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Le Baron Rouge

 

Le baron rouge

Vo : Von Richthofen and Brown

 

Année : 1971
Pays : USA
Genre : guerre
Durée : 1 h 37
Couleur

Réalisateur : Roger Corman
Scénaristes : John William et Joyce Hooper Corrington

Acteurs principaux :
John Phillip Law  (Baron Manfred Von Richthofen), Don Stroud (Roy Brown),  Barry PrimuS (Hermann Goering), Corin Redgrave (Major Lanoe Hawker), Hurd Hatfield (Anthony Fokker), Stephen McHattie.(Werner Voss), Robert La Tourneaux (Ernst Udet), Peter Masterson (Major Oswald Boelcke), Clint Kimbrough (Major von Höppner), George Armitage  (Wolff), Maureen Cusack (Mme Richthofen mère), Brian Foley (Lothar von Richthofen).

Musique : Hugo Friedhofer
Photographie : Michael Reed
Photographie aérienne : Peter Allwork, Peter Pechowski, Seamus Corcoran
Cascades aériennes : Richard D. Bach, Ken Byrne,
Production : The Corman Company
Distribution : United Artists

Avions :
-Fokker D VII, répliques
-Pfalz D III, répliques
-RAF SE5, répliques
-Viima

 

Notre avis :

Fin connaisseurs de l’histoire de l’aviation pendant la Grande guerre, perdez ici tout espoir ! Le film de Corman, « c’est du cinéma ! ». Pourtant, les quelques faits véridiques observés ici et là montrent que les scénaristes ont sans doute fait correctement leur travail de documentation. Mais qu’attendre de Corman, spécialiste du film fantastique et des « quickies » (films à petit budget tournés la hâte)? « Son » baron a une histoire qu’ignore l’Histoire. Si vous n’aimez pas l’histoire-fiction alors le film de Corman finira par vous exaspérer. Des remèdes : jouez à « chercher l’erreur » ou à « trouver la vérité», ou encore prenez le film au deuxième degré , vous passerez alors de l’agacement à la franche rigolade. Jugez plutôt :

-Le Freiherr von Richthofen issu de la petite noblesse, était de taille moyenne, c’était un militaire de carrière, plutôt timide et réservé. Corman le remplace par un gaillard d’1m 96 ,J.P. Law, menant une vie de grand duc au bras de jolies Fräulein (à ce jour, on ne connaît aucune liaison féminine au baron), avec un château de plus de cent pièces. Law semble s’être trompé de film et être tout droit sorti des « Têtes brûlées ». Si vous voulez savoir à quoi pouvait ressembler réellement l’officier prussien Manfred von Richthofen, regardez plutôt Eric von Stroheim dans « Crimson romance » (1934) ou « La grande illusion » (1937), et comparez.

-Boelcke s’est tué lors d’une collision avec son équipier Erwin Bohme. Corman remplace ce dernier par le baron. Clin d’œil : le fils Manfred tue son père spirituel Boelcke !

-Herman Goering qui n’a jamais été dans l’escadrille de Boelcke, ni dans celle de von Richthofen et qui ne succédera pas à Richthofen, mais à Reinhardt, est en 1917-18 un pilote courageux, chef d’escadrille, pas plus avide de victoires que les autres ; il devient un arriviste, envieux, qui collectionne des tableaux. On se demande pourquoi Corman n’a pas fait mettre sur son avion une croix gammée, motif pourtant très répandu à l’époque aussi bien sur les avions allemands, que français ou américains ? En outre, il le fait rivaliser avec Richthofen alors qu’il ne dépassera pas 22 victoires, contre 80 pour le Baron ; il n’était pas de la même « pointure » et le plus sanguinaire des deux, est plutôt le noble chevalier.

-Le constructeur Anthony Fokker, 27 ans en 1917, devient un quinquagénaire grisonnant qui vend son triplan, comme un marchand de voiture vendrait son dernier modèle au Salon de l’automobile, avec projecteurs et belle fille sur le capot.

-Le capitaine Brown décoré de la DFC, commandant le l’escadrille 209, as de l’aviation canadienne avec 12 victoires, souffrant depuis sa jeunesse de maux d’estomac, était selon Corman, un « mécanicien de garage…crevant de peur à l’idée de voler au point qu’il en attrapait des ulcères, et devait avaler une bouteille de lait avant de pouvoir redécoller »  ce qui est totalement faux, à part les ulcères Si Corman est si dur avec ce pauvre Brown, c’est peut être parce que les studios le lui imposèrent, alors qu’il ne voulait traiter que de l’as allemand. Quand on connaît la vraie histoire de von Richthofen et de Roy Brown, on peut affirmer que Corman n’avait nul besoin de gonfler à l’extrême le mythe entourant ces deux personnages. Les faits réels auraient été largement suffisants, car la réalité dépasse la fiction. Quand, en 1933, aux USA, on proposa à Ernst Udet d’être consultant pour un film sur von Richthofen, il répondit : « Richthofen ? Non . Il est trop grand pour Hollywood. C’est hors de question !  ». En regardant ce film, on comprend ce qu’il a voulu dire…

