LES AILES DU COURAGE
Vo. BALADA O PILOTOVI
Année : 2018
Pays : Tchéquie
Durée : 1 h 40 min.
Genre : drame
Couleur
Réalisateur : Ján SEBECHLEBSKÝ
Scénario : Ján SEBECHLEBSKÝ, Jirí STRANSKÝ
Acteurs principaux :
David SVEHLIK (Emil Malík), Lucie ZACKOVA (Karla Malíková), Antonie
FORMANOVA (Lidka Malíková), Sebastian PÖTHE (Pavlík Malík), Petra SPALKOVA (Jarmila
Kopecková), Vladimír JAVORSKÝ (Béda Kopecek).
Musique : Jan MAXIAN
Photographie : Tomas Stanek ASK
Producteur : Jan MAXA
Compagnie productrice: Ceská Televize
Avions :
- -Consolidated B-24 Liberator VI, image
- -Junkers Ju-52, c/n 6595, HB-HOT
- -Lisunov Li-2D, OK-WDI
- -Supermarine HF.IX Spitfire, images
Notre avis :
Le scenario de ce téléfilm est basé sur une histoire vraie, celle du pilote tchécoslovaque Karel Balik, alias Emil Malik dans le film, qui pendant la dernière guerre mondiale avait rejoint la RAF. Balik était le beau-père de l'auteur du thème et scénariste, Jiří Stránský. L'histoire se déroule en Tchécoslovaquie à la fin de l'été 1945 et au début de 1946, c'est-à-dire à une époque de pleine euphorie, la paix étant nouvellement acquise, le réseau des relations interpersonnelles, interrompu par la guerre, ayant recommencé à se rétablir. Au début, on pensait que le gouvernement avait été repris par la démocratie de la Première République, mais le sort de la république tchécoslovaque était quelque peu différent. En 1943, Balik avait transporté le président Beneš à Moscou pour conclure un accord d'alliance avec Staline. Cette alliance sulfureuse allait influencer la direction de la Tchécoslovaquie restaurée.
Le film commence avec l'accident d'un Junkers Ju-52 de CSA, en 1946, puis on fait un saut en arrière, en 1945, avec le retour des pilotes tchécoslovaques de la RAF à Prague. Ils retrouvent leur famille, leurs épouses ou leurs anciennes amours. Mais la police politique soviétique est déjà là et surveille, ayant dans ses dossiers des noms, dont celui d'Emil Malik qui avait été capturé par l'Armée rouge, en Pologne, en 1940 et qui avait été obligé de signer un accord avec les Russes pour être libéré. De la fenêtre de la maison d'en face, les services secrets soviétiques enregistrent chacun de ses mouvements ainsi que son téléphone et ses fréquentations. Cependant, beaucoup n'ont pas accueilli Emil Malik comme un héros de la guerre. Sa femme, Karla, mère de sa fille et de son fils, ne lui a pas pardonné de nombreuses affaires avec les épouses de ses collègues. Ses relations avec Emil ne sont plus les mêmes qu'avant la guerre. Les Soviets voudraient récupérer Malik. Plusieurs de ses collègues ont accepté de rejoindre les renseignements militaires, qui travaillent pour les Russes, pas lui. Il est embauché comme chef-pilote par la compagnie nationale CSA, qui l'employait avant la guerre, mais la seule échappatoire à sa situation inquiétante, rester en Tchécoslovaquie et collaborer avec le KGB ou s'expatrier, est selon lui, de rejoindre les Pays-Bas, quand la reine Wilhelmine des Pays-Bas, qu'il avait transportée avant guerre, lui offre un poste de chef-pilote à la KLM. Mais avant de rejoindre cette compagnie, il devra effectuer un dernier vol entre Paris et Prague. Ce soir là, par très mauvais temps, Malik essaie en vain d'atterrir plusieurs fois; lors de la dernière tentative, un agent de la police soviétique ordonne d'éteindre les feux de la piste sous la menace de son pistolet. Alors que Malik remet les gaz, l'avion percute le sol et c'est la catastrophe. Il y a quelques rescapés gravement blessés, mais Malik n'en fait pas partie...
