SÅ VIT SOM EN SNÖ
(Aussi blanc que neige)
Année : 2001
Pays : Suède
Durée : 2 h 34 min.
Genre : biographie
Couleur
Réalisateur : Jan TROELL
Scénario : Jimmy KARLSSON, Karl-Erik OLSSON-SNOGEROD
Acteurs
principaux :
Amanda OOMS (Elsa Andersson), Rikard WOLFF (Robert Friedman), Björn GRANATH (Sven Andersson), Björn KJELLMAN (Erik Magnusson), Stina EKBLAD (Stine), Shanti RONEY (Lars Andersson), Reine BRYNOLFSSON (Enoch Thulin), Maria HEISKANEN (Merja), Ben BECKER (Hermann Vogel)
Photographie : Mischa GAVRJUSJOV, Jan TROELL
Producteur : Lars HERMANN
Compagnies productrices : Film i Skåne, Nordisk Film, SVT Drama, Svensk Filmindustri (SF)
Avions :
- -Albatros C.2, réplique, S-ADAA /F-AZAV
- -Blériot XI /Thulin A, SE-XMC
- -Bleriot XI / Thulin A, SE-AMX, en arrière plan
- -CVM 01 Tummelisa, SE-XIL, réplique
- -Fokker D-VII, réplique, SE-XVO
- -Junkers J9 (D-1), 2 répliques, en arrière plan
Notre avis :
Ce film est une biographie très romancée d'Elsa Theresia Andersson (1897-1922), la première Suédoise à obtenir son brevet de pilote (n° 203), puis son brevet de parachutisme. Le scenario s'inspire du livre écrit sur l'aviatrice, par Jacques Werup, "Den ofullbordade himlen" (Le ciel inachevé), publié en 1996.
Le film nous raconte son histoire depuis son enfance, sous forme des flashbacks. Il commence dans le train qui l'emmène vers le lieu où elle fera se dernière exhibition. Elle revoit son enfance. Elle était la fille d'un riche fermier à Strovelstorp. Sa mère mourut quand elle avait six ans, lors d'un accouchement. Son père se remaria avec une femme qu'elle n'appréciait guère. Ayant un caractère très affirmé, Elsa veut devenir autre chose que la femme d'un fermier et une mère de famille, ce à quoi on la destinait. Son frère est un peu dans le même état esprit et part en Amérique. Alors qu'elle est jeune, elle ne rêve que de voler et elle est fascinée par les avions. En 1919, elle entre à l’école de pilotage fondée par le pionnier de l'aviation suédoise, Enoch Thulin, à Ljungbyhed. Trois jeunes hommes, dont le lieutenant Friedman et le moniteur Erik, se disputent pour attirer l'attention d'Elsa. Elle tombe amoureuse d'Erik, mais celui-ci se tue peut de temps après, ce qui est un vrai choc pour elle. Un jour, un pilote allemand, un ancien officier, atterrit sur le terrain de l'école; elle le reverra plus tard, alors qu'il pilote un avion d’où se parachute une femme. Deux ans après avoir obtenu son brevet de pilote, Elsa décide de se rendre à Berlin, pour y suivre une formation de parachutiste. Son moniteur est une femme avec laquelle elle aura une aventure amoureuse. Apres avoir reçu son certificat d'aptitude, elle retourne en Suède et se produit dans deux meetings. La veille de son dernier saut, dans le train, alors qu'elle apparait psychologiquement très déstabilisée, en revoyant son passé, elle se donne à un jeune militaire. Le lendemain, après avoir été presque violée par son pilote, elle saute devant des milliers de personnes, mais son parachute ne se déploie pas. En quelques minutes, sa jeunesse défile devant ses yeux avant l'impact avec le sol…
On a l'impression que ce dernier saut fut un suicide. Ce long film décrivant une vie courte s'intéresse autant à la vie amoureuse d'Elsa qu'à sa carrière aéronautique. On en vient presque à se demander si son rêve de conquête du ciel n'est pas qu'un prétexte et si les problèmes existentiels de l'héroïne ne sont pas le vrai sujet du film. Le leitmotiv du film est la chanson "Plaisir d'amour" (1784)…En dehors de cela, Jan Troell essaie de reconstituer la campagne suédoise à une époque où la société, comme l'agriculture, était en train de changer. Il décrit même l'ambiance débridée qui régnait à Berlin dans les années 1920, avec une vie nocturne très chaude.
