Rechercher dans ce blog

SAFAK BEKCILERI

 

 
SAFAK BEKCILERI

(Les gardiens de l'aube)

 

Année : 1963
Pays : Turquie
Genre : drame
Durée : 1 h 58 min.
Noir et blanc

Réalisateur ; Halit REFIG
Scenario : Bülent ORAN, Halit REFIG, Sadik SENDIL

Acteurs principaux :
Göksel ARSOY (Lieutenant Göksel Akinci), 
Leyla SAYAR  (Zeynep), Nilüfer AYDAN (Lieutenant Aydan), Ekrem BORA (Lieutenant Faruk), Mümtaz ENER (Kudret Agha), Oktay MENTES (Cowboy Kerim)

Photographie : Kenan KURT
Producteur : Göksel ARSOY
Compagnie productrice : Oren Film

Aéronefs :

  • -Beechcraft AT-11 Kansan, en arrière-plan
  • -Douglas C-47 
  • -Lockheed T-33A
  • -North American F-100D Super Sabre
  • -North American F-86E Sabre
  • -Republic RF-84F Thunderflash 
  • -Sikorsky UH-19D Chickasaw 

 

Notre avis :

Ce film, sorti le 14 octobre 1963, fut tourné après le coup d'état militaire du 27 mai 1960 qui fut appuyé par quelques intellectuels de gauche, dont le réalisateur, et après deux autres tentatives de putsch fomentées par un colonel, en février 1962 et mai 1963. Il présente des officiers de l'Armée de l'Air turque (Türk Hava Kuvvetleri) comme des chefs progressistes luttant contre des personnalités locales réactionnaires. En cela, le titre est révélateur de son message subliminaire : le futur (l'aube) de la Turquie est protégé par ses militaires.

C'est le producteur Göksel Arsov qui eut l'idée de ce film. Son père était ingénieur civil sur la base aérienne d'Eskisehir et un passionné d'aviation. Son beau père était un général en retraite qui était un ami intime du commandant en chef de l'Armée de l'Air turque. C'est ainsi que Göksel put obtenir l'autorisation de tourner le film à Eskisehir, avec le matériel et les hommes de la base, dont le major Ilhan Sonüstün, chef  du 114 Filo (escadron) de reconnaissance et le lieutenant Güner Kurtulus, qui apparaissent dans le film.

Göksel Akinci est un jeune pilote de jet, affecté à Eskisehir, comme son meilleur ami Faruk, et le lieutenant Aydan, la fille d'un sous-officier mécanicien, qui l'aime secrètement. Après être sorti indemne d'un accident, à l'atterrissage, suite à un incendie moteur, Göksel part en permission à Istanbul où vivent ses parents. Il y rencontre une jeune femme, Zeynep, qui le séduit, mais elle doit rentrer chez elle, loin d'Istanbul. De retour à la base, Göksel reprend son entraînement. Il est amené à survoler les terres d'un riche propriétaire, Kudret Agha, qui hait les aviateurs et leurs idées libérales. C'est un homme sans cœur qui rudoie son personnel. Il est l'ami d'un politicien de droite qui se présente aux élections. Kudret a promis la main de sa fille à son fils, Kerim. Un jour, lors d'un exercice de saut en parachute, Göksel, atterrit dans un champ où il retrouve Zeynep qui lui explique qu'elle est la fille de Kudret Agha ! Ils promettent de se revoir. Leur amour ne fait que croître, mais Zeynep se sent coupable de désobéir à son père avec lequel ses relations se tendent. D'autre part, Zeynep craint que Göksel aime plus son avion qu'elle même…Pendant ce temps, Agha a donné la permission à Kerim de tendre un piège à Göksel, avec l'aide de ses hommes. Mais Faruk a été averti à temps et vient au secours de Göksel. Sur ce, Agha change d'avis et accepte de marier sa fille à Göksel, un homme dont il a pu apprécier le courage, mais il devra démissionner de l'armée pour gérer son domaine. Göksel se fiance finalement avec Zeynep. Celle-ci lui montre son nouveau domaine et il est étonné de voir tant de pauvreté et d'illettrisme, les paysans étant sous la coupe de religieux à l'esprit rétrograde. Mais son désir de changer leur situation s'oppose au conservatisme de son beau père. Un jour que Faruk s'amuse à survoler la voiture d'Agha, il a une panne de réacteur; il ne peut s'éjecter, car il survole la ville, et il s'écrase. Göksel assiste à son enterrement et pense à tous ses camarades décédés. Le jour où il apporte au général sa démission, celui-ci veut lui confier une mission de reconnaissance importante, une activité ennemie inhabituelle ayant été constatée à la frontière. Göksel accepte et jette sa démission à la corbeille, il rend aussi son alliance à Zeynep ! Il décolle à l'aube, mais il tarde à revenir. Son avion a été touché par la DCA et la base perd tout contact avec lui. Zeynep a définitivement quitté son père et elle est venue à la base, follement inquiète. On recherche Göksel, en vain. Bientôt, à la base, on le considère comme disparu ! C'est alors qu'on apprend qu'il s'est éjecté dans une région montagneuse, très isolée, et qu'il a été retrouvé indemne par un berger. Un hélicoptère le ramène à la base. Zeynep se précipite dans ses bras, au grand dam d'Aydan qui avait cru avoir sa chance…

