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SHINGUN

 

SHINGUN

Vo.進 軍

(En avant)

 

Année : 1930
Pays : Japon
Genre : drame
Durée : 1 h 58 min.
Noir et blanc

Réalisateur : Kiyohiko USHIHARA
Scénario : Kôgo NODA

Acteurs principaux :
Denmei SUZUKI (Koichi Shinohara), Kinuyo TANAKA (Toshiko Yamamoto), Hideo FUJINO (Shosaku, le père de Koichi), Utako SUZUKI (Otoki, la mère de Koichi), Harurô TAKEDA  (Hiroyuki, le père de Toshiko), Minoru TAKADA (Shiro, le frère de Toshiko)

Photographie : Monjiro MIZUTANI
Producteur : Shirô KIDO
Compagnie productrice : Shochiku Kinema (Kamata)

Avions :

  • - Kawasaki Armée Type Otsu 1 / Salmson 2-A.2
  • - Kawasaki-Dornier Do.N, document.
  • - Mitsubishi Armée Type Ki.1/ Hanriot HD-14, J-BAZB
  • - Nakajima Armée Type Ko 3 / Nieuport 24.C1, J-BAWB
  • - Nakajima Armée Type Ko 4 / Nieuport 29.C1
  • - Nakajima / Avro 504K, J-BABD, J-BATB

 

 Notre avis :

"Shingun", dont le titre est souvent traduit par "En avant !" ou "L'armée avance", est un film muet à gros budget ayant nécessité plus d'un an de tournage et qui a coûté l'équivalent de plusieurs milliards de yens en argent d'aujourd'hui. Il a été inspiré par deux classiques des films de guerre hollywoodiens, "The big parade" (1925) de King Vidor et "Wings (1927) de William Wellman. En 1926, son réalisateur, Kiyohiko Ushihara, s'était rendu aux États-Unis pour étudier les méthodes de réalisation d'Hollywood où il travailla sous la direction de Charlie Chaplin.

Un jeune paysan, Koichi Shinohara, est un passionné d'aviation qui construit des modèles réduits en balsa et en papier. Un jour, il vient au secours d'une jeune cavalière, Toshiko, dont le cheval s'est emballé. C'est une fille de bourgeois dont la demeure est peu éloignée de sa ferme. Celle-ci l'invite chez elle et il lui montre ses petits avions qu'il fait voler avec elle. Ils deviennent amis et même un peu plus…Toshiko présente Koichi, à son frère, Shiro, qui est un pilote militaire, et à ses amis officiers. Eméchés, ceux-ci chahutent Koichi et se moquent de lui. Honteux, il préfère se retirer et même rompre ses relations avec Toshiko. Il vient de se rendre compte qu'ils n'appartiennent pas au même monde. Au grand dam de ses parents, Koichi décide de se rendre en ville pour apprendre à piloter, Grâce à un travail acharné, et malgré le handicap d'un statut de classe modeste, il réussit finalement à se qualifier comme pilote et à rejoindre l'armée de l'air. C'est alors que le Japon est agressé et entre en guerre. Koichi doit partir au front. Toshiko, qui l'aime toujours, peut enfin le rencontrer grâce à l'intermédiaire de son frère qui fait partie de la même unité que Koichi. Lors d'une mission, où Koichi est le coéquipier de Shiro, leur avion est touché; Shiro est blessé à la tête et perd le contrôle de son appareil. L'avion percute le sol, mais ils s'en sortent sans trop de mal. Koichi va aider Shiro à traverser le champ de bataille, aux milieux des explosions, en utilisant toutes sortes de moyens de transport trouvés par hasard : un side-car, un cheval, une chenillette. Ils finissent par rencontrer une colonne de l'armée japonaise qui les évacue vers un hôpital de campagne. Koichi peut alors communiquer à un colonel des informations stratégiques très importantes qui vont permettre aux Japonais de vaincre leur adversaire. A l'hôpital, Koichi et Shiro vont assister à la mort de leur commandant. Après la victoire du Japon, Koichi est réuni avec ses parents, mais aussi avec Toshiko dont il a sauvé le frère. Tous se retrouvent dans un train roulant vers une destination inconnue; sans doute, vers des jours meilleurs…

Le pays ennemi, qui n'est jamais nommé, est très vraisemblablement la Chine, ses soldats portant des casques allemands rappelant les troupes du Kuomintang.

Ce film, qui commence comme une romance et finit par une guerre, semblerait avoir été détourné par un ministère de la propagande, permettant à l'armée impériale de montrer ses muscles. Les dernières trente cinq minutes du film ne sont que des scènes de combat où les fantassins avancent, baïonnettes au canon, face aux mitrailleuses ennemies. La production a bénéficié de la collaboration généreuse de l'armée impériale qui a fourni une énorme quantité de matériel militaire (véhicules, chars Type 97 Ko-Gata, alias FT-17 Renault, artillerie, dont des canons de DCA de 75 mm type 88, projecteurs anti-aériens, détecteurs aériens acoustiques…) et des troupes, sans parler des avions. Le film est curieusement une sorte de répétition de l'invasion de la Mandchourie qui va intervenir le 19 septembre 1931, un peu plus d'un an après la sortie du film.

"Shingun" qui ressemble donc à un film de propagande militaire, un genre plutôt courant dans les années 30, passe pourtant, pour un film antimilitariste. Enthousiastes au moment de la déclaration de la guerre, les parents de Koichi changent vite d'état d'esprit en se rendant compte que la vie de leur fils va être menacée. Quand le commandant de Shiro et de Koichi meurt, ses dernières paroles sont pour demander une cigarette et nom de crier "Tenno haika Benzaï !" (Dix millions d'années pour l'Empereur !). Quant à Shiro et Koichi, ils ne pleurent pas un héros national, mais un compagnon de combat. Cela va rapidement changer dans les films militaires suivants, avec les incidents de Mandchourie puis de Chine, les mères poussant leur fils au combat et les soldats agonisant n'oubliant pas de saluer l'empereur avant de mourir.

