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LES VOLONTAIRES DE LA MORT

 

LES VOLONTAIRES DE LA MORT

Vo. Hawai - Mare Oki Kaisen / ハワイ・マレー沖海戦

 

Année : 1942
Pays : Japon
Durée : 1 h 55 min.
Genre : guerre
Noir et blanc

Réalisateur  : Kajiro Yamamoto
Scénario : Kajiro Yamamoto

Acteurs principaux :
Susumu Fujita, Setsuko Hara, Fumito Matsuo, Kunio Mita, Denjirô Ôkôchi, Jiro Takano, Daihachiro Takebayashi, Haruo Tanaka, Frank Tokunaga, Hiroshi Yamagawa

Photographie : Akira Mimura
Musique : Seichi Suzuki
Producteur : Nobuyoshi Morita
Compagnie productrice : Toho

Avions :

  • Aichi D3A1 Val, document.
  • Kyushu K10W1
  • Mitsubishi A6M2, document.
  • Mitsubishi G3M2 Rikko
  • Nakajima B5N1 Kate, document.
  • Yokosuka K4Y1
  • Yokosuka K5Y1
  • Notre avis :

    Malgré son titre français, "Les volontaires de la mort", ce film, qui sortit à Paris en juin 1944, ne traite pas des kamikazes, mais surtout de l’aviation japonaise embarquée. Pendant la guerre du Pacifique, les marines américaine et japonaise se firent la guerre, non pas à coup de canons, mais, sans se voir, en s’envoyant des bombardiers en piqué ou des avions torpilleurs, les cuirassés servant surtout de navires DCA ou de batteries flottantes lors de l’attaque des îles. Ce film à gros budget, sorti au Japon le 3 décembre 1942, commémorait le premier anniversaire de l’attaque de Pearl Harbor, mais aussi la destruction de la flotte britannique en Extrême-Orient.

    C’était le film japonais le plus coûteux de l’époque, vu la qualité de ses effets spéciaux qui surpassaient tout ce qui avait été fait avant. On reproduisit en studio un modèle de la rade Pearl Harbor qui s'étendait sur plus de six cent mètres carrés.Les maquettes des navires de guerre avaient deux mètres de long, et les techniciens qui les manipulaient, avaient de l'eau jusqu'à la taille. Les scènes de bataille, filmées avec ces maquettes furent si réalistes et si savamment mêlées à des films d’actualité, que certains Américains qui virent le film après la guerre, pensèrent qu’elles étaient réelles ! On dit que le commandement suprême des forces alliées en Extrême-Orient saisit la pellicule et la vendit à la Movietone News Corp. comme un authentique film de guerre sur l’attaque de Pearl Harbor…Les effets spéciaux étaient dus au talent d’Eiji Tsuburaya qui s’illustrera plus tard avec « Godjira » (Godzilla), en 1954. L’actrice principale du film, Satsuko Hara, était une star omniprésente dans les films japonais du temps de guerre.

    La première partie du film se focalise sur l’entraînement, physique et mental, des jeunes cadets de la Marine impériale dans le cadre du programme « yokaren » de formation des pilotes de l’aéronavale. La seconde partie, essaie de recréer les attaques de Pearl Harbor et des navires de guerre anglais, à la manière des films d’Hollywood, un style qui fit enfler les budgets des productions cinématographiques qui sortaient à chaque mois de décembre, du moins, tant que l’économie nationale put le permettre... Dirigé par le maître de la comédie, Kojiro Yamamoto, ce film de propagande n’est pas dépourvu d’humour.

