Le scenario de ce film est issu du roman «Eien no Zero»
(2006) de Naoki Hyakuta, un ultranationaliste, tendance révisionniste. Vendu à plus de 4 millions
d’exemplaires, au Japon, le livre sera adapté en manga, dont les premiers
volumes sont parus en France ("Zéro pour l'éternité").
Le titre français du film, paru en France, fin août 2015,
en DVD, laisse d'abord penser qu'il s'agit d'un énième film sur les
kamikazes, un sujet qui fait toujours recette au Japon, 70 ans après la fin
du conflit mondial. Le militarisme y renait lentement de ses cendres et le
film sortit quelques jours avant que le premier ministre japonais se rende au
temple de Yasukuni... Mais aujourd'hui, de par le monde, le terme de "kamikaze" ne désigne plus un aviateur nippon se jetant sur un
navire de guerre américain, en criant "Tenno Banzaï !",
mais plutôt un civil barbu, d'origine afghane, arabe, voire européenne, qui
se fait exploser au milieu d'autres civils (innocents, ceux-là), en hurlant "Allah Akbar ". Comme dirait Bob Dylan, "The
times, they are changin "…
En fait, "Kamikaze" est une histoire
familiale, une longue, trop longue, enquête d'un frère et d'une sœur, à la
recherche de la personnalité de leur grand-père, un pilote de la Marine
japonaise, mort lors d'une mission suicide. L'aviation et l'avion ont ici,
un rôle secondaire, même si le titre japonais est "L'éternel
Zéro" ou "Zéro pour l'éternité", on pourrait ajouter, "l'habituel Zéro", présent dans de nombreux films de guerre
japonais. Ce chasseur mythique fut particulièrement à la mode, au Japon, en
2013, avec la sortie, cinq mois plus tôt, du film de Miyazaki "Le vent se lève", sur le
père du Zéro, l'ingénieur Jiro Horikoshi. Ce film ressemble d'ailleurs un
peu à "Kamikaze", en faisant le portrait d'un homme qui rejette
la guerre et sa folie, tout en participant activement à l'action guerrière.
Mais, les deux films diffèrent profondément, par leur style et leur approche;
le film de Miyazaki est une belle fresque sur l'aviation japonaise, alors que "Kamikaze" est un mélo, larmoyant (au Japon, on aime) et parfois
un peu pesant.
Tout commence en 2004. Kentaro Oishi est alors un étudiant en droit qui
échoue régulièrement à ses examens et commence à se poser des questions sur
son futur. Un jour, après les obsèques de sa grand mère Matsuno, il apprend,
avec stupeur, auprès de sa mère et de sa sœur ainée, Keiko, que son grand
père maternel Kenichiro, n'est pas son vrai parent ! Keiko et Kentaro
recueillent, par la suite, de nombreuses histoires qui circulent sur leur
vrai grand père, Kyuzo Miyabé, un ancien pilote de la Marine, pendant la
guerre. Ils rencontrent des vétérans qui critiquent sa timidité au combat,
voire sa lâcheté. Un autre leur apprend que c'était en fait un excellent
pilote, mais qu'il voulait revenir à la maison, mort ou vif, une promesse
qu'il avait faite à sa femme Matsuno et à leur fille Kiyoko; pour lui,
combattre n'était pas nécessairement mourir, contrairement à la vision que
la Marine voulait imposer à ses troupes, vers la fin de la guerre. Le film
retrace l'attaque de Pearl Harbor qui contribua à faire croire que le Japon
avait les meilleurs avions du monde, manœuvrés par les meilleurs pilotes du
monde…Mais après la bataille de Midway, après celle de Guadalcanal, la balle changea
de camp et les pilotes japonais réalisèrent que le Japon était sur la
défensive. Miyabé a du mal à convaincre ses camarades qui ne rêvent que de
périr glorieusement au combat, que le plus important est de survivre, pour
l'après guerre. Keiko et Kentaro se demandent donc pourquoi s'était-il
porté volontaire pour une mission suicide. Un camarade de Miyabé leur apprend
que, devenu instructeur, il ne pouvait plus supporter de voir ses élèves
partir à la mort, souvent pour rien, et qu'il préféra en finir. Il était un
ami intime de leur grand père putatif, Kenichiro. Le matin de leur dernière
mission, peu avant la fin de la guerre, Miyabé avait demandé à Kenichiro
d'échanger leurs avions. Comme par hasard, celui de Miyabé, piloté par
Kenichiro, avait eu une panne moteur en vol, le forçant à atterrir sur une
île, ce qui lui avait sauvé la vie. Dans le cockpit de l'avion, Kenichiro
avait trouvé une lettre, dans laquelle Miyabé lui demandait de prendre soin
de sa femme et de sa fille. Kenichiro tint promesse, au point qu'il se maria
avec sa veuve et fut comme un père pour sa fille. Miyabé avait sauvé sa
famille…Le film se termine sur Miyabé, dans son Zero, piquant sur un
porte-avions américain, alors qu'il a réussi à esquiver les tirs de DCA.
