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L'EVADE DU CAMP 1

 

L'EVADE DU CAMP 1

Vo. The one that got away

 

Année : 1957
Pays : Grande-Bretagne
Genre : guerre
Durée : 1 h 51 min.
Noir et blanc

Réalisateur : Roy Ward BAKER
Scénario : Howard CLEWES, Kendal BURT

Acteurs principaux :
Hardy KRÜGER (Franz von Werra), Colin GORDON (un enquêteur de l'Armée), Michael GOODLIFFE (un enquêteur de la RAF), Terence ALEXANDER (l'officier de renseignement de la RAF), Jack GWILLIM (le commandant à Grizedale), Andrew FAULDS (un lieutenant à Grizedale), Alec McCOWEN (officier de jour à Hucknall), Harry LOCKART (un prisonnier allemand).

Musique : Hubert CLIFFORD
Photographie : Eric CROSS
Producteur : Julian WINTLE
Compagnie productrice : Rank Organisation

Avions :

  • Hurricane Hawker Mk.IIc
  • Messerschmitt Bf.109E4, maquette éch; 1/1

 

Notre avis :

Lors du second conflit mondial, les cas d'évasion réussies furent extrêmement rares. Une des exceptions qui confirma la règle, fut  l'Oberleutnant Frantz von Werra, abattu au dessus de l'Angleterre, le 5 septembre 1940, pendant la Bataille d'Angleterre. Non seulement, il parviendra à s'échapper d'un camp de prisonniers, au Canada, mais il réussira à rejoindre l'Allemagne, après un long périple, et à reprendre le combat. Il n'était certes pas le seul et quand il arriva aux USA, deux autres prisonniers allemands échappés du Canada y étaient parvenus avant  lui. Lors de sa deuxième tentative d'évasion en Angleterre, il avait essayé de s'emparer d'un avion, comme dans une production hollywoodienne. En effet, à Hollywood, dans "Wings" (1929) comme dans "Sabotage à Berlin" (1942), quand un évadé veut rejoindre son pays, il lui suffit d'emprunter un avion à l'ennemi et le tour est joué !

L'évasion de von Werra fut relaté dans le livre de Kendall Burt et  James Leasor "The one that got away" (1956). Dans les années cinquante, les héros allemands de la guerre refaisaient timidement surface. Après "Le général du diable" (1955) sur Ernst Udet, "Der Stern von Afrika" (1957) sur l'as Hans-Joachim Marseille, c'était au tour de von Werra. Les temps avaient changé et le guerrier allemand n'était plus considéré a priori comme un nazi. En 1941, Michael Powell avait réalisé un film au scénario très proche de celui-ci, "49° Parallèle" (1941), racontant la cavale d'un commandant de sous marin allemand à travers le Canada, tentant de rejoindre les USA. L'officier était alors décrit comme un nazi fanatique et quand il parvenait sur le territoire américain, un simple citoyen le renvoyait au Canada où la police l'attendait. En 1957, Franz von Werra, joué par le blondinet Hardy Krüger, est presque sympathique et le spectateur se prend à espérer qu'il ne sera pas repris…Rappelons qu'Hardy Krüger avait commencé sa carrière cinématographique à seize ans, dans "Junge Adler" (1944). On le retrouvera dans "Le vol du Phoenix" (1966) en ingénieur allemand et dans "La tente rouge" (1971) en pilote norvégien.

Le film est un récit quasiment documentaire de la captivité de von Werra et suit de très près la vérité historique, ce qui lui évite de tomber dans les poncifs du genre.

