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CES MERVEILLEUX FOUS VOLANTS DANS LEURS DRÔLES DE MACHINES

 

CES MERVEILLEUX FOUS VOLANTS DANS LEURS DRÔLES DE MACHINES

Vo. Those magnificient men in their flying machines

 

 

Année : 1965
Pays : Grande-Bretagne
Genre : comédie
Durée : 2 h 18 min.
Couleur

Réalisateur : Ken ANNAKIN
Scénario : Ken Annakin, Jack Davies

Principaux acteurs :
Stuart WHITMAN (Orvil Newton), Sarah MILES (Patricia Rawnsley), James FOX (Richard Mays), Alberto SORDI (Comte Emilio Ponticelli), Robert MORLEY (Lord Rawnsley), Gert FRÖBE (Colonel Manfred von Holstein), Jean-Pierre CASSEL (Pierre Dubois), Irina DEMICK (Brigitte / Ingrid / Marlene / Françoise / Yvette / Betty), Eric SYKES (Courtney).

Musique : Ron GOODWIN
Photographie : Christopher CHALLIS
Producteur : Stan MARGULIES
Compagnie productrice : Twentieth Century-Fox

Avions :

  • - Antoinette IV 
  • - Avro Triplane IV
  • - Billing Biplane
  • - Blackburn Monoplane
  • - Bristol Boxkite
  • - Deperdussin A, G-AANH, en arrière plan
  • - Picat Dubreuil
  • - Nixon Nipper N°.1 monoplane
  • - Santos-Dumont Demoiselle
  • - Vickers 22 Monoplane


Notre avis :

Bien que les progrès de l'aviation au début du XX° siècle aient été une histoire très sérieuse, parsemée de drames, il est difficile de nos jours de ne pas s'étonner de la conception bizarre de certaines machines volantes, ou prétendues telles, de l'époque. Le film a pris le parti d'en rire, car pour un observateur de l'ère du jet, les premiers avions, construits de bambou ou de bois, recouvert d'un peu de toile, propulsés par des moteurs peu puissants, équipés d'hélices semblables à celles d'un ventilateur, ressemblent plus à des accessoires de cirque...

Ce n'est pas la première fois que le cinéma s'intéresse aux débuts de l'aviation et on se rappelle de "Conquest of the air" (1940) d'Alexandre Corda, de "Les hommes volants" (1938) et "Gallant journey" (1947) de Wellman, de "Ziel in den Wolken" (1938) de Liebeneiner. "Ces merveilleux fous volants sur leur drôles de machines", avec comme sous titre anglais "Comment  j'ai volé de Londres à Paris en 25 heures et 11 minutes", nous présente, de façon burlesque, une course fictive à travers la Manche en 1910. C'est une compétition internationale financée par un grand journal. Pour avoir un semblant de vraisemblance, le film s'est inspiré de la course Londres-Birmingham, financée par le Daily Mail, ayant eu lieu cette même année, et de la traversée de la Manche effectué en sens inverse par Louis Blériot, l'année précédente.

Les différents concurrents sont décrits comme une série de caricatures nationales : un jeune aristocrate anglais un peu guindé, un Américain, moitié cowboy, moitié barnstormer, un Italien exubérant et père de famille nombreuse, un Allemand, un militaire rigide (il pilote d'après le manuel), un Ecossais buveur de Scotch, un Japonais fanatique, un Français dragueur et blagueur. Le méchant de l'histoire est un vrai traître de théâtre, un milord fourbe et retors (il traverse la Manche sur un bateau) qui sabote les avions de ses adversaires ou met du somnifère dans leurs boissons. C'est le personnage le plus drôle.

Le départ de la course est censé se passer sur le célèbre terrain de Brooklands (au SW de Londres) qui était en fait un circuit automobile, construit en 1907, mais qui devint aussi le premier terrain d'aviation d'Angleterre. Une des difficultés de la production fut de trouver un autre terrain dans une région dépourvue d'antennes de télévision, de lignes à haute tension, d' autoroutes ou de tout autres détails incompatibles avec l'époque. Le site ad hoc fut trouvé  dans le Buckinghamshire, sur l'aérodrome de Booker, une ancienne base de la RAF pendant la guerre. On y reconstitua les hangars de l'époque, alignés côte à côte, avec les noms des constructeurs dessus : A.V. Roe & Co., Bristol: The British and Colonial Aeroplane Company, Humber, Sopwith, Vickers, mais aussi la société fictive Ware-Armitage Manufacturing CoY. Le moulin qui sert de tour de guet, comme de restaurant au rez de chaussée, est également fictif.

