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JUNGE ADLER

 

JUNGE ADLER

 

Année : 1944
Pays : Allemagne
Durée : 1 h 48 min.
Genre : Drame
Noir et blanc

Rélisateur : Alfred Weidenmann
Scénario : Herbert Reinecker, Alfred Weidenmann

Acteurs principaux :
Willy Fritsch (Roth), Herbert Hübner (Brakke), Gerta Böttcher (Annemie Brakke), Albert Florath (Herr Stahl), Karl Dannemann (Herr Bachus), Paul Henckels (Dr. Voß), Aribert Wäscher (Herr Zacharias), Josef Sieber (le pilote), Martin Dietmar (Theo Brakke), Manfred Schrott (Otto), Gunnar Möller (Spatz)
 

Musique : Hans-Otto Borgmann
Photographie : Klaus von Rautenfeld
Producteur : Hans Schönmetzler
Compagnie Productrice : Ufa-Filmkünst GmbH

Avions :

  • Grünau Baby, D-1-445
  • Heinkel He.111H 
  • Heinkel He.172, D-EEHU

 

Notre avis :

« Junge Adler » fut le dernier film destiné à la jeunesse, tourné pendant le troisième Reich. Sorti à Berlin le 24 mai 1944, il apparaît comme le film national socialiste le plus accompli du genre, « conçu pour les jeunes, joué par les jeunes, apprécié par les jeunes » selon les dires d’un haut responsable du ministère de la Jeunesse de l’époque. Le réalisateur et le scénariste étaient des nazis convaincus, et avaient le grade d’Oberbannführer dans les services de Presse et de la Propagande du même ministère.

« Junge Adler » est en quelque sorte un réponse de la jeunesse au discours du Dr. Goebbels prononcé le 19 février 1943 au Sport-palast de Berlin, sur la «guerre totale ». « Production pour le front » ou « Le travail par la joie » auraient pu être aussi les sous-titres de ce film à gros budget commandé par l’Etat. Les jeunes, autant que les autres, devaient être impliqués dans l’effort de guerre. C’est ainsi que l’histoire se déroule, non pas dans un milieu bourgeois, ou dans un banal camp des Jeunesses hitlériennes, mais dans l’environnement plus moderne, d‘un centre d’apprentissage d’une usine d’aviation, en l’occurrence, Heinkel. Depuis le début de la guerre, les droits des mineurs avaient été fortement restreints en Allemagne. On avait accordé aux entreprises le droit d’allonger le temps de travail des jeunes qui pouvait dépasser dix heures par jour. On pouvait aussi supprimer le repos nocturne, pour une durée déterminée, si l’effort de guerre nécessitait l’accélération des cadences. Les jeunes de plus de seize ans pouvaient être ainsi obligés de travailler nuit et jour.

Le titre du film est impropre, car il ne fait pas de propagande pour l’aviation, comme on pourrait le croire. Les « jeunes aigles » passionnés d’aviation des Jeunesses hitlériennes devront à treize ans, travailler nuit et jour pour éviter le « crash » du troisième Reich. Alors que l’on s’approche de la lutte finale, les jeunes « soldats du travail » sont jetés dans la bataille de la production. Quand le jeune Bäumchen reçoit son baptême de l’air, c’est plus pour l’inciter au travail, que pour lui faire envisager une carrière de pilote. Le film utilisait l’engouement des jeunes pour l’aviation, pour mieux les amener à travailler dans l’industrie aéronautique : avant de voler, il faut d’abord construire l’avion…Le film fait appel au sens des responsabilités de la main d’oeuvre juvénile face à la menace ennemie, afin de s’assurer de son total engagement dans l’effort de guerre. Les « jeunes aigles » seront maintenus au sol et enrôlés dans le système oppressif de la production de guerre. Que ce soit la seule alternative à la liberté de voler est traduit, involontairement, dans le film, par un jeune (très clairvoyant), qui ouvre la cage à son oiseau, en disant « Quand on a été là haut, on ferait mieux de ne jamais redescendre.. » Mais la supériorité aérienne des Alliés ne pouvait plus être combattue par l’augmentation des rendements ou par un travail acharné. La joyeuse camaraderie des jeunes apprentis du film n’était qu’une illusion maladroite, dans le quotidien de 1944.

