Rechercher dans ce blog

TSUBASA NO GAIKA

 


TSUBASA NO GAIKA

Vo.翼の凱歌

 (La victoire ailée)

 

Année : 1942
Pays : Japon
Durée : 1 h 49 min
Genre : guerre
Noir et blanc

Réalisateur : Satsuo YAMAMOTO
Scénario : Akira KUROSAWA, Bonhei SOTOYAMA

Acteurs principaux :
Joji OKA, Takako IRIE, Ranko HANAI, Heihachiro OKAWA

Musique :  Ryôichi HATTORI
Photographie : Taichi KANKURA
Producteur : Sanezumi FUJIMOTO
Compagnie productrice : Toho films

Avions :

  • -Boeing B-17D
  • -Hikari 1.3 (B-2825) 
  • -Hikari 2.1 (B-4509
  • -Mitsubishi K3M Type 90 (Ki-7), J-AJTQ, J-AJTW
  • -Nakajima Ki-43 Hayabusa
  • -Tachikawa Ki-55
  • -Tachikawa Ki-54b  
  • -Tachikawa Ki-9  J-AJTI, J-AKTR
  •  

    Notre avis :

    "Tsubasa No Gaika" est le seul film d'aviation tourné par Satsuo Yamamoto, qui ne doit pas être confondu avec son homologue Kojiro Yamamoto, le grand spécialiste des films de guerre, qui tourna trois films sur l'aviation de la Marine et de l'Armée japonaises. Le scénario fut écrit par Kurosawa, une étoile montante du cinéma japonais, en 1942. Ce dernier s'était spécialisé dans les scripts patriotiques, allant dans le sens de la politique nationale, ce qui lui rapporta de nombreux prix. Le script de ce film fut son second à être porté à l'écran.

    Selon Yamamoto, le but de ce qui fut son premier film de propagande, était d'expliquer au public la doctrine de l'aviation de l'Armée. Ce n'était qu'une partie des exigences des autorités qui rencontraient un problème de recrutement. Alors que les jeunes hommes, sous l'effet d'une propagande intense, étaient pressés de s'engager, les familles n'y étaient guère favorables. Les mères, suivies par les grands-mères, y étaient les plus opposées. Une telle résistance entravait les campagnes de recrutement. La situation était donc très embarrassante pour l'armée qui collabora au tournage, en fournissant des moyens sans précédent, pour un film ne comportant qu'une seule scène de combat.

    Le film commence par le crash d'un hydravion qui tue ses deux pilotes, Okawa et Noda. Ils avaient chacun un fils. La femme de Noda étant déjà décédée, la veuve d'Ookawa, Nobuko, prend l'enfant de Noda, Takashi, avec elle et l'élève avec son propre fils, Yukishi. Nobuko est pauvre et doit travailler dur pour nourrir sa petite famille. Elle veut que ses garçons deviennent des pilotes, comme leurs pères. Mais son travail l'épuise et elle tombe malade. Elle meurt de tuberculose. Yukishi qui a douze ans, a juré à sa mère, sur son lit de mort, qu'il prendrait soin de Takashi, son cadet. Les deux grandissent de façon différente, même s'ils deviennent tous les deux aviateurs. Yukishi devient un as lors de la seconde guerre sino-japonaise, tandis que Takashi est pilote d'essais pour un constructeur civil travaillant pour l'armée. Yukishi est affecté à cette société pour donner son avis, en tant qu'expert militaire, sur la construction du nouveau chasseur Hayabusa. Lors d'un vol d'essai, Takashi ne tient pas compte des recommandations de Yukishi, et s'écrase. Il est grièvement blessé. L'enquête conclut qu'il s'agit d'une erreur humaine. Finalement, Yukishi teste lui-même l'appareil dont il perd, lui aussi, le contrôle et manque de s'écraser. Il parvient miraculeusement, à se poser sans casse. Yukishi a trouvé le défaut technique qui a provoqué le crash de son frère, qui est ainsi définitivement blanchi. La dernière scène du film se déroule alors que le Japon est en guerre contre les USA et l'Angleterre et que Takashi a rejoint l'Armée. Elle montre les deux frères sur leur Hayabusa, abattant un bombardier américain, au-dessus de la Birmanie.