Le film se termine en 1965, dans une aérogare britannique où les passagers sont bloqués par le brouillard…Ce désagrément n'allait pas tarder à faire partie du passé, car en 1965, un Trident, avec des passagers, fit pour la première fois un atterrissage avec 400 m de visibilité horizontale seulement (Catégorie II). Cette distance diminua par la suite : 200 m en 1969, 125 m en 1976 (Catégorie IIIB).

On dit les Français "cocardiers", mais dans ce film, les Anglais nous ont largement dépassé sur ce terrain. Entre 1906 et 1914, 90% des records d'altitude, de vitesse de distance ou de durée, furent battus par des Français, sur des machines françaises. Les Farman, Blériot et Voisin ont inspiré beaucoup plus de constructeurs étrangers que le Wright flyer. La course Londres-Manchester de 1910, dotée un  prix de 250.000 francs offerts par le Daily Mail, fut gagnée par un Français, Louis Paulhan sur Farman. L'autre et seul concurrent était un Anglais sur… Farman. Le palmarès de la course Londres-Paris du film et donc à première vue, surprenant, avec deux Anglo-saxons en tête, le Français n'étant que troisième. Malgré cela, la supériorité technique française de l'époque n'a pu être ignorée par la production. L'Anglais vainqueur vole sur une machine française, l'Antoinette, le second sur un "Curtiss", alias Bristol, une copie de Farman, quant au Vickers de l'Italien ce n'est autre qu'un Blériot XI modifié.

Malgré ces petites taquineries de la part de nos amis britanniques, le film reste un classique incontournable du film d'aviation, notamment du fait du nombre de répliques d'avions d'époque (ou à peu près) construites, pour le tournage, parfois en double ou en triple exemplaires, afin de disposer de doublures en cas de problèmes, ce que permettait un budget conséquent. La plupart des scènes aériennes furent réalisées avec des répliques volantes.

 

Les avions du film :

Le film ouvre sur les premières tentatives de l'homme pour imiter les oiseaux, présentées de façon humoristique; puis on voit des extraits de documentaires montrant divers planeurs ( dont un Schulgleiter SG-38 dont le pilote est éjecté en vol), un Lee Richard à aile annulaire (avec une petite aile supérieure), plusieurs prototypes d'hélicoptères, parmi lesquels on reconnaît le "Sky car" de l'Américain John Pitts (1928), l'appareil de Oehmichen suspendu sous un ballon, celui du Français Douheret (1919) qui se renverse…

Mais le film est surtout remarquable de par la construction de plusieurs répliques d'avions construits entre 1909 et 1911. Le conseiller technique du film, l'Air Commodore Allen Wheeler, insista sur l'utilisation de plans authentiques, mais accepta l'emploi de moteurs modernes et les modifications nécessaires pour assurer la sécurité des pilotes. Sur la vingtaine d'avions construits, six pouvaient voler. La plupart des scènes aériennes furent filmées avant dix heures du matin, quand l'air est le plus calme, les avions, proches de leurs modèles originaux, manquant de stabilité latérale.

Parmi les avions participant à la course, on identifie les machines suivantes :

  • - Billing Biplane (n°1) pilote : Mr Yamamoto (Japon)
  • - Vickers 22 Monoplane (n°2), pilote : comte Emilio Ponticelli (Italie)
  • - Picat Dubreuil "HMS Victory" (n° 4) pilote : lieutenant Parsons (Angleterre)
  • - Nixon Nipper N°.1 monoplane"Little Tiddler" (n°5), pilote : Harry Popperwell (Angleterre)
  • - Blackburn Monoplane "Wake up Scotland" (n°6), pilote : Mac Dougall (Angleterre)
  • - Bristol Boxkite, "The Phoenix Flyer" (n° 7), pilote : Orvil Newton (USA)
  • - Antoinette IV (n° 8), pilote : Richard Mays (Angleterre)
  • - Santos-Dumont Demoiselle (n° 9), pilote : Pierre Dubois (France)
  • - Billing Biplane (n°11), pilote : Colonel Manfred von Holstein (Allemagne)
  • - Avro Triplane (n° 12) pilote : Sir Percy Ware-Armitage (Angleterre)