A la fin de la campagne de France, von Werra avait quatre victoires à son actif. Le 28 août 1940, il eut son heure de gloire en revendiquant neuf chasseurs détruits au dessus du Kent ! Seules, quatre victoires furent confirmées, les autres étant des avions déclarés détruits au sol. Le 5 septembre 1940, lors d'une escorte de bombardiers, son Messerschmitt Bf.109 fut abattu près de Marden. Il fut ensuite envoyé dans un camp dans le comté de Cumbrie. Dans le film, on le voit parier avec un commandant de la RAF qu'il s'échappera avant six mois. Sa première tentative, le 7 octobre, échoue et il est envoyé dans un autre camp plus sûr, près de Swanwick (Derbyshire). 20 décembre, il essaie de s'échapper une nouvelle fois en creusant un tunnel. Il se fait passer pour un pilote hollandais, le capitaine Van Lotten, qui a dû faite un atterrissage forcé lors d'une mission secrète... Dans une gare, il téléphone à la base RAF de Hucknall, toute proche, pour qu'on vienne le chercher. Il est parvenu à s'installer dans le cockpit d'un Hurricane, quand il est enfin découvert ! Il est envoyé cette fois-ci au Canada. Le 21 janvier, il s'enfuit de nouveau pendant un transfert en train. Il traverse le Saint Laurent gelé et rejoint le territoire américain, encore neutre, où il est recueilli, mort de froid. Puis, le film nous montre le commandant anglais avec lequel il avait parié, recevant une carte postale de New York.

Accueilli par l'ambassade d'Allemagne à New York, von Werra sera envoyé au Mexique, pendant que Etats-Unis et Canada discutaient de son extradition…Il traversera le Pérou, la Bolivie, puis le Brésil, où un avion italien viendra le chercher. Il arriva en Allemagne le 18 avril 1941. Nommé Gruppenkommandeur du I/JG53 sur le front est, il augmenta son nombre de victoires jusqu'à vingt et un. En août 1941, le JG53 fut rapatrié pour être rééquipé avec le nouveau Bf.109 F4. Le 25 octobre 1941, alors qu'il avait décollé pour un vol de routine, d'une base en Hollande, il eut une panne moteur et disparut en mer du Nord.

Le film est "soft"; il évite les horreurs de la guerre et élimine tout ce qui pourrait rappeler les nazis, alors que ceux-ci gouvernaient de fait les prisonniers allemands à l'intérieur des camps, où ils avaient même installé des tribunaux pour juger les "traîtres". Il ne s'agit ici que de l'histoire d'un jeune officier allemand qui, abandonné à son sort, ne fait que lutter pour sa liberté et gagne.

Lors de son premier interrogatoire, le wing commander met en doute ses neuf victoires, en une seul journée et le menace de prouver à ses camarades que ce n'est que du bluff, notamment en ce qui concerne les cinq avions prétendus détruits au sol. Certaine sources estiment que la frénésie d'escapade de von Werra aurait traduit en fait son souci de s'éloigner de ses compagnons d'infortune, de peur qu'ils viennent à apprendre la vérité…Von Werra qui était assez prétentieux, n'était pas un grand as et n'était pas très apprécié par les autres aviateurs allemands.

On retiendra la scène où von Werra, avec un culot monstre qui faillit payer, se fait conduire dans une base de la RAF. On est étonné qu'on ne lui ait pas demandé ses papiers, ni son ordre de mission, alors que le pays était en guerre et que le moindre citoyen se livrait à la chasse aux membres de la cinquième colonne. Certes, les Anglais du film ont bien l'air soupçonneux. Von Werra parlait parfaitement l'Anglais, alors que les Hollandais ayant rejoint la RAF, le parlaient habituellement très mal…

C'est le mécanicien qui a l'air le plus étonné, et à juste titre, par le comportement de ce "pilote d'essais" hollandais qui, a priori, devait être habitué au matériel anglais. Or ce pilote, sans casque, sans masque à oxygène, sans parachute, ne sait pas mettre en route le moteur du Hurricane. Il est vrai que le Bf.109E démarrait à la manivelle, alors que le Hurricane disposait d'un démarreur électrique. Le mécanicien propose de brancher le groupe de démarrage externe, sans doute pour fournir plus de puissance et faciliter le démarrage, en faisant tourner l'hélice plus vite. L'utilisation de batteries externes est nullement obligatoire, mais augmente le suspense…Von Werra ignore visiblement la check list de démarrage, mais les actions (ouvrir un peu les gaz, régler l'hélice sur plein petit pas, mettre les deux magnétos sur ON, appuyer, en même temps, sur les boutons du booster d'allumage et du démarreur, tout en actionnant la pompe de gavage pendant que l'hélice tourne…) ne sont guère différentes de celles employées pour démarrer le Daimler d'un Bf.109. En réalité, le vrai von Werra monta dans un avion dont le moteur était en cours de réparation et ne pouvait donc pas démarrer ! Dans le film, le mécanicien qui a enlevé le panneau de visite sur le coté gauche du fuselage, est en train de travailler derrière le poste de radio.

