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KAMIKAZE : ASSAUT DANS LE PACIFIQUE

 

KAMIKAZE : ASSAUT DANS LE PACIFIQUE

Vo. Ore wa, kimi no tame ni koso shini ni iku /
俺は、君のためにこそ死ににい

(Je vais mourir pour vous)

 

Année : 2007
Pays Japon
Durée : 2 h 15 min.
Genre : guerre
Couleur

Réalisateur : Taku SHINJO
Scénario : Shintarô ISHIHARA

Acteurs principaux :
Ryôhei ABE, Toru EMORI, Katsutaka FURUHATA, Ichirô HASHIMOTO, Masatô IBU (Vice amiral Takijiro Onishi), Renji ISHIBASHI.

Producteur : Shintarô ISHIHARA
Musique : Naoki SATO
Photographie : Hiroyuki KITAZAWA, Shôji UEDA
Compagnie productrice : Nippon Television Network Corporation (NTV)

Avions :

  • Nakajima Ki-43 Hayabusa, maquette grandeur réelle

 

Notre avis :

Encore un nouveau film sur les kamikazes japonais, un sujet qui apparait régulièrement sur les écrans. Ce film honore la mémoire de ces jeunes pilotes, fauchés à la fleur de l'âge, tout en rappelant "la bravoure et la beauté des Japonais de l'époque", comme il est dit, dans le prologue. Tourné en 2007, ce film est le signe d'une nostalgie croissante, au Japon, ces dernières années, vis-à-vis de cet épisode tragique de l'histoire du pays, même si la majorité de la population trouve que la cause était mauvaise. L'évolution récente de la situation géopolitique en Asie, avec une Chine nationaliste de plus en plus armée et arrogante, une Corée du Nord, toujours aussi dangereuse et imprévisible, remet en cause le pacifisme de l'après Hiroshima. Certains Japonais commencent à penser que la paix doit être sécurisée par la force militaire et que le bouclier américain n'est plus très fiable.

Le scenario fut écrit par un écrivain, devenu politicien, Shintaro Ishibara, le gouverneur nationaliste de Tokyo. Il recueillit le témoignage de Tome Torihama, une femme, décédée en 1992, appelée "la mère des kamikazes". Elle avait un petit restaurant près de la base de Chiran et elle était la confidente de nombreux pilotes qui fréquentaient son établissement. Ceux-ci lui confièrent leurs lettres d'adieux, destinées à leurs familles. Ce film en rappelle étrangement un autre, sorti en 1943, "Kessen no ozora e" (Vers le ciel de la dernière bataille) de Kunio Watanabe, centré sur les jeunes pilotes de la Marine et leur "marraine", Mme Matsumura et ses filles. Mais ici, le rôle de Mme Torihama (qui a également des filles), est différent. Elle n'encourage pas les jeunes à remplir leur devoir, mais essaie de les aider, de leur apporter un peu de chaleur humaine, lors des derniers jours de leur vie.

Largement considérés, pendant la guerre, par les Anglais ou les Américains, comme de purs fanatiques, les kamikazes ont une place ambigüe dans la mémoire collective des Japonais. Des nationalistes les vénèrent comme des martyrs, alors que des libéraux les considèrent comme de jeunes victimes, manipulés par un pouvoir sans scrupule. Les "unités d'attaque spéciales" (tokkotaï) naquirent d'abord dans la Marine, qui n'avait rien trouvé de mieux pour couler les porte-avions, que les Américains fabriquaient à la chaîne…La première attaque (tokko) eut lieu le 25 octobre 1945, sur les Philippines. L'Armée, toujours opposée à la Marine, était contre, mais dut se ranger finalement à cette idée, vu la dégradation de la situation militaire. Une des principales bases des unités spéciales de l'Armée (shimbutai) était Chiran, au sud de Kagoshima, dans l'île de Kyushu. Précisons que le mot "kamikaze" ne fut employé que par les Américains. A l'époque, au Japon, les unités kamikazes s'appelaient Shimpû (vent divin) Tokubetsu Kogekitai dans la Marine, et Shimbu (union des forces courageuses) Tokubetsu Kogekitai dans l'Armée.

