STUKAS
Année : 1941
Pays : Allemagne
Durée : 1 h 25 min.
Genre : guerre
Noir et blanc
Scénario : Karl Ritter, Felix Lützkendorf
Principaux acteurs :
Carl Raddatz (le commandant de groupe Heinz Bork), Hannes Stelzer (le chef d’escadrille Hans Wilde), Ernst von Klipstein (Lieutenant "Patzer" von Bomberg), Albert Hehn (Lieutenant Heße), Herbert Wilk (le chef d’escadrille Günther Schwarz), O. E. Hasse (le médecin chef Dr. Gregorius), Karl John (Lieutenant Lothar Loos), Else Knott (Soeur Ursula), Marina von Ditmar (la jeune Française), Egon Müller-Franken (Lieutenant Jordan)
Musique : Herbert Windt
Producteur : Karl RITTER
Compagnie productrice : Universum-Film AG (UFA), Berlin.
- Junkers Ju.87 Stuka B1
- Messerschmitt Bf.109D
Notre avis :
Ce film fut sans doute la réalisation la plus ambitieuse de Karl RITTER, intitulée d’après le célèbre bombardier en piqué de Junkers, popularisé et imposé par le général Ernst Udet. L’action se passe pendant l’été 1940, lors de l’invasion de la France et se termine peu avant l’attaque de l’Angleterre, en juillet de la même année. Le Stuka est alors au sommet de sa gloire. Mais quand le tournage commença, quelques mois plus tard, la crédibilité de la Luftwaffe avait été fortement compromise par la bataille d’Angleterre. Le Stuka qui avait été la cheville ouvrière de la Blitzkrieg lors des campagnes de Pologne et de France, face à une chasse clairsemée et mal dirigée, s’avéra être une proie plus facile pour la RAF. Dans ce film, Karl Ritter voulait mettre l’accent sur la camaraderie militaire et montrer aux spectateurs l’Allemand au combat, tel qu’il était réellement…
Karl Raddatz joue le rôle d’un chef de groupe aérien, le capitaine Bork, qui emmènent aux combats de jeunes hussards volants lors de l’attaque des forts belges près du canal Albert. Puis, c’est la campagne de France. Les objectifs sont les voies de communication, les ponts et les groupements de blindés. L’armée allemande avance rapidement vers la mer, et les Stukas s’installent dans la région de St Omer, d’où ils s’en prennent au trafic maritime dans la Manche. Malgré la supériorité aérienne allemande, les Stukas subissent quelques pertes. A deux reprises, des équipages abattus ont pu être récupérés par leurs camarades qui se sont posés à coté d’eux. Mais lors d’une troisième tentative, l’opération tourne mal et deux équipages sont faits prisonniers par les Français. Le chef d’escadrille Wilde revient au terrain gravement blessé. A l’hôpital, usé par les combats incessants, il fait une dépression nerveuse. Pour lui changer les idées, le médecin l’envoie au festival Wagner de Bayreuth. Dès qu’il entend les premières notes du « Crépuscule des Dieux », il reprend aussitôt goût à la vie et n’a qu’une hâte, retourner auprès de ses camarades pour reprendre le combat ! Le film se clôt sur l’escadrille de Stukas, en vol vers l’Angleterre, dont les pilotes entonnent le chant des Stukas :
« Nous
sommes les hussards noirs des airs
Toujours prêts quand le devoir nous
appelle.. »
La deuxième partie de ce film, et notamment sa fin, est une œuvre de propagande assez affligeante qui a dû stupéfier le nazi le plus fanatique. Goebbels n’appréciait pas beaucoup ce film qu’il estimait « trop bruyant », malgré de bonnes images aériennes, et de surcroît, très mal mis en scène. Selon lui, Ritter ne savait pas diriger les acteurs. La chanson des Stukas fut écrite par Herbert WINDT, le compositeur favori des propagandistes nazis. D’ailleurs dans ce film, on chante beaucoup et on joue souvent du piano, la guerre par la joie, en quelque sorte !
Il faut souligner l’extrême importance de la musique dans le cinéma nazi, musique qui est, en outre, d’une grande qualité. Le cinéma de Goebbels avait d’excellents compositeurs comme Windt, Hans Otto Borgman... Dans un pays sous les drapeaux, l’écran vibrait pour un oui, ou pour un non, de vielles marches prussiennes ou des chants de guerre (« wir fahren gegen Engeland », « Stukalied »..) parfois repris en choeur par l’assistance au garde à vous. La musique des films nazis avec ses chœurs, son enflure symphonique, étaient très émotionnelle. La psychothérapie par la musique wagnérienne n’est pas une invention du film. Le festival de Bayreuth avait été mis à la disposition du parti nazi, et les représentations furent réservées à partir de 1940, à des soldats blessés au front, « invités du Führer ». Mais le film nous montre malheureusement que la musique wagnérienne n’adoucissait pas les mœurs, bien loin de là. Le « miraculé » est joué par Hannes Stelzer qui était pilote dans la Luftwaffe. Il sera abattu en 1944, sur le front de l’Est.