On constate que ce porte-avions est le CV-14, l' "USS
Ticonderonga", qui fut effectivement touché par deux kamikazes, le 21
janvier 1945 (soit près de sept mois avant la fin de la guerre), non loin de
Formose. Bien que 145 marins fussent tués et 202, blessés, le porte-avions,
après réparations aux Etats-Unis, reviendra dans le Pacifique en juin, et
participera aux dernières attaques contre le Japon. Les deux kamikazes
étaient donc morts pour rien ou presque; ils avaient seulement réussi à
mettre le "Ticonderonga" sur la touche, pendant quatre mois.
Ce film connut un très grand succès dans le public, mais
créa la controverse. Pour Miyazaki (Le vent se lève), c'était une histoire
construite sur un tissus de mensonges, pour les nationalistes de droite, ce
film donnait une mauvaise image de l'état major et des officiers (qui, comme
montré dans le film, frappaient parfois leurs subordonnés, une chose
incroyable, dans aucune armée au monde), pour les gens plus à gauche, comme
pour les Chinois, ce film glorifiait la guerre…D'un point de vue
occidental, ce film est plutôt antimilitariste.
Ce qu'il faut dire, c'est que les kamikazes qui allèrent
à la mort à reculons, furent nombreux, si l'on se réfère aux témoignages
laissés par ceux qui ont survécu, les autres ne s'en étant jamais vanté. Il
était difficile, dans un groupe de combat, de ne pas suivre ses camarades qui
se portaient volontaires, sous la pression de leurs officiers. La société
japonaise, comme beaucoup de sociétés traditionnelles, est basée sur la honte.
On ne peut survivre à une exclusion; être déshonoré, c'est mourir, dans tous
les sens du terme…La société japonaise est en outre, très disciplinée et la
hiérarchie y est rarement remise en cause. Mais l'état major de la Marine
savait très bien que ses pires ennemis étaient les mères japonaises, qui
étaient opposées à l'embrigadement de leurs jeunes fils et à l'idée du
combat sans retour. Des films furent même produits, très tôt, pour essayer de
leur faire changer d'avis, en glorifiant la "mère militariste" (Cf. " Tsubasa No Gaika"
1942, " Aiki Minami e
Tobu" 1943). Rappelons, en outre, qu'à la fin de la guerre, les
étudiants, transformés en aviateurs novices, n'étaient plus que des "volontaires" désignés d'office (comme montré dans le film) !
Des pilotes japonais, parmi les meilleurs, eurent le courage de s'opposer à
l'idéologie kamikaze. Un officier de la Marine, comme Minoru Genda, qui
participa à la préparation de l'attaque de Pearl Harbor, pensait que
conduire à la mort des pilotes expérimentés était un vrai gâchis et servait
l'ennemi. Il mit sur pied une escadrille d'experts, équipée d'avions
performants (Kawanishi N1K3-J Shiden, et non le Zéro, à bout de souffle), qui
affrontèrent avec succès les chasseurs américains (Cf. "Taiheiyo no Tsubasa" -
1963). Il survécut à la guerre et fut plus utile à son pays, vivant, que
mort. Il fut général dans la nouvelle force aérienne d'auto-défense et même
homme politique.
Le film est composé d'une série de flashbacks qui accompagne les différents
témoignages, et il s’enferme dans des bavardages interminables, avec pour
principal objectif de nous émouvoir. La réalisation est relativement pauvre,
que ce soit dans les scènes mélodramatiques ou les séquences de guerre. Les
scènes aériennes ont été réalisées, façon jeu vidéo, avec des images de
synthèse plutôt grises (pour les faire ressembler à des extraits
d'actualités d'époque ?), les avions se déplaçant comme des météorites, ou,
au contraire, restant figés dans des formations rigides évoluant d'un bloc,
sans parler de porte-avions, aux pont vides, naviguant presque seul, sur une
mer peu agitée. A bord de ces navires, l'ambiance lors d'une attaque est
reproduite de façon bizarre, les marins, japonais ou américains, se
comportant comme des supporters surexcités, lors d'un match de football, ce
qui ne correspond guère aux témoignages d'époque. Comme souvent, on a là une
guerre du milieu du XX° siècle, revue et corrigée par un regard du XXI°
siècle.
Les avions du film :
Le principal avion est le Mitsubishi A6M2 Zéro, modèle 21,
qui apparait tout au long du film, sous diverses livrées.
Au début, on voit Miyabé apponter sur le porte-avions
Akagi, repérable avec son îlot situé à gauche et le caractère kana "ア"
(= A) inscrit sur le pont. Son avion porte les marques du groupe aérien de
l'Akagi, 2chutaï, 1 shotaï (une bande rouge à l'arrière du
fuselage et le code "AI-162" sur la dérive).