Tout a basculé en Tchécoslovaquie, non pas en 1946, mais en 1948, même si les soviets étaient déjà présents en Tchécoslovaquie par l'intermédiaire de leurs services secrets et du parti communiste. Lors de l'élection de 1946, ce dernier remporta 30 % des voix. Le coup d'état soviétique de février 1948, fit se refermer le rideau de fer sur le pays et il restera fermé pendant quarante ans. Les pilotes de la RAF, qui revinrent à Prague en août 1945 et qui devaient former le noyau de la future armée de l'air tchécoslovaque, furent catalogués par le soviétiques comme des ennemis du nouvel état, étant supposés avoir été "contaminés" par le virus capitaliste en Angleterre. Ils furent persécutés de différentes manières. Peu de pilotes de la RAF restèrent dans l'armée de l'air, certains ayant été démobilisé sans leur avis. Près de 150 d'entre eux furent dégradés ou expulsés de leur logement. Plusieurs d'entre eux moururent ou furent assassinés. D'autres furent emprisonnés, parfois avec des ex-nazis, ou furent condamnés à travailler dans des mines d'uranium sans aucune protection.
On remarque que Malik porte en plus des insignes de pilote tchécoslovaque et britannique, l'insigne français, comme plusieurs de ses camarades; ces pilotes sont passés par la France en 1940 et ont combattu dans les rangs de l'Armée de l'Air, avant de rejoindre l'Angleterre, comme beaucoup de pilotes de l'Europe de l'est.
"Balada o pilotovi" a été filmé dans les aéroports de Prague-Kbely, Prague-Ruzyně, dans le village de Panenský Týnec, le monastère Chotěšov, à Prague et même en Suisse, sur l'aéroport militaire de Zurich-Dübendorf.
La production n'utilisa que deux vrais avions, filmés au sol à Prague-Kbély et Dübendorf, les autres étant reconstitués en CGI.
Les avions du film :
Les premiers avions, apparaissant sous forme d'images sur l'aéroport de Prague-Ruzyné, sont un Consolidated B-24 et quatre Spitfire, mais ils apparaissent sur des écrans verts devant lesquels se presse la foule...Un peu avant, on voit quatre autres B-24 en vol, "filmés "du sol.
Le B-24 Liberator VI était bien l'avion qui équipa le 311 squadron tchécoslovaque de la RAF en 1945. Le Spitfire HF.IX était l'appareil du 312 squadron tchécoslovaque de la RAF, en 1944, qui avait le code "DU", entraperçu rapidement sur le fuselage d'une des images.
Le capitaine Malik revient à Prague, après les autres, aux commandes d'un Douglas "Dakota" de la RAF, mais il s'agit en fait d'un Lisunov Li-2D, trahi par son train d'atterrissage et sa porte cargo différents. Ils portent des cocardes anglaises et des drapeaux de dérive qui remontent à 1940 et ne sont pas conformes à celles portées en 1945 ! Son serial "2710" est faux et vrai et correspond à celui d'un avion de l'armée de l'air tchécoslovaque. Cet appareil (c/n 2 34 427 10) fut livré le 20 octobre 1952 à la Tchécoslovaquie et fut mis en service en novembre, avec le numéro de série "D-37". Son numéro constructeur devint le "2 34 421 08". Le 15 juin 1955, il fut transféré au gouvernement tchécoslovaque avec le matricule civil "OK-BYP" jusqu'en juillet 1958. Il fut rendu à l'armée de l'air qui lui attribua le nouveau numéro de série "2710"; il fut réformé en septembre 1967. Il fut alors récupéré, en décembre, par le musée de l'aviation de Prague-Kbély qui le repeignit aux couleurs de CSA (ČeskoSlovenské Aerolinie) avec le vrai faux matricule "OK-WDI" attribué à un Douglas C-47A de la compagnie, entre 1946 et 1959. Il est toujours stocké à l'extérieur en plus ou moins bon état. Il aurait apparu, en 1990 et 1991, dans deux films (lesquels ?), avec une autre vraie fausse immatriculation civile "OK-WDF" qu'il portait encore en septembre 2017 sur le côté droit, le coté gauche ayant été repeint aux marques de la RAF pour le film. Des prises de vues furent effectuées dans le vrai cockpit (en bon état).
