SON MEKTUP
(La dernière lettre)
Année :2015
Pays : Turquie
Genre : drame
Durée : 2 h 12 min
Couleur
Réalisateur : Özhan EREN
Scénario : Özhan EREN
Acteurs principaux :
Tansel ÖNGEL (Salih Ekrem Yüzbasi), Nesrin CAVADZADE (Nihal
Hemsire), Hüseyin Avni DANYAL (Cevat Pasa), Bülent SAKRAK (capitaine Hakki),
Barbara SOTELSEK (Erika Hemsire), Ozan GÖZEL (Dr. Ragip Yüzbasi), Nuri GÖKASAN
(Kamil Pasa)
Phototographie : Ugur IÇBAK
Producteur : Özhan EREN
Compagnie productrice : Sepya Film
Avions :
- -Albatros B.I, maquette et images
- -Farman MF-11, en images
- -RAF B.E.2c, en images
Notre avis :
"Son Mektup" est la dernière œuvre du réalisateur né à Istanbul, Özhan Eren, qui est un spécialiste des films d’histoires épiques et des drames. Le film sortit le 18 mars 2015, le jour de la commémoration de la victoire turque, lors de la bataille des Dardanelles ou bataille de Gallipoli (appelé Canakkale en Turquie), qui opposa entre le 17 Février 1915 et le 9 Janvier 1916, les Turcs à une coalition regroupant Anglais, Français, Australiens et Néo-Zélandais. Cette bataille passe, en Turquie, pour un tournant dans l'histoire du pays. C'est lors de cette bataille que le général Mustafa Kemal se fit connaître, comme un officier audacieux et perspicace. La défense de Canakkale face aux forces alliées est aussi considérée comme le début de la guerre d'indépendance de la Turquie qui devait commencer cinq ans plus tard, sous la conduite de Mustafa Kemal, surnommé plus tard "Atatürk" (turc, comme l’étaient les anciens).
Le capitaine Salih Ekrem est un jeune officier faisant partie des premiers pilotes de la marine ottomane. Il a perdu sa femme lors de la naissance de leur fille et vit avec sa mère. En février 1915, avec la première attaque de la flotte britannique, Salih Ekrem quitte Istanbul pour aller à Gallipoli, aux commandes d\'un des premiers avions de la Marine. Un jour, alors qu\'il effectue une mission de reconnaissance, il doit aller au secours d'une équipe médicale turque, parmi laquelle se trouve une jeune infirmière, Nihal, qui est attaquée par deux avions anglais. Bien que blessé lors de cet engagement, il parvient à sauver un jeune orphelin du nom de Fuat, avec l'aide de Nihal. Lors des jours les plus terrifiants de la bataille, Fuat sera le lien qui rapprochera le capitaine Salih de Nahil. Leur relation se transformera en un grand amour qui s’exprimera à travers des lettres, quand le devoir rappellera Nahil à Istanbul. Cette relation épistolaire prend fin quand, un jour, on lui annonce la mort au combat de Salih. Elle emmène Fuat chez sa mère, mais elle apprend qu'elle est décédée. Fuat est alors placé dans une famille d'accueil. Elle ne le retrouvera qu'après la fin de la guerre et sera autorisée à l'emmener avec elle.
Le film n'hésite pas à mettre l'accent sur la férocité des combats et sur les pertes turques. Les pilotes britanniques sont présentés comme de purs assassins, n'hésitant pas à tirer et même lancer une bombe sur deux infirmières, un enfant et une vieille femme ! On peut penser qu'ils avaient des cibles plus "intéressantes" à détruire et qu'ils évitaient de "gaspiller" ainsi leurs munitions. Notons que les forces turques ne furent pas exemptes d'atrocités, comme le massacre de la population, d'origine grecque, de l'Île Longue (Uzun Ada), dans la baie de Smyrne / Izmir...
Le film n'oublie pas de faire allusion à l'aide allemande, qui fut à l'origine du rééquipement de la force aérienne turque, dès le début de la guerre, avec du matériel, mais aussi des hommes, des pilotes, qui participèrent aux combats aux côtés des Turcs. On voit ainsi, dans une scène, un Albatros portant des croix allemandes, avec un équipage allemand.
Le tournage au sol eut lieu à Canakkale. Les combats aériens sont reconstitués en images de synthèse de qualité moyenne, montrant des équipages se tirant dessus, au pistolet, ce qui était exact au début de la guerre. Mais on utilisa vite des carabines, plus précises, avec une meilleure portée, puis des mitrailleuses qui équipèrent des Voisins LAS, des Morane-Saulnier Parasol et le Fokker E Eindecker, équipé d'une mitrailleuse tirant à travers l\'hélice, vers la fin du conflit.
L'accueil du film fut mitigé. Certains lui reprochèrent de montrer une armée turque bien préparée au combat, alors que tel n'était pas le cas. D'autres se moquèrent de l’histoire d’amour qui le rend plus attrayant pour les téléspectatrices.