La plus grosse erreur, volontaire ou involontaire, de Corman c’est d’avoir fait de von Richthofen un personnage d’un autre âge, un preux chevalier égaré dans un monde de brutes . Corman semble ne pas avoir compris qu’au contraire, Boelcke et von Richthofen sont des précurseurs de la guerre aérienne moderne. Plus question de duels aériens isolés, genre tournoi, Richthofen mettait en l’air de grande formations d’appareils appelés par les Anglais des « cirques », que l’on retrouvera pendant la 2° guerre mondiale (cf. « Le grand cirque » de P. Clostermann). Le combat devait obéir à des règles précises rappelées dans le film en voix off. Bref, « Top gun » avant la lettre ! L’efficacité primait donc désormais sur le beau geste. Le baron demandait à ses hommes de viser d’abord le pilote, et si possible le réservoir pour que l’avion descende en flammes, comme çà, on était sûr que le pilote et l’avion étaient définitivement kaputt.. L’important était de descendre des avions et plus encore, de tuer des pilotes. Les Allemands qui avaient équipé leurs pilotes de parachutes, dans les derniers mois de la guerre, avaient bien compris que dans le couple avion-pilote, c’était le pilote qui était le plus dur à remplacer. Le baron lui-même nous confie: « Mon père fait la différence entre les chasseurs et les bouchers ; les derniers tuent par plaisir../..quand j’ai descendu un Anglais, ma passion de la chasse est satisfaite pour un quart d’heure. Ce n’est que plus tard, bien plus tard, que surmontant mon instinct, je suis devenu un boucher» Tout est dit !

Quant au débat de fond (si tant est qu’il y en ait un) entre guerre propre et guerre sale, tout le monde sait maintenant, après plusieurs dizaines de millions de morts, que ce qui est barbare c’est le fait de faire la guerre, pas la façon dont on s’y prend.

Il reste les belles scènes aériennes sur fond de verte Irlande qui valent le détour. On n’est pas sûr d'ailleurs que la Somme en 1917 ou 1918, soit aussi verte et riante avec ses tranchées, ses trous de bombes et ses arbres décapités...

 

Les avions du film :

Une impression de déjà vu puisque Corman a pris ce qui était disponible, pour pas trop cher, à savoir les avions rescapés de « Blue Max » et de « Darling Lily » : répliques de Fokker D VII construits par Rousseau (France) avec moteurs inversés, des répliques de Pfalz D III, de SE5, plus quelques Stampe et un Viima. Des maquettes télécommandées furent utilisées pour les collisions en plein vol. Les SE5 construits en Angleterre par Slingsby Sailplanes Ltd sont à une échelle réduite et le capot moteur en forme de niche à chien est un peu trop important. Si vous avez l’œil, vous verrez que les Lewis sur l’aile supérieure sont équipées d’un guidon à girouette pour le tir en déflexion, inutile sur une arme fixe. Un pilote de SE5 se tua pendant le tournage.

La décoration des avions donne une idée de ce à quoi pouvaient ressembler en vol les avions du JG 1 avec leurs couleurs éclatantes. Mais là également, Corman a donné dans l’outrance; les avions étaient rarement de couleur uniforme, et avaient des insignes personnels que l’on ne voit pas dans le film. Les avions anglais sont revêtus de la même couleur sombre pour faire contraste avec les appareils allemands ; dans la réalité, la livrée de certains SE5 n’avait rien à envier à celles leurs adversaires.

Ces avions correspondent très mal à la période du film (mars 1916 à avril 1918). A cette époque, les Allemands volent surtout sur Alberstadt, Albatross DII, DIII, DV, Pfalz DIII, puis Fokker Dr1,(arrivé en escadrille à parti d’octobre 1917) mais pas sur le Fokker D VII, appareil qui remplaça le Dr1. seulement après la mort de von Richthofen. Brown pilotait un Sopwith Camel (visible sur l’affiche seulement). Le SE5 a été mis en service en juin 1917 et servit jusqu’à la fin de la guerre. Mais Richthofen n’en descendit que deux. Il se battit aussi contre des Bristol F2B, Sopwith Camel, Sopwith Triplan, SPAD VII, RAF RE8, Nieuport 17, etc..

Enfin, les avions souffrent des habituelles tares hollywoodiennes : application systématique des croix de fer sur tous les avions y compris les Fokker D. VII ; les mitrailleuses actionnées à la main et montées un peu n’importe comment. L’équipement des pilotes allemands laisse également à désirer : lunettes RAF de la 2° guerre mondiale, blousons de cuir et serre têtes pas d’époque. En 1914-1918, on monte à bord emmitouflé, car il ne fait pas chaud à 3000 m dans un cockpit ouvert. Notons que le Baron portait un parachute le jour de sa mort, comme ses collègues d’ailleurs.

 

Christian Santoir

*Film disponible sur amazon.fr

 

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