Vo. Doublecrossed
Année : 1991
Pays : Etats-Unis
Genre : action
Durée : 1 h 50 min.
Couleur
Réalisateur : Roger YOUNG
Scenario : Alex LASKER (story), Roger YOUNG
Acteurs principaux :
Dennis HOPPER (Barry Seal), Robert CARRADINE (Dave Booker),
Richard JENKINS (Donaldson), Adrienne BARBEAU (Debbie Seal), Don HOOD, G.W.
BAILEY (Camp)
Musique : Richard BELLIS
Photographie : Donald M. MORGAN
Producteur : Ronald TANET
Compagnie productrices : HBO films, Lorimar
Avions :
- Beech Baron 58P
- Beech D18S, N80482
- Cessna 402B, N402DD
- Cessna 310P, N8RT, en arrière-plan
- Cessna 310H, N1015Q
- Colemill Panther Navajo
- Fairchild C-123K Provider, N840LK
- Martin 4-0-4., en arrière-plan
- Piper PA-31-350 Navajo Chieftain
Ce téléfilm est une sorte de docu-fiction sur un personnage sulfureux, Adler Berriman Seal (1939 –1986), plus communément appelé Barry Seal. C'était un pilote, mais aussi un passeur et un trafiquant de drogue…Pilote à quinze ans, Seal avait débuté chez TWA, mais dès 1972, il avait eu des problèmes pour avoir transporté des explosifs pour les anticastristes, entraînés par la CIA. En 1978, il est impliqué dans un trafic de drogue entre les Etats-Unis et l'Amérique centrale, ce qui lui vaut sa place à TWA, alors qu'il était pilote de 747. En 1979, il est arrêté au Honduras, toujours pour trafic de drogue. En prison, il fait la connaissance d'Emile Camp, un pilote qui le présentera au clan Ochoa, dont le chef était à la tète du cartel de Medellin. C'est avec Camp que Seal transportera désormais la drogue vers la Louisiane, pour le cartel. En 1981, se sentant surveillé par le DEA (Drug Enforcement Agency), il change de base et en établit une nouvelle sur un petit aéroport discret, au milieu des Etats-Unis, à Mena, dans l'Arkansas, loin des états côtiers, trop surveillés. En 1984, il est de nouveau arrêté à Fort Lauderdale pour blanchiment d'argent et trafic de méthaqualone. Il passera alors un marché avec la DEA, en dénonçant ses commanditaires et en acceptant de témoigner contre eux. Puis à la demande de la CIA, il assure, avec un avion cargo militaire, une livraison de drogue au Nicaragua, à partir de Mena. Cet avion a été équipé de cameras, installées par la CIA, pour filmer à leur insu, les membres du cartel de Medellin, en train de charger la drogue. Mais un article du Wall Street Journal et du Washington Post, le dénonce comme un agent double contre le cartel. Cet article a été publié à l'instigation du lieutenant colonel Oliver North, du National Security Council pour prouver que les Sandinistes, d'obédience marxiste, financent leur lutte avec le trafic de drogue. La DEA fut horrifiée par cette révélation, car celle-ci mettait fin à la couverture de Seal, leur meilleur informateur, depuis longtemps. Barry Seal sera de nouveau convoqué devant le tribunal de Bâton rouge, le 20 décembre 1985, et condamné à six mois de probation. Une peine légère, bien que ni le DEA, ni la CIA, ne fussent allés témoigner en sa faveur. Relâché sans aucune protection, il fut, comme il fallait s'y attendre, tué par trois Colombiens, le 19 février 1986. Ce meurtre arrangeait beaucoup de monde, non seulement à Medellin, mais aussi à Washington, et on ne sait toujours pas pour qui travaillaient exactement les tueurs, les frères Ochoa ou Oliver North, le chef du National Security Council…
Le film commence en 1977 et se termine par un discours du président Reagan, en mars 1986, montrant, à la télévision, des photos prises par Seal et supposées impliquer les Sandinistes dans le trafic de drogue. En réalité, la NSC fournissait de l'aide aux Contras, opposés aux Sandinistes, grâce à l'argent de la vente d'armes à l'Iran, mais aussi de la drogue…En fait, le titre anglais du film est par trop simplificateur, au lieu de "Doublecrossed", on aurait pu l'appeler "Triplecrossed", voire même "Quadruplecrossed"…Toute l'histoire était un jeu trouble entre les trafiquants de drogue colombiens, les Contras, les Sandinistes, Barry Seal, la DEA, la CIA et le gouvernement américain de l'époque. Tout le monde trompait tout le monde.
