Année : 1957
Pays : France
Genre : drame
Durée : 1 h 15 min.
Noir et blanc
Réalisateur :
Alex JOFFE
Scénariste : Alex JOFFE, Jean LEVITTE
Acteurs principaux :
Pierre FRESNAY (Luis
Vargas), Michel AUCLAIR (Franco), Françoise FABIAN (mademoiselle Lambert, l'hôtesse
de l'air), Grégoire ASLAN (le général Ribera), Betty SCHNEIDER (Lili), Tilda
THAMAR (Juana Ribéra), Pierre TABARD (Savelli), José LEWGOY (Ramirez),
Musique : Paul MISRAKI
Photographie : Léonce-Henri BUREL
Producteur : Pierre LEVY
Compagnie productrice : Coopérative Générale du Cinéma Français, Films Régent, Cinégraph
Avions :
- Douglas C-54A-15-DC Skymaster, F-BDRJ
- Douglas C-47 Skytrain, F-BAII, F-BCYV, F-BEFN
Notre avis :
Ce film de suspense aérien peut être considéré, au même titre que « Aux yeux du souvenir » (1948), comme un des premiers films catastrophe français (version aviation), un genre né aux USA, dans les années 30. Il en a toutes les caractéristiques principales, avec, notamment, une brochette de passagers bien typés : l’hôtesse de l‘air énergique, la jeune fille romantique, les gentils petits enfants, le couple d’amoureux, deux militaires, sans oublier deux ecclésiastiques…Il ne manque que l’idylle entre l’hôtesse et le commandant de bord, ou le copilote, ou les deux à la fois.
Le scénario s’inspire de la situation politique instable de certains pays d’Amérique latine après la seconde guerre mondiale. Il ouvre sur des extraits de documentaires montrant des violents troubles urbains, avec un cadavre dénudé traîné dans la rue et une pendaison, à laquelle on assiste en direct ! Ces émeutes ont lieu en Argentine (on reconnait la Casa Rosada, le palais présidentiel, la place de Mai, mélangés avec une vue du Capitolio de la Havane !). Elles ont été filmées vraisemblablement lors des putschs de 1955 qui conduiront au départ de Juan Perón. Le dictateur du film, le général Ribera n’est d‘ailleurs pas sans ressembler à Perón, avec son épouse, une belle blonde très chic, jouée par Tilda Thamar qui, d'ailleurs, était d’origine argentine…
L’histoire commence avec un certain Luis Vargas qui reçoit une machine à écrire portative à l’intérieur de laquelle une bombe à retardement a été cachée…Elle doit exploser dans l’avion privé du dictateur sud-américain Ribera qui rentre chez lui après une visite officielle en France et après avoir appris qu’une révolution a éclaté dans son pays. Mais au moment du décollage, il est averti que l’aviation est passée dans le camp des insurgés. Il décide donc de rentrer chez lui, sous un faux nom, sur une ligne régulière passant par Rome. Vargas n’a donc plus qu’à récupérer la machine à écrire et à la confier à un des passagers de l’avion…Un de ses complices, employé d’Air France, Franco, est opposé à ce qu’il sacrifie les cinquante passagers innocents. Mais les ordres sont formels, l’attentat contre Ribera doit passer pour un accident d’avion pour éviter que les révolutionnaires emprisonnés soient exécutés en représailles. N’arrivant pas à trouver une personne acceptant de lui prendre sa machine, Vargas se résout à se sacrifier et à prendre l’avion avec sa bombe. Franco tente alors de tirer sur Ribera, mais Vargas le tue juste avant ! En vol, il découvre son identité au dictateur. Il le menace de son pistolet ; Ribera, qui est cardiaque, fait une attaque et meurt ! Vargas essaie alors de se débarrasser de la bombe avant qu’elle n’explose, mais en vain. Il ne trouve d’autre solution que de briser un hublot, ce qui provoquera une décompression de la cabine et un atterrissage d’urgence sur l’île d’Elbe. Au sol, Vargas peut sortir de l’avion avec la bombe qui explose en le tuant.
Ce film plein de rebondissements, nous fournit de bons moments de suspense. Il est très différent des films modernes où les terroristes brandissent, en hurlant, des armes ou des grenades, dans la cabine. Ici, c’est le contraire, personne, excepté Vargas, ne sait qu’il y a une bombe à bord. Toute la tension dramatique du film réside dans le contraste entre Vargas, qui sait à quelle heure va exploser la bombe, sans avoir aucun moyen de la désamorcer, et les passagers insouciants qui l’entourent, comme sa voisine, une jeune fille heureuse de vivre, toute excitée par son premier voyage en avion. Même le dictateur qui se confie à Vargas, apparaît comme un homme plutôt sympathique, tyran par hasard, aspirant, au fond de lui-même, à une vie paisible et effacée…Vargas est un personnage ambigu ; c’est un fanatique froid mais qui éprouve des sentiments humains, comme son collègue Franco. Bref, selon les « critères » actuels, c’est un mou, un terroriste de l’ancien temps ! Aujourd’hui, les terroristes sont des robots dépourvus de toute humanité, programmés pour tuer n’importe qui, n’importe comment, certains ayant pour seul objectif le « Paradis », un lieu qui aujourd’hui, soit-dit en passant, doit être infréquentable, vu le nombre d’assassins qu'il est censé héberger !