    Ce film se distingue des autres films patriotiques de l'époque. En 1942, les scénarios laissaient de moins en moins de place à l'émotion et aux sentiments humains. Ce film ne s'étend pas, trop, comme d'autres, sur la formation des pilotes et son scénario n'est pas empreint de haine envers l'ennemi. Nobuko n'est pas une "mère militariste" et le début du film est une ode à l'amour maternel. La scène de la mort de Nobuko est longue et tragique. Si les deux principaux personnages sont des soldats loyaux, entièrement consacrés à leur tâche, les liens affectifs qui les unissent sont plus forts que tout, la guerre n'étant qu'un événement, dans leur relations. Satsuo Yamamoto, qui regretta que les réalisateurs japonais pendant la guerre, fussent devenus des "serviteurs" de la politique nationale, sous la surveillance de l'armée et de la kempeitai (la police militaire), ne fit pas beaucoup de films pendant cette période (certains de ses scénarios furent refusés par la censure militaire) et évita, plus que d'autres, de réaliser des œuvres véhiculant des messages nauséabonds…

    Si on oublie le scenario, classique et répétitif, commun à tous les films sponsorisés par l'armée japonaise pendant la guerre, l'intérêt de ce film réside dans les très nombreux avions de l'Armée qu'il nous montre, parmi lesquels le Nakajima Hayabusa est mis en vedette, comme il le sera dans "Kato hayabusa sentotai", l'année suivante.

    Le tournage eut lieu, en partie, à Sendaï (préfecture de Miyagi), où était installée la section Masda de l'école de pilotage de l'Armée impériale de Kumagaya, ainsi qu'une école civile. Les cours qui y étaient dispensés concernaient également les radiocommunications, la formation des mitrailleurs, mais aussi celle des mécaniciens avions.

     

    Les avions du film :

    Les pères de Takashi et Yukishi se tuent alors qu'ils doivent amerrir dans une mer déchainée, suite à un incendie moteur, avec un hydravion Yokosho E1Y3 (en fait une maquette). Cet hydravion généralement fiable, équipé d'un moteur français Lorraine de 450 chevaux, était un avion de reconnaissance de la Marine (Type 14-3). En 1932, plusieurs de ces avions furent reconvertis dans le secteur civil comme avions de transport et restèrent en service jusqu'en 1939. Son immatriculation "J-AFTJ" semble fictive même si elle correspond à celle d'un avion du Ministère des Communications (Teisin Sho), qui était en charge de l'aviation civile, entre autres, et plus particulièrement, à l'école de pilotage de Sendaï.

    Les cadets commencent leur initiation très tôt, dés le début du secondaire, semble-t-il, en fabriquant des modèles réduits de planeurs. Plus tard, ils commencent à voler, d'abord, sur des planeurs d'école qui sont très proches des modèles allemands de l'époque. Il y a ainsi le Hikari 1.3 (B-2825) qui est un Grünau GR 9 japonais, et le Hikari 2.1 (B-4509), muni d'un embryon de fuselage, et qui est une copie conforme du Swaty "Kandidat" autrichien. Ce dernier est lancé à l'élastique par toute une escouade de cadets.

    Devant un grand hangar en béton (base de Yonago ?), on voit plusieurs monoplans à aile haute, Mitsubishi K3M. Ces appareils portent des immatriculations civiles réservées aux avions de l'Etat, comme "J-AJTQ", "J-AJTW"; ils sont enregistrés au nom du Ministère des Communications, écoles de Sendaï ou de Koga.

    L'entraînement se poursuit sur des biplans Tachikawa Type 95-1 (Ki-9) "Akatombo" qui portent également des matricules civils :" J-AJTI", "J-AKTR" et appartiennent, eux aussi, au Ministère des Communications. Ils ont sur leur dérive le logo de la ville de Koga où était basée une école dépendant du Ministère du Commerce, et une large bande blanche à bordures noires, autour du fuselage, devant l'empennage. L'instructeur est en place avant, pour les toutes premières leçons; il rejoindra la place arrière quand l'élève aura plus d'heures de vol.

