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LES ESPIONS S'AMUSENT

 

LES ESPIONS S'AMUSENT

Vo. Jet Pilot

 

Année : 1957
Pays : Etas-Unis
Genre : Action
Durée : 1 h 52 min.
Couleur

Réalisateur : Josef von Sternberg et Jules Furthman
Scénario ; Jules Furthman

Acteurs principaux :
John Wayne, Janet Leigh, Jay C. Flippen, Paul Fix, Richard Rober, Roland Winters, Hans Conried, Ivan Triesault, John Bishop.

Musique : Bronislau Kaper
Photographie : Winton C. Hoch
Producteurs : Jules Furthman et Howard Hughes
Compagnie productrice : RKO

Avions :

  • Bell-XS-1
  • Boeing EB-50A
  • Convair B-36B-15-CF
  • Lockheed T-33
  • Lockheed F-94A-1-LO
  • North American F-86A Sabre
  • North American T-6, en arrière-plan
  • North American F-51 Mustang,en arrière-plan
  • Northrop XF-89 Scorpion, en arrière-plan


 Notre avis :

Comme annoncé sur son affiche, "Jet pilot", dans son titre original, devait être "le plus grand spectacle aérien de l’ère du jet" ; il était si "grandiose, que sa réalisation a pris des années". Si cette dernière assertion est exacte, on pourra discuter la première. "Jet pilot" ne sortit aux USA qu’en novembre 1957, sept ans après le début du tournage (8 décembre 1949), mais en fait, le film fut rapidement retiré de la distribution et resta en boite jusqu’à sa réapparition en 1981, sur la chaîne TV NBC ! Ainsi, tourné en pleine guerre froide, le film ressortait un an avant la mort de Brejnev qui marqua le début de la fin de la guerre froide…En 1950, le film était produit par RKO, la propriété de Howard Hughes, qui sous sa direction ne sortit que de mauvais films. En 1957, Hughes avait vendu RKO à Universal.

La production de ce film dura dix huit mois. Hughes engagea Josef von Sternberg plus une demi douzaine de réalisateurs, travaillant simultanément ou successivement, sur le film. Devant la médiocrité du résultat, Hughes finit par faire appel à Paul Mantz, pour refaire des séquences aériennes qui lui avaient déjà coûté 180.000 dollars. Mantz travailla avec son vieil ami, le colonel Chuck Yeager, qui l'aida à arranger des scènes aériennes filmées avec son B-25 "The smasher". Le montage traîna pendant des années.

H. Hughes voulait, avec ce film, rééditer le coup de "Hell's angels" (1930) en mêlant aviation et sexe, cocktail qui avait bien marché. Rappelons que Hughes, bisexuel notoire et plutôt obsédé, mettait dans tous ses films des allusions sexuelles plus ou moins claires, au niveau des dialogues, des situations...

Côté sexe, il y a la très belle Janet Leigh, sorte de Lilya Litvak qui aurait troqué son Yak-1 contre un jet, bien moulée dans sa combinaison de vol, que le colonel Wayne lui ordonne d’enlever pour procéder à une fouille ! Vous connaissiez la jupe fendue, vous aurez droit au pantalon fendu, Hughes s’étant toujours intéressé, en plus de l’aérodynamique, au (sous) vêtement féminin et au "soutien des masses" (tout comme les Soviétiques, mais dans un autre registre...).

Côté aviation, on peut apprécier de magnifiques vues aériennes avec des jets qui étaient, en 1950, à la pointe de la technologie US. Quand le film sortit, ces appareils étaient déjà en voie de remplacement. Les derniers Northrop F-89 Scorpion furent remplacés par des F-102, en 1957, la production du F-86 s’arrêta en 1958 et le B-36 fut retiré du service par le SAC, en février 1959. En 1981, les avions du film étaient devenus des pièces de musée, les F-16 avaient remplacé les F-86, les B-1 les B-36 (merci, la guerre froide ?). Ce film est donc le témoin du passé et du rapide progrès technologique de l’aviation dans la seconde moitié du XX° siècle.

