Vo. Flight for freedom
Pays : Etats-Unis
Genre: Drame
Durée : 1 h 42 min.
Noir et blanc
Scénario : Horace McCoy,Jane Murfin
Rosalind Russell (Tonie Carter), Fred MacMurray (Randy Britton), Herbert Marshall (Paul Turner), Eduardo Ciannelli (Johnny Salvini), Walter Kingsford (Amiral Graves)
Photographie : Lee Garmes
Producteur : David Hempstead
Compagnie distributrice: RKO
- Brown B-3 racer, NX266Y
- Ford Trimotor, document.
- Lockheed 10A Electra, NC16056
- Lockheed 8 Altair
- Ryan SCW-145
- Stearman C-3
- Travel air 3000 (NC3621), document.
Notre avis :
« Perdue sous les tropiques » sortit en avril 1943 avec Rosalind Russell dans le rôle de l’aviatrice Tonie Carter. Ce mélodrame à caractère patriotique, vu l’époque, est en fait une biographie très romancée d’Amelia Earhart. Il apporte son explication à la disparition de la célèbre aviatrice. Dans la préface du film, sur fond de porte avions et de bombardiers, le narrateur n’hésite pas à déclarer avec grandiloquence :« Nos opérations navales actuelles n’ont pu être menées que grâce à une jolie fille.» ! Il s’agit naturellement de Tonie Carter, alias Amelia Earhart, supposée perdue à proximité de « Gull Island » afin que la Navy ait un prétexte valable pour la rechercher dans les îles gouvernées par les Japonais, et faire ainsi de beaux clichés des fortifications qu’ils y construisaient. Ce film patriotique n’hésitait donc pas à mettre à l’épreuve le bon sens des spectateurs ! Très tôt, après la disparition d’Amelia Earhart, avaient en effet circulé des rumeurs selon lesquelles elle aurait été chargée par le gouvernement d’espionner les installations japonaises des îles Marshall. Le mari d’Amelia Earhart, George Palmer Putnam, prétendument indigné, fit un procès aux studios pour avoir montré une fausse image de son épouse. Mais il abandonna l’affaire et reçut 5 700 dollars de la RKO, sans toutefois autoriser le film à utiliser ou citer le nom d’Amelia. Il paraîtrait que le procès faisait partie de la campagne publicitaire du film…
Le film ouvre sur les opérations dans le Pacifique où des bombardiers de la Navy s’apprêtent à attaquer des îles japonaises. On explique que leur mission est basée sur des renseignements collectés avant la guerre par une femme courageuse..Puis on passe au premier vol solo de Tonie Carter, une jeune femme pilote qui lors de son dernier virage manque d’emboutir un autre avion qui est en finale. Cet appareil est celui du célèbre pilote Randy Britton qu’elle admire secrètement. Elle réussit à le rencontrer en privé et bientôt, ils sortent ensemble, jusqu’à ce qu’il disparaisse pour de lointains horizons sans donner de nouvelles. Tonie entre-temps s‘initie à la mécanique, au vol sans visibilité et devient un pilote accompli. Lorsque Randy réapparaît deux ans plus tard, elle ne cherche pas à le revoir et s’engage dans un course entre New York et Los Angeles.S’étant perdue en route, elle ne se classe pas, mais décide de battre le record de traversée en sens inverse. Elle réussit et accède à la célébrité. Son nom s‘étale sur des boissons, des paquets de cigarettes. Elle accède au club fermé des aviateurs de records et reçoit les félicitations du grand Willey Post. Elle finit par accepter la proposition de mariage de son ancien moniteur et ami, Paul Turner, plus âgé qu’elle. Mais avant, elle veut faire le tour du monde. Randy qui a accepté un poste à Singapour a découvert, par hasard, une base de sous marin lors du survol d’îles sous mandat japonais. Dans le même temps, Tonie s’est envolée pour Honolulu, première étape de son tour du monde. La Navy lui envoie un message confidentiel lui demandant de revenir de toute urgence à Washington. Pour ne pas dévoiler cette mission, elle accidente volontairement son avion au décollage. A Washington, on lui demande de refaire son voyage mais en sens inverse. A l’escale de Lae, en Nouvelle Guinée, elle embarquera secrètement un navigateur pour rejoindre la petite île de Gull. On la déclarera perdue, et la Navy se mettra à patrouiller partout, notamment dans les îles sous mandat japonais. Puis au bout d’un certain temps, on la retrouvera comme par hasard. Arrivée à Lae, elle a la surprise de constater que le navigateur n’est autre que Randy. Il lui déclare son amour mais elle lui explique qu’elle a promis sa main à Paul Turner. Le patron de l’hôtel où elle est descendue est en fait un agent japonais qui lui explique que le projet de la Navy est éventé et qu’une fois arrivée à Gull island, la marine impériale sera déjà là pour la retrouver ! Elle décide donc de décoller sans Randy, et de se précipiter dans l’océan à proximité de Gull island pour que les recherches puissent être lancées..Puis, on revient au début du film et aux opérations contre les bases japonaises. On voit Randy dans un bombardier avoir une pensée émue pour Tonie et lancer, en son hommage, son porte cigarettes dans l’océan !