Mais le principal intérêt du film pour nous, ce ne sont pas ces tripatouillages politiques nauséabonds, malheureusement fort répandus, mais le pilote Barry Seal, qui était à la tête d'une véritable compagnie aérienne constituée de pilotes et de nombreux appareils privés, appelés l'elephant herd (le troupeau d'éléphants), dans des conversations téléphoniques secrètes. Mais ils étaient parfois aussi employés pour mener des attaques ciblées, comme l'attaque de trois Cessna 404, sur Managua, le 9 septembre 1983, ce que le film ne montre pas. Tout ces avions étaient basés à Mena, dans un état dont le gouverneur était un certain Bill Clinton, qui ignorait tout du trafic intense, surtout nocturne, de ce petit aéroport, comme de bien entendu…
"Doublecrossed" bénéficie d'une bonne réalisation technique, les scènes aériennes ayant été supervisées et réalisées par les spécialistes, James W. Gavin et Steve Hinton. Ils s'attachèrent notamment à trouver les bons avions correspondant à l'histoire réelle, dont un qui avait été fourni à Barry Seal, par la CIA.
Les avions du film :
Au début du film, Seal survole le golfe du Mexique à basse altitude, louvoyant entre les plateformes pétrolières, avec un Piper PA-31-350 Navajo Chieftain. La drogue qu'il transporte est jetée à l'eau (plusieurs avions de Seal étaient effectivement équipés de portes s'ouvrant vers l'intérieur) et récupérée par un air boat, à hélice, qui se faufile ensuite dans les bayous, où l'attend un hélicoptère Bell 206 Jet Ranger, pour prendre en charge le colis.
Deux ans plus tard, au Honduras, Seal est arrêté alors qu'il vient d'atterrir à "Tegucigalpa" (plus vraisemblablement, au Southwest Florida International Airport), aux commandes d'un Cessna 310H (N1015Q, c/n 310H0015). Il n'est apparemment pas sur la fréquence tour, puisqu'il écoute de la musique, alors qu'il est en finale sur un aéroport international.
Plus tard, une fois libéré, à Bâton rouge, Seal est au club (fictif) "Crash point", situé non loin des pistes de l'aéroport local, où passe un North American Sabreliner.
On voit ensuite Seal venir prendre livraison de la drogue avec un Colemill Panther Navajo, un Piper PA-31-350 modifié, avec des winglets et des moteurs équipés d'hélice quadripales.
Seal joue au base-ball à coté d'un Boeing Stearman noir, non identifiable. Il se fait arrêter en 1983, sur l'aéroport de "Fort Lauderdale" (Pensacola ?), alors qu'il pilote un Beech Baron 58P. Après avoir été de nouveau libéré, il se rend à Washington DC, dans un North American Sabreliner, dont on ne voit que le cockpit. Seal avait en fait un Learjet 23 (N13SN), racheté à deux frères impliqués dans un trafic de drogue. Il sera récupéré par la CIA et inscrit au nom d'une société écran, sise aux îles Caïman…
Lors d'une autre livraison de drogue, il a un autre avion et pilote un Cessna 402B. C'est le "N402DD" (s/n 402B-1048), matricule que l'on s'empresse de camoufler. Ce Cessna appartenait, en novembre 1990, à José Maldonado de Guanaybo (Puerto Rico), qui pilota son avion pour le film, et fut aussi conseiller technique de l'équipe de tournage, à Puerto Rico. L'avion, anciennement immatriculé N98685, fut exporté vers le Venezuela, en 2009, et reimmatriculé YV2687. Il fit un atterrissage d'urgence en novembre 2012, sur l'aéroport Manuel Carlos Piar de Ciudad Guyana. Juste quand Seal arrive, on charge un Cessna 310P (N8RT, c/n 310P-0091, au nom d'une société de Puerto Rico), qui s'envole aussitôt.