Le film commence aux Philippines en 1944, où l'amiral Onishi explique à ses homologues de l'Armée de terre, qu'il n'y a d'autre issue que de créer des unités spéciales aériennes, destinées à aller percuter les navires, selon le principe : un homme, un bateau. Malgré les réticences de ses interlocuteurs, ceux-ci finissent par se ranger à son avis et se résolvent à persuader leurs aviateurs que c'est le seul moyen pour sauver le pays, vu la gravité de la situation. Dans l'archipel nippon, en 1945, près de la base de Tachiarai (Chiran), Mme Torihama tient un petit restaurant avec ses filles. Un jour, l'une d'elle qui est lycéenne, reçoit l'ordre de se rendre avec sa classe, sur la base militaire, afin de servir de domestique aux jeunes pilotes qui s'entraînent pour effectuer leur dernière mission. Mme Torihama reçoit les confidences des pilotes et sert d'intermédiaire entre eux et leurs parents, la police militaire exerçant une stricte censure sur le courrier. Avec ses filles, elle leur confectionne aussi des porte-bonheurs. Mais déjà, les premières missions suicides sont envoyées au combat, à Okinawa. Après une bréve cérémonie, les pilotes décollent salués par les élèves des écoles et les civils. Certains pilotes, dans l'impossibilité de remplir leur mission, vu les conditions météo désastreuses, ont des problèmes avec leurs officiers qui leur avaient ordonné de ne pas revenir ! Un pilote préfère se suicider, alors que d'autres cherchent désespérément des avions pour accomplir leur mission. La dernière nuit précédant une autre mission sur Okinawa est émouvante, surtout pour les parents. Au moment de l'Armistice, l'amiral Onishi se suicide. Ceux qui ont survécu vivent mal et se reprochent d'être encore en vie. Les parents d'un kamikaze vont voir Mme Torihama et lui expliquent qu'il a survécu à son attaque, sauvé par des marins américains... Blessé, il vit, depuis, en reclus, sur une île isolée. Revenu à l'époque actuelle, alors que Mme Torihama et le frère cadet d'un ancien kamikaze se promènent, un soir, dans les allées paisibles du Parc de la Paix de Chiran, ils aperçoivent une nuée de lucioles venir vers eux. Ce sont les âmes des disparus qui les saluent…

Plusieurs scènes reproduisent des films d'actualités ou ont été inspirées par des photos d'époque. Le cérémonial du départ est décrit en détail : les pilotes ayant noué sur leurs fronts le hachimaki, le bandeau de résolution au sacrifice, reçoivent la beppu, une coupe de saké, des mains de leurs officiers. Après un dernier salut à l'empereur, ils se dirigent vers leurs avions devant une haie d'honneur formée par le personnel de la base, des civils et des lycéens, qui au moment du décollage agitent des drapeaux et, parfois, des branches de cerisiers, au dessus de leur têtes. Par contre, le film ne montre pas le yosagaki, un rite consistant, après le beppu, à signer un drapeau national, surchargé de formules de résolution commune. On peut être également étonné de voir les kamikazes porter un harnais de parachute. En fait, ils avaient l'autorisation d'évacuer leur appareil, si celui avait des problèmes mécaniques graves, tant qu'ils étaient au dessus du territoire national. Il pouvait également revenir à leur terrain en cas d'ennui mécanique ou de mauvaise météo, bien que le film laisse penser le contraire. On remarque, enfin, que certains kamikazes portent, suspendue autour du cou, une petite boite blanche; elle renfermait les cendres des camarades morts à l'entraînement…