On ne comprend pas pourquoi, Göksel dit avoir rempli sa mission, alors que son avion est détruit avec les photos qu'il ramenait. Quant au pays ennemi en question, il ne peut s'agir que de la Grèce…On notera que la base d'Eskisehir faisait partie de la 1re Force Aérienne Tactique (1nci Taktik Hava Kuvveti) qui avait pour champ d'action Chypre, les îles de la mer Egée et les frontières avec la Grèce et la Bulgarie.

Ce film comporte, comme tous les films d'aviation, le traditionnel triangle amoureux mais, ici, on a la version turque, avec un homme et deux femmes. Quand le film fut présenté le 30 août 1963, en avant première, les autorités de la censure l'arrêtèrent au bout de dix minutes ! Il y avait trop de crashes et on voyait un officier en uniforme embrasser une femme…Mais après que des officiers supérieurs, accompagnés de leurs épouses, aient visionné le film, cette censure fut levée. "Safak bekcileri" rencontra un grand succès et il suscita de nombreuses vocations parmi les jeunes gens qui allèrent grossir les rangs de l'académie militaire de l'Air.

On peut regretter que ce film ne mette pas mieux en valeur les avions et qu'il comporte peu de scènes aériennes, les avions servant surtout de cadre pour l'histoire. La caméra se focalise toujours sur les acteurs et passe rapidement sur le matériel aérien. En définitive, "Safak Bekcileri" est un bon film d'aviation sur l'Armée de l'Air turque du début des années 1960, une des principales forces aériennes de l'OTAN, qui était alors affectée à la 6th Allied Tactical Air Force (Six ATAF).

 

Les avions du film :

On remarquera que les avions turcs portent des insignes nationaux carrés, soulignées de blanc, qui furent employées jusqu'en 1972, puis remplacées par des cocardes rouge et blanc. Ce changement fut motivé par le fait qu'à grande vitesse, et sous certains angles, il était possible de confondre le carré rouge avec l'étoile rouge du voisin soviétique. Par contre, le drapeau turc figure toujours sur la dérive, quoique de taille plus petite.

L'équipement des pilotes turcs sort tout droit des stocks de l'USAF : blousons type L-2B, combinaison de vol K-2B, parachutes type B-8, casques P-4B, masques à oxygène MS 22001... On remarque que la combinaison de Göksel (à la fin du film) porte sur l'épaule gauche, l'insigne de l'USAF (avec, dessous, la mention "US Air Force"), celui du 113 Filo "Pirate" étant placée sur la poitrine.

Tous les avions, vus dans le film, ne sont actuellement plus en service. Le dernier à être réformé fut le Douglas C-47, en 1997.

Le premier avion, aperçu dès le générique, est le Lockheed T-33A et c'est dans cet avion que le lieutenant Faruk se crashe vers la fin du film. On en identifie deux portant le numéro "5791" et "285", peints sur le nez. Le T-33A de l'USAF "53-5791" fut réceptionné en juillet 1955 et  réformé le 11 mars 1996. Cet avion a survécu et il est aujourd'hui préservé sur la base de  Diyarbakir. Le "54-21285" provenait de la RCAF, c'était un CT-133 Mk.III Silver Star, un T-33 construit par Canadair, qui en livra 66 à la Turquie. Il fut détruit par accident. On voit la vraie planche de bord quand Akinci et Faruk partent pour un vol d'entraînement, mais l'interrupteur qu'Akinci manœuvre n'est pas celui du démarrage du réacteur (convertisseur électrique ?) qui est situé sur la console droite. Par contre, quand Faruk essaie de remettre en route son réacteur, vers la fin du film, la planche de bord et la console gauche aperçues, sont celles d'un F-100…

Le T-33 fut le premier jet de la force aérienne turque et les premiers arrivèrent à Istanbul en 1951. 195 T-33A et RT-33A furent livrés en tout. Il fut reformé en 1993.

