Rechercher dans ce blog

PILOTE D’ESSAI

 

 
PILOTE D’ESSAI

Vo. Test Pilot

 

Année : 1938
Pays : Etats-Unis
Durée : 1 h 58 min.
Genre : Drame
Noir et blanc

Réalisateur : Victor Fleming
Scénario : Vincent Lawrence , Waldemar Young

Histoire originale : Frank Wead

Acteurs principaux :

Clark Gable (Jim Lane), Myrna Loy (Ann Barton), Spencer Tracy (Gunner Morris), Lionel Barrymore (Howard B. Drake), Samuel S. Hinds (General Ross), Marjorie Main (la loueuse), Ted Pearson (Joe)

Photographie : Ray June
Prises de vues aériennes : Elmer Dyer, Charles A Marshall

Musique : Franz Waxman
Chef pilote : Paul Mantz
Producteur : Louis D. Lighton
Distributeur : Metro-Goldwyn-Mayer (MGM)

Avions :

  • Boeing Y1B-17
  • Northrop A-17A
  • Ryan ST, NC16039
  • Seversky SEV-S2, NR70V

 Notre avis :

PILOTE D’ESSAI sort en avril 1938, à un moment où des bruits de guerre deviennent de plus en plus perceptibles du côté de l’Europe (guerre d’Espagne en cours, Anschluss, mobilisation en Tchécoslovaquie), bruits auxquels Hollywood répond par des films patriotiques, dont celui-ci. Le tournage commença en décembre 1937 et dura trois mois, dont sept semaines d’extérieurs. Quand il parut, ce film donnait aux spectateurs un aperçu totalement neuf de l’aviation et une vision de l’avenir. Fini les biplans en toile, avec leurs « ficelles » et leurs trains fixes que l’on pouvait encore voir récemment, en 1937, dans « Wings over Honolulu », et qui apparaîtront encore dans « Flight command » en 1940 ! PILOTE D’ESSAI montre des avions en métal, avec train rentrant, et cockpit fermé. Aux Etats-Unis, l’aviation civile était bien plus moderne et en avance que l’aviation militaire desservie par un manque de politique de développement bien précise. La guerre dans le Pacifique, puis l’intervention du pays en Europe, allaient forcer le gouvernement à changer rapidement son fusil d’épaule…

Le titre du film est tiré d’un livre écrit par le pilote d’essai Jimmy Collins, peu avant sa mort dans un accident. En 1935, le chasseur Grumman qu’il pilotait perdit une aile dans un piqué et il ne put sauter. Cette scène est reproduite par Clark Gable dans un A-17 avec une issue plus heureuse.

 Le pilote d’essai Jim Lane qui travaille pour Drake Aircraft doit battre un record de traversée transcontinentale (détenu par Hughes depuis mars 1937) aux commandes de son « Drake Bullet », mais une fuite d’huile l’oblige à se poser dans un champ du Kansas, près d’une ferme. Il y est accueilli par une jeune femme, Ann. En attendant son mécanicien et ami, Gunner, il tombe amoureux d’Ann et ils se marient un jour plus tard ! Mais quand il veut partir en voyage de noces, son patron le met à la porte. Il participe au trophée Thompson à Cleveland, concourrant contre l’avion de son ancien patron. Ce dernier avion est accidenté et le pilote est tué. Jim gagne la course, mais décide de se ranger en revenant chez Drake. Il fait les essais d’un bombardier en piqué puis d’un quadrimoteur avec lequel il tente un record d’altitude. Le record est battu, mais suite à un déplacement du lest, l’avion se crashe et Gunner est tué. Après la mort de son meilleur ami, Lane s’engage d’ans l’Army Air Corps comme instructeur. Ann a finalement eut le dessus, et le film s’achève sur Lane regardant le ciel avec son fils dans les bras et Ann à ses côtés. L’aventure, l’improvisation, les beuveries entre copains ont fait place au travail, à la méthode et aux vertus familiales. Rideau !