Le film nous montre surtout des volontaires de l'Armée, "engagés d'office", ce qui correspond à une évolution dans le recrutement. Aux vrais volontaires du début, des militaires recrutés dans la Marine, succédèrent des étudiants des universités (surtout des facultés de Lettres et de Droit, les étudiants des facs de Sciences étant dirigés, en priorité, vers les usines…) s'étant engagés pour secourir leur patrie en danger, sans avoir une vraie conscience des actions militaires à accomplir. Leur mentalité ainsi que leur comportement étaient très différents de ceux de leurs homologues militaires. Certains regrettèrent certainement leur décision, mais ne cherchèrent jamais à se dérober, tout en cherchant à oublier leur sort en se grisant par toutes sortes de moyens (beuveries, larcins..). Il est vrai que la population, abreuvée de propagande, leur vouait presque un culte et qu'ils pouvaient tout se permettre avant de mourir. Comme le laisse entendre le film, les kamikazes rescapés, pour une raison ou pour une autre, ne furent jamais bien accueillis dans le pays, excepté par leurs familles, même s'ils leur faisaient perdre la face.

En dehors de mobiliser toute une grande partie de l'élite de la nation, à quoi servirent exactement les unités kamikazes ? L'état major savait très bien qu'un seul pilote ne pouvait pas couler un seul navire (ou alors un petit). A Okinawa, les Alliés déplorèrent la perte de 60 navires, en plus des 570 endommagés plus ou moins sérieusement. Pour ce résultat, les forces spéciales japonaises de la Marine (shimpu) et de l'Armée (shimbu) perdirent 1 784 appareils et 2 547 hommes…Les kamikazes n'étaient pas une réponse tactique valable, face à l'offensive alliée. Ils étaient destinés en réalité à leur faire peur, afin de les dissuader d'envahir le territoire sacré de la péninsule nippone et les conduire à la table des négociations. Cela marcha, en partie, beaucoup de marins, mais aussi d'amiraux américains, craquèrent et durent être remplacés. Les marins américains étaient à rude épreuve. Certains ont décrit des scènes d'horreur à bord des bateaux, avec du sang répandu partout, des viscères, des morceaux de cadavres japonais jonchant les coursives, les postes de combat, sans parler des débris d'avions qui tombaient du ciel ! Devant le carnage annoncé, les responsables américains accélèrent le programme "Manhattan" qui allait avoir raison du fanatisme nippon, du moins celui des dirigeants, qui n'avaient pas prévu cette botte secrète, "La" bombe ! Les kamikazes n'aidèrent donc pas à sauver leurs familles, auxquelles ils auraient été plus utiles, vivants, après la guerre, ni même à protéger leur pays, qui sera envahi pacifiquement par les Américains.

Les "kamikazes" figurent toujours, hélas, à la une de nos journaux, mais ce ne sont plus les mêmes. Certes, le système n'a guère changé; des hommes, qui n'ont aucun respect pour la vie humaine, recrutent des jeunes qu'ils conditionnent pour se faire tuer à leur place, au nom d'une idéologie très discutable, à connotation vaguement religieuse. Ce système ne fonctionne bien que dans des sociétés traditionnelles, où l'individu n'est rien et subit un fort conditionnement, social, politique ou religieux, dés sa prime jeunesse. La grande différence avec les vrais kamikazes, c'est que ceux-ci appartenaient à un seul pays, étaient des militaires en uniforme, et agissaient dans le cadre d'une guerre déclarée entre deux pays (même si le Japon menait la guerre à sa façon, n'ayant pas signé la convention de Genève). Il n'y avait, en outre, aucune femme parmi eux. Enfin, ils ne tuaient que des militaires, contrairement à ceux d'aujourd'hui qui ne tuent que des civils désarmés (le plus souvent de leur propre bord…), en se cachant au milieu d'eux, ce qui passe pour une ruse suprême. Les "kamikazes" d'aujourd'hui, appelés aussi "martyrs", ne sont que de vulgaires terroristes.