On remarquera la façon dont le film traite les Français. La campagne de France est résumée par un bref montage : affolement des Français, civils ou militaires, Stukas en piqué harcelant les colonnes de l’exode, sur fond de « Marseillaise » en sourdine... Les civils sont plutôt sympathiques (les jeunes, plus que les vieux). Les soldats, comme les officiers, sont démoralisés et n’aspirent qu’à retrouver leurs foyers. Comme leur dit, en Français, un des pilotes : «vous avez un mauvais gouvernement dirigé par des incapables, à la solde des Anglais ! ». Ce fut effectivement le slogan de la propagande allemande : les Anglais se battront jusqu’au dernier Français ! Les pilotes de Stukas apparaissent comme une bande de collégiens rigolards, faisant ripaille sous les vergers, ou dans les ruines des habitations françaises. Leur table est abondamment pourvue, notamment en vins fins. Ils sont la parfaite illustration de l’expression allemande « leben wie Gott in Frankreich ! » (vivre comme Dieu en France), autrement dit, vivre comme un coq en pâte…
A trois reprises, on assiste à un sauvetage d’un équipage abattu, par un autre avion qui se pose pour le récupérer. Si ce genre d’exercice était interdit, vu les risques, il y eut néanmoins plusieurs cas d’équipages sauvés de la sorte.
Bien que le film se focalise sur les longues scènes de bombardement, le thème du film est en réalité la volonté, voire la nécessité, de risquer sa vie au service de l’Allemagne. Selon la morale du film il n’y a pas de meilleur mort. Corneille n’écrivait-il pas, exactement 300 ans avant : « Mourir pour le pays est un si digne sort / Qu’on briguerait en foule une si belle mort » (Horace, acte 2 scène 3). Le mois de la sortie du film, l’Allemagne attaquait l’URSS et les soldats allemands allaient avoir de très nombreuses occasions de mourir pour le Vaterland.
Ce film « dégueulasse » (il ne mérite pas d’autre qualificatif), malgré d’incontestables qualités techniques, fut principalement montré en Allemagne; il était manifestement destiné aux « Soldatenkinos » et aussi, à fanatiser la jeunesse. Les nazis essayèrent sans succès de l’exporter en Argentine, sur un bateau portugais, en 1942, car tous les pays d’Amérique latine, à l’exception de l’Argentine, avaient banni les films allemands. Il sortit néanmoins à Buenos Aires, et au Japon, en 1943.
Les avions du film :
Un des principaux acteurs est le Stuka, autrement dit le SturzKampfFlugzeug, Junkers Ju.87. Les appareils du film sont principalement des « Berta », des modèles Ju.87B-1, des premières séries. Ils sont équipés de sirènes sur les jambes du train, mais elles sont désactivées, leurs hélices ayant été enlevées. Ces avions portent des codes d’usine (GG+F*/GU+HB) et sont peut-être des avions d’entraînement. Sur certaines images, ils décollent pour une mission sans leurs bombes ! On remarquera qu’a chaque départ en mission, les avions passent devant le drapeau de l’unité et sa garde d’honneur. Les Stukas portent des insignes de plusieurs groupes du SG 2 Immelmann (une croix blanche, la croix de Hlinka, et un as de trèfle qui rappelle le trèfle à quatre feuilles du 4 /SG.2). Pour certaines scènes au sol, on construisit plusieurs maquettes grandeur réelle de Stukas.
Pour figurer des chasseurs français, on a employé des Messerschmitt Bf.109D avec cocardes tricolores ! Le lieutenant Wilde se précipite vers son escadrille dans un Junkers Ju.52 avec roues carénées, portant un code d’usine (PF+ZO).
Pendant les vingt cinq minutes de scènes aériennes, le film utilise aussi des maquettes pour la reconstitution des vols en formation, mais aussi des images tournées sur le vif, notamment lors de l’attaque des convois dans la Manche. Il y a également des films français sur lesquels on distingue nettement des chars Hotchkiss H 39, Renault R 35 et un très rare FCM 2C (six en 1940, totalement obsolètes). On voit également sur ces documents d’actualité, des Spitfires filmés à partir d’avions allemands (Bf.110, Ju 88). Ces Spitfires ont les marques de reconnaissance appliquées au tout début de la guerre (aile avec intrados moitié noir, moitié gris clair).
Christian Santoir
* Film disponible sur YouTube
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