Le jeune Théo est le fils gâté du directeur d’une usine aéronautique. C’est un bon sportif mais un piètre lycéen. Après avoir fêté avec ses amis sa victoire à une régate, il endommage la voiture d’un restaurateur. Quand il revient tard à la maison, son père l’attend et lui annonce sa décision de l’envoyer dans un centre d’apprentissage de son usine. Les jours suivants, Theo se retrouve effectivement en apprentissage et apprend à connaître ses camarades venus d’horizons divers. C’est très dur pour lui de s’adapter à un travail manuel nouveau, dans un environnement étranger. De surcroit, un sentiment de culpabilité l’accable, quand le restaurateur parvient à l’identifier. Il lui accorde cependant un délai pour réparer sa faute. Après leur formation, les apprentis sont amenés à l’usine où ils doivent fabriquer les cabines de pilotage d’une série de bombardiers. Ils seront récompensés selon leur travail. Ils pourront ainsi bénéficier de période de repos au bord de la mer, où ils pourront s’initier au vol à voile. Theo commence à se rapprocher de ses camarades. Mais il est toujours en froid avec son moniteur, Roth. Ce dernier accapare sa soeur lors d’une de ses visites au camp de repos, de sorte qu’il ne peut lui parler de son problème avec le restaurateur. Après l’incendie de l’usine où une partie de la production a été détruite, les apprentis sont rappelés. Après leurs heures normales de travail, les jeunes se glissent dans l’usine pour travailler la nuit. Theo est un des plus enragés au travail. Il avoue à son ami Otto sa sottise. La solidarité des apprentis intervient alors, et ils décident de réparer la faute de Théo, collectivement. Mais le restaurateur a averti le père.de la dépravation morale de son fils. Désespéré, Theo grimpe sous le toit du hangar pour se précipiter dans le vide. Mais ses camardes persuadent son père du changement d’esprit de son fils. L’issue heureuse de ce conflit familial est fêté avec un grand concert donné à l’usine, qui se termine par une marche composée par un des apprentis et chanté par un chœur de jeunes. Dans la dernier image, des groupes défilent en chantant devant les bombardiers alignés.

Ce film jusqu’au-boutiste, tout à fait dans le gout des dirigeants nazis, fit sa première à Berlin devant les représentants de la Jeunesse du Reich mélangés aux diplomates et aux principaux chefs de l’Armée. Le Dr Goebbels nota dans son journal,  en date du 10 juin 1944 : « Il est étonnant que le dernier film sur les jeunesses Hitlériennes, Junge Adler, n’ait pas rencontré le succès du public. C’est peut etre dû au fait que le public ne veut pas voir de  film politique ».. Le public en avait peut être assez des mensonges, alors que les Alliés venaient juste de débarquer en Normandie et d’ouvrir un second front en Europe. La propagande était chaque jour rattrapée par la dure réalité d’une catastrophe annoncée. Une enquête révéla que les films faits pour les jeunes, rataient totalement leur cible, le jeune public leur préfèrant, et de loin, les films à caractère historique (« Der grösse König », « Bismarck », « Ohm Krüger »..)..

Face à d’autres films de propagande nazis, celui ci pourrait paraître anodin. A la verité, ce film sera interdit par les Alliés pour apologie de la guerre auprès de la jeunesse. Ce n’est qu’en 1996, que le film sera autorisé à paraître de nouveau en Allemagne. Avec plus de cinquante ans de recul, ce film apparaît aujourd’hui comme un moyen de mieux comprendre l’époque nazie et le système de manipulation des consciences mis en place par le régime fasciste.

On remarquera dans ses tout premiers débuts à l’écran, le jeune Eberhard Krüger (15 ans à l’époque), membre des Jeunesses hitlériennes, qui deviendra quelques années plus tard, Hardy Krüger (Cf. « L’évadé du camp » 1957, « Le vol du Phénix » 1966, « La tente rouge »  1971 ).

Le film tourné sur le site de l’usine Heinkel de Rostock, sur la Baltique, traduit aussi l’implication du constructeur dans la machine de guerre nazie, comme d’autres industriels, et notamment, Willy Messerschmitt, avec lequel Ernst Heinkel (auquel Brakke, le directeur de l’usine, ressemble beaucoup) rivalisait pour obtenir les contrats du Ministère de l’Air. Les deux minutes de scènes aériennes nous laissent sur notre faim, et ne nous montrent que quelques rares productions des usines Heinkel.

 

Les avions du film :

Plusieurs bombardiers Heinkel He.111H sont filmés au sol, et en vol. Les jeunes apprentis fabriquent le nez vitré de cet appareil. Dans leur usine, on aperçoit une des dernières versions du He.111, le H-16, équipé, sur le dos, d’une tourelle à moteur électrique, dotée d’une unique mitrailleuse MG 131.

Le jeune « Bäumchen » a droit à un baptême de l’air dans un avion assez rare, le deuxième prototype du Heinkel He.172 (D-EEHU). Cet avion, sorti en 1934, était une amélioration du Heinkel He.72 Kadett, mais il ne fut pas construit en série.

Sur les bord de la Baltique, les jeunes s’initient au vol à voile sur un Grünau Baby (D-1-445) lancé à l’élastique.

 

Christian Santoir

 * Film en vente sur www.germanvideo.com

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