    Le cadet Tomoda revient au village voir sa famille. Son cousin l’envie et décide de s‘engager lui aussi dans l’aviation navale. On passe alors subitement de la maison à la caserne. La formation des jeunes recrues est rigoureuse et met l’accent sur les exercices physiques : gymnastique, courses d’endurance, arts martiaux, lutte, rugby (influence de la marine anglaise)... Mais le cadet est avant tout un marin, et doit s’exercer à ramer sur des baleinières, naviguer à la voile, transmettre des signaux.. L’apprentissage des langues étrangères, comme l’allemand, la langue du grand allié de l’Axe, est aussi au programme. Côté aviation, l’école de base se fait sur des biplans, avions terrestres ou hydravions. Leur formation à terre terminée, les cadets embarquent à bord de l’« Akagi », où ils doivent obtenir leur qualification de pilote de porte-avions, ce qui ne va pas sans casse, notamment lors de l’entraînement de nuit. Tomoda profite d’une permission pour se rendre au mausolée de l’amiral Togo, le vainqueur des Russes à Port Arthur et Tsushima, afin de se recueillir et se pénétrer de son esprit. Sur l’ « Akagi», qui porte la marque de l’amiral Nagumo, on se prépare au combat. Puis, la flotte japonaise appareille pour une destination inconnue. Les pilotes continuent à bord leur formation en s’exerçant à reconnaître les silhouettes des navires ennemis. Ce n’est qu’après quelques jours de mer, que les marins, regroupés sur le pont, prennent connaissance de l’ordre du jour et de leur destination : Pearl Harbor ! Avant l’attaque, on leur sert un repas amélioré. La flotte japonaise approche, car déjà la radio d’Hawaï est captée à bord. C’est le week-end, et les Américains se donnent du bon temps dans les boites de nuit. Pendant qu’ils dansent sur des airs de jazz, les Japonais fourbissent leurs avions. Enfin, l’ordre de décollage est donné, le porte-avions se met face au vent, et les chasseurs décollent les premiers, suivis bientôt par les bombardiers en piqué et les torpilleurs. Au lever du jour, le dimanche, guidée par la radio d’Hawaï, la flotte aérienne japonaise se présente au dessus de Pearl Harbor, à peine réveillé, et se lance à l’attaque. Comme à l’exercice, les avions placent leurs bombes et leurs torpilles. L’effet de surprise a joué ! Le chef d’escadrille lance le mot de code convenu « To ra ! To ra ! To ra ! ». Les cuirassés coulent ou se retournent, les dépôts de carburant flambent, les avions parqués en rangs serrés sur les tarmac, sont mitraillés. A bord de l' « Akagi » on écoute aussi la radio d’Hawaï, dont le speaker finit par avertir ses auditeurs de l’attaque en cours. Au dessus de l’île, quelques rares avions américains ont réussi à prendre l’air, et s’attaquent aux chasseurs. Un Zéro est touché; son pilote, plutôt que d’essayer de revenir à son porte-avions, préfère s’écraser sur un hangar..L’attaque terminée, c’est le retour sur l’ « Akagi », mission accomplie. Quelques jours plus tard, c’est au tour des avions de la Marine basés en Indochine, d’attaquer la Marine anglaise. Plusieurs vagues de bombardiers décollent, saluées par le personnel au sol qui agite sa casquette, une forme de salut traditionnel dans la Marine. Les navires britanniques (HMS "Prince of Wales" et HMS "Repulse") sont repérés, puis attaqués à la bombe et à la torpille. Malgré une DCA intense, les navires sont touchés et coulent. La victoire est totale !

    Ce film quasi-documentaire, très semblable à « Nippon young eagles » (1941) du même réalisateur, ne nous épargne aucun aspect de la vie des cadets, dans l’école du Yokaren, le programme de formation des pilotes réservistes de la Marine, à Tsushiura, ni de leur vie à bord ; il fourmille de détails intéressants. On se rend compte d’abord que la Marine japonaise était une arme très traditionnelle. Les cadets dorment dans d’immenses dortoirs, dans des hamacs qui sont pliés chaque matin, comme dans la marine à voile des siècles passés. Les dortoirs servent également de réfectoires et de salles de cours. Avant de partir au combat, sur le porte-avions, on déménage les meubles du quartier des officiers, toujours comme sur un bateau à voile de l’ancien temps. On a aussi quelques aperçus sur la pratique religieuse des marins, avec les petits autels dans les coursives, et le pilote faisant des libations (de saké ?) dans le cockpit de son avion, où sont fixés en bonne place les amulettes porte-bonheur.

    Les observations que l’on peut faire sur le porte-avions « Akagi » sont non moins intéressantes. On remarque tout d’abord l’îlot, situé de façon inhabituelle, à bâbord (comme sur le « Hiryu »). Cet îlot n’est pas blindé et pour partir en guerre, on a « bricolé » un matelassage de boudins de sable, ou de kapok, pour le protéger contre les éclats et la mitraille ! Les passerelles des bateaux japonais étaient déjà équipées de la sorte, lors de la bataille de Tsushima (1905) ! Pour se mettre face au vent, on utilise de la fumée sortant tout à l’avant du pont, comme sur les porte-avions anglais. Par contre, le dispositif de guidage des avions lors de l'appontage, est tout à fait moderne, et même plus perfectionné que celui des porte-avions occidentaux. Les pilotes atterrissent sans l’aide d’un officier de pont, mais d’un système de deux rangées de feux lumineux, leur indiquant l’alignement et le plan de descente, (quand on connaît leur emplacement exact on peut les voir très rapidement sur l’ « Akagi »). L’entraînement à l’appontage de nuit faisait partie de l’entraînement de base, du moins, au début de la guerre.

    Les effets spéciaux comme les maquettes employées, sont d’un excellent niveau, bien meilleur que les maquettes d’Hollywood de la même époque. Il faudra l’arrivée de l’ordinateur pour faire mieux. On remarque à quel point les films occidentaux plus récents, s’inspirèrent de ce film, à commencer par « Tora ! Tora ! Tora !» (1970). Certaines scènes ont été purement et simplement copiées. On ne sait pas si cela tient au fait que l’assistant de Yamamoto en 1942, Akira Kurosawa, ait été chargé, en 1969, de réaliser la partie japonaise de ce film. Mais il fut bientôt remplacé par Richard Fleischer et Toshio Masuda, Kurosawa n’acceptant pas de se faire enfermer par un script par trop précis. Même la musique de style wagnérien, très semblable à celle de la chevauchée des Walkyries, qui accompagne les Mitsubishi s’apprêtant à attaquer les navires britanniques, se retrouvera, plus tard, dans un film célèbre, qu’il n’est pas besoin de nommer…

    Au moment du tournage, l’ «Akagi» avait déjà été coulé (le 25 mai 1942, à Midway) et on reconstruisit son îlot caractéristique, pour reconstituer la scène du décollage vers Pearl Harbor. Mais on voit aussi des décollages et atterrissages à bord du vrai porte-avions, filmés avant Pearl Harbor. L’îlot est alors dépourvu de ses protections.

