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LE DERNIER VOL

 

LE DERNIER VOL

 

Année : 2009
Pays : France
Durée : 1 h 31 min.
Genre : drame
Couleur

 

Réalisateur : Karim DRIDI
Scénario : Pascal ARNOLD, Karim DRIDI, Sylvain ESTIBAL

Acteurs principaux :
Marion COTILLARD (Marie Vallières de Beaumont), Guillaume CANET (Antoine Chauvet), Guillaume MARQUET (Vincent Brosseau), Frédéric EPAUD (Louis), Saïdou ABATCHA (Saïddou), Michaël VANDER-MEIREN (Vasseur).

Musique : Le Trio JOUBRAN
Photographie : Antoine MONOD
Producteurs : Jean COTTIN
Compagnies productrices : Gaumont, Canal +

Avions :

  • SE.5, F-AZCN, réplique

Notre avis :

Plusieurs films ont un titre semblable, de quel "dernier vol" s'agit-il donc ? Le scénario s'inspire du livre de Sylvain Estibal "Le dernier vol de Lancaster" (2003, Actes Sud), un roman qui retrace les derniers jours du pilote anglais William Newton "Bill" Lancaster, parti, en avril 1933, pour tenter de battre, en solitaire, le record Londres-Le Cap (Afrique du Sud), record détenu depuis novembre 1932 par Amy Johnson. Après une escale à Reggan, il redécolla à 18 h 30 pour Gao où il n'arriva jamais. Vingt-neuf ans plus tard, le 12 février 1962, la carcasse de son appareil fut découverte, par hasard, par une patrouille de militaires français, le corps momifié de Bill Lancaster, gisant à coté…

Un livre très documenté avait déjà été écrit sur ce drame par Ralph Barker, en 1969, "Verdict on a lost flyer. The story of Bill Lancaster". Une mini série, "The Lancaster Miller Affair" fut également tournée pour la télévision australienne, en 1985. Le capitaine Bill Lancaster avait en effet relié Londres à Darwin, en 1927, accompagné par l'Australienne Jessie Maude "Chubbie" Miller, qui l'avait aidé à financer le raid. Il eut un grand retentissement, non pas parce qu'il battit un record (l'aviateur Bert Hinkler mit quinze jours en 1928, sur le même trajet, au lieu de cinq mois, pour Lancaster et Miller, ce qui d'ailleurs leur permit de faire ample connaissance...) mais parce que c'était la première fois qu'une femme, et une Australienne de surcroît, était à bord. On retrouvera le même phénomène, la même année, avec le vol transatlantique de Wilmer Stultz et Louis Gordon, auxquels la passagère, une certaine Amelia Earhart, vola la vedette…

L'histoire commence au Sahara français, en 1933. L'aventurière et aviatrice, Marie Vallières de Beaumont, pose son biplan près d'un petit poste occupé par des méharistes. Elle est à la recherche de son amant, Bill Lancaster, disparu lors d'une tentative de record de traversée Londres-Le Cap. Convaincue qu'il s'est posé dans le Ténéré, elle demande de l'aide au chef du poste, le capitaine Brosseau. Mais celui n'a reçu aucun ordre de sa hiérarchie; de plus, dans l'attente d'une rébellion touareg, il refuse d'engager ses hommes dans une mission de secours. Le lieutenant Antoine Chauvet essaie également de la dissuader de poursuivre ses recherches dans un désert que même les nomades redoutent. Finalement, elle se joint à une expédition punitive lancée contre les Touaregs. Chauvet, un officier idéaliste, en délicatesse avec ses supérieurs, est favorable au dialogue avec le chef rebelle Firhoun, alors que Brosseau est pour l'usage de la force. Lors d'une tentative de négociation, deux méharistes, dont le médecin-major, sont tués et Brosseau rend Chauvet responsable de leur mort. Chauvet le frappe et il est mis aux arrêts, en attendant de passer en conseil de guerre. Une nuit, grâce à la complicité d'un ami méhariste, Antoine déserte; Marie le suit, Antoine ayant accepté de l'aider. Commence alors un long voyage dans les sables, pendant lequel l'aviatrice amoureuse et l'officier rebelle vont se rapprocher. Leurs recherches ne donnent rien et, peu à peu, ils perdent leurs montures, pour ne finir qu'avec un seul dromadaire. C'est Marie qui doit s'occuper d'Antoine qui délire. La fin du film nous apprend qu'ils parviendront à un point d'eau et qu'ils seront sauvés par les Touareg.