Certains faits méritent d'être précisés, car trop rapidement évoqués dans le film.
En tant qu’aviatrice de spectacle et parachutiste, Elsa Andersson était associée à la société d’aviation d’Örebro, nouvellement créée, qui avait organisé le meeting d'Alsens, près d'Askersund, qui lui fut fatal. L'enquête sur l'accident d'Elsa conclut que le filin d'ouverture (ripcord) de son parachute s'était enroulé autour de son bras, plaquant le sac du parachute sur son dos et l'empêchant ainsi de s'ouvrir. Il ne s'ouvrit qu'à 50 mètres du sol, c'est-à-dire, trop tard. Elsa avait également sauté de l'aile de l'avion et pas du cockpit, comme auparavant.
Elsa dut aller en Allemagne pour obtenir son brevet de parachutisme, qu'elle obtint le 28 septembre 1921, auprès de l'école crée par l'ingénieur Otto Heinecke, où sa monitrice fut l'Hollandaise Lisa Bamberg (dont on n'a aucune information sur son saphisme prétendu…). En 1913, Otto Heinecke avait mis au point un parachute plié et empaqueté, avec ouverture automatique (par une static line), dès l'éjection de l'avion. L'expert en parachutisme suédois, Raoul Thornblad, refusa de former une femme, le parachutisme étant, selon lui, réservé aux hommes. Il est vrai que le parachutisme était fort peu répandu au début des années 20 et que le parachute n'avait équipé que les aviateurs allemands, en 1918, dans les derniers mois de la guerre. Rappelons que ce fut la jeune Américaine Tiny Broadwick qui effectua le premier saut réalisé par une femme, le 16 septembre 1912, à partir d'un avion. Elle fut aussi le premier parachutiste à faire un saut en chute libre.
Elsa Andresson obtint son brevet de pilote le 30 juin 1920, soit dix ans après la Française Raymonde de la Roche (de son vrai nom Elise Deroche) qui fut la première femme au monde à devenir aviatrice, le 8 mars 1910. Elsa fréquenta l'école fondée par Enoch Thulin, la Svenska Stridsflygskolan (l'Ecole de combat aérien suédoise), basée à Ljungbyhed en Scanie, et qui était la seule école formant des pilotes civils et militaires. Elsa fut le dernier élève de Thulin, car il mourut le 14 mai 1919, en essayant un de ses avions.
Contrairement à ce que laisse entendre le film, le père d'Elsa, un homme qui investissait dans les nouvelles technologies (on voit un tracteur, puis une moissonneuse batteuse), et dont elle était très proche, soutint ses ambitions, notamment en finançant son brevet de pilote, qui était plutôt cher à l'époque, soit 2000 couronnes. On demandait aussi aux élèves de déposer la même somme, en cas d'accident… .
Le film a vraisemblablement été tourné sur le petit terrain privé de Sebbarp où était basée la société de Mikael Carlson, N.A.B. Nordiska Aviation Bolaget AB. On y a reconstitué deux hangars marqués "AB Enoch Thulins Aeroplanfabrik" de la Flyg Skola d'Enoch Thulin.
