ESCALE A ORLY
Année : 1955
Pays : France, Allemagne de l'ouest
Genre : Comédie
Durée : 1 h 45 min.
Noir et blanc
Réalisateur : Jean DREVILLE
Scénario : Paul ANDREOTA, Jacques COMPANEEZ
Histoire originale : roman de Curt RIESS
Principaux acteurs :
Dany ROBIN (Michèle Tellier, dite 'Baby Face'),
Dieter BORSCHE ( Eddie Miller), Simone RENANT (Gloria Morena), Heinz RÜHMANN (Albert Petit),
François PERIER (Pierre Brissac), Micheline GARY (Geneviève), Véronique
DESCHAMPS (Denise), Gisela von COLLANDE (Madame Petit), Marina THAN (Jenny),
Doris KIRCHNER (Arlette, secrétaire de Boreau), René BLANCARD (directeur d'Air
France), Georges LANNES (Commissaire Ludo), Hans NIELSEN ( Eugène Boreau),
Roger TREVILLE ( Douglas Moore)
Musique : Paul MISRAKI
Photographie : Helmut ASHLEY
Producteurs : Alexandre LOURIE, Ray VENTURA
Compagnies productrices : Corona Filmproduktion, Hoche Productions, Marina Films
Avions :
- -Douglas DC-4-1109, F-BBDH
- -Douglas C-54A, F-BELF
- -Lockheed Constellation 749A, N6020C
- -Lockheed Constellation 749A, N86521
- -Lockheed Constellation L049, PP-PCR, , en arrière-plan
- -Lockheed 749A Constellation, F-BAZE, en arrière-plan
- -Lockheed L1049C Super Constellation, F-BGNC, en arrière-plan
- -Lockheed 749 Constellation, F-BAZI, en arrière-plan
- -Vickers Viscount 708, en arrière-plan
Notre avis :
Jean Dréville réalisa ce film franco-allemand entre une biographie d’Hélène Boucher ("Horizons sans fin", 1952) et une évocation des combats des pilotes français "libres", aux cotés des Soviétiques ("Normandie-Niemen", 1959), pendant la seconde guerre mondiale. C’est dire l’éclectisme de l’homme. Il avait été l’assistant de Marcel L’Herbier lors du tournage de "L’argent" (1928), un film où il était question d’un raid aérien transatlantique en direction de la Guyane. "Escale à Orly" bénéficie d’une distribution de qualité avec François Perrier, Dany Robin, et l’acteur allemand (et pilote privé), Heinz Rühmann, célèbre, entre autres, pour son rôle de Quax l’aviateur, dans les années quarante. Tout le film se passe à l’aéroport d’Orly où se croisent passagers anonymes et vedettes, et où se trament toutes sortes d’intrigues et de trafics. Le scénario est constitué de quatre histoires intimement liées, un procédé qui permet d’éviter le film à sketches : l’histoire d‘une hôtesse d’accueil amoureuse d’un pilote, celle d’une vedette de cinéma sur le déclin, celle d’un trafiquant de drogues, et celle d’un petit employé du service fret qui aura son heure de gloire.