Le réalisateur a cru bon de souligner la difficulté posée par le compas P 8 (en fait, un compas de marine), moins simple et moins moderne que les compas allemands à lecture verticale. Von Werra demande au mécanicien de l'aider à le régler au cap 120 (vers l'Allemagne…). Ce compas fut à l'origine de bien des disparitions inexpliquées d'avions. A priori, c'est simple; on tourne la couronne du compas jusqu'à ce que le cap désiré soit en face du repère fixe situé dans l'axe de l'avion. Puis, on fait tourner l'avion afin que la pointe rouge de l'aiguille du compas soit en face du N rouge de la couronne mobile (d’où l'expression "rouge sur rouge"), ce que le mécanicien n'explique pas. Le problème est que quand on vent changer de cap, il faut penser à repositionner la couronne et remettre l'aiguille rouge sur le N, sinon on risque de s'éloigner de sa destination, au lieu de s'en rapprocher ! Dans la fièvre des combats ou en rencontrant des problèmes graves, certains pilotes oubliaient cette manipulation, un oubli aux conséquences souvent désastreuses.

Comme dans la plupart des films sur les prisonniers, la partie aéronautique est plutôt réduite.

 

Les avions du film :

Les décorateurs ont fabriqué une maquette grandeur nature assez conforme du Messerschmitt Bf.109E4 de von Werra, avec son insigne du Stab II./JG 3 sur le fuselage et ses marques de victoire sur la dérive, tel qu'il apparaît sur les nombreuses photos parues dans la presse de l'époque. On relève néanmoins une "petite" erreur; la verrière du Bf.109 s'ouvrait latéralement vers la droite et non vers la gauche, comme dans le film. De plus, von Werra porte un gilet de sauvetage anglais, modèle 1941, avec un tuyau de gonflage placé du mauvais côté…

L'avion convoité par von Werra est un Hurricane Hawker Mk.IIc (LF363) sans code de combat, sans doute filmé sur l'ancienne base RAF de Biggin Hill. Construit par Hawker Aircraft à Langley, il fit son premier vol en janvier 1944 et fut livré au 5 MU (Maintenance Unit). Puis, il servit au sein de plusieurs squadrons, le 63, le 309 (polonais) et le 26, avant la cessation des hostilités. Contrairement à beaucoup de ses semblables, il échappa à la ferraille. Restauré par Hawker en 1952, il fut affecté au Waterbeach Station Flight en 1954, puis en juin 1957, au Battle Of Britain Memorial Flight, basé à Biggin Hill et, depuis 1976, à Coningsby. En 1991, il fut gravement accidenté, suite à une panne moteur. Reconstruit par Historic Flying Ltd. à Audley End et remis en état de vol, il retourna au BBMF, le 29 septembre 1998.

Ce Hurricane eut une belle carrière cinématographique et tourna dans "Angels One Five" (1952), la série TV "The War In the Air" (1954), "Vainqueur du ciel" (1955), "L'évadé du camp 1" (1957) et "La bataille d'Angleterre" (1968). Selon les dernières nouvelles, il devrait être échangé contre un Mk.1 indien…

Quand von Werra traverse la base de la RAF en voiture, le paysage qui défile par la fenêtre, projeté sur un transparent, montre un De Havilland Chipmunk T.10, un avion utilisé pour la formation de début, en service dans la RAF depuis octobre 1953.

 

Christian Santoir

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