"Les espions s'amusent", que certains considéraient comme un film de propagande anti-communiste, reçut l'aide de l'USAF qui fournit les avions et les pilotes, dont le colonel Chuck Yeager et le major Charles Rayburn Cunningham. Le tournage eut lieu sur plusieurs bases militaires, en Californie, mais aussi dans le Colorado, le Texas…

Le film commence au dessus de l'Alaska, lors d'un vol d'exercice, quand le colonel Jim Shannon reçoit l'information qu'un avion soviétique a pénétré dans l'espace aérien américain. Jim envoie alors le major Rexford intercepter l'avion et l'escorter jusqu'à la base. Au sol, ils ont la surprise de constater que l'avion est piloté par une femme, le lieutenant Anna Marladovna ! En un Anglais parfait, elle explique qu'elle a fait défection car elle craignait d'être exécutée après avoir désobéi à un ordre... Conduite à l'état major, le général Black veut bien lui offrir l'asile, à condition qu'elle lui fournisse des informations sur les forces soviétiques, ce qu'elle refuse. Black et le major Lester donnent l'ordre à Jim de séduire la belle Anna, afin de mieux lui tirer les vers du nez. En attendant, elle est traitée comme une invitée de l'USAF. On lui confie même un jet et elle reçoit l'autorisation de faire, avec Jim, un exercice d'interception d'un bombardier, tout cela pour mieux déterminer son niveau d'entraînement et ses connaissances réelles. Jim invite Anna à passer un week end à Palm Springs, où elle a tout le loisir de goûter aux plaisirs du capitalisme : robes, lingerie fine, nourriture abondante, long drinks, chambre d'hôtel confortable…Leur relations deviennent alors de plus en plus étroites. Mais Jim apprend soudainement qu'Anna est sur le point d'être emprisonnée. Il décide alors de se marier avec elle, pour lui éviter la prison. Ce n'est qu'ne fois marié, qu'il se présente devant le général Black qui l'informe qu'Anna est une espionne, nommée Olga Orliev, comme le prouve certaines communications téléphoniques ! Jim imagine alors un plan secret. Il fera semblant de faire défection, par amour pour elle; ils fuiront tous les deux en URSS, où il pourra à son tour, espionner les Soviets ! Tout se passe comme prévu et ils atterrissent en Sibérie. Jim est interrogé chaque jour, mais le supérieur d'Olga comprend vite que Jim ne leur apprend rien de bien neuf. Il décide alors de lui faire faire les essais d'un nouveau chasseur très peu sûr. Anna découvre que Jim joue un double jeu, mais son amour pour lui est plus fort et elle ne se ressouda pas à avertir les services de renseignements. Peu avant les essais du chasseur, le colonel Matoff lui confie que Jim doit être échangé, juste après les essais, contre neuf agents soviétique retenus à l'Ouest, mais qu'on lui administrera, à son insu, une drogue qui lui fera perdre toute la mémoire et même la raison ! Pour le sauver, Anna se débarrasse du militaire, chargé de sa garde, et saute dans un jet. Elle rejoint Jim en vol et lui demande de la suivre. Après avoir atterri sur un petit terrain, elle le prend à son bord, puis sème les avions lancés à leur poursuite. Des semaines plus tard, à Palm Springs, Anna et Jim célèbrent leurs retrouvailles devant un bon steak.

En bref, ce film avec de beaux (vieux) jets et de longues scènes aériennes (le quart de la durée du film) doit figurer dans la vidéothèque de tout aérocinéphile qui se respecte, malgré un scénario loufoque et des dialogues totalement fous, tout à fait dignes d'Howard Hughes.