Michèle Tellier, surnommée "baby face", est hôtesse d’accueil à l’aéroport d’Orly. Son ami, Eddie, commandant de bord à la TWA, la voit entre deux vols. Son oncle, Albert, travaille au service du fret. Il est dur d’oreille et doit porter un sonotone. Un jour, on lui apporte un colis urgent rempli de sonotones dernier cri, un modèle qu’il ne peut se payer. Comme le colis vient à s’ouvrir, après une chute, il essaie plusieurs appareils qui ne marchent pas ! Il téléphone au directeur de la compagnie expéditrice, un certain Boreau, qui vient reprendre sa marchandise, mais soupçonnant quelque chose de louche, Albert refuse de lui rendre ses sonotones, et les remet au commissaire de police de l’aéroport. Les sonotones sont en fait remplis de drogue ! Boreau, directeur d’une grosse maison d’import-export, est également le commanditaire du producteur Pierre Brissac qui vient accueillir à l’aéroport Gloria Morena, une star sur le retour. Celle-ci apprenant qu’elle doit jouer la mère d’une fille de dix huit ans, refuse de signer le contrat. Entre temps, Eddie a découvert qu’il aimait sa copine Michèle, et lui offre une bague de fiançailles. Mais, quand il lui avoue qu’il en a assez de l’aviation et rêve d’une vie pantouflarde, Michèle est très désappointée, et lui rend sa bague ! La police continue son enquête et le filet se resserre autour de Boreau. Brissac est interrogé par la police et comprend qu’il doit renoncer à son financement. Quant à Gloria, après avoir retrouvé par hasard, en salle de transit, son ancien amant, marié et père de famille, elle réalise qu’elle a vieilli, elle aussi, et accepte de jouer les mères. Brissac, tout heureux, a déjà repéré un nouveau sponsor éventuel, dans la personne d’un riche cubain. Alors que Boreau s’embarque pour New-York, ses bureaux sont perquisitionnés. L’oncle Albert qui a reçu une convocation de la direction croît qu’il s’agit de son renvoi. Boreau, furieux, lui avait promis de se plaindre en haut lieu. Alors qu’il s’est enivré pour noyer son désespoir, et voyant Boreau embarquer, il le suit dans l’avion pour lui demander d’intervenir en sa faveur, mais avant d’avoir pu l’aborder, il s’évanouit dans un siège. L’avion, piloté par Eddie, décolle pour New-York. En l’air, Boreau, qui a été averti au dernier moment que la police l’attend à l'atterrissage, décide de détourner l’avion. Dans la bagarre, les deux pilotes sont blessés, mais Albert qui s’est réveillé, assomme Boreau ! L’avion revient se poser à Orly. Albert est chaudement félicité et apprend que sa convocation n’était destinée qu’à le remercier pour sa découverte d’un trafic de drogue, les remerciements étant accompagnés d’un chèque substantiel. Eddie, blessé, qui a renoncé pour l’instant à se sédentariser, retrouve Michèle. La brouille est oubliée.
Ce film, en dehors d’une intrigue à "tiroirs", est intéressant car il s’attache à nous montrer, presque sous la forme d’un documentaire, l’aéroport de Paris-Orly en 1955, sous ses différents aspects : accueil, embarquement des passagers, débarquement des bagages et contrôle douanier, tour de contrôle, le bar (de la zone de transit), sans oublier le service incendie. La réalisation s'est attachée à reproduire les détails, comme les annonces des vols, qui sont exactes : "vol Air France AF2320 en provenance d'Alger, vol Air France AF251 à destination de Marseille, Niamey, vol TWA 931 en provenance de Rome…". Orly avait été rendu au service civil en 1946 par l’armée américaine (dont un C-54 et des huttes Quonset, en arrière plan, trahissent la présence discrète qui ne cessera qu’en 1967). Le film nous montre l’aérogare nord provisoire, construite en 1948, mais aussi l’aérogare sud, tout aussi provisoire, achevée en août 1954. Tout cela nous semble bien rudimentaire aujourd’hui, et rappelle certains petits aéroports "internationaux" africains ! Si l’environnement a changé, on constate que déjà, à l’époque, des passagers découvraient que l’avion est un moyen de transport rapide pour les gens qui ne sont pas pressés... Les formalités douanières étaient relativement lourdes, avec la fouille systématique des bagages. Maintenant, c’est la fouille des passagers qui prend du temps. Quant au trafic de drogue par voie aérienne, il est toujours d’actualité, hélas.
Ce qui a beaucoup changé, c’est l’accès aux pistes et
aux avions, une simple barrière séparant le public du tarmac, en 1955. Et
surtout, les avions ne mettent plus treize heures pour faire New York-Paris
(vol direct) ou vingt heures (avec escale à Shannon). Alors que le temps passé
en l’air a tendance à diminuer, celui passé au sol a tendance à s’allonger...
