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La sentinelle du Pacifique

 

 
LA SENTINELLE DU PACIFIQUE

Vo. WAKE ISLAND

 

Année : 1942
Pays : Etats-Unis
Durée : 1 h 27 min.
Genre : guerre
Noir et blanc

Réalisateur : John Farrow
Scénario : W.R. Burnett , Frank Butler

Acteurs principaux :

Brian Donlevy (Major Geoffrey Caton), Macdonald Carey (Lieutenant. Bruce Cameron), Robert Preston (soldat Joe Doyle), William Bendix (soldat Aloysius K. 'Smacksie' Randall), Albert Dekker (Shad McClosky), Walter Abel (Commandant Roberts), Mikhail Rasumny (Ivan Probenzky), Rod Cameron (Capitaine Pete Lewis), Bill Goodwin (Sergent Higbee), Damian O'Flynn (Capt. Bill Patrick), Frank Albertson (Johnny Rudd)

Musique : David Buttolph
Photographie :William C. Mellor, Theodor Sparkuhl
Producteur : Joseph Sistrom
Compagnie productrice : Paramount Pictures

Avions :

  • Consolidated PBY-5 Catalina
  • Grumman F4F-3 Wildcat
  • Ryan SCW


Notre avis :

La fin de 1942 vit la sortie d’un des premiers films à traiter de la guerre d’une manière précise et réaliste. Ce film tranchait avec les films habituels d’Hollywood qui étaient autant d’ «affiches» de recrutement, ou des pamphlets militant pour la participation des USA à la guerre qui se déroulait en Europe. Cette fois-ci, ça y était, le pays étaient en guerre, et sur deux fronts ! « Wake island » racontait l’héroïque défense de l’île de Wake par un poignée de Marines. Le scénario de Frank Butler et W.R. Burnett était un compte rendu assez fidèle de la vraie bataille, sans les fioritures habituelles, chères à Hollywood. Les seules libertés prises par ce film quasi documentaire, concernent les personnages et les conflits personnels. L’histoire décrit, au jour le jour, les événements du siège de deux semaines de l’île de Wake par les forces d’invasion japonaises. Le scénario repose en grande partie sur les rapports officiels des Marines.

Dénué de toute histoire sentimentale, ce film différait effectivement de la production antérieure. Ce mérite en revient au réalisateur, John Farrow, un ancien marin, qui venait juste d’être libéré du service actif de la Royal Navy. Bien que ce ne soit pas un film d’aviation à proprement parler, ce film était le premier à être produit depuis Pearl Harbour, avec l’entière coopération du War Departement et de l’USMC. Bien que la production fusse retardée dans l’espoir d’une reconquête de l’île, le tournage eut lieu cinq mois avant que les Marines commencent leur grande offensive dans le Pacifique, qui aurait rendu leur coopération impossible.

Les avions de la Marine impériale attaquèrent l’îlot le 8 décembre 1941, le lendemain du raid sur Pearl Harbour. Bien que le film traite surtout des opérations terrestres, on assiste au premier raid aérien japonais qui détruisit huit des douze avions des Marines, et à la bataille désespérée des équipes au sol pour maintenir en état de vol les quatre survivants. Les deux semaines suivantes, la petite garnison tint bon sous des bombardements aériens et navals quotidiens. Les aviateurs de la VMF-211 se battirent individuellement et vaillamment avec les rares appareils dont ils disposaient; ils réussirent à abattre plusieurs avions et à couler un destroyer japonais (peut être avec l’aide de l’artillerie côtière..) et à endommager un croiseur. Le 22 décembre les deux derniers Wildcats furent détruits et les défenses de l’île débordées. Un seul pilote fut tué en combat aérien, les autres le furent en combattant au sol, aux cotés de soldats.