Au bout d'1 h 27 min, Malik embarque dans un Junkers Ju-52 " OK-ZDN", vu au tout début du film. Il s'agit d'une autre vraie fausse immatriculation. Le petit "T" marqué sous le cockpit, en bas du fuselage, permet de l'identifier comme étant le "HB-HOT", un avion suisse appartenant à JU-AIR, une émanation du Flieger Flab Museum, le musée suisse de l'aviation militaire, basé sur l'aérodrome de Dübendorf.
Ce Junkers Ju-52/3mg4e (c/n 6595) fut construit en 1939 et livré en octobre 1939, immatriculé "D-AYWX", à l'armée de l'air Suisse qui lui attribua le numéro de série "A-702". Il servit d'avion d'entraînement à la navigation. En 1968, il apparut dans le film anglais "Quand les aigles attaquent" avec Clint Eatswood. Réformé en 1981, il reçut l'immatriculation civile "HB-HOT" au nom de Freunde der Schweizerischen Luftwaffe (VFL). VFL est l'organisation de tutelle du Flieger Flab Museum et de JU-AIR. Il n'effectua pas que des vols touristiques. En 2001, on le vit en 2008, dans "Les hommes de sa Majesté", dans "Walkyrie" avec Tom Cruise et en 2012, dans le film allemand "Bis zum Horizont, dann links". L'avion s'écrasa dans les Grisons (Suisse), le 4 août 2018, près du Piz Segnas, en tuant tous ses occupants (20 morts). L'enquête prouva que l'accident fut provoqué, après un virage serré, par de sérieux problèmes structuraux, notamment au niveau des ailes, après 79 ans d'utilisation.
Des prises de vue de la cabine et du cockpit auraient été effectuées dans la cabine de l'autre Ju-52 de JU-AIR, le "HB-HOP", mais on en a aucune preuve sur les images du film, la cabine et le cockpit des deux Ju-52 étant identiques et les scènes dans l'intérieur de l'appareil très brèves.
L'accident du film se réfère à un autre accident survenu le 5 mars 1946 et concernant un autre Ju-52, ayant l'immatriculation "OK-ZDN", que porte l'avion du film. Après deux essais d'atterrissage, par très mauvais temps (plafond de 85 mètres) et de nuit, sur l'aéroport de Prague-Ruzyné, il s'écrasa lors de sa troisième tentative, peu avant l'entrée de la piste 22 (10 morts, 5 blessés graves); il venait de Paris après une escale à Strasbourg.
Le véritable avion ne fut pas construit par Junkers, mais par AAC (Ateliers Aéronautiques de Colombes); il s'agissait de l'AAC.1 Toucan (c/n 139). Il fut d'abord immatriculé "F-BAND" au nom d'Air France. Destiné à la Yougoslavie, puis à la Tchécoslovaquie, le 07 décembre 1945, il fut prêté à CSA, le 12 février 1946, et enregistré "OK-ZDN", le 28 février. C'était son premier vol régulier pour CSA.
L'enquête ne retint pas la responsabilité de l'équipage, bien que l'avion volât beaucoup trop bas, le pilote cherchant un contact visuel avec le sol. Prague-Ruzyné était pourtant déclaré en QBI (vol sans visibilité); le rapport mis en cause la météo et le mauvais équipement de l'aéroport pour les atterrissages aux instruments. La famille du pilote Karel Balik ne crut pas à cette conclusion. Dans le film, on n'y croit pas non plus, et sa thèse est plutôt un attentat provoqué par un agent de la police politique qui fit éteindre les feux de la piste, au dernier moment…L'avion, parti de Paris vers 13h, atterrit bien de nuit; il devait être à Prague à 19 heures, donc une heure après le coucher du soleil.
Christian Santoir
*Film disponible sur amazon.fr (sous-titré en Français)
Enregistrer un commentaire