Ce film, ni anti-militariste, ni pacifiste, saluant le courage de jeunes gens qui donnèrent leur vie pensant sauver leur patrie, conformément à l'esprit du bushido, n'apporte pas d'éclairage nouveau sur le phénomène kamikaze et ne fait que reprendre le pathos habituel sur la question. Des kamikazes, anonymes, il y en eut partout, pendant la guerre. Partir au combat, sur des avions obsolètes, genre Amiot 143, Loire-Nieuport 402, Mureaux 117, Caudron C.714, comme le firent nos pilotes en 1940, n'était-ce pas, aussi, être un peu kamikaze ? Suppléer les faiblesses de son armement et de son commandement, par le courage des hommes, ne marche jamais, en France, comme au Japon. C'est là, la vraie morale de l'histoire !

 

Les avions du film :

Le tournage a utilisé au moins une maquette grandeur réelle, celle d'un Nakajima Ki-43 Hayabusa (code allié "Oscar") construite en fibre de verre, avec une hélice qui tourne, selon un procédé devenu habituel dans les films actuels, montrant des avions (Cf. "Red Tails" 2012 ). Il a servi de modèle aux artistes digitaux pour le reproduire en nombre et en faire évoluer en plein ciel des groupes entiers. Cette maquette est exposée, depuis, à l'extérieur du Peace Museum de Chiran, dédié aux pilotes kamikazes. Il n'existe pas, au Japon, de vrai Ki-43 préservé, seulement aux USA et en Russie, alors qu'il fut le chasseur standard de l'Armée japonaise pendant toute la guerre. Il était souvent confondu avec le Mitsubishi Zéro de la Marine, par les pilotes alliés. Rappelons que le Hayabusa fut la vedette du film "Kato's Hayabusa sentaï" (1944).

La maquette représente un Ki-43 IIIa Type 1, modèle 3 (pipes d'échappement propulsives, prise d'air de type Venturi, sous le centre de gravité), modèle sorti au début de 1944. Incapables de rivaliser avec les nouveaux chasseurs américains, du fait, entre autres, de son faible armement (deux mitrailleuses de 12,7 mm de capot), cet excellent appareil fut affecté à des unités de seconde ligne, en Indochine ou à Sumatra. Il ne fut pas le seul avion de l'Armée à servir dans les unités spéciales; il y eut aussi des Kawasaki Ki-61 Hien (type 3), dont on aperçoit quelques exemplaires (leurs images) en vol à la fin du film, des Nakajima Ki-48 Hayate (type 4) et même des vieux chasseurs Nakajima Ki-27, ou encore, des avions d'entraînement, comme le Mantsu Ki-79 Otsu, un biplace à train fixe, entre autres.

La maquette du film est plutôt bien réalisée, avec néanmoins quelques petits défauts qui sautent à l'œil du maquettiste : un appui tête mal rendu, avec un tube vertical situé derrière, qui ne figure pas sur l'avion réel (son utilité ?), mais surtout, un train trop court et des roues trop grosses (l'Hayabusa était un avion haut sur pattes et son train était fragile; les pneus étaient de faible diamètre et gonflés à haute pression).

Les Ki-43, vus sur l'écran, ont tous le même camouflage deux tons (type S) vert foncé et gris clair, plutôt triste comme le film…Les fuselages portent tous une bande blanche devant l'empennage, destinée à identifier les avions ou à déterminer leur statut opérationnel. Ils portent sur la dérive de faux insignes de Sentai, s'inspirant des vrais.

On remarquera un détail exact, qui n'a pas été oublié, la corde servant au pilote pour grimper dans son cockpit, l'Hayabusa n'ayant aucune marche (mais la corde pendait au niveau du siège, pas du tableau de bord).

Au début du film, alors que les cadets s'affrontent dans une joute amicale, trois biplans d'entraînement, peints en jaune orange, les survolent. Vus de trop loin pour les identifier à coup sûr, ce pourrait être des Tachikawa Ki-9, vu leur silhouette.

En face, les avions américains sont représentés par des Grumman F6F Hellcat, et des bombardiers Consolidated B-24 qui pilonnent (à trop basse altitude…) le terrain de Chiran.

 

Christian Santoir

*Film disponible sur amazon.fr

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