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VOL DE NUIT

 

 
VOL DE NUIT

Vo. Night Flight

 

 

Année : 1933
Pays ; Etats Unis
Durée : 1 h 24 min.
Genre: drame
Noir et blanc

Réalisateur: Clarence Brown
Scénario : Oliver H. P. Garrett
Histoire originale : le roman d’Antoine de Saint-Exupéry « Vol de nuit » (1931)

Principaux acteurs :
John Barrymore (Rivière), Helen Hayes (Madame Fabien), Clark Gable (Jules Fabien) Lionel Barrymore (Robineau), Robert Montgomery (Auguste Pellerin), Myrna Loy .(épouse d’un pilote), William Gargan (pilote), C. Henry Gordon (Daudet), Leslie Fenton (Jules, l’opérateur radio), Harry Beresford (Roblet Frank), Conroy (opérateur radio)

Musique : Herbert Stothart
Photo : Oliver T. Marsh
Prises de vue aériennes : Elmer Dyer, Charles A. Marshall

Producteur :  David O. Selznick
Compagnie productrice : MGM

Avions :

  • Curtiss Falcon Cargo
  • Douglas M-3 Mailplanes

 

Notre avis :

« Vol de nuit » est adapté du roman du même nom de l’écrivain aviateur Antoine de Saint Exupéry. Le livre était basé sur sa propre expérience quand il volait pour les lignes Latécoère en Amérique du sud. Le roman qui reçut le Prix Fémina en 1931 eut un succès immédiat et fut traduit en quinze langues. Il parut aux Etats-Unis en septembre 1932, avec une critique mitigée. La MGM en acquit les droits cinématographiques pour une bouchée de pain, les droits de St Ex semblant fort mal défendus aux USA.

En 1933, les films sur la première guerre mondiale, très populaires à l’écran, commençaient à influencer ceux traitant de l’aviation civile ; ces derniers avaient tendance à en imiter les scénarios et les personnages. « Vol de nuit » en est un bel exemple. Le chef d’exploitation, Rivière, auquel Didier Daurat servit de modèle, ressemble fort au chef d’escadrille de « La patrouille de l’aube » (1930) qui envoie jour après jour ses hommes affronter la mort parce que c’est tout simplement son devoir et que c’est uniquement ainsi que l’ennemi sera éventuellement balayé du ciel. Rivière commande ses hommes sachant que c’est uniquement par leurs efforts et leurs sacrifices que la ligne pourra être défrichée et rendue plus sûre pour ceux qui suivront. Les jeunes pilotes de Rivière sont aussi impatients de faire leur preuve face aux éléments déchaînés, que ceux de la génération précédente l’étaient de se mesurer aux mitrailleuses d’un Boelcke ou d’un von Richthofen. La ligne, comme une escadrille, doit fonctionner comme une équipe avec chaque homme jouant son rôle, tout en étant responsable de ses camarades. Ce n’est pas par hasard que Latécoère avait choisi le capitaine Daurat, successivement chef des escadrilles BR 231 et SPA 87. C’est cet accent mis sur le travail d’équipe, pour la première fois par « Vol de nuit », qui sera au centre de deux films d’Howard Hawks, «Brume» (1936) et « Seuls les anges ont des ailes » (1939).

Le héro de « Vol de nuit » n’est pas le pilote qui se bat avec les éléments dans son fragile aéronef, c’est Rivière, celui qui reste au sol enfermé dans son bureau, qui n‘agit pas, mais fait agir, pousse ses pilotes à l’exploit quotidien. Sa dureté apparente n’est pas insensibilité, et les sanctions qu‘il inflige visent les imperfections, et non l’homme. Il n’est pas sûr que ce genre de raisonnement ait été bien perçu aux Etats-Unis où Rivière passait auprès des critiques pour «une vielle culotte de peau » ! Le dévouement à la Ligne, la mystique du courrier n’y apparaissaient pas suffisants pour justifier aux yeux du public les sacrifices consentis (26 morts en trois ans). Aussi le scénariste se crut-il obligé d’ajouter une histoire de vol humanitaire où un sérum doit être transporté d’urgence entre Santiago du Chili et Rio de Janeiro, pour sauver un enfant. çà, tout le monde pouvait le comprendre...Le texte introductif ne parle d’ailleurs que du courage des pionniers, du progrès des techniques de vols, jamais du courrier.