Une autre livraison de drogue se fait avec un Beech D18S tout blanc. C'est un des rares avions dont l'immatriculation est bien visible : "N80482" (c/n A-314) et qui correspondait à la fausse immatriculation d'un des avions de Seal (un Piper Seneca). Cet avion est aujourd'hui rayé des registres. Construit en 1947, il fut d'abord acquis par la société International Paper Co. de Mobile, en 1948. En 1960, il fut modifié avec un kit Conrad 9000 (nouvelles trappes de train, nouveaux capots moteurs, échappements différents, nouvelles cloisons pare-feu,..) et reçut, en 1963, des bouts d'ailes allongés, comme un E18S. A partir de 1968, il fut vendu successivement à plusieurs sociétés (Texarkana Aircraft Associates, Public Leasing Corp, Joe Esco Tire Co., en 1971, Business Leasing Inc, en 1973, Jack L. Rhoades Aircraft Sales, Virgin Air, de St Thomas en 1976, Angelio Toledo, de Puerto Rico, en mars 1986, Carib Air Cargo de Santurce-Puerto Rico, en juillet 1986). Pour le tournage, il avait été acheté à Tol-Air Services, de San Juan-Puerto Rico, qui l'exploitait depuis avril 1988. L'avion est piloté dans le film, par Steve Hinton. Mais on ne sait pas s'il était à bord, lors de la cascade consistant à le faire passer sur le dos. Il ne s'agissait pas d'une maquette, mais de l'avion véritable…L'épave fut achetée par Jetlease Finance Corp. de Fort Lauderdale en janvier 1993. Cette scène reproduit l'accident qui arriva effectivement à Seal, le 28 mai 1984, en Colombie, quand on le força à décoller avec un chargement de drogue trop important, sur une piste boueuse. Mais son avion n'était pas un Beech 18, c'était un Lockheed L18 Lodestar, modifié en PacAero Learstar (immatriculé N513V, le 9 avril 1984), qui fut entièrement brûlé (mais pas la drogue) et son épave enterrée. Ce Lockheed est rayé des registres, mais il est toujours au nom d'Adler B. Seal de Bâton Rouge, sur le site de la FAA.
Mais l'avion le plus intéressant est vu vers la fin du film, quand les livraisons de drogue prennent de l'ampleur. Ainsi, Seal pilote un Fairchild C-123K Provider, immatriculé "N840LK". Ce matricule est faux (normal, vu la mission…). Construit en 1954 (c/n 20123) à Hagerstown (Maryland), il fut pris en charge par l'USAF avec le serial 54-0674. En mars 1981, il sera réformé et stocké. En 1983-1984, l'avion réapparait à Mena (AK) où il est entretenu par la société Rich Mountain Aviation, contrôlée par Seal et qui était chargée de modifier les avions, notamment en installant des réservoirs supplémentaires pour augmenter leur rayon d'action, et des portes plus grandes, pour faciliter le chargement, mais aussi de les repeindre ou de changer leurs matricules... Pendant deux ans, l'avion vola sans immatriculation, avec un camouflage style USAF. Ce n'est qu'en juillet 1986, que la compagnie charter Corporate Air Service, chargée des livraisons d'armes aux Contras nicaraguayens, plus connue sous le nom de "The enterprise", demanda une immatriculation. En octobre 1986, il reprendra du service après avoir reçu un nouveau camouflage, en opérant à partir de Miami pour des missions en Amérique centrale, avec le matricule "N674JK", qui était un matricule réservé pour la compagnie Air America de la CIA…Puis il fut immatriculé au Honduras (HR-ALK), au nom de la compagnie Trans Costa Rica, et basé à Tegucigalpa, pour effectuer des missions au bénéfice des Contras. Après que son homologue, le C-123 (N4410F/HPF821, s/n 54-0679) ait été abattu le 5 octobre 