En dehors de ces considérations affligeantes, ce film est aussi un vrai reportage sur l’aéroport de Nice qui ne s’appelait plus depuis 1955, « Nice-Le Var », mais « Nice-Côte d’Azur », et où a été tournée une grande partie du film. On constate que l’aérogare telle qu’elle a été inaugurée le 2 décembre 1957, a à peu près la même structure interne que l’actuel Terminal 1 (vols internationaux), avec un grand hall surplombé d’une galerie, à laquelle on accède par un large escalier central. On voit aussi le bâtiment technique surplombé par la tour de contrôle (la troisième construite sur l’aérodrome depuis la guerre) qui, aujourd’hui, sert de vigie et de tour météo, coincée entre la tour actuelle (construite en 1992) et le Terminal 1. On complétera ces images avec celles de « Mademoiselle Ange », tourné sur le même aéroport deux ans plus tard, montrant la tour et l’aérogare, vus de l’extérieur, côté pistes. On notera au passage que la sécurité, dans les années 50, apparaît nulle ; Vargas entre et sort de la zone transit sans billet, circule sur le tarmac sans être contrôlé, monte à bord avec bombe et pistolet, par contre, il est interdit (comme aujourd’hui) de confier un bagage à un passager…
Finalement, « Les fanatiques » qui vient d’être réédité à juste titre, en DVD, est à recommander pour les amateurs de films catastrophes et les aérocinéphiles, car sur le tarmac, c’est un festival d’avions de transport de l’époque, filmés sous tous les angles.
Les avions du film :
Le film fut tourné sur l’aéroport de Nice, mais les grands hangars sont ceux de l’aéroport du Bourget.
L’avion dans lequel embarque le général Ribera est un Douglas C-54A-15-DC Skymaster (c/n 10379, s/n 42-72274, F-BDRJ) de la compagnie fictive SAI (Services Aériens Intercontinentaux..). Cet ancien avion de l’USAF fut cédé après la guerre aux forces aériennes hollandaises (NL-302), puis il fut exploité par la KLM (PH-TAD) qui le revendit en octobre 1947 à la filiale marocaine de la TAI (Transports Aériens Intercontinentaux, dont il porte la décoration dans le film) qui devint en 1963, UTA (Union des Transports Aériens). Le F-BDRJ termina sa carrière avec la société Réseau Aérien Insulaire (Air Polynésie). Il fut ferraillé à Tahiti-Faa’a en décembre 1971.
On a de bonnes vues du poste du radio, de la cabine (quatre sièges de front), avec son petit bar à l’arrière, toutefois, le cockpit est reconstitué en studio. Le crash est, bien sûr, réalisé avec une maquette, mais une fois au sol, il semblerait qu’on ait utilisé une vraie cellule de DC-4, posée sur le sol.
L’hôtesse signale aux passagers que l’avion est pressurisé et le commandant de bord explique à Vargas qu’il ne sert à rien, dans ces conditions, de vouloir tenter d’ouvrir l’issue de secours en plein vol…A la sortie d’usine, aucun C-47 n’était pressurisé, mais c'était une option.
L’avion de Ribera est un Douglas C-47 Skytrain d’Air France dont la « crevette » a été masquée par le « R » de Ribera, le matricule étant recouvert d’un « 1-R » entourant les armoiries du pays comportant la devise « Orden y Prosperidad ».
Plusieurs autres Douglas C-47 d’Air France, apparaissent en arrière plan :
Le F-BAII (c/n 4105/25550, s/n 43-4828), un ancien avion de l’Armée de l’Air française, fut livré à Air France en août 1945. Il sera successivement affecté au secteur Orient, Europe et AOF, avant d’être remis au CEP (Centre d’Exploitation Postale) en novembre 1955. Accidenté à Poitiers le 30 avril 1959, il sera réformé.
Le F-BCYV (c/n 10141, s/n 42-2427) arriva à Air France en avril 1948. En 1970, il fut vendu à la société Fretair, puis passa chez diverses sociétés privées (Sté. d'Exploitation des Ets. Vargas Le Vivier, Ipfo Bail Sa, Uni Air…) avant d’être exporté en Guinée en mars 1978 (3X-GAD ?). Il fut réformé à Conakry.
Le F-BEFN (c/n 12892, s/n 42-9302) fut exploité par Air France entre 1951 et septembre 1969, date à laquelle il fut vendu aux USA (N16399) au « Florida Keys Mosquito Control District ». En mai 1976, il fut revendu à la compagnie jamaïcaine Carib West (8P-AAB) et fut ferraillé à Bridgetown, peu après.
D’autres avions, non identifiables, car trop éloignés, fréquentent l’aéroport de Nice ; un Breguet 763 Deux Ponts d’Air France, vu à l’atterrissage, un Vickers Viking d’une compagnie anglaise, un Lockheed L750 Constellation de la Panam, un Vickers Viscount…
Christian Santoir
*Film disponible sur amazon.fr
Enregistrer un commentaire