On notera, çà et là, quelques allusions à l'actualité de l'époque, notamment quand
Eddie mentionne au bureau de la TWA que le vol s'est passé sans histoires et "sans soucoupes volantes", les
années 50 ayant connu une véritable invasion de ces apparitions mystérieuses
toujours pas élucidées. Plus tard, l'ancien amant de Gloria Morena, un
diplomate anglais, va en Afrique du sud pour "persuader une poignée d'indigènes que l'heure n'est pas encore venue de
voler de leurs propres ailes"…C'était en effet, l'époque où les Noirs
d'Afrique du sud commençaient à s'organiser pour lutter plus efficacement
contre l'apartheid. En 1955, eut lieu le Congrès du Peuple, qui adopta la " Charte
de la liberté " qui fonda les bases du mouvement anti-apartheid.
"Escale à Orly" est un film agréable à regarder, servi par de très bon acteurs et rendant bien l'ambiance d'un aéroport à cette époque, surtout fréquenté par des hommes d'affaires ou de riches touristes, sans parler des vedettes du show-biz. Il est donc à voir, pour Orly premier genre, à une époque où on n’y allait pas encore le dimanche, mais aussi pour la jolie frimousse de Dany Robin.
Les avions du film :
Les avions du films appartiennent aux compagnies TWA, Air France et secondairement, à Alitalia. Pendant le générique, on voit au sol, un Douglas DC-4-1109 d’Air France (F-BBDH,) en cours de ravitaillement, puis, plus tard, un autre avion d’Air France, un ancien appareil de l’USAAF, un C-54A (c/n 10348, s/n 42-7229, F-BELF). En arrière plan, on entrevoit un autre DC-4, mais d’Alitalia.
Le F-BBDH (c/n 42940) était un DC-4-1009, livré en février 1946, au SGAC qui le transféra à Air France en décembre 1950; il reçut le nom de "Ciel de Béarn". En novembre 1966, il fut cédé à la compagnie charter "Trans-Union", puis acquis en juin 1967, par Air Madagascar (5R-MCM), dont Air France était actionnaire. Retiré du service en mai 1971, il fut ferraillé.
Le F-BELF était un C-54A-DC (c/n 10398, s/n 42-72293) livré à l'USAAF en septembre 1944. Après la guerre, il fut transféré à la force aérienne des Indes Orientales (NI-540). Immatriculé un temps en Indonésie (PK-DSA), il fut exploité par la KLM (PH-TSA) avant d'être vendu à Air France, en juin 1949. Il sera loué à la TAI (Transports Aériens Intercontinentaux), puis cédé en novembre 1963, à la compagnie Air Congo (TN-AAD). Il sera réformé en 1967 et ferraillé à Wymeswold (GB), un ancien terrain de la RAF, utilisé comme base de maintenance pour plusieurs compagnies privées.
L’avion d’Eddie est le Lockheed Constellation 749 "Star of California". Peut-être TWA a t-il voulu rappeler le vol historique de février 1946, quand le Constellation immatriculé "NC86504" baptisé très temporairement "Star of California" (il sera rebaptisé plus tard "Star of France"), avec Howard Hughes et Jack Frye, le directeur de la TWA, aux commandes, fit la route Los Angeles-La Guardia (New-York), sans escale, en 8 h 38, avec un chargement de stars : Gary Cooper, Linda Darnell, Paulette Godard, Veronica Lake…
Le problème est qu'il y eut trois autres "Star of California" (N86503, N91212 et N6016C) et qu'on ne voit pas le numéro d'immatriculation de l'avion dans le film, juste son nom, à gauche de la porte (encore celle-ci a-t-elle été reproduite en studio, avec une légère différence, pour certaines prises de vies). Des trois "Star of California", le dernier, livré en 1950 (N6016C, Type 749A) fut le seul à conserver ce nom tout au long de sa carrière au sein de TWA. L'avion du film ne pourrait être de toutes façons, le N86503, celui-ci état d'un type ancien (L049), comme celui vu au début du film, à l'atterrissage de La Guardia (piste 22), sur un document de la TWA, (il s'agit du "Star of Paris/Etoile de Paris", NC86511). Ceux filmés à Orly sont des types 749 et 749A, la version long-courrier du "Constel", avec des moteurs plus puissants et des fuseaux moteurs légèrement différents.
