Réalisateur : Harry WATT
Scénario : Harry WATT, B. COOPER
Photographie : Jonah JONES, E CATFORD
Compagnie productrice : Crown Film Unit
Compagnie distributrice : Warner Bros. Pictures
Avions :
- -Avro Anson Mk.I
- -Gloster Gladiator (en arrière plan)
- -Vickers Wellington Mark.IA (P2517)
Notre avis :
Pendant la
seconde guerre mondiale, le Ministère de l'Information britannique prit en charge
la "GPO (General Post Office) Film Unit" et la renomma "Crown
Film Unit". Cette société fit des documentaires de long métrage (voir
"Coastal Command"), où les militaires hommes
et femmes, jouaient leur propre rôle. "Target for tonight" fut un des
premiers succès commerciaux de la nouvelle unité cinématographique. Ce film
documentaire remporta un prix spécial dans sa catégorie en 1941, et un autre en
1942.
Ce documentaire, filmé par la RAF, "sous le feu de l'ennemi" comme il
est précisé, se focalise sur l'équipage d'un bombardier qui va attaquer une
installation pétrolière en Allemagne. Le film fut tourné à la base de
Mildenhall, mais aussi à High Wycombe, au quartier général du Bomber Command
dont le chef, Sir R. Peirse, joue dans le film. Le pilote du bombardier est le
Squadron Leader Percy Charles Pickard qui trouvera la mort en 1944, lors de la
mission sur la prison d'Amiens (voir "Jéricho").
Le film débute par une explication de la structure du Bomber Command, composé
de Groups avec un numéro, chaque groupe contrôlant plusieurs Stations (bases)
avec un nom, chaque station hébergeant deux ou plusieurs squadrons. Chaque
avion est identifié par une lettre. Ainsi le film, montrera la mission du
bombardier "F" pour Freddie, de la base de Millerton, appartenant au
Group 33 du Bomber Command.
Quelque part dans le sud de l'Angleterre, un petit avion parachute une boite de
films pris récemment au dessus du territoire allemand. Le film est aussitôt
développé dans un labo souterrain caché dans une zone boisée. L'étude des
photos montre que les Allemands sont en train de construire depuis quelques
mois, un vaste dépôt pétrolier à Freihausen, dans la Forêt Noire. Le quartier
général qui a reçu les informations, décide de faire bombarder ce site. L'ordre
est envoyé au centre des opérations qui choisit d'envoyer deux
"flights", soit quinze bombardiers, équipés de différents types de
bombes. Sur le terrain d'aviation de Millerton, les armuriers s'activent à
confectionner les bandes de cartouches pour les mitrailleuses. Les équipages
sont sélectionnés par le squadron leader. Le soir, les pilotes sont réunis en
salle de briefing et on leur dévoile l'objectif de la mission. La météo
s'annonce bonne. Sur des agrandissements photographiques, on explique aux
pilotes les points à bombarder, ainsi que l'axe d'approche optimum. Puis on
donne les codes des signaux. Après que le chef du Bomber Command leur ait
souhaité bonne chance, les pilotes sont emmenés à leurs appareils. L'équipage
du F pour Freddie est autorisé à décoller. La traversée de la Manche et d'une
partie de l'Allemagne, se fait au dessus de la couche. En approchant de
l'objectif, l'avion descend, et l'équipage cherche des repères. Une fois
l'objectif bien identifié, le bombardement peut commencer. La flak allemande
réagit, et l'opérateur radio est touché à la jambe. C'est le pilote qui va le
soigner. Il est bientôt rappelé par le copilote qui constate que la pression
d'huile d'un moteur est en train de chuter. L'avion ne peut prendre de
l'altitude. Au terrain, on attend le F pour Freddie qui est le dernier à
rentrer. Un brouillard dense s'installe sur la base. Le F pour Freddie finit
par arriver, et on allume les projecteurs de guidage, ainsi que le balisage de
la piste. Le bombardier atterrit normalement. Tous les avions sont rentrés et
la mission a été un succès, comme le prouvent les interviews des pilotes
effectués par l'officier de renseignement. "Good show !".