 

Une réplique d'Antoinette IV fut construite par la firme Hants & Sussex Aviation. Elle est assez fidèle à l'originale mais équipée d'un moteur Gypsy I plus fiable et d'ailerons, inclus dans l'aile, et non pas fixés sur le bord de fuite comme sur l'Antoinette originale. Néanmoins, cet avion se révéla être très délicat à piloter, les ailes étant peu rigides, même après le renforcement du haubanage. On notera l'appareil pour "la formation des pilotes sur monoplan Antoinette" (1910), un des premiers simulateurs de vol très rustique, que le pilote français de la Demoiselle fait découvrir à une admiratrice.

John Habin et Peter Hillwood du Hampshire Aero Club construisit un Avro Triplane Mk. IV, en utilisant les plans du constructeur. Cet appareil fit son premier vol en septembre 1910. Ce fut la seule réplique à utiliser, avec succès, le système ancien de torsion du bord de fuite des ailes pour assurer le contrôle latéral. Avec un moteur Cirrus II de 90 chevaux, plus puissant que l'original, il se révéla être un avion plutôt maniable. Après le tournage, il fut retenu par la Shuttleworth Collection (s/n TR.1, G-ARSG) qui le maintient en état de vol. Une autre réplique non volante aurait été construite pour les prises de vues au sol. Une maquette grandeur réelle servit pour la scène du train où l'avion perd ses ailes dans un tunnel….

Le "Phoenix Flyer" de l'Américain Orville est en fait une réplique de Bristol Boxkite (une copie de Farman) construit par F.G. Miles Engineering Co. à Ford (Sussex). Anakin aurait voulu un Wright Flyer, mais aucune réplique de cet avion n'avait été construite jusqu'ici et, encore moins, volé. Les répliques du Wright construites par la suite s'avérèrent extrêmement délicates à piloter et enregistrèrent de nombreux crashs plus ou moins graves. Le Bristol se rapprochait le plus des biplans américains, Wright ou Curtiss-Herring N°1. Dans le film, Orvil Newton dit à Patricia Ranwsley que son avion est un "Curtiss" propulsé par un moteur Anzani ! Son moteur était en réalité un Rolls-Royce A90. En 1981, il fut acquis par la Shuttleworth collection d'Old Warden qui le conserve en état de vol. Miles Engineering construisit deux autres répliques pour le film, dont l'une est exposée au Bristol City Museum and Art Gallery et l'autre Est au Museum of Army Flying d' Oakey en Australie.

Deux répliques du biplan Billing furent construites à Stapleford Abbots par Harold Best-Devereux, dont une seule volait, l'autre étant réservée aux prises de vues rapprochées, au sol. La réplique volante était équipée d'un moteur Continental de 65 chevaux qui remplaçait le ENV de 40 chevaux de l'original. Un Billing figure l'avion allemand, mais le Bristol Boxkite aurait  mieux convenu, des Farman étant construits outre Rhin par Albatros, Aviatik et Heinkel. Une réplique de Heinkel/Farman apparaît dans le film "Ziel in den Wolken" (1939). L'autre Billing représente l'avion japonais, ses mats d'ailes ayant été transformés en cloisons, recouvertes de dessins colorés. Rappelons que le premier vol motorisé eut lieu au Japon, le 19 décembre 1910, quand le capitaine Yoshitoshi Togukawa décolla à bord d'un Farman importé. En Angleterre, un riche japonais, Takehiko Sonoda, employé de la société Handley Page, réussit à faire fabriquer par cette même société un avion (inspiré du Zodiac n°4 français..), modifié selon ses plans, avec ajout d'ailerons et d'une haute béquille qui maintenait le fuselage en ligne de vol. Cet avion vola en 1912, avec le nom "SONODA" sur le fuselage et le drapeau japonais sur le gouvernail. Le Billing volant a survécu; il est actuellement en cours de restauration au Musée des Techniques et des Transports de Berlin.