Quel qu'il soit, le "Star of California" est doublé par deux autres appareils similaires. Au début du film, Eddie descend en réalité du Constellation n° 820 de la TWA, un 749A qui était le "Star of Kentucky" (c/n 2658, N6020C). Cet avion commença sa carrière avec TWA en janvier 1954; modernisé, il fut le dernier Constellation à voler au sein de la compagnie, en avril 1967, et fut ferraillé en 1969. L'autre doublure du "Star of California" est le Constellation 749A "Star of Oregon" n° 827-S (c/n 2642, N86521), filmé devant les hangars d'Orly nord, à la fin du film. Ce dernier était un ancien L649A acquis en octobre 1950, par Chicago & Southern Air Lines, qui fusionna en 1953 avec Delta Airlines. En avril 1954, il fut vendu à TWA et porta successivement les noms de "Star of Oregon" puis "Star of Colombo" avant d'être retiré du service, en juin 1968, et envoyé à la casse.
Quand le chauffeur de Boreau se précipite vers son avion, pour lui donner son imperméable (un geste impensable aujourd'hui !), on aperçoit un Constellation L049 de la Panair do Brazil (PP-PCR, c/n 2060).
L’intérieur du cockpit du Constellation de la TWA n’est pas trop mal reconstitué (à part la planche de bord et une console centrale beaucoup trop large), mais il est nettement trop grand, le vrai cockpit étant rempli de "pendules", et plutôt bondé. Par contre, il est exact, que derrière le poste de pilotage, avec à droite, le mécanicien, et à gauche, le radio, il y avait une couchette servant au repos de l’équipage, face au poste du navigateur.
Air France n’est pas de reste et on voit, au sol, un Lockheed 749A Constellation (F-BAZE) et un Lockheed L1049C Super Constellation ( F-BGNC). Le F-BAZE était un L749-79-46 (c/n 2624) livré à Air France en janvier 1950. En décembre 1955, il fut vendu à Air Algérie qui l'exploita jusqu'en novembre 1960. Détruit par une bombe à Alger Maison Blanche, le 22 avril 1962, il fut rayé des registres en septembre. Le F-BAZE était un Super Constellation L1049C-55-81 (c/n 4512), un type possédant un fuselage plus long que L749, doté de hublots carrés, et équipé de moteurs plus puissants. C'était un avion récent pris en charge par Air France, en août 1953 à Burbank (CA). En avril 1961, il sera transformé en transport de fret et retiré de l'exploitation en 1967. Il sera acquis en juin 1968 par un industriel breton, puis en novembre de la même année, par la compagnie CATAIR. Il s'écrasera en approche de Douala (Cameroun), le 9 août 1969.
Un autre Constellation 749 d’Air France (c/n 2513, F-BAZI) est vu en vol. Il joue le rôle d’un avion d’Alitalia, une des rares compagnies à n’être pas équipée de l’avion de Lockheed ! Les Italiens préférèrent en effet, s’équiper de Douglas DC-4, DC-6 et DC-7. Au sol, on voit plusieurs Vickers Viscount 708, un type d’appareil avec lequel la compagnie nationale desservait la plupart de ses lignes européennes en 1954.
Ceux qui auront l’œil du lynx, pourront enfin voir le seul avion d’origine française du film, un SE-161 Languedoc passer, presque honteusement, sous l’aile d’un Constellation... Il s’agit d’un avion de l’Armée de l’Air, Air France ayant vendu tous ses Languedoc en 1953.
Christian Santoir
*Film en vente chez René Château
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