Le film nous montre donc une mission sans histoire, de pure routine, un vrai
"milk run", selon le jargon des pilotes. Il y a effectivement peu
d'action et l'avion ne rencontre aucun chasseur de nuit. On remarque que les Anglais
bombardent la nuit (après s'être fait étriller le jour, par la chasse
allemande), en envoyant de petits groupes de bombardiers qui attaquent de façon
isolée, la chasse de nuit allemande n'étant pas encore très développée à la fin
de 1940, ou au début de 1941. Le film insiste plus particulièrement sur
l'organisation du Bomber Command, le travail des sous-officiers et des
officiers au sol, qui travaillent dans une ambiance feutrée et toute
administrative. On remarque que la RAF fait appel à un civil pour la météo. En
l'air, on nous montre chaque membre d'équipage dans ses fonctions, le pilote et
commandant de bord, assurant la coordination de cette équipe. Bref, le maître
mot de ce documentaire, c'est "professionnalisme"; tout le monde fait
son "job" dans cette guerre, sans état d'âme, entre deux tasses de
thé.
Les avions du film :
Le "F" pour Freddie est un Vickers Wellington Mark.IA (P2517)
construit dans l'usine de Weybridge. Il est équipé des nouvelles tourelles de
mitrailleuses Nash & Thompson. Il a un équipage de six hommes (pilote,
copilote, bombardier, radio-navigateur, mitrailleurs de nez et de queue). On a
de très bonnes vues de ses moteurs Bristol Pegasus XVIII, équipés sur le
devant, d'un cache à fentes. On remarquera leur mise en route particulière,
avec un mécanicien qui bouche la sortie de l'échappement avec un chiffon,
pendant les trois premiers tours de l'hélice (sans doute pour faciliter le
démarrage…). L'avion porte le camouflage standard des bombardiers de nuit de la
RAF, avec le code OJ-F, ce qui en fait un avion, non pas du fictif 33rd BS (le
33 était un squadron de chasse), mais du vrai 149th BS qui était équipé de cet
appareil en 1939-40. L' "OJ-F" n'était pas un avion opérationnel mais
servait à familiariser les équipages à ce type d'appareil. En septembre 1941,
il fut transféré au n° 3 Group Trainig Flight sur la base de Newmarker. Les
Wellington du 149th BS participèrent à la toute première mission de
bombardement sur l'Allemagne. Les vues de l'intérieur sont nombreuses et font bien
apparaître la structure "géodésique" qui caractérisait le Wellington.
Mais on voit aussi que l'avion est recouvert de toile de lin enduite, comme un
vulgaire Tiger Moth !
Le film donne un aperçu des installations plutôt succinctes de l'aérodrome de
Millerton/Mildenhall. Quand le Wellington atterrit dans le brouillard, il est
guidé par deux puissants phares fixes, alors que la piste est balisée au moyen
de "goose-necks" (lampes à pétroles portatives). Quant à la tour de
contrôle, elle est installée dans une roulotte tirée par un tracteur, une
installation mobile, sans doute utilisée que pour les décollages de nuit.
Derrière le météorologue qui envoie ses ballons-sondes, on aperçoit un Gloster
Gladiator, au moteur bâché, équipé d'une hélice tripale métallique. Au début du
film, c'est un Avro Anson Mk.I qui parachute des films.
On notera que l'affiche du film montre trois Boulton Paul Defiant, un chasseur
équipé d'une tourelle de quatre mitrailleuses, piquer tels des Stukas sur une
cible ! Mis en service en mai 1940, ce type d'appareil devra être retiré
des opérations diurnes, dès le mois d'août suivant, après un succès bien
éphémère.
Christian Santoir
*Film disponible sur amazon.fr
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