    Après l'apparition, en vol, de trois bimoteurs de transports Nakajima Ki-34, on voit de nombreux Tachikawa Ki-55 portant sur leur dérive l'insigne de l'école de pilotage militaire de Kumagaya, où se déroule la scène.

    Trois Nakajima Ki-27 type 97 tirent des manches à air pour l'entraînement au tir. On voit ainsi un mitrailleur actionner un jumelage de mitrailleuses de 7.7 mm, 89 Shiki Tokubetsu (type 89 Special). En 1942, ce chasseur restait employé pour la formation et d'autres tâches subalternes. Trois Mitsubishi Ki-30, des bombardiers légers de l'Armée, semblent participer à l'exercice. Un Hayabusa poursuit un biplan émettant une trainée de fumée, qui est un ancien chasseur de l'armée, un Kawasaki Ki-10 Type 95 "Perry". Cette scène est un extrait du film "Moyuru ozora" (1940), tourné par les mêmes studios.

    Le principal avion du film est le chasseur Nakajima Ki-43 Hayabusa, qui apparait, tout métal, avec juste ses marques de nationalité et un panneau anti reflet devant le pare-brise. C'est un des tout premier modèles, un Ki-43 Ia  (prise d'air frontale du carburateur, sous le capot moteur). Rappelons que le Hayabusa fit son premier vol en janvier 1939 et qu'il fut conçu par Nakajima Hikoku K.K., sous les directives de l'Armée, pour remplacer le chasseur Nakajima Ki-27 à train fixe. Il commença à être livré aux unités de l'Armée en août 1941 et entama, la même année, sa carrière au-dessus de la Birmanie et de la Malaisie. Les alliés le nommèrent "Oscar" et, lors de son apparition, ils le confondirent souvent avec le Zéro. L'avion est longuement filmé, au sol comme en vol, sous tous les angles.

    Deux mécaniciens inspectent l'arrière du moteur où on aperçoit le réservoir d'huile sous pression, fixé contre la cloison pare feu. L'avion est tantôt équipé d'un viseur télescopique (Type 89) traversant le pare brise, tantôt pas. On remarque la corde servant au pilote pour monter à bord, un moyen simple permettant de se passer des poignées ou des marchepieds escamotables. Quand Takashi est filmé aux commandes, il est en fait filmé en place arrière d'un autre avion, un Tachikawa Ki-55, vraisemblablement. On a un aperçu du bas du vrai tableau de bord du Ki-43, mais quand la caméra s'intéresse à l'altimètre, il s'agit du tableau de bord d'un autre appareil, un Ki-27.

    On notera la cinématique particulière du train, avec la jambe gauche rentrant la première, bien avant l'autre jambe. Quand le train sort, c'est l'inverse. Le démarrage du moteur, comme pour le Ki-27, se fait avec un pick-up spécialement équipée, un Toyota GB, mais il y aussi des Ford V8 modèle 1939. On appréciera le vrai bruit du moteur Nakajima Ha-25 (Type 99) de  980 chevaux..

    Takashi se fait entourer le ventre d'un bandage serré, avant d'essayer le prototype, pour éviter le voile noir, lors des ressources, un substitut au pantalon anti-G qui n'équipa jamais les pilotes japonais. Lors du vol d'essais, Takashi a des problèmes à cause du flettner de profondeur gauche, qui commence à se détacher.

    Dans un hangar, devant un Hayabusa tout neuf, on voit, posé sur un établi, l'armement de l'avion, ses deux mitrailleuses Type 89 de 7.7 mm, un modèle dérivé de la Vickers britannique. Les versions ultérieures du Hayabusa (Ki-43Ib/c) seront équipées de mitrailleuses Type 1 (HO-103) de 12.7 mm, ce qui n'améliora guère la puissance de feu de cet avion particulièrement "léger".