1986, au Nicaragua, et qu'un membre de l'équipage, qui avait survécu, ait tout avoué, Oliver North donna l'ordre de détruire tous les avions ayant servi aux livraisons de drogue et d'armes. Le C-123 devait être dirigé vers un petit terrain discret pour y être détruit et enterré. Mais dans la précipitation pour le faire quitter Tegucigalpa, un réacteur J-85 ayant démarré de façon inopinée, le pilote se serait alors trompé de commande et aurait éjecté les deux réservoirs largables, directement sur le tarmac, rendant l’avion indécollable ! Notons d'abord que les réacteurs ne sont allumés qu'une fois l'avion sur la piste et non au parking, ni pendant le roulage; les contacteurs d'éjection des réservoirs sont situées sur la console de plafond, juste en dessous des contacts des jets, et ce sont tous des interrupteurs à bascule, protégés par un couvercle rouge, et qui, donc, se ressemblent; selon une autre source, un moteur aurait pris feu... Quoiqu'il en soit, il fut alors saisi par l'armée hondurienne, et immobilisé jusqu'en 1989, date à laquelle les Américains le récupérèrent intact. Ramené à Fort Lauderdale et restauré, il vola en 1990, pour le National Parachute Test Centre, de Dunnelon (FL). En 1992, il sera vendu au Valiant Air Command Museum de Titusville (FL), celui de l'Air America Foundation. En 2002, sa restauration commença, et en novembre 2006, il fut enregistré au nom de la société immobilière Aviation Industrial Realty Corp., de Dunnellon (FL) et reimmatriculé "N38LF", mais portant toujours sur la dérive, le logo de l'AAF. Il resta à Titusville, sur le Space Coast Airport, où il était encore stationné en 2015, sa restauration n'étant pas achevée.
Le tournage a donc utilisé un véritable avion de la CIA, qui avait été piloté par Seal lui-même ! Pour les autres petits bimoteurs du film, la production s'est efforcée de se rapprocher le plus possible des avions de la flotte de Seal. Comme pour le C-123, les avions étaient achetés en double, ou en triple, pour mieux faire diversion; Seal eut ainsi deux Piper Navajo Panther, comme celui du film, (immatriculés N7409L et N62856), mais aussi deux Piper PA-34 Seneca (avec de faux matricules facilement interchangeables : N80482/N80492/N8049Z). Un autre PA-34, radié des registres, est toujours au nom de Adler B. Seal (N8658E), sur le site de la FAA, bien qu'il se soit crashé, en approche de Mena, le 20 février 1985, avec Camp aux commandes. Il avait également deux Beech B200 Super King Air (N6308F et N1860B). Ce ne sont là qu'une petite partie de sa flotte qui comprenait également des hélicoptères.
Quand Seal atterrit avec son C-123, il s'arrête devant quatre Martin 4-0-4. Ceux qu'on voit le mieux sont trois avions de PBA (Provincetown-Boston Airlines), compagnie qui venait de cesser ses activités en 1989. Derrière deux agents de la DEA, on distingue un autre Martin 4-0-4, de Marco Island Airways, une compagnie reprise par PBA, en 1985. En 1990/1991, ces avions étaient parqués sur l'aéroport municipal de Naples (…en Floride), où a été filmée la scène.
Vers la fin du film, quand Camp attend avec impatience Seal, on aperçoit sur le parking d'un petit aéroport (non identifiable) plusieurs avions de tourisme : un Aeronca 7AC (N82924, c/n 7AC1574 ) jaune et blanc (appartenant en 2015 à un Texan), un Luscombe 8 Silvaire et un Stinson 108 rouge dans un hangar.
Christian Santoir
*Film disponible sur amazon.com
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