Commencé comme "Fort Saganne", le film finit comme "Le patient anglais" (en moins bien), et s'enlise dans le sable fin du désert; on passe du film d'aventures au drame intimiste et on s'ennuie. "Le dernier vol" avait pourtant tous les ingrédients d'un un beau film d'aventures : l'épopée coloniale, des légionnaires sentant bon le sable chaud, le charme des années trente, des décors somptueux, une excellente musique qui apporte beaucoup à l'ambiance (bien que le son du oud arabe ne ressemble pas à celui, moins mélodieux, du tekardent touareg…). Le discours sur la colonisation est un peu réducteur, Brosseau et Chauvet incarnant les deux facettes opposées de la conquête. Mais, pour une fois, les "indigènes" ne sont pas maltraités; cases, tentes, costumes, chants, harnachements, sont conformes à la réalité, et les Touareg (sing. Targui) parlent leur langue, le tamasheq. Les dromadaires jouent très bien aussi... Ajoutons que le cas d'Antoine Chauvet, un officier méhariste tombé sous le charme du désert et de ses rares et nobles habitants, était assez courant pendant la colonie. L'administrateur Xavier Coppolani (1863-1905) eut beaucoup d'émules chez les militaires sahariens. Plus au sud, dans la moiteur permanente de la forêt tropicale, infestée de moustiques et de serpents, les fonctionnaires coloniaux, menacés par la bilieuse, étaient généralement moins emballés par le pays…

Karim Dridi déclara avoir voulu faire un "film historique et romantique". Romantique peut-être, mais assez peu historique. Le livre d'Estibal est un roman qui s'éloigne volontairement de la réalité, et le scénario du film, encore un peu plus.

Le chef de la rébellion touareg s'appelle Firhoun; c'était effectivement le nom d'un chef targui qui conduisit la révolte contre les Français, non pas en 1933, mais en 1916.

Il est vrai que la petite amie de Lancaster, Chubbie, voulut mettre sur pied une expédition de secours, mais le seul avion ayant le rayon d'action suffisant, le Fokker de la duchesse de Bedford, n'était pas prêt, or le temps pressait. Lancaster, pratiquement sans eau, ne tint que huit jours dans le désert.

L'armée française et la Compagnie Générale Transsaharienne firent des recherches pendant plus d'une semaine, mais elles portèrent sur la région de Gao, la destination de Lancaster, et ne dépassèrent pas Bidon V, au nord. Personne n'imagina que le pilote anglais avait dû se poser, suite à une panne moteur, une heure et demi seulement, après son décollage, à 70 km à l’ouest de la piste impériale n° 2 (Oran-Gao), à hauteur du P.K. 296, au sud de Reggan, dans le Tanezrouft (et non, comme dit dans le film, dans le Ténéré qui est au Niger…). Lors de l'atterrissage, de nuit, Lancaster cassa du bois (train arraché) et fut légèrement blessé. Il ne pouvait donc pas redécoller, même s'il avait pu réparer.

Si Lancaster, qui était marié (sa femme ayant toujours refusé le divorce), resta amoureux de Chubbie Miller jusqu'à son dernier souffle, Chubbie eut, en dehors de Bill, plusieurs hommes dans sa vie : son mari, Keith Miller, un journaliste, puis Haden Clarke, un Américain chargé d'écrire la relation de son voyage vers l'Australie et que Bill fut accusé d'avoir tué, en 1932, et enfin, son second mari, un pilote de ligne anglais qu'elle épousa en 1936.

Chubbie avait passé son brevet de pilote en 1929 aux USA, alors qu' Hollywood se disait prêt à tourner un film sur son aventure australienne, un projet qui n'aboutit pas. Elle participa alors au Powder Puff Derby de 1929, aux cotés d'Amelia Earhart, de Phoebe Emilie, finissant troisième de sa catégorie.

L'aviatrice du film n'est pas australienne, mais française, et porte un nom peu commun : Marie Vallières de Beaumont. Cela est bien trouvé. Dans les années trente, les aviatrices fréquentant le Sahara ou l'Afrique s'appelaient : lady Heath, duchesse de Bedford, vicomtesse Violette de Sibour, baronne de Foucaucourt...Il était alors, en effet, très "tendance" pour le gotha européen de se donner rendez-vous pour un week-end au Sahara, ou un Safari, au Kenya.

En conclusion, si l'on est plus intéressé par l'histoire tragique de Bill Lancaster, que par une histoire d'amour dans les dunes, on ne saurait trop conseiller de lire le livre de Sylvain Estibal qui est, certes, un roman, mais très bien documenté, avec extraits de journaux de l'époque, rapports divers et le vrai journal de Lancaster, écrit lors de sa longue agonie, une lecture très poignante. L'écrivain a réussi là où le cinéaste a échoué.

 

Les avions du film :

Le film conte l'histoire d'une aviatrice à la recherche d'un aviateur et il était difficile de faire l'impasse sur le volet aéronautique…Mais la production assura le service minimum. Le tournage n'utilisa qu'un seul avion, une réplique de SE.5 (c/n 2, F-AZCN) de l'Amicale Jean-Baptiste Salis, construite en 1983 sur une base de Stampe. Il est piloté par Baptiste Salis, non cité dans le générique. Remarquons que l'avion est biplace. Si, après la guerre de 14-18, plusieurs SE.5 furent effectivement utilisés par des pilotes et des sociétés privés, un seul fut transformé en biplace, au Canada (G-CYCE).

Le SE.5 du film est immatriculé F-ASNK, un faux matricule très proche de celui du Caudron C.600 Aiglon (F-ANSK) d'Elisabeth Lion avec lequel elle bâtit le record de distance féminin en ligne droite, en 1935.

Le tournage utilisa également une maquette grandeur réelle du SE.5 pour la scène où l'avion est retourné par une tempête de sable.

 

Christian Santoir

 *Film disponible sur amazon.fr

 

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