 

Les avions du film :

Les scènes aériennes auraient été filmées, en plus du B-25 de Paul Mantz, par un Martin B-57 Canberra, à Hamilton AFB (CA) et par un B-45 Tornado, à Edwards AFB (CO). Si l'approche de la piste 30 d'Hamilton AFB, au dessus de la baie de San Pablo, et le tarmac de la base de George AFB (Victorville), sont assez bien identifiables, les autres bases sur lesquelles se déroula le tournage, le sont moins bien. On cite parmi ces autres bases, March Field (CA), Kelly (TX), Lowry (CO), Williams (AZ)…

Le principal avion du film est le North American F-86 Sabre. Cet avion fut livré à l'USAF à la fin de 1949. Au début du film, on voit huit North American F-86 Sabre du 94th Fighter Squadron, une des premières unités a en être équipée. Les portent l'insigne du "Hat in the ring" du 94th FIS, combinée avec celle du 1st Fighter Wing (Air Defense Command). Le 94th FIS fut rattaché entre 1947 et 1948 à l'Alaska Air Command, puis stationné sur la base de Victorville (plus tard, George) AFB (CA), en 1950. Lors du tournage, ils venaient juste d'arriver de Ladd AFB (Alaska). Tous ces Sabre sont des modèles de début de série, des F-86A-1 (FU-625, s/n 47-625, FU-627, s/n 47-627) et des F-86A-5 (FU-144, s/n 48-144, FU-147, s/n 48-141, FU-160, s/n 48-160, FU-190, s/n 48-190, FU-197, s/n 48-197). On remarquera la vitre frontale en deux parties et, sur certains exemplaires (comme le FU-197), les bouches des mitrailleuses, masquées par une plaque qui s'effaçait avant le tir. Ce dispositif compliqué ne fut pas conservé sur les modèles ultérieurs. Plus tard, sur le tarmac de George AFB, quand Anna va être lâchée sur F-86, on voit d'autres F-86A, dont les FU-180 (s/n 48-180), 235 (s/n 49-1235), 285 (48-285), 208 (s/n 48-208). Jim et Anna volent sur les FU-160 (s/n 48-160) et FU-180 (s/n 48-180). En arrière plan, on distingue de nombreux North American T-6, et même des North American F-51 Mustang.

L'avion soviétique, intercepté par le major Rexford est, selon lui, un "Yak-12" , peut-être a t-il voulu dire "Yak-15" ! On sait que les pilotes de chasse faisaient souvent des erreurs d'identification (notamment pendant la seconde guerre mondiale), mais, de là, à confondre un jet avec l'équivalent d'un Cessna 170, il y a un pas ! C'est peut être un aspect du secret qui entourait la production aéronautique soviétique, au début des années cinquante ? Mais on retrouvera ce genre d’erreur, encore, en 1982, avec le "MiG 31" de Firefox (1982). Le "Yak-12" est un authentique Lockheed T-33, tout noir, sans ses bidons, ce qui permet de mettre en valeur la pureté de ses lignes.

Les Sabre atterrissent sur la base d'"Eilison", en Alaska, où on voit de nombreux avions sur le parking enneigé : des F-86 Sabre, un B-36 (avec la dérive rouge, donc opérant dans le grand nord), mais aussi plusieurs Boeing B-29 appartenant au 22nd (circle E) et au 43rd (Circle K) Bombardment Groups.

Jim et Anna s'envolent de nuit pour intercepter un Convair B-36B-15-CF Peacemaker (s/n 49-2065) de la 8th Air Force (Triangle sur la dérive, mais sans lettre d'identification du Bomb Wing). Ses quatre tourelles arrière, équipées chacune de deux canons de 20 mm, sont sorties, mais pas celles de l'avant, situées uniquement sur le dos du fuselage; c’est la seule fois où on les voit dans un film et cette configuration est rarement photographiée.

L'intercepteur est un Lockheed F-94A-1-LO Starfire (s/n 49-2479A). Il s'agissait du premier avion de série, pratiquement construit à la main, à partir d'une cellule de TF-80C-1-LO, prise sur la chaîne de production. Les premiers F-94A furent livrés en décembre 1949. On peut voir que le buzz number "FA-479" a été repeint sur un autre (dont on distingue les deux derniers chiffres ".05". Il a conservé les réservoirs courts, fixés en dessous des ailes, du chasseur F-80. Après avoir servi à des essais, le FA-479 fut reversé au 134th FIS de la Garde Nationale du Vermont, basée à Ethan Allen AFB, en 1957. Réformé à la fin de l'année et envoyé à l'AMARC de Tucson (AZ), il fut ferraillé en août 1958. Quand le F-94 se sépare du B-36, il devient un Lockheed T-33…

