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PATRIOTEN

 

PATRIOTEN

 

Année : 1937

Pays : Allemagne

Durée : 1 h 36 min.

Genre : drame

Noir et blanc

 

Réalisateur : Karl RITTER

Scénario : Félix LÜTZKENDORF, Philipp Lothar MAYRING

Acteurs principaux :

Mathias WIEMAN (Peter Thomann, alias Pierre), Lída BAAROVA (Thérèse, alias Jou-Jou), Bruno HÜBNER (Jules Martin), Hilde KÖRBER (Suzanne), Paul DAHLKE (Charles), Nicolas KOLINE (Nikita), Kurt SEIFERT (Alphonse).

 

Musique : Theo MACKEBEN

Photographie : Günther ANDERS

Producteur : Karl RITTER

Compagnie productrice : Universum Film (UFA)

Avion :

  • Gotha G.V,, maquette éch. 1/1

 

Notre avis :

"Patrioten" fut présenté à l'Exposition Internationale de Paris, le 5 septembre 1937, lors de la semaine du cinéma allemand. Son réalisateur Karl Ritter, un nazi de la première heure, spécialiste des films de propagande, réalisa, la même année, pas moins de trois films à gros budget, avec de grandes vedettes, sur la première guerre mondiale : "Unternhemen Michael", "Urlaub auf Ehrenwort" et "Patrioten". Ritter qui avait été pilote lors de la grande guerre, tourna plusieurs films d'aviation ou mettant en scène des aviateurs ("Rivalen der Luft", "Stukas", "Besatzung Dora", "Pour le Mérite"…), dont celui-ci.

"Patrioten" n'est pas un film de guerre, puisqu'il se passe surtout à l'arrière du front. S'il situe l'action pendant le premier conflit mondial, c'est pour envisager les relations franco-allemandes avec plus de sérénité. Mais comme tous les films nazis de l'époque, il est porteur d'un message destiné cette fois-ci aux Français, ou aux autres Européens, un message dûment approuvé par le Dr Goebbels qui retravailla le scénario en janvier 1937, pour le rendre plus "utilisable", selon ses propres termes.

Le film ouvre sur un avion allemand qui, une nuit du printemps 1918, va bombarder les lignes françaises. Mais il est abattu par la DCA et le seul survivant, le mitrailleur Peter Thomann, se cache pour échapper aux patrouilles qui le recherchent. Il est recueilli mourant de faim par une petite troupe théâtrale qui se produit près du front. La jeune première, Thérèse, dite Jou-Jou, décide de s'occuper de lui. Elle ignore son identité, car il a réussi à se procurer des vêtements civils sur un épouvantail; ils ne se comprennent pas, ce qui ne les empêche pas de tomber amoureux. Mais Peter n'attend qu'une occasion de rejoindre les lignes allemandes pour reprendre le combat. Thérèse lui donne les papiers d'identité du mari décédé d'une amie et il est incorporé à la troupe sous le nom de Pierre. Lors d'une attaque aérienne, il rencontre des prisonniers allemands et échafaude un plan d'évasion avec eux. Mais Charles, le chef de la troupe, le soupçonne de plus en plus. Il est bientôt convaincu que c'est un espion allemand et en fait part à Thérèse qui va l'interroger. Pierre lui avoue être un aviateur allemand. Malgré son amour pour lui, elle va le dénoncer auprès du commandant français. Il est arrêté et déféré devant un tribunal militaire où il est jugé pour espionnage, ce qui est passible de la peine de mort. Thérèse intervient pour plaider sa cause, et son statut d'officier allemand est finalement reconnu. Il sera envoyé dans un camp de prisonniers. Pierre et Thérèse jurent de se revoir après la guerre.

Le film remporta en France, comme en Allemagne, un immense succès; il fut primé à la Biennale de Venise et récompensé par la médaille d'or de l'Exposition de Paris. La critique française fut dans l'ensemble favorable et souligna sa ressemblance avec le film de Jean Renoir, "La grande illusion", sorti trois mois plus tôt. Dans ce dernier, c'est une Allemande qui protège deux officiers français et dans "Patrioten", c'est une Française qui sauve la vie d'un officier allemand. Dans les deux cas il s 'agit d'aviateurs. Mais la ressemblance s'arrête là. Pas de message pacifiste dans le film allemand, pas de remise en cause de la légitimité de la guerre. "La grande illusion" fut d'ailleurs interdit en Allemagne ! Les nazis connaissaient la force des messages véhiculés par les films populaires. "Patrioten" est un appel à la fraternité entre la France et l'Allemagne, considérées comme deux nations guerrières susceptibles de comprendre les comportements patriotiques de l'une et de l'autre, bref, on peut être un Français loyal et aimer l'Allemagne et son régime nazi. Dans ce scénario banal, basé sur l'éternel conflit entre l'amour et le devoir, chacun finit par choisir son camp, faisant taire ses sentiments. Ritter réaffirme là la morale nazie, selon laquelle l'individu n'est rien, seule la Cause importe, et ce message est valable aussi pour les Allemands.

Pour mieux s'adresser aux Français, l'action se situe en France, et met en scène une jeune fille avec ses compagnons pittoresques, sortis tout droit du terroir, portant moustaches et bérets, et buvant force verres de vin... Cependant, et contrairement à "La grande illusion" où chacun parle sa langue, les Français de "Patrioten" ne parlent qu'allemand. La Ufa pouvait très bien réaliser un film en version française, et il parut aux USA en version sous-titrée, il s'agit donc là d'un choix délibéré. L'Allemagne envisageait sans doute que bientôt cette langue serait celle de l'Europe…

Finalement, la seule critique défavorable vint, étonnement, du journal Candide, sous la plume de l'écrivain pro nazi Robert Brasillach. Il dénonçait la caricature des personnages français, un peu trop "couleur locale" et germanophones; il lui préférait, et de loin, le film de Renoir. Finalement ce fut la Tchécoslovaquie, le pays de Lida Baarova, la maîtresse de Goebbels, qui comprit le mieux la signification profonde du film et qui l'interdit sur son territoire. Au moment de la sortie de "Patrioten" à Paris, Hitler préparait l'annexion de ce pays au Reich.

 

Les avions du film :

Il n'y a qu'une scène aérienne, sur laquelle ouvre le film. Si la production a beaucoup investi dans la reconstitution historique, malgré quelques erreurs (comme les habits des civils qui datent des années trente), elle n'a pas disposé de l'aide de la Luftwaffe. Il est vrai qu'aucun bombardier de la première guerre mondiale n'avait été préservé. On construisit donc une maquette grandeur réelle d'un bombardier Gotha G.V, supplée par une maquette à échelle réduite pour reconstituer le crash de l'appareil (on voit alors les fils sur lesquels glisse le modèle réduit…).

On remarque que l'équipage porte des harnais de parachutes, ce qui est inexact, seuls les pilotes de chasseurs (allemands) en portaient.

Le Gotha est abattu par la DCA française équipée de canons modernes, des "88" allemands, et de quelques faux "75". On remarquera l'appareil de repérage par le son, un appareil portatif de petite taille, qui semble être un modèle datant des années trente.

 

Christian Santoir

*Film disponible sur YouTube

 

 

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