Notons que dans ce film Jim Lane n’est pas seulement pilote d’essai chez Drake, mais aussi pilote de course, de records, de raids. Dans les années trente, les pilotes d’essai attachés à un constructeur, ou « pilotes de marque », étaient effectivement tout cela, même en France. Les méthodes d’essai étaient encore assez peu scientifiques et ce qu’on demandait d’abord à un pilote d’essai, ce n’était pas tant ses connaissances scientifiques que de savoir voler sur n’importe quelle machine, plus ou moins bien conçue. En outre, s’il lui arrivait de battre un record, c’était autant de publicité pour le constructeur. Ainsi, en France on avait Marcel Doret chez Dewoitine, Lucien Coupet chez Farman…

Paul Mantz et Al Menasco furent les conseillers techniques du film. Ancien pilote de la première guerre mondiale, Al Menasco obtint pour la production le Seversky SEV-S2 de Frank Fuller, le magnat de la peinture. Avec cet appareil, il avait gagné le trophée Bendix en 1937, et Ray Moore, s’était classé sixième lors du trophée Thompson, la même année. Cette course qui se tenait à Cleveland (Ohio), est montrée dans le film ; on voit ainsi les tribunes, et certains passages du spectacle aérien qui occupait les intermèdes. Le lendemain, l’équipe de tournage refit des séquences de la course avec de vrais avions et des pilotes comme Rudy Klig, Earl Ortman et Roscoe Turner. D’autres scènes, avec les acteurs furent filmées à San Diego, au Lindbergh Field, à Oxnard, et au dessus les étendues salées de Point Mugu. Le pilote de course Earl Ortman doubla Gable dans ces séquences; Moore fut embauché pour toutes les scènes montrant le SEV-SE2. Les vues aériennes furent prises à partir du Lockheed Sirius 8A (NC-117W) de Paul Mantz, et d’un Douglas B-18 Bolo équipé de caméras filmant par la porte et par la tourelle supérieure.

Malgré la collaboration d’experts en aéronautique, certaines invraisemblances subsistent. Ainsi, quand Jim Lane pique à la verticale dans son A-17, et perd ses deux ailes, il démonte calmement ses instruments pour fournir la preuve de sa performance  avant de se parachuter ! Lors du crash du B-17, provoqué par un déplacement du lest vers l’avant, on se demande pourquoi, les dix tonnes de sable viennent uniquement écraser le pauvre Gunner, en place copilote. Rappelons qu’en 1935, le prototype du B-17, le Boeing modèle 299 s’écrasa pour une faute aussi « bête » : on avait oublié d’enlever tous les bocages des commandes !

Alors que l’US Army Air Corps ne disposait que de treize YB-17 au début de 1938, douze participèrent au tournage. L’Armée venait juste de lancer une campagne de propagande pour impressionner le Congrès avec les capacités uniques du nouvel appareil et cette production tombait à pic. Sous le commandement du lieutenant colonel Robert Olds, les YB-17 du 2nd Bomber Group vinrent de Langley Field en Virginie, pour rejoindre les 17th Attack Group et 19th Bomber Group assignés à la MGM par l’Etat Major. De nombreux équipages participèrent au film, et Clark Gable fut même autorisé à occuper la place de copilote pendant le tournage. Quatre ans plus tard, il se retrouvera dans une autre Forteresse volante pour de bon, comme mitrailleur de la 8th Air Force, au-dessus de l’Europe. Cette collaboration active laisse un Français rêveur. Imagine t-on, aujourd’hui, l’Armée de l’Air prêtant des Rafale pour la production d’un film et acceptant qu’un des appareils se crashe (même en maquette) ? Les « Chevaliers du ciel » (2005) n’ont eu droit qu’à des Mirage 2000, alors que le Rafale n’est plus tout à fait « secret défense » (il fit son premier vol il y a vingt ans) et qu’il aurait bien besoin de publicité ! Décidémment, les coutumes sont bien différentes de part et d’autres de l’Atlantique …

Une distribution exceptionnelle centrée sur le couple Clark Gable-Myrna Loy, une production à grande échelle, un budget de deux millions de dollars, des scènes aériennes de qualité, se combinent pour faire de ce film un grand classique. Surtout, il nous présente le B-17 qui non seulement allait former l’épine dorsale du bombardement stratégique américain, mais allait devenir, dans ses diverses versions, une vraie vedette. Il apparaîtra dans plus de quarante films entre 1938 et 1995, ce qui en fait la troisième star d’Hollywood, derrière le DC-3 et le Stearman.