    Ce film reçut au Japon le prix du meilleur film de l’année 1942.Les enfants des écoles, les ouvriers des usines d'armement, les associations civiques, eurent droit à des projections spéciales. Dans les pays occupés, il fut projeté aux militaires comme aux civils. Peu de temps avant sa sortie, la situation militaire du Japon commençait à se dégrader ; après Midway, les forces japonaises avaient été battues à Guadalcanal, et on avait bien besoin de films patriotiques. Ce film rappelait les éclatantes victoires du début de la guerre, mais aussi, un des premiers sacrifices, celui du lieutenant de vaisseau Iida, du « Soryu », dont l'avion, touché par la DCA, perdait son carburant, préféra se jeter sur un hangar (qu’il rata) de la base aéronavale de Kane'ohe. « Les volontaires de la mort » fut un des rares films étrangers (non allemand) à sortir à Paris, le 14 juin 1944, huit jours après le débarquement de Normandie, qui allait, comme Pearl Harbor, devenir un événement historique tout aussi important.

     

    Les avions du film :

    Ce film présente plusieurs avions de la Marine impériale en service en 1941/42. La formation des cadets a lieu sur hydravion Yokosuka K4Y1 (Marine type 90), que l’on voit seulement au sol, et sur biplan Yokosuka K5Y1 (Marine type 93) terrestre.

    Pour l’aviation embarquée, on voit des Mitsubishi A6M2 Raisen (Marine type 0) dont le B-103 ; certains sont filmés alors qu’ils décollent de l’ « Akagi » (comme les A1-158, A1-108). Lors de l’attaque de Pearl Harbor ont voit décoller de l’ « Akagi » des Aichi D3A1 Val (comme le A1-207), des avions qui ne participèrent qu’à la seconde vague d’assaut, et plusieurs Nakajima B5N1 Kate qui ne participèrent qu’à la première vague. Ces appareils, sont filmés lors de vols d’entraînement avant Pearl Harbor. Les Aichi n’emportent que deux petites bombes de 60 kg sous les ailes. A l’époque de Pearl Harbor, tous les B5N1 avaient déjà été remplacés par des B5N2 munis d’un moteur Nakajima Sakae II plus puissant. Les B5N1 que l’on voit ne portent pas le code de l’ « Akagi », mais le code K ( K-315, 317, 320..) qui en feraient des avions du « Kaga » en 1938 ou 1939.

    L’aviation navale basée à terre est représentée par les bombardiers Mitsubishi G3M2 Rikko (Marine type 96) qui participèrent à l’attaque des bateaux anglais HMS « Prince of Wales » et « Repulse ». On voit un grand nombre de ces avions décoller d’un terrain dont les G-313, 320, 332, 334, 339, 342, 343 du Genzan Kokutaï, et les M-352, 357, 365, 366, 367.du Mihoro Kokutaï. On est étonné de voir cet avion plutôt bien profilé, emporter ses charges (bombes ou torpilles) sur des supports extérieurs, sous le fuselage, ce qui devait le ralentir. Quand l’avion roule au sol, le pilote est guidé par le copilote debout, dont le buste sort par un panneau du cockpit. On a aussi de belles vues de l’intérieur, et notamment du poste de pilotage qui regroupait le copilote, le pilote (à droite, sur les avions de la Marine comme de l'Armée), le radio et le commandant de bord. Les hommes communiquent par geste ou par tuyaux acoustiques (Gosport), comme sur un biplan d’entraînement, car il n’y a pas d‘interphone. Personne ne porte de parachute, juste un gilet de sauvetage en kapok, un point d’honneur chez les équipages de Rikko...Les commandes moteur sont situées au plafond, malgré l’aile médiane. Suspendue dans le cockpit, on voit une petite poupée fétiche. Les samouraï de l’air partageaient les mêmes superstitions que leurs adversaires occidentaux.…

    On est étonné de voir apparaître dans le rôle d’un chasseur américain, un North American NA-16, à train fixe, décoré comme un avion d’entraînement de l’US Army. En réalité, il ne s’agit pas d’une prise de guerre, mais d’un NA.16-4R construit sous licence par Watanabe Tekkosho. Cet avion modifié, désigné Kyushu K10W1, resta en service pendant toute la guerre.

     

    Christian Santoir

    * Film disponible sur https://ok.ru/video/


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