Les allusions à la vie d’Amelia son transparentes : le désir de Tonie de faire comme les hommes évoque ses idées féministes; le record de vitesse d’une côte à l’autre à travers les Etats-Unis, qu’elle battit deux fois en 1932 et 1933 ; sa formation au vol sans visibilité chez Paul Mantz; sa promesse de mariage avec un homme plus âgé qu’elle ; l’avion de Tonie qui est un Lockheed Electra comme le sien; puis le vol Oakland-Honolulu avec le cheval de bois au décollage. Mais cet accident ne fut pas provoqué, et plutôt dû à la maladresse d’Amelia. On remarquera en passant, la haine du « Jap » distillé par le film. A Honolulu, on voit un mécanicien d’origine japonaise s’affairant autour du Lockheed de Tonie, l’oeil aux aguets et l’oreille traînante. A Lae, un Japonais caricatural avec lunettes rondes (genre Mitsuhirato de « Tintin en Chine ») est forcément un agent des services secrets impériaux.
Les rumeurs sur la prétendue mission d’espionnage d’Amelia Earhart sont infondées, mais tellement excitantes pour les amateurs de sensationnel. Elles furent reprises par le journaliste Fred Goerner en 1966. On ne voit pas très bien comment des caméras très encombrantes auraient pu être discrètement installées à Oakland, après le crash d’Honolulu (selon Goerner), alors que le fuselage de l’avion était déjà occupé par plusieurs réservoirs d’essence. Amelia les auraient donc emportés pendant tout son voyage. Or, à chaque escale, son avion était révisé par les mécaniciens des compagnies locales, comme Air France à St Louis du Sénégal, ou Guinea Airways à Lae. Il est impossible qu’aucun technicien ne les ait remarquées. En outre, son avion fut signalé par un missionnaire à la verticale de l’île de Tabituea, à 1 000 km d’Howland, donc sur sa route prévue, et non en direction des Marshall, situées à peu près à la même distance mais plus au nord. Enfin, précisons qu’elle aurait dû avoir des cameras infrarouges, car le survol des îles Marshall se serait effectué de nuit (la nuit tombe tôt sous les tropiques) ; elle était à proximité d’Howland à 7 h 42 du matin. Or à cette époque, comme pendant la seconde guerre mondiale, on ne faisait que des photos aériennes de jour. Enfin, en 1937, les Japonais n’avaient pas encore commencé leurs fortifications, et il n’y avait pas grand chose à voir sur les îles. Ce n’est qu’à partir de 1940, qu’ils commencèrent à construire pistes et blockhaus.
Le but déclaré du voyage d’Amelia Earhart était a priori scientifique : « établir la faisabilité de voyages commerciaux autour du globe » et « voir comment l’homme réagissait au stress et à la fatigue ». Son «flying laboratory », comme elle avait surnommé son Lockheed, avait été payé par l’université de Perdue. Mais entre 1924 et 1933, les avions avaient déjà fait six fois le tour du monde, et dès 1935, les « clippers » de la Pan Am traversaient le Pacifique avec des passagers. En fait, le véritable objectif d’Amelia Earhart était de se faire plaisir («the fun of it ») et d’accroître sa renommée, son manager de mari s’occupant de la vendre aux médias le plus cher possible. Seuls les anges n’ont pas besoin d’argent. Inutile donc de déployer la bannière étoilée et d’entonner l’hymne national la main sur le coeur (ou le porte feuille). Mais on était en 1943, les alliés passaient à l’offensive, tout le monde était sur le front. Même morte, Amelia avait été mobilisée et affublée de l’armure de Jeanne d’Arc !
Les avions du film :
Le film ouvre sur des opérations aéronavales menées dans le Pacifique. On aperçoit les porte-avions USS "Enterprise (CV-6) et "Lexington" (CV-2), coulé un an auparavant. Des documents nous montrent les avions embarqués suivants : Grumman F4-F Wildcat, Brewster F2A Buffalo de la VF-2, Douglas SBD Dauntless de la VB-2, Douglas TBD Devastator de la VT-5, et à la fin du film, une formation de Vought Vindicator. Ces documents sont un peu anciens car les avions portent un camouflage et des insignes nationales antérieurs à mai 1942. En 1943, Devastators, Vindicators et autres Buffalo avaient déjà été retirés des unités de première ligne vu leurs piètres performances.
Les avions de Tonie sont un Stearman C-3, puis un Brown B-3 racer (NX266Y) avec lequel elle traverse les Etats-Unis. Un de ses adversaires malheureux du Bendix Trophy s’écrase au décollage dans un Ryan SCW-145 portant le numéro 16. Elle fait du PSV avec un Lockheed 8 Altair, sans doute un modèle expérimental avec un mat d’antenne à l’avant et un seul cockpit recouvert d’une dôme (comme celui du F-22 Raptor !) opaque. Sur des documents filmés, on peut également apercevoir un Travel air 3000 (NC3621) en vol, et un Ford trimoteur faisant un tonneau !
Pour son dernier vol, Tonie pilote un Lockheed 10A Electra (NC16056) peu différent du modèle 10E (NC16020) d’Amelia Earhart, à part des moteurs P&W, moins puissants que les Wasp S3H1 de 550 chevaux du 10E.
Enfin, Randy est filmé en studio dans une maquette de cockpit ressemblant à celui d’un North American 0-47, un avion d’observation versé dans les unités d’entraînement à l’époque du film.
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