Bien qu'inspiré par "Wings" et "The Big parade", Shingun ne semble pas avoir beaucoup  appris au sujet de la réalisation des scènes aériennes ou des batailles au sol. Les séquences aériennes font appel à des maquettes comme celles construites au début du film par Koichi, ou à des effets spéciaux de piètre qualité. La production utilisa pourtant quelques vrais avions dont certains emportèrent des cameras qui restèrent fixes.

 

Les avions du film :

Le tournage n'employa, apparemment, que trois avions appartenant à une petite école de pilotage civile de Tokyo, celle de T. Ito. Comme on le constate, cette école, comme d'autres, employait en 1930 du matériel étranger, issu des stocks militaires de la première guerre mondiale ou produit sous licence par les constructeurs japonais.

Au bout de quelques minutes de film, c'est un Mitsubishi Ki.1, un Hanriot HD-14, qui atterrit dans un champ, devant le jeune Koichi tout excité. Il s'agissait d'un avion d'entraînement employé par l'armée et par les aéroclubs civils, où il était désigné comme "Hanriot 28". On note le train d'atterrissage à quatre roues précédées par des skis destinés à éviter le passage sur le nez (ce qui ne marchait pas toujours…). L'avion dispose d'un cockpit unique, le pilote étant installé à l'arrière. Cet appareil, construit en France, porte l'immatriculation civile "J-BAZB" (c/n 1012). On le revoit plus tard quand Koichi apprend à piloter.

Devant un bâtiment d'un terrain inconnu, on aperçoit (partiellement) un Nieuport, en premier plan; il s'agit d'un Nieuport 24.C1, un monoplace d'entraînement à la chasse, dénommé au Nakajima Armée Type Ko 3. Construit par l'arsenal de Tokyo, il était immatriculé "J-BAWB" (c/n 604), au nom du directeur (T. Aiba) d'une autre école de pilotage civile beaucoup plus importante que celle de T. Ito.

Koichi s'amuse dans un simulateur de vol très élémentaire, situé devant un hangar où on aperçoit ce qui ressemble à un Mitsubishi Armée Type 87, un bombardier léger. Ce type d'appareil participera, dés le début, aux opérations en Mandchourie.

Un autre type d'avion aussi répandu que le Hanriot, voire plus, était l'Avro 504K dont plusieurs exemplaires apparaissent ensuite à l'écran. On voit ainsi le "J-BATB" (c/n 8) appartenant à l'école de T. Ito, construit en 1929 par Aichi, bien que la plupart des Avro l'aient été par Nakajima.

Koichi fait son premier vol  dans l'Avro "J-BABD" (c/n 2), un Avro 504K construit également par Aichi, et appartenant à la même école de pilotage que le précédent. C'est avec lui qu'il atterrit dans un champ de son père, après avoir obtenu son brevet de pilote.

Après la déclaration de guerre, on voit décoller plusieurs chasseurs Nakajima Armée Type Ko 4, des Nieuport 29. C 1 construits sous licence et en service depuis 1925. On les verra, au sol, de plus près, plus tard, dont les appareils portant les numéros "817" et "1043". Ce type d'avion sera envoyé sur le continent chinois lors de l'incident de Mandchourie, mais ne verra pas le combat, faute d'adversaire ! Certains restèrent dans des écoles civiles jusqu'en 1937.

L'escadrille à laquelle appartient Koichi est visiblement équipée de Kawasaki Armée Type Otsu 1, un Salmson 2-A.2, un avion de reconnaissance qui servit également de bombardier léger en Mandchourie, mais qui pouvait également diffuser des écrans de fumée. Ces avions sont aux couleurs de l'armée, avec un schéma basique (Type "O"), peint uniformément de couleurs gris clair, avec juste leur numéro individuel et leurs hinomaru sur le fuselage et les ailes. On voit le "1125" de Koichi dont le cockpit arrière est équipé d'une mitrailleuse de 7.7 mm, alimentée par un tambour vertical (de type inconnu; serait-ce une maquette ?). Le pilote dispose d'une autre mitrailleuse installée sur le capot moteur. On constate que les autres Salmson ne sont pas armés. Apparaissent aussi les avions numérotés "1157". "725", "706", "1127"; le moteur de ce dernier est lancé par un démarreur Hucks utilisant le moteur d'une camionnette. Ces Kawasaki/Salmson, en service depuis 1922, seront réformés en 1933.

On constate que ces avions ne sont pas équipés de radio. Quand un coéquipier de Shinho veut lui transmettre un message, c'est son mitrailleur qui doit se transformer en cascadeur ou wing walker, en montant sur l'aile, pour le donner à Koichi, accroché à un mât d'aile ! Une scène purement spectaculaire !

Une fois en l'air, les Kawasaki sont accompagnés par deux bombardiers lourds Kawasaki Armée Type 87 (Kawasaki-Dornier Do.N) vus sur un extrait de document filmé. Eux aussi participèrent aux opérations en Mandchourie, mais à titre expérimental.

Lors des combats aériens, les avions ennemis sont pratiquement invisibles, vus de très loin. Ce sont en outre des maquettes très approximatives. On est loin ici des scènes de dogfights de "Wings" (1929) ou de "Moyoru ozora" (1940).

 

Christian Santoir

*Film disponible sur YouTube

 

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