Cette histoire d'amour entre un pilote et une infirmière, lors de la bataille de Gallipoli, créa également une vraie controverse à propos de l'histoire de la Turquie, entre les islamistes "modérés", au pouvoir, et les laïcs, notamment à propos du rôle de Mustafa Kemal Atatürk dans cette guerre. Le parti gouvernemental, l'AKP, soutint le scenario qui ne fait mention d'Atatürk qu'une seule fois. Le film fut financé en grande partie par le Ministère de la Culture et du Tourisme.
Les avions du film :
L'avion du film est un Albatros B.I., un des derniers modèles, avec quatre rangées de mâts au lieu de six. Lors d'une scène aérienne (en images digitales), l'avion porte à l\arrière du fuselage la mention : "SERNO B.I. 474 (numéro de série B.I. 474). Mais dans l'Albatros B.I., le pilote occupait la place arrière, contrairement à ce que l'on voit dans le film, où la position de l'équipage correspond plus à celle d'un Albatros B.II (que les Turcs ne reçurent pas) ou C1.
Quatre reproductions furent construites pour le tournage. Si la maquette grandeur réelle est assez bien reproduite, dans l'ensemble, on constate que le train d'atterrissage est un peu léger et trop frêle, les roues étant également trop petites et leur axe n'étant pas amorti. L'axe des roues comportait parfois, en son milieu, un frein en forme de griffe, qui s'enfonçait dans le sol. Le moteur, un six cylindres Mercedes D.1 a été également reconstitué de façon approximative.
L'avion d'Ekrem est peint entièrement en rouge, une décoration qui ne correspond pas à celle, plus discrète, des vrais avions de la Marine ottomane, dont il porte les marques (un croissant et une étoile, qui étaient également les marques d'avant guerre). Des avions fournis par les Allemands conservèrent leurs croix de fer noires, pendant une courte période. En 1915, les avions portèrent des carrés noirs bordés de blanc, qui couvraient les croix allemandes, mal venues dans un pays musulman...
Une des répliques fut exposée à l'extérieur, au musée de Kabatepe, où elle se trouve toujours.
A début de la guerre des Dardanelles, l'Albatros B.I était en effet, un des rares avions de l'armée turque, attribués à la 5ème armée, qui ne comptait alors que trois Albatros B.I et un Rumpler B.I. Mais le premier avion mis en service par les Turcs, avant l'arrivée du matériel allemand, fut un vieux Blériot XI-2, rafistolé, qui repéra les premiers navires franco-britanniques, en janvier 1915, autour de l'île de Ténédos. Ce sera le seul appareil turc dans les airs, pendant les assauts navals de février-mars 1915.
Ces avions, non armés, servaient principalement à l'observation autour de Çanakkale et permettaient de localiser l'armada allié et de suivre ses mouvements. Un terrain fut construit près de Gallipoli au début du mois d'avril. Au fur et à mesure de l'intensification des combats, leur rôle évolua. Le 29 avril 1915, des pilotes allemands lancèrent à la main des bombes sur les positions anglaises. L'équipage d'un Albatros se permit même de bombarder avec des grenades, le croiseur HMS "Euralyus".
A la fin de la bataille des Dardanelles, les effectifs aériens de l'armée ottomane s'étaient renforcés avec la fourniture par les Allemands de LVG. BI., d'Albatros C.1 avec une mitrailleuse arrière, sur un anneau tourelle, en septembre 1915, et de Fokker E Eindecker, en décembre 1915, sans parler de deux bombardiers Gotha WD 1.
Les avions alliés son représentés dans le film par un RAF B.E.2c et un Farman MF.11 Shorthorn anglais, représentés en images digitales.
Pour appuyer les débarquements alliés à Anafartaar et Ariburn, le Royal Navy Air Service employa bien des B.R.2c, dont deux étaient affectés au 3rd squadron.en mars 1915, à Ténédos et six au 2nd Wing, en août 1915, à Imbros. Le 3rd squadron possédait également des Farman MF.11 qui servaient d'avions d'observation, mais aussi de bombardement. Des lance-bombes furent bricolés sur place et installés sous le fuselage.
Les Anglais mirent en ligne une flotte assez hétéroclite :
-pour le 3nd squadron (Imbros, Mudros) : huit Maurice Farman MF 11 Shorthorn, des Henri Farman F.20 et F.27, un B.E. 2a, deux B.E.2c, deux Sopwith Tabloïd, un Breguet V.
-pour le 2nd Wing (Tenedos, Imbros) : six Morane-Saulnier Parasol, trois Voisin LAS, deux Caudron G3, quatre Bristol Scout, six B.E.2c, un Nieuport 10, un Nieuport Scout, deux Sopwith Tabloïd.
Il y avait aussi des hydravions : Short type C, trois Short 184, deux Wright A1, trois Sopwith 807, deux Sopwith Tabloïd.
Côté français, la flotte de l'escadrille MF 98T était plus homogène, avec huit Maurice Farman MF 11 et trois Morane-Saulnier I Parasol, pour la "garde" (chasse).
Christian Santoir
* Film à visionner sur YouTube
P.S. Pour avoir un aperçu de l'aviation pendant la guerre des Dardanelles, consulter :
-David Méchin : \L\'offensive manquée contre la Turquie : Guerre aérienne aux Dardanelles". Le Fana de l\Aviation n°480 et 481 nov. et déc. 2009., pp 47-55, pp 55-64.
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