Le film nous montre une interception classique à l'aide du système de tir Hughes E-1 qui comprenait un radar AN/APG-33 de recherche et de poursuite, dont l'écran se trouvait en place arrière et un système de visée Sperry A-1C, associé à un calculateur de tir, dans le poste avant. L'avion était amené à proximité de la cible, par le contrôle au sol, comme en 1940. Puis, le radariste "accrochait" la cible à une distance maximale de 16 km et guidait le pilote jusqu'à l'amener sur l'arrière du bombardier. Le viseur indiquait au pilote quand il était à bonne portée (1 100 m maximum). Malheureusement, le chasseur était ainsi exposé au feu des canons pilotés par radar, situés dans la queue du B-36, et pouvait être abattu avant même de tirer, ce qui n'est pas évoqué dans le film... Le F-94 présentait un autre inconvénient. Quand Anna monte dans le poste arrière, lors de son départ en URSS, on voit que la console radar installée au dessus du tableau de bord doit être relevée. En opération, cette console était abaissée et empêchait toute éjection dans cette position. Le cockpit était très étroit (on se demande où Anna a bien pu loger son gros sac de voyage) et il était difficile d'y entrer ou d'en sortir rapidement, lors des alertes. L'espace pour les sièges éjectables était également trop petit, ce qui occasionna plusieurs accidents lors des éjections.

Sur un terrain soviétique (George AFB), Anna, alias Olga, discute avec le colonel Matov, devant un Boeing B-50. Derrière, on voit rouler le prototype Northrop XF-89 Scorpion, tout noir, qui avait fait son premier vol le 15 août 1948. Olga doit s'envoler avec son garde du corps, dans un F-89A de série, portant le buzz number "FV-436" (s/n 49-2436), un avion arrivé au 2759th Flight Test Group de Muroc AFB (CA), en juillet 1950. Il fut affecté ensuite au 3077th Evaluation Group d'Edwards AFB (CA). Il fit un atterrissage forcé en mars 1951et en mai, fut endommagé par un incendie au sol. Il fut par la suite affecté à Amarillo AFB (TX) comme une cellule de formation.

La poignée du siège éjectable (qui en avait une de chaque coté), n'est pas celle du siège d'un F-89, mais sans doute celle d'un Republic F-84 (des premiers modèles). Auparavant, Jim avait montré la même commande à Anna, quand il lui faisait un petit amphi-cabine sur le F-86.

Le "chasseur parasite" russe que Jim doit essayer est en fait le Bell-XS-1 (s/n 46-062), baptisé "Glamorous Glennis" (en l'honneur de la femme du pilote, Chuck Yeager), l'avion fusée qui passa pour la première fois le mur du son (record homologué), le 14 octobre 1947. Son cinquante cinquième et dernier vol, eut lieu le 12 mai 1950, piloté par Yeager, pour les besoins du film. Il conserva sa décoration rouge et blanc du tournage, quand il fut acheminé sous un B-29 à Wright-Paterson AFB puis, expédié au National Aeronautices and Space Museum, à Washington (DC), le 6 août 1950. Il fut restauré et repeint sous ses couleurs d'origine en 1976, quand il fut exposé dans la Milestones of Flight Gallery.

Le X-1 décolle sous le ventre d'un Boeing EB-50A, son marquage ayant été masqué, à l'exception de son serial (s/n 46-0006) sur la dérive. Cet avion sera perdu, le 9 novembre 1950, au sol, lors de l'explosion du troisième X-1. La scène où on voit le B-50 décoller figurera dans le film "L'étoffe des héros (1983).

Le X-1 est poursuivi par des F-86 soviétiques décorés comme le T-33 d'Anna, avec une dérive repeinte pour la faire apparaître comme celle du T-33…

 

Christian Santoir

*Film disponible sur amazon.fr

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