L’histoire se déroule en vingt quatre heures comme une tragédie classique. A Rio de Janeiro, une épidémie fait des ravages parmi les enfants. Pour les vacciner, il faut un sérum qui n’est disponible qu’à Santiago du Chili. Il doit donc être transporté d’urgence par avion, via Buenos Aires. A Buenos Aires, les pilotes de la compagnie « Trans Andean European Air Mail » sont les premiers à faire des vols de nuit au dessus des Andes. Rivière le directeur, entretient une discipline quasi militaire chez ses pilotes. Ils sont à l’amende pour toute infraction aux règles, même s’ils sont en retard à cause du mauvais temps. Quand on le voit assis devant une énorme carte où des lumières indiquent la position des avions, on se rend compte de l’importance de sa tâche. Alors que l’avion de Santiago décolle, on attend l’avion de Fabien parti de la Patagonie. Sa femme l’attend également car c’est leur anniversaire de mariage. La météo se dégrade rapidement et Rivière commence à être inquiet. L’avion de Santiago atterrit, mais ne peut repartir tout de suite, car on attend toujours le courrier de Fabien. Celui ci se bat dans la tempête sans pouvoir se dérouter car le temps est bouché partout. En fait, il s’est perdu et les communications radios sont perturbées par l’orage. Quand il descend pour se repérer, sa fusée éclairante lui révèle qu’il est au dessus de l’eau ! Le vent l’a fortement fait dévier de sa route. A Buenos Aires, madame Fabien téléphone au terrain car elle sait que on mari est en retard ; Rivière ne peut lui dire que d’attendre. Quand le carburant est épuisé, Fabien et son équipier sautent en parachute, mais ils sont toujours au dessus de la mer…L’épouse de Fabien sait maintenant que son mari est mort, et dans le bureau de Rivière, elle l’accuse de risquer la vie de ses pilotes juste pour distribuer le courrier, un jour plus tôt que les autres compagnies. Rivière reste de marbre ; les deux ne peuvent se comprendre. Le courrier d’Europe doit partir sans plus attendre. Le sérum arrivera à Rio de Janeiro à temps, et l’enfant pourra être sauvé.

Saint Exupéry écrivit « Vol de nuit » quand Mermoz inaugura les premiers vols nocturnes en avril 1928, alors que ni les terrains, ni les avions, n’étaient encore suffisamment équipés. Cela permettait de concurrencer les trains et les bateaux, et de distancer les autres compagnies, en effectuant la liaison Rio-Buenos Aires en une seule journée. Ce genre de vol était considéré comme suicidaire par la concurrence, mais aussi par les autres pilotes de l’Aéropostale, et surtout, par leurs épouses. C’était le genre de Mermoz : ça passe ou ça casse ! Mais son exemple entraîna les autres. St Ex, conscient de ses qualités exceptionnelles, lui reprocha plus d’une fois sa témérité contagieuse. Le pilote qui se tue, Fabien, rappelle le sort tragique d’Elysée Négrin qui disparut avec Pranville dans les eaux du Rio de la Plata, en mai 1930.

Lors de ce film, Paul Mantz vécut une de ses plus dangereuses expériences. Avec son tout nouvel avion caméra, un Stearman C2-B (NR4099), il partit un jour avec Elmer DYER pour Denver afin de filmer les Rocheuses, qui remplacent les Andes dans le film. Après deux semaines d’attente, le temps s’améliora et ils purent commencer à filmer. Arrivés à 4000 mètres, ils furent victimes d’un terrible remous rabattant qui leur fit perdre plus de 800 mètres en quelques secondes. Quand la chute vertigineuse s’arrêta brusquement, le choc fut tel que les pieds d’Elmer DYER passèrent à travers le plancher de l’appareil et que la fixation de la camera céda, manquant de la faire basculer dans le vide. Le film fut aussi l’occasion de la plus longue chasse aux nuages de l’histoire du cinéma. Mantz et Dyer cherchaient une ligne de grains sombres pour la scène où Fabien et son équipier se parachutent au dessus de la couche. La corolle blanche de leurs parachutes devait faire tache sur un fond de nuages noirs. Mantz trouva ce qu’ils cherchaient près de Denver, mais il fallait monter à 7000 mètres sans oxygène. Les deux parachutistes White et Unger s’évanouirent et durent être hospitalisés ! Tout était à recommencer. Pendant deux mois, Mantz traqua les nuées orageuses dans le Texas, le Kansas, le Missouri, le Nouveau Mexique, l’Arizona et le Nevada, en vain ! De retour à Los Angeles, il finit par trouver les cumulus ad hoc au dessus de chez lui, à United Airport ! Les scènes d’aéroport furent tournées à l’aéroport de Culver City (Los Angeles), mais aussi à l’United Airport, comme on peut s’en rendre compte sur certaines images. Frank Clarke démontra à l’occasion du tournage toute sa virtuosité. Dans une séquence avec le Long Peak culminant à 4 900 mètres en arrière plan, on le voit faire décrocher un Curtiss Falcon, et ne le rétablir qu’au tout dernier moment.

Bien que le film n’arrive pas à se hisser au niveau du roman, « Vol de nuit » était un film supérieur à la majorité des films d’aviation de l’époque. Mais la presse d’Hollywood trouva que c’était «un bon divertissement » et que Clark Gable et Myrna Loy n’avaient pas reçu les rôles qu’ils méritaient. Mantz qui avait doublé Gable, se sentit aussi frustré, son nom ne figurant pas dans le générique.

 

Les avions du film :

La MGM loua les deux Douglas M-3 Mailplanes de Garland Lincoln. Cet avion, avec un grand F sur le gouvernail, est immatriculé F-AIUL qui fut le matricule d’un Laté 25.3.R (n° 706) de la CGA, mais il ne vola pas en Amérique latine.

Le courrier de Santiago est assuré par un Curtiss Falcon Cargo, équipé d’un moteur Liberty 12A, et portant le numéro 24 et le même matricule français.

Ces deux biplans monomoteurs étaient des « mailplanes », équipés pour le vol de nuit, et spécialisés dans le transport du courrier vers la fin des années trente aux USA.

 

 Christian Santoir

 *Film disponible sur amazon.fr

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