Une réplique du Santos Dumont "Demoiselle" fut construit par la société Personal Planes Services de Doug Bianchi. L'avion, testé à White Waltham, fut d'abord incapable de s'élever, ne pouvant effectuer que de courts sauts. L'augmentation de l'envergure et l'installation d'un  moteur Volkswagen plus puissant n'apportèrent qu'une faible amélioration. C'est alors qu'on se souvint que Santos Dumont était un homme de petite taille et mince de surcroit…On fit donc appel à une femme, Joan Hughes, la chef pilote du Airways Flying Club de Booker. L'avion accepta alors de décoller et fit tout ce dont on attendait de lui, et d'elle. Cet avion est aujourd'hui exposé au Ballarat Aviation Museum en Australie. Dans le film, la "Demoiselle" occupe le hangar de la société Sopwith.

En 1960, Bianchi avait construit une réplique d'un Vickers n°22. Cet appareil était la copie d'un Blériot XI, acheté en mai 1913, auquel avaient été apportées certaines améliorations : train simplifié, moteur plus puissant, ailes repliables et fuselage arrière de section triangulaire. La 20th Century Fox acheta cette réplique et procéda à des modifications. On changea le moteur, la structure en bois du fuselage fut remplacée par des tubes soudés et on ajouta des ailerons, au lieu de l'habituel système de torsion de la voilure. Peu après le tournage, ce nouveau Vickers fut vendu en Nouvelle Zélande et il est aujourd'hui exposé au SouthWard Museum, non loin de Wellington.

En plus des répliques volantes, plusieurs autres "avions" furent construits, mais ceux-ci ne volèrent pas plus que leurs modèles originaux ! Ils ne prirent l'air que grâce aux effets spéciaux, suspendus à des grues. Le comte italien, avant d'obtenir son Vickers, essaie plusieurs modèles proposés par le même inventeur farfelu. Il s'envole au début du film avec un Philips Multiplane n° 3 muni d'une aile en forme de store vénitien, qui aurait effectué un saut, en 1904, un peu comme dans le film et avec le même sort fatal. Puis, il essaie une machine improbable, un Walton Edwards Rhomboidal, qui ne fit qu'un seule et malheureuse tentative de vol en juin 1911. Mais, le concurrent italien obtient plus de succès avec un biplan annulaire Lee Richards, une réplique construite par Denton Partners sur l'aérodrome de Woodley. D'abord donnée au Tattershall Museum, puis au Newark Air Museum, elle doit y être exposée de nouveau. Le comte italien essaie également un Passat Ornithopter qui était une machine construite par un Français vivant en Angleterre et qui fit, en 1908, un unique saut de près de 20 mètres avant de finir dans un arbre…Dans le film, on a l'impression que le battement des ailes est actionné à la force des bras, alors qu'il était assuré par un moteur de moto. Cette réplique, construite à White Waltham, fut donnée à Cole Palen, le fondateur du Old Rhinebeck Areodrome pour qu'il fasse la promotion du film aux USA.

Enfin, deux autres répliques non volantes ont été attribuées à deux concurrents. Le Picat Dubreuil, qui est obligé d'amerrir dans la Manche, était la réplique d'un avion français construit en 1910, disposant d'une aile souple à bord d'attaque rigide et d'un seul volant de commandes; il ne décolla jamais. L'autre est le Dixon Nipper n°1, un avion canard propulsé par un moteur V4 qui fit quelques vols en ligne droite en 1911, avant de s'écraser définitivement. Dans le film, il se retrouve en Ecosse, le pilote ayant sans doute monté l'hélice à l'envers…

A côté de ces répliques construites pour la circonstance, il y a de vrais avions anciens dans le film, mais il sont peu visibles. L'un est un monoplan Deperdussin A (c/n 43, G-AANH), vu en arrière plan, à "Brookley, avec son moteur en marche; il reste au sol bien qu'il puisse voler. L'autre est un Blackburn 1912, vu à "Brookley" et à Douvres, avec le numéro "6". On le voit très brièvement passer en vol, lors du départ de la course. Cet avion authentique, restauré en 1949, est le plus ancien avion anglais en état de vol. Il est conservé, comme le Deperdussin, à la Shuttelworth collection.

 

 Christian Santoir

*Film disponible sur amazon.fr

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