Le 19 août, la première garnison permanente de l’île, des éléments du 1° Bataillon de Marines, et des aviateurs de la VMF-211, totalisaient 449 hommes et officiers, sous les ordres du major Devereux. La défense aérienne de l’île ne comprenait que douze Wildcat ne disposant pas d’abris! Autrement dit, en cas d’attaque, le désastre était garanti. Etaient également présents sur l’île, 68 marins et 1 221 ouvriers civils. Le film donne l’impression que les Marines se battirent jusqu’au dernier ; il n’en fut rien. Le 23 décembre, le major Devereux se rendit sans condition aux Japonais. Les survivants furent évacués aux Japon où ils croupirent dans des camps le reste de la guerre. Seuls quelques civils furent gardés sur l’île pour effectuer des travaux de fortification.

Le film ne parle non plus de la mission de secours de la Task Force n°14 sous les ordres de l’amiral Fletcher, partie de Pearl Harbour le 16 décembre (arrivée prévue le 24 décembre). Cette force fut retardée par des problèmes de mazoutage en mer, puis par l’attente de la Task Force N°11, prévue au départ pour attaquer les îles Marshall. L’Etat Major avait décidé de réunir les deux forces, car il ne connaissait pas le dispositif japonais. Quand la flotte américaine arriva à environ 800 km de Wake, on constata que les Marines ne répondaient plus, et on en conclut que l’île avait été envahie. Craignant de ne pas avoir les moyens suffisants pour reconquérir l’île, les Task Forces reçurent du CinCPac (Commandant en Chef, de la flotte du Pacifique) l’ordre de faire demi tour. En outre, on croyait Pearl Harbour toujours menacé et on s’attendait même à un débarquement en Californie ! Le haut commandement préféra donc sacrifier les Marines de Wake plutôt que de risquer ses rares (trois) et précieux porte avions. L’île de Wake fut par la suite isolée par les Américains (selon une tactique très pragmatique qui consistait à ne s’emparer que des îles présentant un intérêt stratégique majeur). La Navy se contenta de bombarder l’île de temps en temps, ce qui permit à un certain Georges W. Bush de faire sa première mission de guerre. Le 5 octobre 1943, après un bombardement particulièrement réussi, le commandant japonais ordonna l’exécution de 98 Américains, en représailles ! Les Américains prirent possession de l’île sans combattre, le 4 septembre 1945, deux jours après la reddition du Japon, et quatre ans après son invasion…

« Wake island » émut les foules comme peu de films auparavant. Le producteur Joseph Sistrom dut faire face aux contraintes engendrées par l’état de guerre. A cause des restrictions engendrées par la mise en défense de la côte ouest, la Paramount décida de tourner à l’intérieur des terres, autour du Salton Lake, dans Imperial Valley. La production engagea l’entrepreneur qui avait construit la base de Wake, pour qu’il la reproduise à l’identique avec une piste d’atterrissage. Les Marines fournirent des Wildcats F4F-3 pour figurer ceux basés sur l’île. Cinq Ryan SCW furent acquis pour jouer les chasseurs japonais. Vu l’ambiance du moment (Cf. « 1941 »), les habitants des environs durent être avertis de l’identité réelle des avions revêtus des marques japonaises. Le tournage commença le 13 avril 1942. Des travailleurs philippins et quelques Chinois jouèrent les Japonais qui apparaissent à la fin du film, tous les vrais Japonais d’Hollywood ayant été dûment internés !

Le pilote cascadeur Frank Clarke, coordonna toutes les scènes aériennes pendant les deux, mois de tournage. Toujours pour répondre aux exigences de la défense, tous les combats aériens simulés entre Wildcats et Ryan, se déroulèrent au dessus du Grand Lac Salé dans le nord de l’Utah. Le tournage s’acheva le 8 juin 1942, trois mois avant la première du film qui eut lieu en août 1942, devant deux mille Marines, à Quantico (VA), et à la veille du débarquement de Guadalcanal. Le film donnait un aperçu de la détermination des soldats américains, une donnée dont ne tint jamais compte le haut commandement japonais, à tort.

Très populaire chez les critiques et les spectateurs, le film fut nominé pour trois Oscars. A Detroit, le 17 septembre, le public acheta, pour 1.300.000 $ de bons de guerre en guise de tickets d’entrée. Après le film, 350 jeunes de la ville, ou provenant d’autres endroits du Michigan, s’enrôlèrent dans les Marines.

