Année : 1970
Pays : Etats-Unis
Genre : drame
Durée : 1 h 50 min.
Couleur
Réalisateur : Michelangelo ANTONIONI
Scénario: Michelangelo ANTONIONI
Acteurs principaux :
Mark FRECHETTE (Mark), Daria HALPRIN (Daria), Paul
FIX (le cafetier), G.D. SPRADLIN (l'associé de Lee), Bill GARAWAY (Morty),
Kathleen CLEAVER (Kathleen).
Photographie : Alfio CONTINI
Musique : Jerry GARCIA, Pink FLOYD
Producteur : Carlo PONTI
Compagnie productrice : MGM
Aéronefs :
- -Bell 47G-3B-1 N7923S
- -Cessna T210G Centurion, N6835R
- -Hughes 300
Notre avis :
Après avoir décrit la jeunesse italienne, notamment dans "L'Éclipse" (1962), puis londonienne, dans "Blow up" (1966), Antonioni dépeint ici le désarroi des jeunes Américains, au début des années 1970. Ce film parut à un époque où la contestation montait aux Etats-Unis. Le président républicain Richard Nixon devait faire face à une forte mobilisation contre la guerre au Vietnam, où les Etats-Unis s'enlisaient. Mais il y avait également des émeutes raciales dans plusieurs villes, ainsi que de nombreuses manifestations estudiantines, sur fond de féminisme et de marxisme. C'était aussi le moment où, à Hollywood, l'industrie cinématographique arrivait à un tournant. Les super productions ne faisaient plus recette et un certain vide artistique laissait la place à de nouveaux réalisateurs, comme Arthur Penn ("Bonny and Clyde"), Dennis Hoper ("Easy rider") qui s'attaquaient aux tabous hollywoodiens, le sexe, la drogue et la contestation politique.
Le tournage du film prit près de deux ans, ayant connu de nombreuses difficultés avec les autorités qui considéraient Antonioni comme un gauchiste, voir un communiste. Il est vrai que le réalisateur critiquait sévèrement la société américaine, une société de consommation, dominée par l'argent et le grand Capital. Le film devait se terminer sur un avion tirant une banderole, avec écrit dessus : "Fuck you, America !". La MGM ordonna à Antonioni de trouver autre chose…
L'histoire commence en Californie, où la colère gronde parmi les étudiants. L'un d'eux, Mark, décide de quitter un groupe de révolutionnaires qui n'en finissent pas de débattre à longueur de journées. Pendant ce temps, au sommet d'un gratte-ciel, des hommes d'affaires préparent une vaste opération immobilière dans le désert. La jeune secrétaire du promoteur, Daria, s'étonne du calme et de l'inconscience de son patron, qui est aussi son amant. Les manifestations estudiantines deviennent de plus en plus violentes et sont fermement réprimées par la police. Mark se rend sur les lieux. Un policier est tué et Mark, qui a un revolver sur lui, est pris pour le coupable. Il s'enfuit vers l'aéroport où il vole un avion. Il se dirige vers le désert où il repère une voiture qui est conduite par Daria, qui se rend dans la résidence secondaire de son patron. Mark atterrit à côté et les deux jeunes gens font connaissance. C'est le coup de foudre entre eux. Ils se rendent à Zabriskie Point, au milieu de la Vallée de la Mort, où ils font l'amour dans le sable…Après avoir peint son avion de façon psychédélique, avec des slogans ("No war", "No words", "Suck bucks"..), Mark décide de le rendre à son propriétaire. Mais à l'aéroport, il est attendu par la police. Comme il refuse de s'arrêter, il est abattu. Daria apprend la nouvelle à la radio. Choquée, elle se rend dans la maison de son patron, où des invités se prélassent au bord de la piscine. Elle repart et, comme dans un rêve, elle voit la villa exploser !