 

Les avions du film :

 Le film s’ouvre sur le Seversky SEV-S2, brillant sous les projecteurs de l’Union Air Terminal de Burbank. A l’exception de quelques modifications, l’avion était identique au P-35 de chasse en service dans l’Army Air Corps. Propulsé par un Twin Wasp de 1000 chevaux il atteignait une vitesse de 490 km/h à 4300 mètres. Frank Fuller fut l’un des premiers à acquérir un Seversky qui fut basé à San Francisco. La vraie immatriculation (NR70V) fut remplacée par une fausse (NR23655) et le nom de « Drake Bullet » appliqué sur les flancs du fuselage. Une réplique fut également construite par la MGM et allait servir par la suite, dans plusieurs de ses films : « Too hot to handle » (1938), « Flight command », « Pilot n°5 » (1943), « Never so few » (1954).

La course du Thompson Trophy, dont on peut admirer la coupe à côté du speaker, était une course de circuit. En 1937, neuf avions étaient en compétition. L’avion de Lane, un Marcoux-Bromberg Special R-3 (NR32727) fut un des participants, piloté par Earl Ortman qui se classa deuxième derrière Rudy King sur son Folkerts KF 1 Jupiter qui apparaît également dans le film. Le Marcoux-Bromberg fut restauré en 1979, et est exposé dans le New England Air museum de Windsor (Connecticut). D’autres racers sont aperçus autour des pylônes : un Wedell-Williams,  un Keith-Rider R3 (NR14215), un Keith-Rider R4 Firecracker (N°70, NX261Y). Tous ces avions figurent aussi sous la forme de maquettes.

Le Northrop qui perd ses ailes est un A-17A, la version à train rentrant du A-17 que l’on aperçoit en arrière plan, dans une autre scène. Celle du piqué fut réutilisée dans « Nick Carter, master detective » (1939) de la MGM.

l’USAAC intervient massivement dans la dernière partie du film, tournée à March field (Californie). On admirera le Boeing Y1B-17, baptisé par un journaliste « une forteresse volante de 15 tonnes ! ». Cet avion est sensiblement différent du B-17 que l’on connaît, notamment au niveau de l’empennage. L’avion n’est pas encore équipé de tourelles (sauf une petite dans le nez) mais de postes de tir carénés (blisters) avec des baies pivotantes pour manœuvrer l’arme. Les bombardiers vus dans le film sont ceux du 2nd Bomb Group, dont Clark Gable porte l'insigne sur son blouson. Ils appartiennent au 20th Bomb squadron (numéros 51, 52, 53), au 96th Bomb squadron (numéros 62 et 63) et au 49th Bomb squadron (numéros 80, 81, 82).

Le Y1B-17 apparaîtra dans la série  « Sky Raiders » (1941) et trois autres films patriotiques : « Keep them flying » (1941), « Flying fortress » (1942), « Bombardier »(1943). Dans le film, la « Forteresse volante » bat le record d’altitude avec 30 000 pieds (9 144m) qui était en fait légèrement en dessous du plafond pratique de l’avion, soit 30 600 pieds (9 326 m). Il est précisé dans le générique que les chiffres fournis dans le film ne sont pas les vrais, pour des raisons de secret militaire ! Plus de cent autres avions de l’Armée participèrent à la scène finale du film.

Dernier acteur moins prestigieux, mais toujours agréable à regarder, un Ryan ST (NC16039) qui fait de la voltige au dessus de l’aéroport de Wichita, en fait, l’Union Air Terminal de Burbank, où on aperçoit en arrière plan : un DC-3 d’United Airlines, un Boeing 247 et même un Consolidated PBY-3 que l’on n’appelait pas encore « Catalina ».

 

Christian Santoir

* Film disponible sur amazon.fr

Enregistrer un commentaire

Copyright © Aeromovies. Designed by OddThemes