Les avions du film :
Le premier avion qui apparait au bout de 27 minutes et avec lequel Elsa fait son premier vol est un Blériot XI (SE-XMC, c/n 82-748). Il s'agit d'une machine authentique construite sous licence en Suède en 1918, par l'Enoch Thulins Aeroplanfabrik, sous le nom de Thulin A. En 1986, M. Carlson le trouva dans une grange, désassemblé. Il le restaura et l'avion revola en 1991. En 1999, Carlson traversa la Manche avec, 90 ans après Blériot. Dans le film, l'avion porte le code "A14" sur la dérive.
En arrière plan, on aperçoit un second Bleriot XI /Thulin A de M. Carlson, le SE-AMZ (c/n EAA-1184-SE) construit en 1918. Il effectua, lui aussi, une traversée de la Manche en 2009.
Le second avion vu survolant une colonne de cavaliers, est un FVM Ö1 (Övningplan 1-Avion d'entraînement avancé) Tummelisa (SE-XIL, c/n 362). Il s'agit d'un avion d'entraînement en service dans la Fliegkompaniet entre 1921 et 1935. L'avion du film est une réplique contenant de nombreuses pièces originales, dont son moteur rotatif Le Rhone-Thulin. Sa construction par Mikael Carlson commença en 1982 pour s'achever en 1989. Il a depuis participé à de nombreux meetings en Europe et a été accidenté le 7 septembre 2019, en Autriche, sans mal pour son pilote. L'avion est réparable.
Il porte dans le film une livrée militaire avec le numéro "083" sur le fuselage, mais "081", en plus petit, au niveau du cockpit (le "081" fut pris en charge par l'armée suédoise en novembre 1920) et un as de pique noir sur le fuselage, qui était l'insigne du "081", un des avions de la patrouille acrobatique des "Quatre as", le "083" étant l'as de trèfle. Plus tard, lors d'un meeting, on le voit porter sur l'intrados de l'aile supérieure, le nom "Stom atol", une marque réputée de dentifrice suédois, il s'agissait donc d'un vol publicitaire ou d'un sponsoring…On le voit même sans ses ailes, près d'un hangar, en arrière plan d'un Fokker D.VII, avec un autre vrai numéro "085", sur le fuselage.
L'autre avion, le plus souvent aperçu, est un Albatros BII, ou plus exactement une réplique construite à partir d'un De Havilland DH.82 Tiger Moth, dont on retrouve les mâts de cabane, le train d'atterrissage et le réservoir installé au milieu de l'aile supérieure. C'est la seule réplique volante d'un Albatros ou de ce qui lui ressemble. Il s'agit d'un avion construit par Jean Salis en 1977, l'un des deux "Albatros" destinés au tournage de la serie télé "Le temps des as". Il fut immatriculé le 18 septembre 1980, F-AZAV (c/n 5), comme un (OAW) Albatros C.2, un modèle unique construit en Autriche, auquel il ressemble très vaguement, ses mâts d'ailes étant au nombre de quatre au lieu de huit. Le F-AZAV ressemble plus à un Albatros B.II.
Dans le film, il porte d'abord une livrée militaire, avec insignes de nationalité et le numéro "864". Ce type d'appareil (Albatros B.II) fut bien mis en service dans l'armée suédoise, entre 1914 et 1929. Plus tard, il porte le matricule civil "S-ADAA" qui appartint effectivement à un Albatros B.II de la société Flyg AB d'Örebro. Il a plus tard le vrai faux matricule allemand "D-1660", attribué en 1929 à un des deux Albatros L.79 Kobold produits. En "Allemagne", on le revoit devant un hangar avec le matricule "D-1901"qui appartint à un monoplan Klemm L25 (c/n 242) d'une petite compagnie aérienne.
C'est d'un Albatros B.II jaune (équipé de skis, puisqu'ayant décollé d'un lac gelé enneigé) qu'Elsa fit son dernier saut. Acquis en 1920 par la Flygkompani d'Örebro, il porta le matricule temporaire S-EAAA, puis S-EAA. Il ne reçut le matricule officiel S-ADAA, qu'en mars 1923, au nom de la société Örebro Flyg AB, donc, plus d'un an après le décès d'Elsa. Le 2 février 1930, son matricule changea en SE-ACB quand il fut vendu à un particulier de Stockholm. L'avion fut réformé en 1938.