Plus tard, à Rabaul, en 1943, les Zéro n'ont pas changé
de livrée (Type O2 : avion gris, avec capot moteur noir), mais ont une bande
oblique bleu sur le fuselage et les codes "V-143, 146, 158…" sur
la dérive, codes du 2ème sentaï du Groupe aéronaval de Taïnan
(Formose), basé à Java, l'unité de Saburo
Sakaï. Les bandes bleues désignaient les chefs de section (shotaï).
Les Zéro suivants ont un camouflage constitué de taches
vertes sur fond gris, avec un capot noir (Type B2). Ils portent les codes de
dérive : "9-112, 128..." du kokutaï de Rabaul, basé à
Lakunai. On note également les codes " ツ-131,-156,
105 ", sur les dérives, qui sont celles du Groupe aéronaval de Tsukuba
(ツ= tsu), une unité d'instruction basée au
Japon. Le dessous des avions est jaune (type de camouflage S2). On remarque
également que pour certains avions, on a supprimé le cône de queue. En
réalité, cette transformation ne concernait que la version biplace du Zéro,
l'A6M2-K, qui servait parfois de biroutier; le cône de queue était alors
enlevé pour installer un crochet, destiné à remorquer des cibles, placées
dans deux petits containers, fixés sous les ailes.
A la fin du film, apparait l'A6M5, modèle 52 (capot moteur
modifié, et pipes d'échappement propulsives, aile raccourcie), apparu en
première ligne, en mars 1944. On voit Miyabé, assis devant, en train de
regarder une photo de sa famille. Il s'agit d'une maquette grandeur réelle,
de bonne qualité (on voit les trappes de train du fuselage vibrer sous le
vent, l'ombre des mécaniciens qui passent derrière l'avion, se projeter
sous l'aile; les pipes d'échappement ne sont pas exactes de même que
beaucoup d'autres micro détails qui ne correspondent pas à l'original…).
L'A6M5 a un camouflage de type S1 (vert foncé au-dessus, gris clair
en-dessous), portant les marques du 721ème kokutaï (éclair blanc en
travers de la dérive), un groupe d'attaque spéciale dénommé "Jinrai
Butai" ("Tonnerre de Dieu"), basé sur l'île de Kyushu
(base de Kanoya). Les Zéro servirent d'abord à escorter des bombardiers
Mitsubishi G4MI-3, Betty, qui transportaient de petits avions fusées Okha.
Plus tard, avec une bombe de 250 kg sous le fuselage, les Zéro de cette unité
menèrent eux aussi, des missions suicides, comme toutes les unités
d'entraînement, d'ailleurs. Les codes portés sur les dérives (721-53, -14,
-15, -27, -61…) sont tels qu'ils étaient en novembre 1944. Ils changeront en
1945 (721 K).
Les avions sont plutôt bien reproduits, avec tous leurs
détails, en images de synthèse, les camouflages et les marquages étant
exacts. Il en de même des cockpits (collimateur, commande de gaz, jauges des
réservoirs…). Seul bémol, quand un Zéro doit amerrir (scène très bien
reproduite, par ailleurs), on voit le pilote installé sur l'aile, l'avion
flottant vraiment très haut. En fait le Zero était équipé d'une bouée
gonflable, placée à l'arrière du fuselage. Comme vu sur des images de vrais ditchings
de Zero, très rapidement, seul l'empennage sortait de l'eau, au pilote, de
s'y accrocher…
On aperçoit furtivement d'autres appareils japonais, vus
de très loin: un hydravion Aichi EI3 AI, qui n'est pas parvenu à localiser
le pilote qui a amerri; un torpilleur Nakajima B5N1-2, lors de l'attaque de
Pearl Harbor; plus tard, des bombardiers Mitsubishi G4MI-3 Betty, derrière
des pilotes en rang.
Côté américain, les avions ne sont guère plus visibles,
étant très furtifs : Douglas TBD Devastator, Douglas SBD Dauntless, Lockheed
P-38, Grumman F6F Hellcat. Le seul que l'on voit de près est un North
American P-51D Mustang, portant le numéro "156" et le nom
(fictif) "Black Raven", inscrit sur le nez. Il s'agit,
selon sa décoration, d'un avion du 47th Fighter Squadron (15th Fighter
Group), basé en 1945, à South Field, Iwo Jima. Son serial est
illisible, d'autant plus que le Zéro finit par lui déchiqueter la dérive
avec son hélice ! On constate que l'Américain tire très mal, alors qu'il
suit le Zéro de près, et bien qu'il soit un as, comme le prouvent les
marques de nombreuses victoires (près d'une vingtaine), peintes sous le
cockpit...
Enregistrer un commentaire