    Au sol, on remarque plusieurs bimoteurs Tachikawa Ki-54b (nom de code "Hickory"), un avion d'entraînement pour les bombardiers, ainsi que pour les mitrailleurs, avec ses quatre tourelles installées sur le dessus du fuselage.

    Les Hayabusa, vus pendant le générique et vers la fin du film, ont un schéma de camouflage bicolore, de type "S", vert foncé et gris clair. Quand ils attaquent le B-17, ils portent les marques du 1er Sentaï, le premier groupe de chasse crée dans l'Armée, basé à Akeno lors de l'été 1942. Les avions en formation portent les larges chevrons du 1er Sentaï sur le fuselage (trois et deux) à la place des hinomaru. Leurs gouvernails de couleur (indiquant le Chutai), portent de une à trois lignes horizontales, blanches ou de couleur, qui indiquent le Shotaï (section) de l'avion.

    Le bombardiers américain attaqué au-dessus de la "Birmanie", en avril 1942, est un vrai Boeing B-17D, qui fut filmé en vol. Yamamoto avait prévu, pour cette dernière scène, un vrai dogfight, mais le manque de temps et de moyens, l'obligea à revoir son script. Au départ, il voulait faire escorter la Forteresse volante par des Ki-43, figurant des chasseurs américains. Il pensait qu'en filmant de loin, personne ne pourrait les reconnaitre, mais leur silhouette était trop connue pour que le spectateur moyen les confonde avec des appareils ennemis. Le B-17 se retrouva ainsi, environné d'une nuée de chasseurs japonais, ce qui amena le public à se demander pourquoi fallait-il tant d'avions pour abattre un seul bombardier américain ! Les militaires, par contre, trouvèrent que cette scène était plutôt réaliste.

    Les Japonais, lors de leur avancée rapide en Asie du sud, capturèrent en janvier 1942, deux B-17D. L'un (s/n 40-3095, c/n 2123, du 11th BG, 61st BS) avait été endommagé à Clark Field (Philippines) par les bombardements japonais du 8 décembre 1941, l'autre (s/n 40-3061 du 11th BG, 21st BS) avait été incendié sur le terrain de Singosari, à l'est de l'île de Java. Le  premier, dont le fuselage avait peu souffert, fut reconstruit avec des pièces du second, mais peut-être, aussi, avec celles prises sur l'épave du B-17D (s/n 3089), trouvée par les Japonais à Clark Field. Remis en état de vol, il fut acheminé au Japon à la fin de 1942. Avec six avions ennemis saisis, il participa à une exposition sur la base d'Haneda, le 17 juillet 1942. Puis, il fut livré au Koku Gijutsu Kenkyujo (Laboratoire de Recherche Aéronautique) de l'Armée, installé sur la proche base de Tachikawa, pour y effectuer des essais. Il fut vraisemblablement ferraillé avant l'arrivée des troupes américaines en 1945, car on ne le retrouva pas.

    Le B-17D apparait dans le film, tout métal, avec ses bandes de nationalité (rouges et blanches) sur le gouvernail et (bleues) sur la dérive; les étoiles sont de taille correcte, et situées aux bons emplacements sur les ailes. Il est tel qu'il était à Clark Field fin 1941, si l'on excepte, le code de son unité d'origine (61/11B) qui était inscrit sur la dérive. Mais on notera la bande blanche, située autour du fuselage, juste avant l'empennage, qui n'était pas portée par le 40-3095 (dont on a une photo couleur, à Clark Field); c'était une marque d'identification habituelle des avions de l'Armée japonaise. La plupart des avions alliés capturés la portèrent. Alors que le B-17D pique, il semblerait qu'il ait conservé ses hinomaru sous les ailes. Après plusieurs "attaques", on voit le B-17D voler avec ses moteurs 1 et 2 arrêtés et leurs hélices en drapeau.

     

     Christian Santoir

     * Film disponible sur amazon.fr

    Enregistrer un commentaire

    Copyright © Aeromovies. Designed by OddThemes