Jean Salis n'est pas cité dans le générique contrairement à Tony Bianchi et à sa société Bianchi Aviation Film Services, dont on ne voit aucun avion…Pourtant Tony Bianchi, selon ses propres dires, fournit bien un avion, son Blériot (G-BPVE, c/n 10). Cette réplique est pourtant facilement repérable car différente des vrais Bleriot/Thulin, avec son moteur quatre cylindres à plat Continental C.75, des ailerons et des mâts de cabane, différents, identiques au modèle français.
Il aurait été construit par Herbert Troutman, de Costa Mesa (CA), mais il fut immatriculé N1197 (c/n 1) en 1967 (nom du fabricant : "1909 Bleriot XI", modèle : "Henry"…), au nom de Henry Revis d'Irving (TX), un ingénieur aéronautique. Il fut fortement endommagé en mai 1968 à Arlington (TX), à l'atterrissage. En 1971, sans doute réparé, il est enregistré au nom de Tallmantz Aviation. Après la liquidation de Tallmantz en 1986, l'avion fut acquis par Bianchi Aviation Film Services en juin 1989 (G-BPVE) et restauré en 1999. Son certificat de navigabilité a expiré en juin 2001. En 2011, il était en cours de restauration.
Le hauptman Herman Vogel atterrit avec un Fokker D.VII (s/n F7716/18, un des derniers produits) dont le fuselage est décoré des bandes noires et blanches, du JagdStaffel 26, mais sans balkenkreuz, comme le Fokker D.VIIF d'un certain Herman Göring qui, après la guerre, travaillait au Danemark en tant que pilote commercial et comme représentant de la firme Fokker. Il vint en Suède, au début de 1920, pour travailler avec la compagnie Svenska Luftrafik AB. En avril 1920, il vendit son Fokker par l'intermédiaire de SLA, à la Flygkompaniet et l'appareil reçut le numéro 937. Ce fut le seul Fokker D.VII de l'armée suédoise. L'avion fut utilisé de façon intensive comme avion d'entraînement avancé. En avril 1922, il fut retiré du service, jugé plutôt fatigué. Son sort ultérieur n'est pas connu et il n'aurait pas survécu.
Le Fokker du film est légèrement différent du précèdent. A part son fuselage à bandes, ses ailes portent un camouflage d'usine standard à cinq tons, sans rayures, et il est armé. Cet avion est une réplique qui appartient à Mikael Carlson (SE-XVO, c/n 10400/18-989). Il fut construit de la manière la plus exacte possible, avec un moteur d'époque, un Daimler DIII découvert en Norvège. Le travail commença en 1994 et l'avion vola le 10 avril 2011. Mais dans le film, tourné à la fin de 1999, l'avion apparaît au sol, moteur tournant, et même en vol, peu avant l'atterrissage (mais peut-être s'agit-il d'une maquette…). Sa construction était déjà donc bien avancée (on remarque que le radiateur n'a pas encore son tube de remplissage et que l'anémomètre à coupelles n'est pas fixé sur les mâts de gauche). On le revoit plus tard, en "Allemagne", avec un faux matricule civil "D-69*".
Autour de lui sont parquées des Junkers J9 (D-1), des répliques portant les faux matricules : "D-109", "D-616" (alloué à un Martens Windhund, de construction amateur).
Enfin, dans un cadre photo accroché à un mur, on voit un Thulin LA, un biplan suédois sorti en 1917. On dispose de plusieurs photos montrant Elsa Andersson posant devant ce type d'avion, en tenue de parachutiste.
Christian Santoir
*Film disponible sur www.discshop.se
Enregistrer un commentaire