Le film ne rencontra pas beaucoup de succès aux Etats-Unis comme il fallait s'y attendre…Il y fut même décrit comme le "pire film fait par un réalisateur de génie" ! Des années plus tard, il fut reconnu pour la qualité de sa réalisation, de sa photographie et de sa musique. Ce film peut être regardé aujourd'hui avec intérêt, alors que nos sociétés post-soixante-huitardes occidentales sont à bout de souffle, près d'un demi siècle plus tard, et que les jeunes d'aujourd'hui ne s'y retrouvent plus du tout. Ce n'est d'ailleurs pas un problème propre à l'Occident, mais aussi à l'Orient (Cf. les "printemps" arabes…). Depuis 1970, les choses ne semblent pas avoir beaucoup évolué. On en est toujours à la contestation du rôle de l'argent dans nos sociétés, démarche visiblement vaine qui ne débouche sur aucune alternative bien crédible, ni bien définie. Même dans les sociétés primitives, où le dollar est remplacé par la chèvre ou le canard, il y a des riches et des pauvres…
Si on pouvait s'attendre à trouver des scènes de sexe dans ce film (vu le slogan de l'époque "Peace and love"), on s'attendait moins à y trouver des scènes aériennes (l'avion, c'est pour les riches, n'est ce pas ?), mais on est aux USA, où l'avion est considéré comme un moyen de transport banal. Une partie du tournage eut lieu sur le Municipal Airport d'Hawthorne, dans le comté de Los Angeles, aussi connu comme le Jack Northrop Field, le constructeur Northrop ayant une usine à côté de la seule piste (7/25) de cet aérodrome. Cette usine Northrop fut fermée en 1997.
Les avions du film :
L'avion qu'"emprunte" Mark est un Cessna T210G Centurion, tout rose, portant le nom de "Lilly 7" ! Cet avion (N6835R s/n T210 0235) construit en 1967, fut vendu en mai 1970, donc bien après le tournage, à un particulier de Meridan (Idaho). Il fut exporté au Canada, en Colombie Britannique, le 16 octobre 1970 (C-FQFA). On ne connait pas son propriétaire au moment du tournage, qui commença en juillet 1968. Le Cessna est filmé en vol et à partir du sol; il fut également équipé d'une caméra. On a aussi des vues de la cabine et du tableau de bord, équipé pour vols IFR. On appréciera la séquence où Mark fait du rase-motte sur la Buick Special 1952 de Daria.
Le révolutionnaire Mark avait forcément son brevet de pilote et sa "qualif B" (train rentrant, pas variable). Ayant volé l'avion, on comprend qu'il essaie de passer inaperçu, mais il prend de grands risques à circuler sans radio dans la zone de Los Angeles, un espace aérien très encombré, où se produisirent de nombreuses collisions en vol.
La police de Los Angeles utilise un Hughes 300, alors que les journalistes de la radio KRLA News ont un Bell 47G-3B-1 (N7923S, s/n 6594). Il fut accidenté en décembre 1979 et il n'est plus inscrit sur les registres de la FAA.
A Hawthorne, on voit de nombreux avions d'affaires ou de tourisme, en arrière plan. Quand Mark entre dans l'aéroport, il passe devant un Aircoupe A2, puis un Learjet 25 (N942GA) de Gates Aviation Corp. Construit en 1968, il fut rayé des registres en 1995 et son matricule attribué à un Gulftstream G450. Le Centurion qu'il prend est garé à coté d'un Piper PA-28R Cherokee Arrow (N3728T). Un mécanicien de Bates Aviation Inc. travaille sous un Piper PA-30 Twin Comanche. Cette société, dont on voit le hangar situé à coté de la tour de contrôle, n'existe plus; elle assurait la représentation de Piper aircraft. La hangar abrite, en 2014, une école de pilotage, la Beach Cities Aviation Academy, LLC.
De l'autre côté de la piste, un Cessna 150F (N8898G, c/n 15062998) passe devant un grand réservoir sphérique de l'usine Northrop. Il se crasha en mars 1977, en Floride. Quand la police attend Mark à l'aéroport, c'est un DHC-5 Buffalo de la RCAF qui passe devant leur Plymouth Belvedere. Les journalistes attendent à coté d'un Piper PA-32-260 Cherokee Six (N3594W, s/n 32-490) qui ne vole plus aujourd'hui. Enfin, au début du film, on voit un petit Cessna 150F N7853F (c/n 15063953) qui est apparemment toujours enregistré, dans le Minnesota.
Christian Santoir
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