, pilote de B-25)
  • -(1971) La guerre de Murphy (pilote du Grumman Duck)
  • -(1972) Family Flight (TV) (directeur des scènes aériennes)
  • -(1973) Ace Eli and Rodger of the Skies (pilote)
  • -(1973) Charley Varrick (pilote)
  • -(1973) Death Race (TV) (pilote)
  • -(1974) The Day the Earth Moved (TV) (pilote)
  • -(1975) La kermesse des aigles (directeur des scènes aériennes) (pilote)
  • -(1975) Lucky Lady (acteur, pilote)
  • -(1976) Les têtes brûlées. Série TV (coordinateur des scènes aériennes, pilote)
  • -(1976) Amelia Earhart (TV) (directeur des scènes aériennes)
  • -(1978) The Cat from Outer Space (pilote)
  • - (1978) Capricorn One (directeur des scènes aériennes, pilot de Stearman)
  • - (1979) 1941 (pilote)

 

Bibliographie succincte :

-GREENWOOD Jim et Maxime (1982) Stunt flying in the movies. Blue Ridge Summit, Tab books Inc.245 p.

-TALLMAN Frank (1973) Flying the old planes.Garden City, New York, Dobleday znc Company  255 p.

-THOMSON Scott (2008) Hollywood’s Wings. Fly Past magazine, n°13 & 14, pp. 34-40, 66-70.

 

 Christian Santoir

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