Mais le North American F-100D Super Sabre est l'avion le plus présent dans le film. On en voit de très nombreux exemplaires avec des buzz numbers et des serials US, dont les (par ordre d'apparition) : 55-2767, 59-2563, 54-2291, 55-2741, 59-2563, 56-3969, 55-2749 (se crasha suite à une collision, à Eskisehir), 55-2754, 54-2218, 54-2216 (se crasha suite à une collision, à Eskisehir), 54-2202, 54-2228, 55-2238 (abattu par la DCA, près de Nicosie en juillet 1974), 55-2559, 55-2746, 54-2170 (crashé à Eskisehir en janvier 1972), 54-2216 (se crasha suite à une collision, à Eskisehir), 54-2201 (réceptionné le 31 octobre 1958 et réformé le 6 mai 1969), et quelques F-100F biplaces : 56-3969, 56-3976, 56-3997, entre autres…On peut voir le tableau de bord du F-100, quand Akinci fait un atterrissage risqué, au début du film, avec les voyants de panne allumés (Master Caution et indicateurs de surchauffe et d'incendie du réacteur). La planche de bord est filmée au sol (indications contradictoires des cadrans immobiles…).

Certains de ces F-100 portent sur le nez les insignes de leurs escadrons. On reconnait ainsi les avions du 111 Filo "Panter", le 112 "Seitan" et le 113 Filo "Pirate" (insigne dans un éclair jaune avec un boomerang jaune sur la dérive). L'armée de l'air turque reçut environ 267 Super Sabre. Seuls les meilleurs pilotes furent affectés sur ce type d'appareil, au pilotage pointu. Il était néanmoins très apprécié des pilotes qui l'appelaient "Baba" (Papa)…Le F-100 fut remplacé par le McDonnell Douglas F-4E Phantom.

Le film montre aussi plusieurs Republic RF-84F Thunderflash, dont ceux portant les serials "52-8760" et le "51-11251". Le premier porte sous le cockpit, l'insigne du 114 Filo de reconnaissance tactique "Isik", basé à Eskisehir. C'est avec ce type d'avion que l'épave du jet du lieutenant Akinci est retrouvée. On ne voit d'ailleurs pas pourquoi, il a effectué une mission de reconnaissance avec un F-100D, un chasseur bombardier ? 84 RF-84F furent en service de 1959 à 1980. Ils ont été remplacés par des RF-4E Phantom.

Le North American F-86 Sabre était également un avion très apprécié par les pilotes turques. On n'en voit que quatre dans le film, avec les numéros : 247 (s/n 19247), 216 (s/n 19216), 241 (s/n 19241), 232 (s/n 19232). C'était en fait des F-86E(M) (M pour modifié) Canadair CL-13 Mk.II, livrés à 104 exemplaires, à partir de 1955. Réformé en 1968, il fut remplacé par le Northrop F-5A/B.

Les lieutenants Akinci et Faruk embarquent à bord d'un Douglas C-47. Cet avion fourni par l'USAF porte le numéro de série turc "6056" et le serial US "42-100870" (mais ce serial serait celui d'un avion perdu en 1944…). Ce type d'avion fut remplacé par le CASA CN-235, en 1998.

Avion discret dans le film (on ne le voit qu'en arrière -plan), le Beechcraft AT-11 Kansan est piloté par le lieutenant Faruk pour délivrer un cadeau, offert par l'escadron au nouveau fiancé, Göksel. Cet avion était utilisé pour les liaisons et l'entraînement au bombardement, entre 1948 et 1983.

Le lieutenant Akinci est ramené à la base, à la fin du film, par un hélicoptère Sikorsky UH-19D Chickasaw (serial turc 6-4271, USAF serial 56-4271), un des 18 UH-19 reçus de l'USAF et en service de 1958 à 1980.

Les épaves des avions qui se sont crashés ne correspondent pas aux types d'avion auxquels elles devraient correspondre (F-100, T-33). Ce sont en effet toutes des épaves de Republic F-84G Thunderjet, un avion qui équipait l'armée de l'air turque et qui fut réformé en 1966.

Sur le bureau du général, il y a une maquette de Lockheed F-104, dont les premiers exemplaires (F-104G) allaient être livrés à la Turquie, à partir de mai 1963.

 

Christian Santoir

*Film à visionner sur YouTube


 

Enregistrer un commentaire

Copyright © Aeromovies. Designed by OddThemes