 

Les avions du film :

Au même titre que l’infanterie et les ouvriers civils de Wake, les Grumman F4F-3 Wildcat sont les héros du film. Les Marines fournirent six F4F-3 qui étaient, avec le Brewster Buffalo, les chasseurs de la Navy de l’époque. On remarquera que les marquages ne sont pas tout à fait conformes à ceux des vrais avions de la VMF-211 (Marine Air Group 21) à Wake: « 211 MF5 » au lieu de « 211-F-5 ». Les Wildcats furent équipés à Wake de deux bombes de 60 kg pour bombarder les navires, mais pas de quatre, comme dans le film.

Cinq Ryan SCW furent choisis par leur ressemblance (de loin) avec le Mitsubishi A5M Claude ou le Nakajima Ki-27 Nate . Pour accentuer la ressemblance, la verrière coulissante fut enlevée. En 1941, les Claude de la marine impériale commençaient à être retirés des unités de première ligne, mais certains étaient encore basés à Kwajalein, à 1100 km de Wake, et il n’était pas question de les engager sur cette distance (8 heures de trajet aller et retour). A Wake, les Japonais alignèrent à coté des gros hydravions Kawanishi H6K Mavis, des bombardiers Mitsubishi G3M2 Nell intervenant à partir de l’île de Roi (atoll de Kwajalein, îles Marshall) et des avions embarqués : chasseurs Mitsubishi A6M2 Zero, bombardiers Nakajima B5N2 Kate, tous à train entrant, le seul avion à train fixe étant le bombardier en piqué Aichi D3A1 Val.

Par contre, le film utilise plusieurs documents japonais montrant de nombreux Nakajima Ki-27 Nate aux cotés de Nakajima type 91 (un chasseur monoplan parasol) et de bombardiers Mitsubishi Ki-21 Sally, tous des avions de l’Armée. Sur une séquence on voit même un Nate abattre un biplan Kawasaki type 92 ! Ces films sur la guerre sino-japonaise semblent être extraits d’un film d’aviation japonais, peut-être de « Nippon’s Young eagles » (1940) de Kajiro Yamamoto. Les séquences où figurent les Ryan sont mélangées aux films japonais, et les Ryan seraient donc là pour doubler les Nakajima Nate à train fixe. Sur les Ryan, on remarquera les hinomaru entourés de blancs, qui n’apparurent que plus tard dans le conflit, et des soleils levant peints sur l’intrados, à l’extrémité des ailes, d’un très bel effet, mais fort peu réglementaires..

A Hollywood, le chasseur japonais standard restera un avion à train fixe pendant plusieurs années encore, sans que l’on sache si c’était une forme de méprise, ou de mépris.. Peut être ne disposait t-on que de stocks de films japonais sur le conflit chinois où ce genre d’appareil était très courant.

C’est un Consolidated PBY-5 Catalina qui amène à Wake le major Caton ; on le voit revenir le 20 décembre. Un Catalina partit effectivement à cette date de Pearl Harbor pour amener au commandement de l’île des nouvelles de la force de secours qui était en route à faible vitesse. Il repartit le lendemain en emmenant du courrier.

Sur un film d’actualité, on voit un Boeing 314 de la Pan Am. Peu après, cet avion est remplacé par un hydravion anglais, un Short Empire, bien incapable de traverser le Pacifique, lui même remplacé par un Douglas DC-3, sur le sol américain. Si le Boeing 314 était effectivement en service sur la ligne du Pacifique, le 8 décembre, ce fut un Martin 130 qui arriva à Wake, le «Philippine Clipper ». Les installations de la Pan Am furent entièrement détruites par le raid japonais de ce jour et neuf employés furent tués. L’avion fut, par miracle, épargné, à part quelques impacts de balles ; il put repartir aussitôt vers les Etats-Unis en emmenant des blessés et les employés survivants de la Pan Am. L’hydravion surchargé ne déjaugea qu’à la troisième tentative; il arriva trois jours plus tard à San Francisco, où les passagers purent ainsi fournir des informations de première main sur la guerre dans le Pacifique, qui avait bien mal commencé pour les Américains.

 

Christian Santoir

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